Conseil d'État
N° 430674
ECLI:FR:CECHS:2021:430674.20210308
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du lundi 8 mars 2021
Vu la procédure suivante :
La société Afli a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. Par un jugement n° 1411248 du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt du 12 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement et rejeté la demande de la société Afli ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 13 mai et 13 août 2019 ainsi que les 5 et 28 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Afli demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- La Constitution, notamment son Préambule ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme B... A..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Afli ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Afli, antérieurement dénommée Dsd jusqu'au 1er janvier 2010, date à laquelle elle a absorbé sa filiale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2009, 2010 et 2011. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale lui a notifié des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés au titre respectivement des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. La société Afli se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 28 avril 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge à la suite de ce contrôle.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, en jugeant qu'il résultait de l'instruction qu'aucun des rehaussements mis à la charge de la société requérante, notamment ceux résultant de la remise en cause de son droit à la déduction des déficits antérieurs à son changement d'activité, n'était fondé sur des renseignements collectés par l'administration fiscale à l'occasion de la vérification de la comptabilité de sa filiale, et en en déduisant que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir d'une atteinte aux droits garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la cour a suffisamment motivé son arrêt.
3. En deuxième lieu, c'est par une appréciation souveraine des pièces du dossier qui lui avait été soumis, exempte de dénaturation, que la cour a estimé que l'existence d'une seconde vérification ne pouvait se déduire de la circonstance, insuffisamment établie par l'instruction et explicitement contestée par l'administration fiscale, selon laquelle le premier agent vérificateur étant intervenu aurait signifié oralement à la société Afli la fin des opérations de vérification à l'occasion de son départ.
4. En dernier lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter, dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire, certains documents détenus par l'entreprise présentant le caractère de pièces comptables se rattachant à la période vérifiée. En ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. Cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Cependant, un document établi postérieurement à la période vérifiée, à la demande du vérificateur et pour les seuls besoins du contrôle, ne peut être regardé comme une pièce comptable se rattachant à la période vérifiée dont l'emport, par le vérificateur, sans demande écrite du contribuable et sans remise d'un reçu, serait de nature à vicier la procédure de contrôle.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des observations de la société du 16 août 2013 et de la lettre du 12 novembre 2013 établie après notification de la réponse à ses observations, que les documents remis au vérificateur ont été rédigés par le comptable postérieurement à la période vérifiée à partir des données de l'entreprise et pour les seuls besoins du contrôle. En jugeant que ces documents ne pouvaient être regardés comme des pièces comptables dont l'emport irrégulier hors du siège de l'entreprise aurait été de nature à vicier la procédure de vérification, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits. La circonstance que ces documents emportés présentaient ou non un caractère original est par suite sans incidence.
Sur le bien-fondé des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés
6. Aux termes du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, pour la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ". Aux termes du 5 de l'article 221 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année de réalisation du déficit en litige : " Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. (...) " Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé d'une part, que la société Afli exerçait initialement, à titre exclusif, une activité de holding mixte puis, à partir du 1er janvier 2010, date d'effet de la transmission universelle du patrimoine de sa filiale, une activité de vente et de location de matériel industriel et que, d'autre part, il ne résultait pas de l'instruction qu'elle avait effectivement poursuivi, après l'absorption de sa filiale, même de façon minoritaire, l'exercice de sa précédente activité. En déduisant de ces constatations souveraines, exemptes de dénaturation, que l'activité de la société requérante avait changé au 1er janvier 2010, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Afli n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Afli est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Afli et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 430674
ECLI:FR:CECHS:2021:430674.20210308
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du lundi 8 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Afli a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. Par un jugement n° 1411248 du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt du 12 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement et rejeté la demande de la société Afli ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 13 mai et 13 août 2019 ainsi que les 5 et 28 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Afli demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- La Constitution, notamment son Préambule ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme B... A..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Afli ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Afli, antérieurement dénommée Dsd jusqu'au 1er janvier 2010, date à laquelle elle a absorbé sa filiale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2009, 2010 et 2011. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale lui a notifié des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés au titre respectivement des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. La société Afli se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 28 avril 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge à la suite de ce contrôle.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, en jugeant qu'il résultait de l'instruction qu'aucun des rehaussements mis à la charge de la société requérante, notamment ceux résultant de la remise en cause de son droit à la déduction des déficits antérieurs à son changement d'activité, n'était fondé sur des renseignements collectés par l'administration fiscale à l'occasion de la vérification de la comptabilité de sa filiale, et en en déduisant que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir d'une atteinte aux droits garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la cour a suffisamment motivé son arrêt.
3. En deuxième lieu, c'est par une appréciation souveraine des pièces du dossier qui lui avait été soumis, exempte de dénaturation, que la cour a estimé que l'existence d'une seconde vérification ne pouvait se déduire de la circonstance, insuffisamment établie par l'instruction et explicitement contestée par l'administration fiscale, selon laquelle le premier agent vérificateur étant intervenu aurait signifié oralement à la société Afli la fin des opérations de vérification à l'occasion de son départ.
4. En dernier lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter, dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire, certains documents détenus par l'entreprise présentant le caractère de pièces comptables se rattachant à la période vérifiée. En ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. Cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Cependant, un document établi postérieurement à la période vérifiée, à la demande du vérificateur et pour les seuls besoins du contrôle, ne peut être regardé comme une pièce comptable se rattachant à la période vérifiée dont l'emport, par le vérificateur, sans demande écrite du contribuable et sans remise d'un reçu, serait de nature à vicier la procédure de contrôle.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des observations de la société du 16 août 2013 et de la lettre du 12 novembre 2013 établie après notification de la réponse à ses observations, que les documents remis au vérificateur ont été rédigés par le comptable postérieurement à la période vérifiée à partir des données de l'entreprise et pour les seuls besoins du contrôle. En jugeant que ces documents ne pouvaient être regardés comme des pièces comptables dont l'emport irrégulier hors du siège de l'entreprise aurait été de nature à vicier la procédure de vérification, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits. La circonstance que ces documents emportés présentaient ou non un caractère original est par suite sans incidence.
Sur le bien-fondé des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés
6. Aux termes du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, pour la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ". Aux termes du 5 de l'article 221 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année de réalisation du déficit en litige : " Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. (...) " Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé d'une part, que la société Afli exerçait initialement, à titre exclusif, une activité de holding mixte puis, à partir du 1er janvier 2010, date d'effet de la transmission universelle du patrimoine de sa filiale, une activité de vente et de location de matériel industriel et que, d'autre part, il ne résultait pas de l'instruction qu'elle avait effectivement poursuivi, après l'absorption de sa filiale, même de façon minoritaire, l'exercice de sa précédente activité. En déduisant de ces constatations souveraines, exemptes de dénaturation, que l'activité de la société requérante avait changé au 1er janvier 2010, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Afli n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Afli est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Afli et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.