Conseil d'État
N° 429584
ECLI:FR:CECHR:2021:429584.20210128
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Eric Buge, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du jeudi 28 janvier 2021
Vu la procédure suivante :
Les sociétés à responsabilité limitée Matimo, Perspective Avenir et Juliette ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 juillet 2015 par laquelle le maire de La Croix Saint-Ouen a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section AD n° 129 et n° 130. Par un jugement n° 1502819 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 17DA02261 du 7 février 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel de la commune de La Croix Saint-Ouen, annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance des sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 10 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de La Croix Saint-Ouen ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Croix Saint-Ouen la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Matimo, de la société Perspective Avenir et de la société Juliette et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune la Croix Saint-Ouen ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 21 juillet 2015, le maire de La Croix Saint-Ouen a décidé de préempter les parcelles cadastrées section AD n° 129 et 130 sur le territoire de cette commune. Saisi par les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette, acquéreurs évincés, le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 3 octobre 2017, annulé cette décision pour excès de pouvoir. Les mêmes sociétés se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel de la commune, annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-23 du même code : " Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation ". L'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, (...) ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. ". Le premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code dispose que : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal a la possibilité de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, en conservant la faculté de mettre fin à tout moment à cette délégation, d'une part, l'exercice des droits de préemption dont la commune est titulaire ou délégataire, afin d'acquérir des biens au profit de celle-ci, et, d'autre part, le cas échéant aux conditions qu'il détermine, le pouvoir de déléguer l'exercice de ces droits à certaines personnes publiques ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement à l'occasion de l'aliénation d'un bien particulier, pour permettre au délégataire de l'acquérir à son profit.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 28 avril 2014, le conseil municipal de La Croix Saint-Ouen a notamment délégué au maire le pouvoir, pendant toute la durée de son mandat, " d'exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire ". La circonstance que cette délibération soit antérieure à la décision du 8 juillet 2015 par laquelle la commune de La Croix Saint-Ouen a reçu du président de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne délégation pour préempter les deux parcelles litigieuses est sans incidence sur la compétence que le maire de La Croix Saint-Ouen tenait de la délibération du 28 avril 2014, pour toute la durée de son mandat sauf à ce qu'il soit mis fin à cette délégation, pour exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en ne déduisant pas de cette circonstance que la décision de préemption était entachée d'incompétence.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...) ". Pour juger que la commune n'avait commis aucune illégalité en ne préemptant que les parcelles cadastrées section AD n° 129 et n° 130 visées par une même déclaration d'intention d'aliéner et écarter le moyen tiré de ce qu'elle aurait illégalement procédé à une préemption partielle en ne préemptant pas également la parcelle section AD n° 128, la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la parcelle cadastrée section AD n° 128, appartenant au même propriétaire que les deux autres parcelles, avait fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner distincte de celle portant sur ces deux autres parcelles, désignant un acquéreur différent, et qui n'indiquait pas que les trois parcelles auraient été englobées dans une même offre de vente. Ce faisant, la cour a porté sur les faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de préemption en litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
6. En estimant qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment de l'étude pour la redynamisation du centre-ville réalisée le 2 mai 2011, que le projet justifiant l'exercice du droit de préemption urbain consistait en la réalisation d'un cheminement piétonnier destiné à assurer une liaison entre la mairie et l'église, que la réalité de ce projet était établie et que l'opération en litige s'inscrivait dans le cadre du réaménagement du centre-ville, la cour a porté sur ces pièces, qu'elle n'a pas dénaturées, une appréciation souveraine. Elle n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que cette opération d'aménagement répondait à un intérêt général de nature à justifier l'exercice du droit de préemption et que la disproportion entre la surface nécessitée par le projet de liaison piétonne et la superficie du bien préempté n'était pas de nature à remettre en cause cet intérêt général eu égard, d'une part, à la circonstance qu'une préemption limitée à une partie seulement des parcelles sur lesquelles portait l'intention d'aliéner n'était pas légalement possible et, d'autre part, que le surplus du terrain était susceptible d'être utilisé pour des aménagements d'intérêt public.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de La Croix Saint-Ouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des sociétés requérantes une somme de 1 500 euros à verser à la commune au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi des sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette est rejeté.
Article 2 : Les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette verseront chacune à la commune de La Croix-Saint-Ouen une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Matimo, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes et à la commune de La Croix Saint-Ouen.
N° 429584
ECLI:FR:CECHR:2021:429584.20210128
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Eric Buge, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du jeudi 28 janvier 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Les sociétés à responsabilité limitée Matimo, Perspective Avenir et Juliette ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 juillet 2015 par laquelle le maire de La Croix Saint-Ouen a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section AD n° 129 et n° 130. Par un jugement n° 1502819 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 17DA02261 du 7 février 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel de la commune de La Croix Saint-Ouen, annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance des sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 10 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de La Croix Saint-Ouen ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Croix Saint-Ouen la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Matimo, de la société Perspective Avenir et de la société Juliette et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune la Croix Saint-Ouen ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 21 juillet 2015, le maire de La Croix Saint-Ouen a décidé de préempter les parcelles cadastrées section AD n° 129 et 130 sur le territoire de cette commune. Saisi par les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette, acquéreurs évincés, le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 3 octobre 2017, annulé cette décision pour excès de pouvoir. Les mêmes sociétés se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel de la commune, annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-23 du même code : " Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation ". L'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, (...) ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. ". Le premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code dispose que : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal a la possibilité de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, en conservant la faculté de mettre fin à tout moment à cette délégation, d'une part, l'exercice des droits de préemption dont la commune est titulaire ou délégataire, afin d'acquérir des biens au profit de celle-ci, et, d'autre part, le cas échéant aux conditions qu'il détermine, le pouvoir de déléguer l'exercice de ces droits à certaines personnes publiques ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement à l'occasion de l'aliénation d'un bien particulier, pour permettre au délégataire de l'acquérir à son profit.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 28 avril 2014, le conseil municipal de La Croix Saint-Ouen a notamment délégué au maire le pouvoir, pendant toute la durée de son mandat, " d'exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire ". La circonstance que cette délibération soit antérieure à la décision du 8 juillet 2015 par laquelle la commune de La Croix Saint-Ouen a reçu du président de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne délégation pour préempter les deux parcelles litigieuses est sans incidence sur la compétence que le maire de La Croix Saint-Ouen tenait de la délibération du 28 avril 2014, pour toute la durée de son mandat sauf à ce qu'il soit mis fin à cette délégation, pour exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en ne déduisant pas de cette circonstance que la décision de préemption était entachée d'incompétence.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...) ". Pour juger que la commune n'avait commis aucune illégalité en ne préemptant que les parcelles cadastrées section AD n° 129 et n° 130 visées par une même déclaration d'intention d'aliéner et écarter le moyen tiré de ce qu'elle aurait illégalement procédé à une préemption partielle en ne préemptant pas également la parcelle section AD n° 128, la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la parcelle cadastrée section AD n° 128, appartenant au même propriétaire que les deux autres parcelles, avait fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner distincte de celle portant sur ces deux autres parcelles, désignant un acquéreur différent, et qui n'indiquait pas que les trois parcelles auraient été englobées dans une même offre de vente. Ce faisant, la cour a porté sur les faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de préemption en litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
6. En estimant qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment de l'étude pour la redynamisation du centre-ville réalisée le 2 mai 2011, que le projet justifiant l'exercice du droit de préemption urbain consistait en la réalisation d'un cheminement piétonnier destiné à assurer une liaison entre la mairie et l'église, que la réalité de ce projet était établie et que l'opération en litige s'inscrivait dans le cadre du réaménagement du centre-ville, la cour a porté sur ces pièces, qu'elle n'a pas dénaturées, une appréciation souveraine. Elle n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que cette opération d'aménagement répondait à un intérêt général de nature à justifier l'exercice du droit de préemption et que la disproportion entre la surface nécessitée par le projet de liaison piétonne et la superficie du bien préempté n'était pas de nature à remettre en cause cet intérêt général eu égard, d'une part, à la circonstance qu'une préemption limitée à une partie seulement des parcelles sur lesquelles portait l'intention d'aliéner n'était pas légalement possible et, d'autre part, que le surplus du terrain était susceptible d'être utilisé pour des aménagements d'intérêt public.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de La Croix Saint-Ouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des sociétés requérantes une somme de 1 500 euros à verser à la commune au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette est rejeté.
Article 2 : Les sociétés Matimo, Perspective Avenir et Juliette verseront chacune à la commune de La Croix-Saint-Ouen une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Matimo, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes et à la commune de La Croix Saint-Ouen.