Conseil d'État
N° 439372
ECLI:FR:CECHR:2020:439372.20201019
Publié au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du lundi 19 octobre 2020
Vu la procédure suivante :
La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouméa, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner aux autorités pénitentiaires et judiciaires de prendre toutes les mesures qu'il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa et notamment :
1°) de mettre fin sans délai à l'hébergement des personnes détenues dans des " containers maritimes " de façon définitive et inconditionnelle ;
2°) de mettre fin sans délai à l'hébergement de personnes détenues sur des matelas posés à même le sol et de mettre fin à la sur-occupation des cellules de façon définitive et inconditionnelle ;
3°) d'allouer aux services judiciaires et pénitentiaires de Nouméa, les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant le développement du prononcé d'aménagements de peine et de mesures alternatives à l'incarcération au bénéfice des personnes prévenues et condamnées afin de lutter efficacement et durablement contre la sur-occupation du centre pénitentiaire de Nouméa au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ce qui implique notamment :
- d'affecter ou de réaffecter des postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation à Nouméa dont la mission prioritaire sera de favoriser le développement de ces mesures ;
- de réquisitionner tout bâtiment public situé à proximité de Nouméa qui serait susceptible d'être transformé à brève échéance en centre de semi-liberté et d'allouer les moyens financiers et humains nécessaires à une telle transformation ;
- de développer grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et, à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats permettant l'accueil de personnes condamnées à des peines de travaux d'intérêt généraux, d'incarcération assorties de sursis avec mise à l'épreuve, de probation et d'aménagements de peine ;
4°) d'engager dans les meilleurs délais les travaux de nettoyage et de rénovation des cellules de la maison d'arrêt et, à défaut d'interdire l'utilisation de " containers maritimes " en guise de cellules, d'interdire l'utilisation des cellules " containers maritimes " du quartier centre de détention afin de mettre fin aux graves carences relevées en matière d'hygiène, de salubrité et de manque d'intimité et plus précisément de faire procéder :
- aux travaux de réfection des cellules dégradées comprenant notamment un nettoyage des murs et de nouvelles peintures et un aménagement intérieur adéquat ;
- aux travaux de cloisonnement des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules afin de garantir le droit à l'intimité des personnes détenues ;
- aux travaux de mise aux normes en termes d'aération et ventilation, d'isolation, d'électricité, d'eau et de luminosité de l'ensemble des cellules afin de remédier notamment aux problèmes de manque de luminosité, de ventilation et de température ;
- aux travaux de mise aux normes des installations électriques afin de remédier immédiatement à leur dangerosité ;
- au remplacement des fenêtres défectueuses et des vitres manquantes ;
- au lavage des draps de lit a minima tous les 15 jours et au ramassage quotidien des poubelles ;
- aux travaux d'installation et de rénovation du système d'interphonie dans l'ensemble des quartiers de détention ;
- à l'adoption de mesures effectives et rapides permettant la mise à disposition (vente/location) des détenus d'un ventilateur et d'un réfrigérateur par cellule ;
- à l'installation d'un service de buanderie ou au recours à un prestataire extérieur fournissant ledit service, afin de permettre à l'ensemble des personnes détenues de disposer de linge personnel propre ;
- à la dotation dans chaque cellule de mobilier permettant le rangement des effets personnels des personnes détenues ;
- à la dotation dans chaque cellule d'une poubelle ainsi que du matériel permettant aux personnes détenues de laver leur linge personnel ;
5°) de procéder à la fermeture du quartier des mineurs ou à défaut d'engager une rénovation et mise aux normes intégrales dudit quartier pour mettre fin à l'indignité des conditions dans lesquelles sont accueillis les mineurs détenus ;
6°) de procéder à la fermeture du quartier disciplinaire ou à défaut d'engager une rénovation et mise aux normes intégrales des locaux ;
7°) de procéder à la fermeture des cours de promenades installées dans des " containers maritimes " et d'organiser un accès aux cours promenades respectueux de la dignité humaine ;
8°) de procéder à l'aménagement, à l'entretien et à la mise aux normes de l'ensemble des cours promenades et plus précisément :
- à l'équipement des cours de promenades des quartiers mineur, maison d'arrêt et centre de détention de points d'eau et WC, d'un abri, de bancs et d'installations permettant l'exercice physique ;
- à la suppression du cloisonnement par des parois en métal des cours de promenade du centre de détention afin d'offrir une perspective visuelle aux personnes détenues et lutter contre la chaleur des cours durant la période d'été ;
- aux travaux de rénovation du système de traitement des eaux usées afin de remédier aux remontées d'égout qui conduisent en période de pluies au dépôt de détritus et excréments sur le sol des cours de promenade du quartier centre de détention ;
- aux aménagements nécessaires pour remédier à l'exiguïté des cours de promenades ;
- aux aménagements ou aux mesures d'organisation du service permettant aux personnes détenues du quartier " ouvert " du centre de détention d'avoir un accès libre aux cours de promenades ;
9°) de procéder à la fermeture ou la rénovation des cours de promenades insalubres utilisées comme salle d'attente pour les personnes détenues avant leur comparution devant la commission de discipline ;
10°) d'équiper les salles d'attente de l'établissement de bancs et d'un point d'eau et prendre les mesures d'organisation du service permettant de réduire la durée moyenne d'attente dans ces locaux ;
11°) de procéder à la restructuration complète de la cuisine afin de garantir sa mise aux normes sur le plan sanitaire ainsi que sur le plan de la sécurité-incendie et du raccordement au réseau de gaz ;
12°) de procéder au renforcement des moyens matériels et humain de l'équipe médicale et notamment au recrutement d'un addictologue ;
13°) de prendre immédiatement des mesures décisives pour diminuer drastiquement la nuisance produite par les moustiques dans l'établissement à savoir :
- équiper l'ensemble des cellules et locaux collectifs de produits répulsifs ;
- mettre à disposition des personnes détenues des produits de parapharmacie adaptés ;
14°) de prendre toute mesure pour améliorer les conditions d'accueil des parloirs visiteurs et notamment remédier à l'exiguïté des locaux et au manque d'intimité ;
15°) de garantir un accès effectif de toutes les personnes détenues aux téléphones mis à leur disposition en cours promenades ;
16°) de respecter les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule la nuit ne peut excéder douze heures ;
17°) d'allouer aux services pénitentiaires de Nouméa les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant de remédier aux dysfonctionnements de l'établissement relatifs au manque d'activités proposées aux personnes qui y sont incarcérées au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ce qui implique notamment :
- de prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, à l'intérieur comme à l'extérieur des quartiers : formation, études, sport, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus ;
- à cette fin, de développer, au besoin grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats avec des entreprises privées, des collectivités locales ou des associations susceptibles de permettre un développement des activités de formation, de travail ou de loisir au sein du centre pénitentiaire de Nouméa ;
- d'adopter des procédures transparentes en matière d'accès à l'emploi, en termes notamment de publication des offres ;
- de prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque dont l'accès dépend à ce jour des horaires d'ouverture du terrain de sport ;
- d'allouer les moyens financiers, humains et matériels nécessaires au développement d'activités de formation, culturelles, éducatives et de sport de tous les quartiers de détention ;
- d'allouer les moyens financiers à la création, à la rénovation, à l'insonorisation et à l'équipement de salle de classes, salles polyvalentes, ateliers de travail et salle de formation professionnelle.
Par une ordonnance n° 2000048 du 19 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a enjoint à l'administration pénitentiaire :
- de faire cesser les différents manquements à l'hygiène dans les quartiers de centre détention pour hommes notamment dans les cellules " containers maritimes " ;
- de mettre à même les détenus qui n'ont accès ni à un lave-linge, ni à un service de buanderie de pouvoir laver leur linge en leur fournissant le matériel nécessaire à cet effet ou en s'assurant qu'ils en sont dotés ;
- de s'assurer de la mise aux normes des installations électriques notamment dans les cellules " containers maritimes ", de procéder de manière diligente au remplacement les ventilateurs cassés ou défectueux compte tenu des températures élevées supportées par les détenus et d'apporter le cas échéant par des mesures transitoires dans l'attente de solutions pérennes, une solution aux remontées d'égout qui déposent dans les cours promenades des excréments et détritus, de prendre toutes mesures utiles et nécessaires à prévenir les remontées d'égouts ;
- de faire cesser les différents manquements à l'hygiène dans la maison d'arrêt en procédant si cela est nécessaire au nettoyage des locaux le cas échéant en recourant à un prestataire, de fournir aux détenus placés en cellules " containers maritimes" qui n'ont pas accès à une machine à laver le matériel nécessaire à ce qu'ils puissent effectuer la lessive de leur effets personnels et de s'assurer dans un bref délai de la mise aux normes des installations électriques au sein de la maison d'arrêt ;
- de prendre des mesures mêmes transitoires pour l'aménagement des salles d'attente insalubres, de réduire les délais d'attente dans ces salles et de garantir l'accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition sur les cours promenades ;
- de prendre des mesures mêmes transitoires afin que les conditions minimales d'intimité puissent être offertes dans les parloirs aux détenus qui reçoivent leur famille ;
- de remédier dans les meilleurs délais à l'insalubrité des points d'eau et sanitaires du quartier des mineurs ;
- de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'un médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa ;
- de prendre toutes mesures de nature à faire cesser la prolifération des moustiques en dotant notamment les fenêtres des salles d'enseignement et des cellules infestées de moustiquaires et en distribuant aux détenus des produits répulsifs, et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.
1°) Sous le numéro 439372, par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 6 mars, 6 octobre et 9 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'une médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa ;
2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par la Section française de l'Observatoire international des prisons devant le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans l'ensemble de ses prétentions.
2° Sous le numéro 439444, par une requête, et deux mémoires en réplique, enregistrés les 10 mars, 5 octobre et 7 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la même ordonnance en tant qu'elle n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions ;
2°) de faire droit à l'intégralité de ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du garde des sceaux, ministre de la justice, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Section française de l'observatoire international des prisons et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Section Française de L'observatoire international des prisons ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2020, présentée par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Considérant ce qui suit :
1. Les recours enregistrées sous les n°s 439372 et 439444 sont dirigés contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
3. La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il ordonne diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa. Par une ordonnance du 19 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a partiellement fait droit à sa demande. Sous le n° 439372, le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de cette ordonnance en ce qu'elle a enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'un médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa. Sous le n° 439444, la SFOIP en relève appel en tant qu'elle n'a que partiellement fait droit à ses demandes.
Sur le cadre juridique du litige :
4. Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ".
5. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en oeuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
7. Par ailleurs, s'il n'appartient pas au juge des référés de prononcer, de son propre mouvement, des mesures destinées à assurer l'exécution de celles qu'il a déjà ordonnées, il peut, d'office, en vertu de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, assortir les injonctions qu'il prescrit d'une astreinte. Il incombe dans tous les cas aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.
Sur la requête n° 439444 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par le garde des sceaux, ministre de la justice tirée de l'irrecevabilité de la requête présentée par la SFOIP :
8. Aux termes de l'article L. 523-1 du code de justice administrative: " Les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans les quinze jours de leur notification ". Il résulte des dispositions des articles R. 751-3 et R. 751-4 du code de justice administrative que les décisions doivent être adressées à toutes les parties en cause, à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sauf lorsqu'elles sont inscrites dans l'application " télérecours ". Il ressort des pièces du dossier que la SFOIP n'était pas inscrite dans cette application. Si l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 19 février 2020 lui a été adressée le 20 février par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, cet avis ne figure pas au dossier. Par suite, le délai de recours de l'association requérante ne peut être regardé comme ayant commencé à courir en l'absence de date établie de notification de cette ordonnance. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, sa requête, enregistrée le 10 mars 2020, est recevable, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'ordonnance attaquée ait été notifiée à son mandataire dès le 20 février.
En ce qui ce qui concerne les moyens invoqués par la SFOIP tirés de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aurait méconnu son office :
9. La SFOIP relève que la Cour européenne des droits de l'homme, par un arrêt du 30 janvier 2020, J.M.B. et autres contre France (9671/15), a jugé que pour qu'un système de protection des droits des détenus garantis par l'article 3 de la convention soit effectif, il était nécessaire que ceux-ci disposent d'un recours préventif " de nature à empêcher la continuation de la violation alléguée ou de permettre une amélioration des conditions matérielles de détention " et que le référé-liberté ne pouvait être regardé comme satisfaisant à cette exigence, au motif que le pouvoir d'injonction conféré au juge avait une portée limitée, ne lui permettant pas d'exiger la réalisation de travaux d'une ampleur suffisante pour mettre fin aux conséquences de la surpopulation carcérale, ni de prendre des mesures de réorganisation du service public de la justice, que le juge faisait dépendre son office du niveau des moyens de l'administration et des actes qu'elle avait déjà engagés, et que le dispositif ne garantissait pas suffisamment l'effectivité des décisions prises. Elle relève également que la Cour, sur le fondement de l'article 46 de la convention, a recommandé à la France d'envisager l'adoption de mesures générales, et, à ce titre, que soit " établi un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes et d'empêcher la continuation d'une violation alléguée ". La SFOIP en déduit que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a méconnu son office en se fondant, pour refuser de prononcer certaines des injonctions qui lui étaient demandées, sur la circonstance qu'elles portaient sur des mesures d'ordre structurel reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d'être mises en oeuvre à très bref délai, qu'il devait prendre en compte les moyens dont disposait l'administration pénitentiaire et les mesures déjà prises, et enfin qu'il ne lui appartenait pas de s'assurer de l'exécution effective des mesures prononcées à l'encontre de l'administration.
10. Il résulte des stipulations de l'article 46 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la complète exécution d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant un Etat partie à la convention implique, en principe, que cet Etat prenne toutes les mesures qu'appellent, d'une part, la réparation des conséquences que la violation de la convention a entraînées pour le requérant et, d'autre part, la disparition de la source de cette violation. Eu égard à la nature essentiellement déclaratoire des arrêts de la Cour, il appartient à l'Etat condamné de déterminer les moyens de s'acquitter de l'obligation qui lui incombe ainsi.
11. Les limitations de l'office du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rappelées aux points 6 et 7, découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en urgence. Au demeurant, il résulte des termes mêmes de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme que sa saisine a permis la mise en oeuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, mais que la cessation de conditions de détention contraires aux exigences de l'article 3 de la convention est subordonnée à l'adoption de mesures structurelles à même de répondre à la vétusté et à la surpopulation du parc carcéral français. En outre, s'il n'appartient qu'au législateur de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour s'agissant de l'absence de voie de recours préventive pour mettre fin aux conditions indignes de détention résultant de carences structurelles, il découle des obligations qui pèsent sur l'administration, précisées au point 5, qu'en parallèle de la procédure prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui permet d'ores et déjà de remédier aux atteintes les plus graves aux libertés fondamentales des personnes détenues, le juge de l'excès de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet effet, enjoindre à l'administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l'espèce. Enfin, comme indiqué au point 7, les requérants peuvent obtenir l'exécution des décisions prises par le juge administratif dans les conditions définies par le livre IX du code de justice administrative, et en particulier par les articles L. 911-4 et L. 911-5.
12. Par ailleurs, par un arrêt en date du 8 juillet 2020, n° 20-81.739, la Cour de cassation a jugé que " le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention ", qu'" en tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant ", qu'il en résulte que, " lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité " et qu'" après que ces vérifications ont été effectuées, dans le cas où la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ".
13. Enfin, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, a jugé " qu'il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu'aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne. Il appartient, en outre, aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne placée en détention provisoire et d'ordonner la réparation des préjudices subis. Enfin, il incombe au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu'il y soit mis fin ". Il en a déduit que le second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale, relatif aux conditions et modalités de libération immédiate de la personne placée en détention provisoire, était contraire à la Constitution, dès lors qu'il ne prévoit aucun recours devant le juge judiciaire permettant au justiciable d'obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire, et a reporté au 1er mars 2021 l'abrogation de ces dispositions. Il appartient au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité.
14. Il résulte de ce qui précède que la SFOIP n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aurait méconnu, par le seul exercice de son office, les exigences découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en écartant certaines de ses demandes au motif, premièrement, qu'elles portaient sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre à très bref délai et qu'elles n'étaient pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, deuxièmement, que les mesures qu'il prononce doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et, troisièmement, qu'il n'appartient pas au juge du référé-liberté de s'assurer, au stade de sa décision, que l'administration procédera à l'exécution des mesures prononcées à son encontre.
En ce qui concerne les autres moyens de la requête :
Quant aux mesures structurelles demandées :
15. En premier lieu, pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la SFOIP demande qu'il soit enjoint au ministre de la justice :
- de mettre fin à l'hébergement de personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa dans des conteneurs et à la sur-occupation des cellules de façon définitive et inconditionnelle ;
- d'allouer aux services judiciaires et pénitentiaires de Nouméa, les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant le développement du prononcé d'aménagements de peine et de mesures alternatives à l'incarcération au bénéfice des personnes prévenues et condamnées afin de lutter efficacement et durablement contre la sur-occupation du centre pénitentiaire au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ;
- d'affecter des postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation à Nouméa dont la mission prioritaire serait de favoriser le développement de ces mesures ;
- de réquisitionner tout bâtiment public situé à proximité de Nouméa qui serait susceptible d'être transformé à brève échéance en centre de semi-liberté et d'allouer les moyens financiers et humains nécessaires à une telle transformation ;
- de développer, grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats permettant l'accueil de personnes condamnées à des peines de travaux d'intérêt généraux, d'incarcération assorties de sursis avec mise à l'épreuve, de probation et d'aménagement des peines ;
- de procéder à la fermeture du quartier des mineurs ou à défaut d'engager une rénovation et une mise aux normes intégrales dudit quartier pour mettre fin à l'indignité des conditions dans lesquelles sont accueillis les mineurs détenus ;
- de procéder à la fermeture du quartier disciplinaire ou à défaut engager une rénovation et mise aux normes intégrales des locaux ;
- de procéder aux aménagements nécessaires pour remédier à l'exiguïté des cours de promenades ;
- de procéder aux aménagements ou à ce que des mesures d'organisation du service soient prises permettant aux personnes détenues du quartier " ouvert " du centre de détention d'avoir un accès libre aux cours de promenades ;
- de procéder à la fermeture ou la rénovation des cours de promenades insalubres utilisées comme salle d'attente pour les personnes détenues ayant leur comparution devant la commission de discipline ;
- d'allouer aux services pénitentiaires de Nouméa les moyens financiers, humains et matériels et de prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant de remédier aux dysfonctionnements de l'établissement relatifs au manque d'activités proposées aux personnes qui y sont incarcérées au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ;
- de respecter les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures ;
- de prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, à l'intérieur comme à l'extérieur des quartiers : formation, études, sport, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus ;
- d'allouer les moyens financiers à la création, à la rénovation à l'insonorisation et à l'équipement de salle de classes, salles polyvalentes, ateliers de travail et salles de formation professionnelle ;
- de procéder à la fermeture temporaire du quartier ouvert du centre de rétention et au lavage des draps de lit a minima tous les 15 jours ;
- d'adopter des procédures transparentes en matières d'accès à l'emploi en termes notamment de publication des offres et de procédures de déclassement ;
- de prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque dont l'accès dépend à ce jour des horaires d'ouverture du terrain de sport ;
16. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point précédent, qui portent sur des mesures d'ordre structurel, et au surplus sur des choix de politique publique, insusceptibles d'être mis en oeuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il s'ensuit que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions tendant à leur prononcé au motif qu'elles ne relevaient pas du champ d'application de cet article.
17. En second lieu, la SFOIP demande également qu'il soit procédé à la restructuration de la cuisine du centre pénitentiaire afin de garantir sa mise aux normes sur le plan sanitaire ainsi que sur le plan de la sécurité-incendie et du raccordement au réseau de gaz. Il ressort des recommandations en urgence de décembre 2019 de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté que seule une restructuration complète de la cuisine serait à même d'assurer une pleine conformité aux normes en vigueur. Il s'ensuit que l'injonction sollicitée porte sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre, et, dès lors, de porter effet à très bref délai et n'est pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. La SFOIP n'est donc pas fondée à se plaindre que c'est à tort que le premier juge n'y a pas fait droit.
Quant aux cours de promenade :
18. La contrôleure générale relevait dans ses recommandations en urgence de décembre 2019 que certaines cours de promenade du centre pénitentiaire ne possédaient pas de banc, ni d'installation permettant l'exercice physique, ni point d'eau, que leur sol n'était qu'en partie bitumé et que des remontées d'égout étaient observées en saison des pluies. Il résulte toutefois de l'instruction que l'installation de la plupart de ces équipements est rendue difficile, voire impossible, par l'exiguïté de ces cours, relevée par la contrôleure générale. Il s'ensuit que l'injonction sollicitée tendant à l'équipement complet de ces cours, de même que celle tendant à la suppression du cloisonnement par des parois en métal des cours de promenade du centre de détention, portent sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre, et, dès lors, de porter effet à très bref délai et ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans les cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
19. Il ressort néanmoins des mêmes recommandations en urgence que certaines cours de promenade du centre pénitentiaire ne sont pas équipées d'abris permettant de se protéger du soleil et des intempéries. Eu égard aux conditions générales de détention au centre pénitentiaire de Nouméa, notamment dans les cellules, l'absence d'abris dans certaines cours de promenade est de nature à caractériser une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'implantation de tels équipements est susceptible d'être mise en oeuvre à très bref délai. Il s'ensuit que la SFOIP est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s'est fondé, pour écarter sa demande tendant à l'installation d'abris dans les cours de promenade qui en sont dépourvues, sur la nature structurelle des mesures demandées, et qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de prendre une telle mesure.
20. Il ressort enfin de l'instruction que les cours de promenade du quartier disciplinaire et d'isolement sont situées dans des conteneurs et offrent aux détenus un espace particulièrement réduit, une faible luminosité et une aération très largement insuffisante. Par ailleurs, les cours de promenade du quartier fermé du centre de détention et du quartier des mineurs ne sont pas équipées de toilettes. Compte tenu des conditions générales de détention au sein du centre pénitentiaire de Nouméa, ces carences sont susceptibles de caractériser une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
21. Toutefois, les mesures que peut prononcer le juge des référés du Conseil d'Etat statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente. Pour qu'il puisse procéder à cette appréciation, il est nécessaire, compte tenu de l'état de l'instruction, qu'il dispose d'informations complémentaires s'agissant, d'une part, des contraintes physiques et organisationnelles justifiant que les cours de promenade du quartier disciplinaire et d'isolement soient aménagées dans des conteneurs, de la durée moyenne d'occupation de ces cours et de la faisabilité de solutions alternatives, même provisoires, permettant de proposer aux détenus placés à l'isolement un accès à des cours de promenade dans des conditions pleinement respectueuses des exigences découlant de l'article 3 de la convention, et, d'autre part, des contraintes physiques et sécuritaires mises en avant par l'administration pour justifier l'absence de toilettes dans certaines cours de promenade, ainsi que de la durée moyenne passée par les détenus dans ces cours. Dès lors, il y a lieu, dans ces conditions et dans la perspective d'une décision ultérieure prise à brève échéance susceptible de déterminer les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent être très rapidement mises en oeuvre, de surseoir à statuer sur les conclusions relatives à la fermeture des cours de promenade situées dans des conteneurs et à l'installation de toilettes dans l'ensemble des cours de promenade et de demander à l'administration de produire, dans un délai de dix jours, tous éléments complémentaires à même d'éclairer le juge des référés du Conseil d'Etat sur ces questions.
Quant aux conditions de détention en cellule :
22. En premier lieu, la SFOIP demande qu'il soit mis fin sans délai à l'hébergement de personnes détenues sur des matelas posés à même le sol. Il ressort des pièces du dossier que la densité carcérale est de 107 % au sein du centre pénitentiaire de Nouméa. Au sein du centre de détention fermé, les cellules de 9 m² et celles de 11 m² peuvent être occupées par deux personnes tandis qu'au sein de la maison d'arrêt, certaines cellules de 11 m² sont occupées par trois personnes, avec la pose de deux ou trois matelas au sol. Les conditions de détention dans les cellules pour lesquelles un espace individuel d'au moins 3 m² au moins est garanti aux personnes détenues ne peuvent pas être regardées comme contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour ce seul motif. En outre et en tout état de cause, les mesures que peut ordonner le juge des référés doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a, dans ce cadre, déjà prises. Or, l'administration pénitentiaire ne dispose d'aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire. Une maison d'arrêt est ainsi tenue d'accueillir, quel que soit l'espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge, après avoir caractérisé la situation d'urgence, s'est borné à enjoindre à l'administration pénitentiaire de prendre, dans les meilleurs délais, tous les mesures qui apparaitraient de nature à améliorer, dans l'attente d'une solution pérenne, les conditions matérielles d'installation des détenus.
23. En deuxième lieu, l'association requérante demande que des travaux de cloisonnement de l'espace sanitaire des cellules de la maison d'arrêt soient entrepris. Lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l'intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu'à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales. Il résulte de l'instruction qu'une telle séparation n'est pas systématiquement assurée par l'administration, laquelle se contente de distribuer des rideaux aux détenus. Il y a donc lieu de prononcer une injonction tendant à ce que l'administration assure, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace.
24. En troisième lieu, l'association requérante demande qu'il soit prescrit à l'administration de faire procéder à des travaux de mise aux normes en termes d'aération et de luminosité des cellules et soutient que les ouvertures sont trop petites et ne permettent pas une aération suffisante et une bonne diffusion de la lumière. Il ressort de l'instruction que les fenêtres dans les cellules sont d'une taille suffisante de 90x110 cm, mais que le déficit de luminosité provient avant tout d'une puissance insuffisante des ampoules électriques. En outre, les fenêtres défectueuses ne font pas l'objet d'un remplacement systématique. Il appartient à l'administration, eu égard aux conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa et dans l'attente d'une solution pérenne, de prendre toutes les mesures utiles de nature à améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante. La SFOIP est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a écarté sa demande au motif que le déficit de luminosité et le non-remplacement des fenêtres défectueuses ne portaient pas atteinte aux droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
25. En quatrième lieu, l'association requérante reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau, ses demandes présentées devant le premier juge tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de remplacer les vitres manquantes dans les cellules, de doter chaque cellule de détenu de mobilier de rangement et d'une poubelle de procéder au ramassage quotidien des poubelles et aux travaux d'installation et de rénovation du système d'interphone dans l'ensemble des quartiers de détention. Il convient d'écarter ces demandes par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
26. En dernier lieu, il ressort des écritures du ministre qu'à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, l'administration pénitentiaire a mis en place un plan d'actions dans lequel s'inscrivent des projets de travaux et d'équipement de l'établissement tendant à la réfection de la peinture, de la plomberie et de l'électricité de l'ensemble des cellules de l'établissement, à l'installation de réfrigérateurs pour chacune des cellules, à l'achat d'un stock de ventilateurs destiné au remplacement des appareils défectueux, à l'installation d'un lave-linge et d'un sèche-linge dans chaque quartier ; à la restructuration du revêtement des cours de promenades ; à la réfection des réseaux d'assainissement et de distribution d'eau ; à l'installation de bancs et à des travaux de peinture dans les salles d'attente ; à la réfection de la salle des parloirs ; à l'installation de points d'eau et d'urinoirs sur les terrains de sport des personnes détenues mineures. Un plan d'action pour lutter contre la prolifération des moustiques a également été mis en oeuvre. Il s'ensuit que les demandes d'injonction portant sur l'adoption de ces mesures par l'administration ne peuvent qu'être écartées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne à l'administration d'informer la requérante sur le suivi des mesures ordonnées :
27. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans leurs domaines de compétences respectifs, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. En pareil cas, il appartient au juge de l'exécution de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l'espèce. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte. En revanche, il ne relève pas de l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il a prononcé des injonctions à l'égard de l'administration, de mettre également à sa charge une obligation d'information de la partie requérante. Il s'ensuit que les conclusions susvisées doivent, en tout état de cause, être rejetées.
28. Il résulte de tout ce qui précède, la situation d'urgence étant caractérisée, qu'il y a lieu, en plus des injonctions prononcées par le premier juge, d'enjoindre à l'administration, en premier lieu, de procéder à l'installation d'abris dans les cours de promenades qui en sont dépourvues, en deuxième lieu, d'assurer la séparation complète des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules où sont détenues plus d'une personne et, en dernier lieu, de prendre toute mesure susceptible d'améliorer les conditions matérielles d'installation des détenus, notamment en ce qui concerne la luminosité des cellules et le remplacement des fenêtres défectueuses. Il y a lieu en outre, s'agissant des demandes d'injonction portant sur le recours à des conteneurs en guise de cours de promenade et sur l'installation de toilettes dans l'ensemble des cours de promenade, de surseoir à statuer et de demander à l'administration de produire, dans un délai de dix jours, tous éléments utiles susceptibles d'éclairer le juge des référés du Conseil d'Etat sur ces questions.
Sur la requête n° 439372 :
29. Le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que la prise en charge sanitaire des détenus relève non pas de la compétence de l'Etat mais de celle de la Nouvelle-Calédonie.
30. L'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que : " I.- L'Etat est compétent dans les matières suivantes : (...) 2° Justice (...) frais de justice pénale (...) service public pénitentiaire ", tandis qu'aux termes de l'article 22 de la même loi : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) 4° Protection sociale, hygiène publique et santé (...) 24° Etablissements hospitaliers ".
31. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'administration pénitentiaire est tenue de garantir les droits fondamentaux des personnes détenues et que l'accès aux soins de ces derniers, s'il répond également à un objectif de santé publique, doit avant tout être regardé comme se rattachant au service public pénitentiaire. S'il n'appartient pas à l'Etat d'organiser lui-même le recrutement de professionnels de santé affectés au centre pénitentiaire de Nouméa, et s'il ne relève pas de l'office du juge des référés statuant en urgence sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative d'enjoindre à une personne publique de recruter des agents, il appartient à l'administration pénitentiaire d'accomplir toutes diligences en vue de faciliter l'accès aux soins des personnes détenues et de mettre en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose pour assurer à celles qui en ont besoin la qualité et la continuité des soins garanties par l'article 46 de la loi pénitentiaire. Il s'ensuit que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a pas prononcé d'injonction à l'encontre d'une autorité incompétente en ordonnant à l'administration pénitentiaire de prendre, dans les plus brefs délais, les mesures nécessaires pour qu'un médecin addictologue assure le suivi des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa. Le ministre n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que son ordonnance serait entachée d'erreur de droit pour ce motif.
32. Il résulte ce qui précède que l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice doit être rejeté.
33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la Section française de l'Observatoire international des prisons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, présenté sous le n° 439372 est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint à l'administration pénitentiaire, dans les plus brefs délais :
- de procéder à l'installation d'abris dans les cours de promenades du centre pénitentiaire qui en sont dépourvues ;
- d'assurer la séparation des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules où sont détenues plus d'une personne ;
- de prendre toute mesure susceptible d'améliorer la luminosité des cellules ;
- de procéder au remplacement des fenêtres défectueuses.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la fermeture des salles de promenades situées dans des conteneurs et d'installer des toilettes dans l'ensemble des cours de promenade, jusqu'à ce qu'une nouvelle décision du juge des référés du Conseil d'Etat intervienne.
Article 4 : L'administration est invitée à produire, dans un délai de dix jours, tous éléments d'informations utiles relatifs aux questions mentionnées aux points 20 et 21 des motifs du présent jugement.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la Section française de l'Observatoire international des prisons sous le numéro 439444 est rejeté.
Article 6 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 19 février 2020 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 7 : L'Etat versera à la Section française de l'Observatoire international des prisons la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Section française de l'Observatoire international des prisons.
N° 439372
ECLI:FR:CECHR:2020:439372.20201019
Publié au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du lundi 19 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouméa, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner aux autorités pénitentiaires et judiciaires de prendre toutes les mesures qu'il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa et notamment :
1°) de mettre fin sans délai à l'hébergement des personnes détenues dans des " containers maritimes " de façon définitive et inconditionnelle ;
2°) de mettre fin sans délai à l'hébergement de personnes détenues sur des matelas posés à même le sol et de mettre fin à la sur-occupation des cellules de façon définitive et inconditionnelle ;
3°) d'allouer aux services judiciaires et pénitentiaires de Nouméa, les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant le développement du prononcé d'aménagements de peine et de mesures alternatives à l'incarcération au bénéfice des personnes prévenues et condamnées afin de lutter efficacement et durablement contre la sur-occupation du centre pénitentiaire de Nouméa au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ce qui implique notamment :
- d'affecter ou de réaffecter des postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation à Nouméa dont la mission prioritaire sera de favoriser le développement de ces mesures ;
- de réquisitionner tout bâtiment public situé à proximité de Nouméa qui serait susceptible d'être transformé à brève échéance en centre de semi-liberté et d'allouer les moyens financiers et humains nécessaires à une telle transformation ;
- de développer grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et, à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats permettant l'accueil de personnes condamnées à des peines de travaux d'intérêt généraux, d'incarcération assorties de sursis avec mise à l'épreuve, de probation et d'aménagements de peine ;
4°) d'engager dans les meilleurs délais les travaux de nettoyage et de rénovation des cellules de la maison d'arrêt et, à défaut d'interdire l'utilisation de " containers maritimes " en guise de cellules, d'interdire l'utilisation des cellules " containers maritimes " du quartier centre de détention afin de mettre fin aux graves carences relevées en matière d'hygiène, de salubrité et de manque d'intimité et plus précisément de faire procéder :
- aux travaux de réfection des cellules dégradées comprenant notamment un nettoyage des murs et de nouvelles peintures et un aménagement intérieur adéquat ;
- aux travaux de cloisonnement des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules afin de garantir le droit à l'intimité des personnes détenues ;
- aux travaux de mise aux normes en termes d'aération et ventilation, d'isolation, d'électricité, d'eau et de luminosité de l'ensemble des cellules afin de remédier notamment aux problèmes de manque de luminosité, de ventilation et de température ;
- aux travaux de mise aux normes des installations électriques afin de remédier immédiatement à leur dangerosité ;
- au remplacement des fenêtres défectueuses et des vitres manquantes ;
- au lavage des draps de lit a minima tous les 15 jours et au ramassage quotidien des poubelles ;
- aux travaux d'installation et de rénovation du système d'interphonie dans l'ensemble des quartiers de détention ;
- à l'adoption de mesures effectives et rapides permettant la mise à disposition (vente/location) des détenus d'un ventilateur et d'un réfrigérateur par cellule ;
- à l'installation d'un service de buanderie ou au recours à un prestataire extérieur fournissant ledit service, afin de permettre à l'ensemble des personnes détenues de disposer de linge personnel propre ;
- à la dotation dans chaque cellule de mobilier permettant le rangement des effets personnels des personnes détenues ;
- à la dotation dans chaque cellule d'une poubelle ainsi que du matériel permettant aux personnes détenues de laver leur linge personnel ;
5°) de procéder à la fermeture du quartier des mineurs ou à défaut d'engager une rénovation et mise aux normes intégrales dudit quartier pour mettre fin à l'indignité des conditions dans lesquelles sont accueillis les mineurs détenus ;
6°) de procéder à la fermeture du quartier disciplinaire ou à défaut d'engager une rénovation et mise aux normes intégrales des locaux ;
7°) de procéder à la fermeture des cours de promenades installées dans des " containers maritimes " et d'organiser un accès aux cours promenades respectueux de la dignité humaine ;
8°) de procéder à l'aménagement, à l'entretien et à la mise aux normes de l'ensemble des cours promenades et plus précisément :
- à l'équipement des cours de promenades des quartiers mineur, maison d'arrêt et centre de détention de points d'eau et WC, d'un abri, de bancs et d'installations permettant l'exercice physique ;
- à la suppression du cloisonnement par des parois en métal des cours de promenade du centre de détention afin d'offrir une perspective visuelle aux personnes détenues et lutter contre la chaleur des cours durant la période d'été ;
- aux travaux de rénovation du système de traitement des eaux usées afin de remédier aux remontées d'égout qui conduisent en période de pluies au dépôt de détritus et excréments sur le sol des cours de promenade du quartier centre de détention ;
- aux aménagements nécessaires pour remédier à l'exiguïté des cours de promenades ;
- aux aménagements ou aux mesures d'organisation du service permettant aux personnes détenues du quartier " ouvert " du centre de détention d'avoir un accès libre aux cours de promenades ;
9°) de procéder à la fermeture ou la rénovation des cours de promenades insalubres utilisées comme salle d'attente pour les personnes détenues avant leur comparution devant la commission de discipline ;
10°) d'équiper les salles d'attente de l'établissement de bancs et d'un point d'eau et prendre les mesures d'organisation du service permettant de réduire la durée moyenne d'attente dans ces locaux ;
11°) de procéder à la restructuration complète de la cuisine afin de garantir sa mise aux normes sur le plan sanitaire ainsi que sur le plan de la sécurité-incendie et du raccordement au réseau de gaz ;
12°) de procéder au renforcement des moyens matériels et humain de l'équipe médicale et notamment au recrutement d'un addictologue ;
13°) de prendre immédiatement des mesures décisives pour diminuer drastiquement la nuisance produite par les moustiques dans l'établissement à savoir :
- équiper l'ensemble des cellules et locaux collectifs de produits répulsifs ;
- mettre à disposition des personnes détenues des produits de parapharmacie adaptés ;
14°) de prendre toute mesure pour améliorer les conditions d'accueil des parloirs visiteurs et notamment remédier à l'exiguïté des locaux et au manque d'intimité ;
15°) de garantir un accès effectif de toutes les personnes détenues aux téléphones mis à leur disposition en cours promenades ;
16°) de respecter les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule la nuit ne peut excéder douze heures ;
17°) d'allouer aux services pénitentiaires de Nouméa les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant de remédier aux dysfonctionnements de l'établissement relatifs au manque d'activités proposées aux personnes qui y sont incarcérées au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ce qui implique notamment :
- de prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, à l'intérieur comme à l'extérieur des quartiers : formation, études, sport, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus ;
- à cette fin, de développer, au besoin grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats avec des entreprises privées, des collectivités locales ou des associations susceptibles de permettre un développement des activités de formation, de travail ou de loisir au sein du centre pénitentiaire de Nouméa ;
- d'adopter des procédures transparentes en matière d'accès à l'emploi, en termes notamment de publication des offres ;
- de prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque dont l'accès dépend à ce jour des horaires d'ouverture du terrain de sport ;
- d'allouer les moyens financiers, humains et matériels nécessaires au développement d'activités de formation, culturelles, éducatives et de sport de tous les quartiers de détention ;
- d'allouer les moyens financiers à la création, à la rénovation, à l'insonorisation et à l'équipement de salle de classes, salles polyvalentes, ateliers de travail et salle de formation professionnelle.
Par une ordonnance n° 2000048 du 19 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a enjoint à l'administration pénitentiaire :
- de faire cesser les différents manquements à l'hygiène dans les quartiers de centre détention pour hommes notamment dans les cellules " containers maritimes " ;
- de mettre à même les détenus qui n'ont accès ni à un lave-linge, ni à un service de buanderie de pouvoir laver leur linge en leur fournissant le matériel nécessaire à cet effet ou en s'assurant qu'ils en sont dotés ;
- de s'assurer de la mise aux normes des installations électriques notamment dans les cellules " containers maritimes ", de procéder de manière diligente au remplacement les ventilateurs cassés ou défectueux compte tenu des températures élevées supportées par les détenus et d'apporter le cas échéant par des mesures transitoires dans l'attente de solutions pérennes, une solution aux remontées d'égout qui déposent dans les cours promenades des excréments et détritus, de prendre toutes mesures utiles et nécessaires à prévenir les remontées d'égouts ;
- de faire cesser les différents manquements à l'hygiène dans la maison d'arrêt en procédant si cela est nécessaire au nettoyage des locaux le cas échéant en recourant à un prestataire, de fournir aux détenus placés en cellules " containers maritimes" qui n'ont pas accès à une machine à laver le matériel nécessaire à ce qu'ils puissent effectuer la lessive de leur effets personnels et de s'assurer dans un bref délai de la mise aux normes des installations électriques au sein de la maison d'arrêt ;
- de prendre des mesures mêmes transitoires pour l'aménagement des salles d'attente insalubres, de réduire les délais d'attente dans ces salles et de garantir l'accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition sur les cours promenades ;
- de prendre des mesures mêmes transitoires afin que les conditions minimales d'intimité puissent être offertes dans les parloirs aux détenus qui reçoivent leur famille ;
- de remédier dans les meilleurs délais à l'insalubrité des points d'eau et sanitaires du quartier des mineurs ;
- de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'un médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa ;
- de prendre toutes mesures de nature à faire cesser la prolifération des moustiques en dotant notamment les fenêtres des salles d'enseignement et des cellules infestées de moustiquaires et en distribuant aux détenus des produits répulsifs, et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.
1°) Sous le numéro 439372, par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 6 mars, 6 octobre et 9 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'une médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa ;
2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par la Section française de l'Observatoire international des prisons devant le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans l'ensemble de ses prétentions.
2° Sous le numéro 439444, par une requête, et deux mémoires en réplique, enregistrés les 10 mars, 5 octobre et 7 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la même ordonnance en tant qu'elle n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions ;
2°) de faire droit à l'intégralité de ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du garde des sceaux, ministre de la justice, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Section française de l'observatoire international des prisons et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Section Française de L'observatoire international des prisons ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2020, présentée par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Considérant ce qui suit :
1. Les recours enregistrées sous les n°s 439372 et 439444 sont dirigés contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
3. La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il ordonne diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa. Par une ordonnance du 19 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a partiellement fait droit à sa demande. Sous le n° 439372, le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de cette ordonnance en ce qu'elle a enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre les mesures nécessaires au recrutement et à la rémunération d'un médecin addictologue au centre pénitentiaire de Nouméa. Sous le n° 439444, la SFOIP en relève appel en tant qu'elle n'a que partiellement fait droit à ses demandes.
Sur le cadre juridique du litige :
4. Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ".
5. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en oeuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
7. Par ailleurs, s'il n'appartient pas au juge des référés de prononcer, de son propre mouvement, des mesures destinées à assurer l'exécution de celles qu'il a déjà ordonnées, il peut, d'office, en vertu de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, assortir les injonctions qu'il prescrit d'une astreinte. Il incombe dans tous les cas aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.
Sur la requête n° 439444 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par le garde des sceaux, ministre de la justice tirée de l'irrecevabilité de la requête présentée par la SFOIP :
8. Aux termes de l'article L. 523-1 du code de justice administrative: " Les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans les quinze jours de leur notification ". Il résulte des dispositions des articles R. 751-3 et R. 751-4 du code de justice administrative que les décisions doivent être adressées à toutes les parties en cause, à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sauf lorsqu'elles sont inscrites dans l'application " télérecours ". Il ressort des pièces du dossier que la SFOIP n'était pas inscrite dans cette application. Si l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 19 février 2020 lui a été adressée le 20 février par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, cet avis ne figure pas au dossier. Par suite, le délai de recours de l'association requérante ne peut être regardé comme ayant commencé à courir en l'absence de date établie de notification de cette ordonnance. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, sa requête, enregistrée le 10 mars 2020, est recevable, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'ordonnance attaquée ait été notifiée à son mandataire dès le 20 février.
En ce qui ce qui concerne les moyens invoqués par la SFOIP tirés de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aurait méconnu son office :
9. La SFOIP relève que la Cour européenne des droits de l'homme, par un arrêt du 30 janvier 2020, J.M.B. et autres contre France (9671/15), a jugé que pour qu'un système de protection des droits des détenus garantis par l'article 3 de la convention soit effectif, il était nécessaire que ceux-ci disposent d'un recours préventif " de nature à empêcher la continuation de la violation alléguée ou de permettre une amélioration des conditions matérielles de détention " et que le référé-liberté ne pouvait être regardé comme satisfaisant à cette exigence, au motif que le pouvoir d'injonction conféré au juge avait une portée limitée, ne lui permettant pas d'exiger la réalisation de travaux d'une ampleur suffisante pour mettre fin aux conséquences de la surpopulation carcérale, ni de prendre des mesures de réorganisation du service public de la justice, que le juge faisait dépendre son office du niveau des moyens de l'administration et des actes qu'elle avait déjà engagés, et que le dispositif ne garantissait pas suffisamment l'effectivité des décisions prises. Elle relève également que la Cour, sur le fondement de l'article 46 de la convention, a recommandé à la France d'envisager l'adoption de mesures générales, et, à ce titre, que soit " établi un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes et d'empêcher la continuation d'une violation alléguée ". La SFOIP en déduit que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a méconnu son office en se fondant, pour refuser de prononcer certaines des injonctions qui lui étaient demandées, sur la circonstance qu'elles portaient sur des mesures d'ordre structurel reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d'être mises en oeuvre à très bref délai, qu'il devait prendre en compte les moyens dont disposait l'administration pénitentiaire et les mesures déjà prises, et enfin qu'il ne lui appartenait pas de s'assurer de l'exécution effective des mesures prononcées à l'encontre de l'administration.
10. Il résulte des stipulations de l'article 46 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la complète exécution d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant un Etat partie à la convention implique, en principe, que cet Etat prenne toutes les mesures qu'appellent, d'une part, la réparation des conséquences que la violation de la convention a entraînées pour le requérant et, d'autre part, la disparition de la source de cette violation. Eu égard à la nature essentiellement déclaratoire des arrêts de la Cour, il appartient à l'Etat condamné de déterminer les moyens de s'acquitter de l'obligation qui lui incombe ainsi.
11. Les limitations de l'office du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rappelées aux points 6 et 7, découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en urgence. Au demeurant, il résulte des termes mêmes de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme que sa saisine a permis la mise en oeuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, mais que la cessation de conditions de détention contraires aux exigences de l'article 3 de la convention est subordonnée à l'adoption de mesures structurelles à même de répondre à la vétusté et à la surpopulation du parc carcéral français. En outre, s'il n'appartient qu'au législateur de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour s'agissant de l'absence de voie de recours préventive pour mettre fin aux conditions indignes de détention résultant de carences structurelles, il découle des obligations qui pèsent sur l'administration, précisées au point 5, qu'en parallèle de la procédure prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui permet d'ores et déjà de remédier aux atteintes les plus graves aux libertés fondamentales des personnes détenues, le juge de l'excès de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet effet, enjoindre à l'administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l'espèce. Enfin, comme indiqué au point 7, les requérants peuvent obtenir l'exécution des décisions prises par le juge administratif dans les conditions définies par le livre IX du code de justice administrative, et en particulier par les articles L. 911-4 et L. 911-5.
12. Par ailleurs, par un arrêt en date du 8 juillet 2020, n° 20-81.739, la Cour de cassation a jugé que " le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention ", qu'" en tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant ", qu'il en résulte que, " lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité " et qu'" après que ces vérifications ont été effectuées, dans le cas où la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ".
13. Enfin, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, a jugé " qu'il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu'aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne. Il appartient, en outre, aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne placée en détention provisoire et d'ordonner la réparation des préjudices subis. Enfin, il incombe au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu'il y soit mis fin ". Il en a déduit que le second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale, relatif aux conditions et modalités de libération immédiate de la personne placée en détention provisoire, était contraire à la Constitution, dès lors qu'il ne prévoit aucun recours devant le juge judiciaire permettant au justiciable d'obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire, et a reporté au 1er mars 2021 l'abrogation de ces dispositions. Il appartient au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité.
14. Il résulte de ce qui précède que la SFOIP n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aurait méconnu, par le seul exercice de son office, les exigences découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en écartant certaines de ses demandes au motif, premièrement, qu'elles portaient sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre à très bref délai et qu'elles n'étaient pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, deuxièmement, que les mesures qu'il prononce doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et, troisièmement, qu'il n'appartient pas au juge du référé-liberté de s'assurer, au stade de sa décision, que l'administration procédera à l'exécution des mesures prononcées à son encontre.
En ce qui concerne les autres moyens de la requête :
Quant aux mesures structurelles demandées :
15. En premier lieu, pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la SFOIP demande qu'il soit enjoint au ministre de la justice :
- de mettre fin à l'hébergement de personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa dans des conteneurs et à la sur-occupation des cellules de façon définitive et inconditionnelle ;
- d'allouer aux services judiciaires et pénitentiaires de Nouméa, les moyens financiers, humains et matériels et prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant le développement du prononcé d'aménagements de peine et de mesures alternatives à l'incarcération au bénéfice des personnes prévenues et condamnées afin de lutter efficacement et durablement contre la sur-occupation du centre pénitentiaire au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ;
- d'affecter des postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation à Nouméa dont la mission prioritaire serait de favoriser le développement de ces mesures ;
- de réquisitionner tout bâtiment public situé à proximité de Nouméa qui serait susceptible d'être transformé à brève échéance en centre de semi-liberté et d'allouer les moyens financiers et humains nécessaires à une telle transformation ;
- de développer, grâce à la mise en place de mécanismes d'incitation et à l'octroi de moyens financiers, matériels et humains, les partenariats permettant l'accueil de personnes condamnées à des peines de travaux d'intérêt généraux, d'incarcération assorties de sursis avec mise à l'épreuve, de probation et d'aménagement des peines ;
- de procéder à la fermeture du quartier des mineurs ou à défaut d'engager une rénovation et une mise aux normes intégrales dudit quartier pour mettre fin à l'indignité des conditions dans lesquelles sont accueillis les mineurs détenus ;
- de procéder à la fermeture du quartier disciplinaire ou à défaut engager une rénovation et mise aux normes intégrales des locaux ;
- de procéder aux aménagements nécessaires pour remédier à l'exiguïté des cours de promenades ;
- de procéder aux aménagements ou à ce que des mesures d'organisation du service soient prises permettant aux personnes détenues du quartier " ouvert " du centre de détention d'avoir un accès libre aux cours de promenades ;
- de procéder à la fermeture ou la rénovation des cours de promenades insalubres utilisées comme salle d'attente pour les personnes détenues ayant leur comparution devant la commission de discipline ;
- d'allouer aux services pénitentiaires de Nouméa les moyens financiers, humains et matériels et de prendre toutes mesures de réorganisation des services permettant de remédier aux dysfonctionnements de l'établissement relatifs au manque d'activités proposées aux personnes qui y sont incarcérées au besoin après l'établissement d'un plan présentant des objectifs chiffrés et datés relatifs au développement de ces mesures ;
- de respecter les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures ;
- de prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, à l'intérieur comme à l'extérieur des quartiers : formation, études, sport, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus ;
- d'allouer les moyens financiers à la création, à la rénovation à l'insonorisation et à l'équipement de salle de classes, salles polyvalentes, ateliers de travail et salles de formation professionnelle ;
- de procéder à la fermeture temporaire du quartier ouvert du centre de rétention et au lavage des draps de lit a minima tous les 15 jours ;
- d'adopter des procédures transparentes en matières d'accès à l'emploi en termes notamment de publication des offres et de procédures de déclassement ;
- de prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque dont l'accès dépend à ce jour des horaires d'ouverture du terrain de sport ;
16. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point précédent, qui portent sur des mesures d'ordre structurel, et au surplus sur des choix de politique publique, insusceptibles d'être mis en oeuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il s'ensuit que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions tendant à leur prononcé au motif qu'elles ne relevaient pas du champ d'application de cet article.
17. En second lieu, la SFOIP demande également qu'il soit procédé à la restructuration de la cuisine du centre pénitentiaire afin de garantir sa mise aux normes sur le plan sanitaire ainsi que sur le plan de la sécurité-incendie et du raccordement au réseau de gaz. Il ressort des recommandations en urgence de décembre 2019 de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté que seule une restructuration complète de la cuisine serait à même d'assurer une pleine conformité aux normes en vigueur. Il s'ensuit que l'injonction sollicitée porte sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre, et, dès lors, de porter effet à très bref délai et n'est pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. La SFOIP n'est donc pas fondée à se plaindre que c'est à tort que le premier juge n'y a pas fait droit.
Quant aux cours de promenade :
18. La contrôleure générale relevait dans ses recommandations en urgence de décembre 2019 que certaines cours de promenade du centre pénitentiaire ne possédaient pas de banc, ni d'installation permettant l'exercice physique, ni point d'eau, que leur sol n'était qu'en partie bitumé et que des remontées d'égout étaient observées en saison des pluies. Il résulte toutefois de l'instruction que l'installation de la plupart de ces équipements est rendue difficile, voire impossible, par l'exiguïté de ces cours, relevée par la contrôleure générale. Il s'ensuit que l'injonction sollicitée tendant à l'équipement complet de ces cours, de même que celle tendant à la suppression du cloisonnement par des parois en métal des cours de promenade du centre de détention, portent sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en oeuvre, et, dès lors, de porter effet à très bref délai et ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans les cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
19. Il ressort néanmoins des mêmes recommandations en urgence que certaines cours de promenade du centre pénitentiaire ne sont pas équipées d'abris permettant de se protéger du soleil et des intempéries. Eu égard aux conditions générales de détention au centre pénitentiaire de Nouméa, notamment dans les cellules, l'absence d'abris dans certaines cours de promenade est de nature à caractériser une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'implantation de tels équipements est susceptible d'être mise en oeuvre à très bref délai. Il s'ensuit que la SFOIP est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s'est fondé, pour écarter sa demande tendant à l'installation d'abris dans les cours de promenade qui en sont dépourvues, sur la nature structurelle des mesures demandées, et qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de prendre une telle mesure.
20. Il ressort enfin de l'instruction que les cours de promenade du quartier disciplinaire et d'isolement sont situées dans des conteneurs et offrent aux détenus un espace particulièrement réduit, une faible luminosité et une aération très largement insuffisante. Par ailleurs, les cours de promenade du quartier fermé du centre de détention et du quartier des mineurs ne sont pas équipées de toilettes. Compte tenu des conditions générales de détention au sein du centre pénitentiaire de Nouméa, ces carences sont susceptibles de caractériser une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
21. Toutefois, les mesures que peut prononcer le juge des référés du Conseil d'Etat statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente. Pour qu'il puisse procéder à cette appréciation, il est nécessaire, compte tenu de l'état de l'instruction, qu'il dispose d'informations complémentaires s'agissant, d'une part, des contraintes physiques et organisationnelles justifiant que les cours de promenade du quartier disciplinaire et d'isolement soient aménagées dans des conteneurs, de la durée moyenne d'occupation de ces cours et de la faisabilité de solutions alternatives, même provisoires, permettant de proposer aux détenus placés à l'isolement un accès à des cours de promenade dans des conditions pleinement respectueuses des exigences découlant de l'article 3 de la convention, et, d'autre part, des contraintes physiques et sécuritaires mises en avant par l'administration pour justifier l'absence de toilettes dans certaines cours de promenade, ainsi que de la durée moyenne passée par les détenus dans ces cours. Dès lors, il y a lieu, dans ces conditions et dans la perspective d'une décision ultérieure prise à brève échéance susceptible de déterminer les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent être très rapidement mises en oeuvre, de surseoir à statuer sur les conclusions relatives à la fermeture des cours de promenade situées dans des conteneurs et à l'installation de toilettes dans l'ensemble des cours de promenade et de demander à l'administration de produire, dans un délai de dix jours, tous éléments complémentaires à même d'éclairer le juge des référés du Conseil d'Etat sur ces questions.
Quant aux conditions de détention en cellule :
22. En premier lieu, la SFOIP demande qu'il soit mis fin sans délai à l'hébergement de personnes détenues sur des matelas posés à même le sol. Il ressort des pièces du dossier que la densité carcérale est de 107 % au sein du centre pénitentiaire de Nouméa. Au sein du centre de détention fermé, les cellules de 9 m² et celles de 11 m² peuvent être occupées par deux personnes tandis qu'au sein de la maison d'arrêt, certaines cellules de 11 m² sont occupées par trois personnes, avec la pose de deux ou trois matelas au sol. Les conditions de détention dans les cellules pour lesquelles un espace individuel d'au moins 3 m² au moins est garanti aux personnes détenues ne peuvent pas être regardées comme contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour ce seul motif. En outre et en tout état de cause, les mesures que peut ordonner le juge des référés doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a, dans ce cadre, déjà prises. Or, l'administration pénitentiaire ne dispose d'aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire. Une maison d'arrêt est ainsi tenue d'accueillir, quel que soit l'espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge, après avoir caractérisé la situation d'urgence, s'est borné à enjoindre à l'administration pénitentiaire de prendre, dans les meilleurs délais, tous les mesures qui apparaitraient de nature à améliorer, dans l'attente d'une solution pérenne, les conditions matérielles d'installation des détenus.
23. En deuxième lieu, l'association requérante demande que des travaux de cloisonnement de l'espace sanitaire des cellules de la maison d'arrêt soient entrepris. Lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l'intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu'à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales. Il résulte de l'instruction qu'une telle séparation n'est pas systématiquement assurée par l'administration, laquelle se contente de distribuer des rideaux aux détenus. Il y a donc lieu de prononcer une injonction tendant à ce que l'administration assure, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace.
24. En troisième lieu, l'association requérante demande qu'il soit prescrit à l'administration de faire procéder à des travaux de mise aux normes en termes d'aération et de luminosité des cellules et soutient que les ouvertures sont trop petites et ne permettent pas une aération suffisante et une bonne diffusion de la lumière. Il ressort de l'instruction que les fenêtres dans les cellules sont d'une taille suffisante de 90x110 cm, mais que le déficit de luminosité provient avant tout d'une puissance insuffisante des ampoules électriques. En outre, les fenêtres défectueuses ne font pas l'objet d'un remplacement systématique. Il appartient à l'administration, eu égard aux conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa et dans l'attente d'une solution pérenne, de prendre toutes les mesures utiles de nature à améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante. La SFOIP est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a écarté sa demande au motif que le déficit de luminosité et le non-remplacement des fenêtres défectueuses ne portaient pas atteinte aux droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
25. En quatrième lieu, l'association requérante reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau, ses demandes présentées devant le premier juge tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de remplacer les vitres manquantes dans les cellules, de doter chaque cellule de détenu de mobilier de rangement et d'une poubelle de procéder au ramassage quotidien des poubelles et aux travaux d'installation et de rénovation du système d'interphone dans l'ensemble des quartiers de détention. Il convient d'écarter ces demandes par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
26. En dernier lieu, il ressort des écritures du ministre qu'à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, l'administration pénitentiaire a mis en place un plan d'actions dans lequel s'inscrivent des projets de travaux et d'équipement de l'établissement tendant à la réfection de la peinture, de la plomberie et de l'électricité de l'ensemble des cellules de l'établissement, à l'installation de réfrigérateurs pour chacune des cellules, à l'achat d'un stock de ventilateurs destiné au remplacement des appareils défectueux, à l'installation d'un lave-linge et d'un sèche-linge dans chaque quartier ; à la restructuration du revêtement des cours de promenades ; à la réfection des réseaux d'assainissement et de distribution d'eau ; à l'installation de bancs et à des travaux de peinture dans les salles d'attente ; à la réfection de la salle des parloirs ; à l'installation de points d'eau et d'urinoirs sur les terrains de sport des personnes détenues mineures. Un plan d'action pour lutter contre la prolifération des moustiques a également été mis en oeuvre. Il s'ensuit que les demandes d'injonction portant sur l'adoption de ces mesures par l'administration ne peuvent qu'être écartées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne à l'administration d'informer la requérante sur le suivi des mesures ordonnées :
27. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans leurs domaines de compétences respectifs, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. En pareil cas, il appartient au juge de l'exécution de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l'espèce. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte. En revanche, il ne relève pas de l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il a prononcé des injonctions à l'égard de l'administration, de mettre également à sa charge une obligation d'information de la partie requérante. Il s'ensuit que les conclusions susvisées doivent, en tout état de cause, être rejetées.
28. Il résulte de tout ce qui précède, la situation d'urgence étant caractérisée, qu'il y a lieu, en plus des injonctions prononcées par le premier juge, d'enjoindre à l'administration, en premier lieu, de procéder à l'installation d'abris dans les cours de promenades qui en sont dépourvues, en deuxième lieu, d'assurer la séparation complète des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules où sont détenues plus d'une personne et, en dernier lieu, de prendre toute mesure susceptible d'améliorer les conditions matérielles d'installation des détenus, notamment en ce qui concerne la luminosité des cellules et le remplacement des fenêtres défectueuses. Il y a lieu en outre, s'agissant des demandes d'injonction portant sur le recours à des conteneurs en guise de cours de promenade et sur l'installation de toilettes dans l'ensemble des cours de promenade, de surseoir à statuer et de demander à l'administration de produire, dans un délai de dix jours, tous éléments utiles susceptibles d'éclairer le juge des référés du Conseil d'Etat sur ces questions.
Sur la requête n° 439372 :
29. Le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que la prise en charge sanitaire des détenus relève non pas de la compétence de l'Etat mais de celle de la Nouvelle-Calédonie.
30. L'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que : " I.- L'Etat est compétent dans les matières suivantes : (...) 2° Justice (...) frais de justice pénale (...) service public pénitentiaire ", tandis qu'aux termes de l'article 22 de la même loi : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) 4° Protection sociale, hygiène publique et santé (...) 24° Etablissements hospitaliers ".
31. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'administration pénitentiaire est tenue de garantir les droits fondamentaux des personnes détenues et que l'accès aux soins de ces derniers, s'il répond également à un objectif de santé publique, doit avant tout être regardé comme se rattachant au service public pénitentiaire. S'il n'appartient pas à l'Etat d'organiser lui-même le recrutement de professionnels de santé affectés au centre pénitentiaire de Nouméa, et s'il ne relève pas de l'office du juge des référés statuant en urgence sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative d'enjoindre à une personne publique de recruter des agents, il appartient à l'administration pénitentiaire d'accomplir toutes diligences en vue de faciliter l'accès aux soins des personnes détenues et de mettre en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose pour assurer à celles qui en ont besoin la qualité et la continuité des soins garanties par l'article 46 de la loi pénitentiaire. Il s'ensuit que le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a pas prononcé d'injonction à l'encontre d'une autorité incompétente en ordonnant à l'administration pénitentiaire de prendre, dans les plus brefs délais, les mesures nécessaires pour qu'un médecin addictologue assure le suivi des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa. Le ministre n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que son ordonnance serait entachée d'erreur de droit pour ce motif.
32. Il résulte ce qui précède que l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice doit être rejeté.
33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la Section française de l'Observatoire international des prisons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, présenté sous le n° 439372 est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint à l'administration pénitentiaire, dans les plus brefs délais :
- de procéder à l'installation d'abris dans les cours de promenades du centre pénitentiaire qui en sont dépourvues ;
- d'assurer la séparation des annexes sanitaires dans l'ensemble des cellules où sont détenues plus d'une personne ;
- de prendre toute mesure susceptible d'améliorer la luminosité des cellules ;
- de procéder au remplacement des fenêtres défectueuses.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la fermeture des salles de promenades situées dans des conteneurs et d'installer des toilettes dans l'ensemble des cours de promenade, jusqu'à ce qu'une nouvelle décision du juge des référés du Conseil d'Etat intervienne.
Article 4 : L'administration est invitée à produire, dans un délai de dix jours, tous éléments d'informations utiles relatifs aux questions mentionnées aux points 20 et 21 des motifs du présent jugement.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la Section française de l'Observatoire international des prisons sous le numéro 439444 est rejeté.
Article 6 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 19 février 2020 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 7 : L'Etat versera à la Section française de l'Observatoire international des prisons la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Section française de l'Observatoire international des prisons.