Conseil d'État
N° 426661
ECLI:FR:CECHR:2020:426661.20201007
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
CABINET COLIN-STOCLET, avocats
Lecture du mercredi 7 octobre 2020
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Résidence de la Forêt a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1401779 du 23 juin 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16DA01279 du 23 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a prononcé la décharge partielle des rappels de taxe en litige et a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Résidence de la Forêt.
Par un pourvoi enregistré le 27 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 3 et 4 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter entièrement les conclusions de la requête d'appel de la société Résidence de la Forêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 octobre 2018 (aff. C-153/17) Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Résidence de la Forêt ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 octobre 2020, présentée par la société Résidence de la Forêt ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Résidence de la Forêt, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Chantilly, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre la période vérifiée ainsi qu'à des pénalités. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 octobre 2018 rendu par la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a réduit ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes à hauteur de la rectification des bases d'imposition résultant de l'application d'un coefficient de taxation inférieur à 1 aux frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments au lieu de l'application du coefficient de 1.
2. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". Aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. (...) / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus, qui ont été adoptées pour la transposition en droit interne des articles 1er, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lesquels ont été interprétées notamment par l'arrêt C-153/17 de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 octobre 2018, Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd, que lorsque les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti, ce dernier bénéficie d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont l'étendue varie selon l'usage auquel les biens et les services en cause sont destinés. Lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, la déductibilité n'est que partielle, y compris dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées.
4. Par suite, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la société Résidence de la Forêt au motif qu'ils avaient été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance, lesquelles sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée à la différence des prestations de soins.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 3 et 4 de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure définie à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Résidence de la Forêt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée Résidence de la Forêt.
N° 426661
ECLI:FR:CECHR:2020:426661.20201007
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
CABINET COLIN-STOCLET, avocats
Lecture du mercredi 7 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Résidence de la Forêt a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1401779 du 23 juin 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16DA01279 du 23 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a prononcé la décharge partielle des rappels de taxe en litige et a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Résidence de la Forêt.
Par un pourvoi enregistré le 27 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 3 et 4 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter entièrement les conclusions de la requête d'appel de la société Résidence de la Forêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 octobre 2018 (aff. C-153/17) Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Résidence de la Forêt ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 octobre 2020, présentée par la société Résidence de la Forêt ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Résidence de la Forêt, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Chantilly, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre la période vérifiée ainsi qu'à des pénalités. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 octobre 2018 rendu par la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a réduit ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes à hauteur de la rectification des bases d'imposition résultant de l'application d'un coefficient de taxation inférieur à 1 aux frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments au lieu de l'application du coefficient de 1.
2. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". Aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. (...) / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus, qui ont été adoptées pour la transposition en droit interne des articles 1er, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lesquels ont été interprétées notamment par l'arrêt C-153/17 de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 octobre 2018, Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd, que lorsque les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti, ce dernier bénéficie d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont l'étendue varie selon l'usage auquel les biens et les services en cause sont destinés. Lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, la déductibilité n'est que partielle, y compris dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées.
4. Par suite, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la société Résidence de la Forêt au motif qu'ils avaient été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance, lesquelles sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée à la différence des prestations de soins.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 3 et 4 de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure définie à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Résidence de la Forêt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée Résidence de la Forêt.