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Ariane Web: Conseil d'État 432511, lecture du 25 septembre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:432511.20200925

Décision n° 432511
25 septembre 2020
Conseil d'État

N° 432511
ECLI:FR:CECHR:2020:432511.20200925
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Fabio Gennari, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du vendredi 25 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

M. F... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 6 février et 30 mai 2018 par lesquels le maire de Francheville a délivré à la société Patrimoine investissement un permis de construire et un permis de construire modificatif pour un projet situé chemin du Gareizin sur le territoire de la commune.

Par un premier jugement n° 1805507 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur leur demande d'annulation, enjoint à la société Patrimoine investissement et à la commune de Francheville de justifier, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de l'éventuelle délivrance d'une mesure de régularisation permettant d'assurer la conformité du projet aux dispositions de l'article 7 UE du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que de l'article 2 du plan de prévention des risques d'inondation de l'Yzeron et écarté les autres moyens de la demande.

La société Patrimoine Investissement ayant déposé une demande de permis de construire en vue de régulariser les vices relevés par ce jugement, une mesure de régularisation lui a été délivrée le 13 août 2019. Par un second jugement n° 1805507 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure de régularisation avait régularisé les vices du permis initial et a rejeté la demande de M. C... et Mme D....

1° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 11 octobre 2019 sous le numéro 432511 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le premier jugement n° 1805507 du 9 mai 2019 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la société Patrimoine investissement et de la commune de Francheville la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 novembre 2019 et 28 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 436284, M. F... C... et Mme A... D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le second jugement n° 1805507 du 26 septembre 2019 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Francheville et la société Patrimoine investissement la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de M. C... et de Mme D..., et à la SCP Delamarre, Jehannin, avocat de la société Patrimoine Investissement ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

2. M. C... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 6 février et 30 mai 2018 par lesquels le maire de Francheville a délivré à la société Patrimoine Investissement un permis de construire et un permis de construire modificatif pour un projet de construction situé chemin du Gareizin sur le territoire de la commune. Par un premier jugement du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon, par application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur leur demande, enjoint à la société Patrimoine Investissement et à la commune de Francheville de justifier dans un délai de trois mois, à compter de la notification du jugement, de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire de régularisation permettant d'assurer la conformité du projet aux dispositions de l'article 7 UE du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que de l'article 2 du plan de prévention des risques naturels d'inondation de l'Yzeron et écarté les autres moyens de la demande. La société Patrimoine Investissement a déposé une demande de permis de construire visant à régulariser les vices relevés par ce jugement et obtenu la délivrance d'une mesure de régularisation le 13 août 2019. Par un second jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure avait régularisé les vices du permis initial et rejeté en conséquence la demande d'annulation de M. C... et Mme D....

3. M. C... a formé un pourvoi en cassation contre le premier jugement. M. C... et Mme D... se sont, en outre, pourvus contre le second jugement. Il y a lieu de joindre ces deux pourvois pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi n° 432511 dirigé contre le premier jugement :

4. Dans sa rédaction applicable en l'espèce, l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction peut, sans clore l'instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux ". Il résulte de ces dispositions que si le président d'une formation de jugement d'un tribunal administratif, lorsqu'il considère qu'une affaire est en état d'être jugée, peut fixer par ordonnance, dans le cadre de l'instance et avant la clôture de l'instruction, une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux, une telle faculté ne peut être exercée qu'après l'expiration du délai donné aux requérants pour répliquer au premier mémoire en défense.

5. Il ressort des pièces de la procédure que la demande de M. C..., tendant à l'annulation des arrêtés des 6 février et 30 mai 2018 par lesquels le maire de Francheville a délivré à la société Patrimoine investissement un permis de construire et un permis de construire modificatif, a été enregistrée le 18 juillet 2018, et qu'une l'ordonnance fixant le 18 novembre 2018 comme date limite pour la présentation de nouveaux moyens a été prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative le 18 octobre 2018. A cette date, ni la commune ni la société Patrimoine Investissement n'avaient produit de premier mémoire en défense. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence de production d'écritures en défense, une telle ordonnance ne pouvait être prise sans méconnaître les dispositions de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative. Par suite, en écartant comme irrecevable le moyen invoqué pour la première fois par M. C... dans son mémoire en réplique du 25 janvier 2019, au motif que ce moyen était nouveau et présenté postérieurement à l'échéance du délai fixé par l'ordonnance, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 9 mai 2019.

Sur le pourvoi n° 436284 dirigé contre le second jugement :

7. Lorsque le juge administratif, saisi de conclusions à fin d'annulation d'une autorisation d'urbanisme, estime par un premier jugement, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de l'acte attaqué est susceptible d'être régularisé et sursoit en conséquence à statuer par application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, les motifs de ce premier jugement qui écartent les autres moyens sont au nombre des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif du jugement qui clôt finalement l'instance, si ce second jugement rejette les conclusions à fin d'annulation en retenant que le vice relevé dans le premier jugement a été régularisé, dans le délai imparti, par la délivrance d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il appartient au juge d'appel ou de cassation, saisi de conclusions dirigées contre ces deux jugements, s'il annule le premier jugement, d'annuler en conséquence, le cas échéant d'office, le second jugement.

8. Il résulte de ce qui précède que le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 26 septembre 2019 doit être annulé en conséquence de l'annulation du jugement du 9 mai 2019.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Patrimoine investissement et de la commune de Francheville la somme de 750 euros chacune, à verser à M. C... d'une part et à Mme D..., d'autre part, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... et de Mme D... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.


D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Lyon du 9 mai 2019 et du 26 septembre 2019 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : La société Patrimoine investissement et la commune de Francheville verseront chacune, à M. C... d'une part, à Mme D... d'autre part, une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Patrimoine Investissement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. F... C..., à Mme A... D..., à la société Patrimoine Investissement et à la commune de Francheville.


Voir aussi