Conseil d'État
N° 414659
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:414659.20191106
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du mercredi 6 novembre 2019
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 septembre 2017, 27 décembre 2017 et 4 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers, demande au Conseil d'État :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre un avertissement et une sanction pécuniaire de 35 millions d'euros et a ordonné la publication de ladite décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers pendant une durée de cinq ans, d'enjoindre à l'AMF de retirer cette décision de son site internet et de publier l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que la décision attaquée ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en ramenant les sanctions prononcées à de plus justes proportions, enjoindre à l'AMF de retirer cette décision de son site internet et de publier l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'AMF la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le règlement délégué (UE) n° 231/2013 de la commission du 19 décembre 2012 complétant la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les dérogations, les conditions générales d'exercice, les dépositaires, l'effet de levier, la transparence et la surveillance ;
- l'instruction AMF 2011-19 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre 2012 ;
- l'instruction AMF 2011-20 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre 2012
- le code de justice administrative ;
Une audience d'instruction a été tenue par la 6ème chambre le 24 mai 2019. Son procès-verbal a été versé au dossier.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investissement Managers International et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la Autorité des marchés financiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2019, présentée par la société Natixis Asset Management devenue Natixis Investement Managers International ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la société Natixis Asset Management (NAM), devenue la société Natixis Investment Managers International, est une société de gestion de portefeuille agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Dans le cadre de ses activités, elle conçoit et gère notamment des " fonds à formule ". Les fonds à formule sont constitués soit sous forme d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) soit sous forme de fonds d'investissements alternatifs (FIA) et font, selon le cas, respectivement l'objet d'une définition au I de l'article R. 214-28 ou au I de l'article R. 214-32-39 du code monétaire et financier. Ces fonds garantissent à l'investisseur la réalisation d'un objectif financier défini à l'avance dans le contrat, par application d'une formule de calcul indexée sur les marchés financiers. En l'espèce, pour tous les fonds à formule en cause dans la présente affaire, le souscripteur a l'assurance, à l'échéance du fonds, de pouvoir récupérer, hors commission de souscription, l'intégralité du capital qu'il avait initialement investi, majoré du produit de la formule, soit un certain pourcentage de la performance d'un panier d'actions, ou d'un indice, donné. A titre d'exemple, l'un des fonds à formule en cause dans la présente affaire garantit aux porteurs de récupérer, après 8 ans, la totalité de son investissement initial, hors commission de souscription, majoré de 85 % de la performance d'un panier de 15 actions mondiales. Le porteur décidant de sortir du fonds avant le terme fixé ne bénéficie pas, en revanche, de cette garantie de restitution du capital initialement investi : ses parts lui sont rachetées à un prix dépendant des paramètres du marché ce jour-là, après déduction de frais de rachat s'élevant à 4 % de la valeur liquidative des parts remboursées. Le 3 février 2015, le secrétaire général de l'AMF a décidé de procéder à un contrôle portant sur le respect par la société NAM de ses obligations professionnelles. Le contrôle a porté sur 133 fonds structurés et gérés par la société NAM et a donné lieu à l'établissement d'un rapport le 16 novembre 2015. Par une décision du 31 mai 2016, le collège de l'AMF a notifié à la société NAM deux séries de griefs, la première relative au " prélèvement des commissions de rachat acquises aux fonds ", la seconde au " prélèvement à l'échéance de la différence issue de la marge de structuration ". La société NAM attaque la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la commission des sanctions de l'AMF, après avoir estimé que l'ensemble des griefs notifiés étaient caractérisés, a prononcé à son encontre un avertissement ainsi qu'une sanction pécuniaire de 35 millions d'euros et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés en fixant à cinq ans à compter de la date de sa décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.
Sur la régularité de la décision :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'après avoir signalé à sa hiérarchie l'existence, selon lui, de " marges cachées " dans les fonds à formules gérés par la société NAM, l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de cette société a rencontré le 21 novembre 2014, à sa demande, un collaborateur de l'Autorité des marchés financiers. La société requérante soutient que l'absence, dans le dossier de procédure à laquelle elle avait accès, de tout procès-verbal de cet entretien, en méconnaissance de ce que prévoit le code monétaire et financier, a porté atteinte au principe du respect des droits de la défense. Toutefois, d'une part, ainsi que l'a retenu la commission des sanctions dans la décision attaquée, si l'article R. 621-35 du code monétaire et financier, en particulier, prévoit que les auditions conduites par les enquêteurs de l'AMF font l'objet de procès-verbaux, ces dispositions ne sont applicables qu'à la phase de contrôle, ouverte le jour de la signature des ordres de mission par le secrétaire général de l'AMF. Or en l'espèce, la rencontre litigieuse du 21 novembre 2014 est intervenue avant l'ouverture du contrôle, décidée le 3 février 2015. D'autre part, le principe des droits de la défense, rappelé tant par le premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, précisé par son troisième alinéa que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF, ni a fortiori aux étapes antérieures à cette phase d'enquêtes et de contrôle. Si les enquêtes réalisées par les agents de l'AMF, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, il n'est en l'espèce pas établi, ni même allégué, qu'il aurait été porté une telle atteinte irrémédiable aux droits de la société NAM. Par suite, le moyen tiré de ce que l'audition de l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de cette société aurait porté atteinte au droit de la défense ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article R. 621-33 du code monétaire et financier applicable à la phase de contrôle : " II. - Avant de confier un ordre de mission à l'une des personnes mentionnées au 2° du I, au II et au III de l'article R. 621-31, le secrétaire général s'assure que la personne pressentie n'est pas susceptible d'être en conflit d'intérêts avec la personne appelée à être l'objet de la mission de contrôle ou d'enquête. A cette fin, lorsque la personne pressentie est l'une de celles mentionnées aux e, f, g ou h du 2° du I de l'article R. 621-31, le secrétaire général lui demande de l'informer de l'ensemble des relations professionnelles qu'elle a eues avec la personne appelée à être l'objet de la mission, au cours des trois années précédentes. Le secrétaire général ne peut lui confier une mission si, au cours de la période considérée, elle a contrôlé ou conseillé les personnes concernées sur les services ou transactions en cause ". La circonstance qu'en l'espèce l'un des membres de la mission de contrôle a participé, avant l'ouverture de la procédure de contrôle, au rendez-vous du 21 novembre 2014 avec l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de la société NAM ne saurait caractériser un conflit d'intérêts au sens des dispositions qui viennent d'être citées. En outre et en tout état de cause, il n'est ni démontré ni même allégué qu'une telle circonstance aurait effectivement eu pour effet de porter de porter une atteinte irrémédiable aux droits de la société NAM. Par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité du contrôleur ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du IV de l'article R. 621-32 du code monétaire et financier : " les ordres de mission sont établis par le secrétaire général qui précise leur objet et les personnes qui en sont chargées ". Contrairement à ce qui est soutenu, en application de ces dispositions, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers pouvait légalement, ainsi qu'il l'a décidé le 3 février 2015, établir un ordre de mission portant " sur le respect par la société Natixis Asset Management de ses obligations professionnelles ".
5. En quatrième lieu, pour regrettable qu'ait été la communication de notes internes, couvertes par le secret professionnel, aux services de l'Autorité des marchés financiers à la presse, il ne résulte pas de l'instruction que cette fuite ait porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense. Quant à la circonstance, également invoquée par la requérante, que l'AMF n'aurait pas réagi à la " pression médiatique " exercée sur elle au cours de la procédure de contrôle litigieuse, elle est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.
6. Enfin, aux termes du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le Président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / Sous réserves de l'article L. 465-3-6, s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées (...) ". Aux termes de l'article R. 621-36 : " Les résultats des enquêtes et des contrôles font l'objet d'un rapport écrit. Ce rapport indique notamment les faits relevés susceptibles de constituer des manquements aux règlements européens, au présent code, au code de commerce, au règlement général de l'Autorité des marchés financiers et aux règles approuvées par l'Autorité, des manquements aux autres obligations professionnelles ou une infraction pénale ". Aux termes de l'article 143-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Tout rapport établi au terme d'un contrôle est communiqué à l'entité ou la personne morale contrôlée. [...]. L'entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l'AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ". Il résulte de ces dispositions que la notification de griefs qui déclenche l'ouverture de la procédure de sanction doit s'appuyer, en ce qui concerne l'établissement des faits reprochés, sur les résultats des enquêtes et des contrôles réalisés, tels qu'ils ont été consignés dans un rapport écrit, sur lequel la personne mise en cause est mise en mesure de présenter ses observations.
7. La société requérante soutient que, tant en méconnaissance des dispositions citées au point précédent que des droits de la défense, le collège de l'Autorité des marchés financiers s'est fondé, dans la notification de griefs qu'il lui a adressée, non seulement sur le rapport de la mission de contrôle, mais également sur une note de plus de seize pages constituées de six fiches dites " de constats complémentaires ", qui ne lui avait pas été préalablement communiquée. Toutefois il ressort des pièces du dossier que les fiches de constats complémentaires auxquelles la notification de griefs adressée à la société NAM fait référence sont de simples notes de synthèse et d'analyse exclusivement produites à partir des données contenues dans le rapport de la mission de contrôle. Elles ne révèlent pas la réalisation d'opérations d'enquête et de contrôle complémentaires dont les résultats n'auraient pas été consignés dans le rapport de contrôle et sur lesquels la société NAM n'aurait pas été invitée à faire part de ses observations. Dans ces conditions, ni les dispositions citées au point précédent, ni les droits de la défense, en particulier le respect du principe du contradictoire, n'ont été méconnus.
Sur la prescription partielle de l'action :
8. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 du CMF applicables en l'espèce : " (...) La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. ".
9. En premier lieu, la société requérante soutient que le manquement tenant à la qualité de l'information figurant dans les prospectus des fonds était prescrit, dès lors que ces fonds étaient tous antérieurs au 3 février 2012 et que la procédure de contrôle n'a été ouverte que le 3 février 2015. Toutefois, lorsque sont en cause des manquements aux obligations professionnelles relatives à la cohérence, avec les caractéristiques de l'investissement proposé, de l'information délivrée au public dans les documents accompagnant la commercialisation de produits financiers, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où le manquement est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l'exercice, par l'Autorité des marchés financiers, de ses missions de contrôle, notamment en vue de l'ouverture d'une procédure de sanction. Or, ainsi que cela ressortira des points suivants, il résulte de l'instruction qu'il n'était pas possible de constater le caractère éventuellement inexact et trompeur de l'information contenue dans les prospectus litigieux dès le moment de leur diffusion, ni même sur la base des seuls rapports comptables semestriels et annuels transmis à l'AMF. Seule une analyse approfondie des données financières concernant la gestion des fonds en cause permettait, a posteriori, de déterminer les modalités précises d'affectation des différentes sommes prélevées (commissions de rachat, marge de restructuration). Par suite, le point de départ du délai de prescription concernant le manquement afférant à la qualité de l'information ne peut être fixé avant le 16 décembre 2014, jour où l'AMF a reçu le rapport d'audit interne réalisé par la société Natixis Global Asset Management (NGAM).
10. En second lieu, s'agissant du grief tenant au prélèvement de charges indues et injustifiées que constitueraient les " commissions de rachat ", la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a estimé que seules les charges antérieures au 16 décembre 2011 étaient couvertes par la prescription. La société NAM soutient qu'étaient également couvertes par la prescription les charges prélevées antérieurement au 3 février 2012, soit trois années avant l'ouverture du contrôle, qui constitue à ses yeux le premier acte interruptif de prescription. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédents, ce n'est que sur la base du rapport d'audit interne réalisé par NGAM que l'éventuel manquement a pu être constaté par l'AMF dans les conditions permettant l'exercice de ses missions de contrôle. Par suite, le point de départ du délai de prescription concernant le manquement afférant au prélèvement de charges indues et injustifiées ne peut être fixé avant le 16 décembre 2014 et le moyen tiré de ce que toutes les charges antérieures au 3 février 2012 étaient couvertes par la prescription ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de la décision :
En ce qui concerne la définition des fonds à formule :
11. En premier lieu, d'une part, si, aux termes des articles R. 214-28 et R. 214-32-39 du code monétaire et financier, les fonds à formule sont définis par un " objectif de gestion " consistant à " atteindre, à l'expiration d'une période déterminée, un montant déterminé par application mécanique d'une formule de calcul prédéfinie ", de telles dispositions ne font pas obstacle à ce que la rémunération finale des porteurs excède un tel montant. Il résulte au demeurant de l'instruction que le fait de verser, à l'échéance d'un fonds à formule et dans le cas d'une surperformance de ce fonds, davantage que la formule promise au départ correspond à une pratique courante d'un certain nombre de société de gestion. D'autre part, aux termes de l'article 319-16 du règlement général de l'AMF applicable en l'espèce : " Sans préjudice de l'article 319-13, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de FIA [fonds d'investissement alternatif] et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de rachat du fait de l'investissement en FIA ou fonds d'investissement par le FIA bénéficient exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le délégataire de la société de gestion de portefeuille pour la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la société liée mentionnée au c du 2° de l'article 319-14 peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations d'acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant au FIA dans les conditions définies dans le prospectus, ou à défaut, le document d'information à destination des investisseurs du FIA. ". Il résulte des dispositions des articles 319-16 et 321-120 du règlement général de l'AMF respectivement applicables aux FIA et aux OPCVM que les porteurs de parts d'un fonds à formule doivent être regardés soit comme les copropriétaires indivis de l'actif du fonds (dans le cas d'un FIA), soit comme les propriétaires directs des actifs-sources (dans le cas d'un OPCVM). Par suite, à l'échéance du fonds, si la valeur liquidative du fonds est supérieure à la valeur liquidative correspondant à la réalisation de la formule, chaque porteur a droit à ce que lui revienne sa quote-part de l'intégralité du revenu supplémentaire généré. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, la " formule " ne saurait être regardée comme déterminant le montant maximal de la rémunération à laquelle les porteurs de parts d'un fonds à formule ont droit.
12. En second lieu, il est constant que la détermination de la formule elle-même par la société de gestion commercialisant le fonds dépend de la rémunération que cette société souhaite se réserver, ainsi qu'aux autres intervenants. Le caractère plus ou moins avantageux de la formule proposée est donc directement fonction de la nature et du montant des frais de gestion applicables au fonds en question, l'affichage de frais de gestion plus faibles qu'ils ne le sont en réalité peut donner l'impression que la formule du fonds est plus intéressante pour les investisseurs potentiels qu'elle ne l'est en réalité. En outre, si la valeur liquidative garantie est indépendante de la valeur liquidative du fonds et n'est pas affectée par les frais de gestion autrement que, ainsi qu'il vient d'être dit, au travers du calcul de ladite formule, les frais qui viennent en minoration de l'actif net du fonds et de la valeur liquidative affectent, en revanche, directement les investisseurs rachetant leurs parts en cours de vie, puisque ces investisseurs se heurtent alors à un niveau de valeur liquidative dégradée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'invocation du caractère parcellaire ou erroné des informations relatives au frais de gestion applicable peut être utilement invoquée contre les fonds à formule litigieux.
En ce qui concerne les manquements :
13. Il résulte de l'instruction et notamment de l'enquête à la barre diligentée par la sixième chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat que les fonds litigieux étaient constitués de deux parties : d'une part, un panier d'actifs figurant au bilan du fonds, d'autre part, hors bilan, un swap de performance, conclu entre le fonds et une contrepartie bancaire, destinés à garantir à l'échéance le capital investi et à délivrer au fonds la formule promise aux porteurs à l'échéance. En échange, le fonds versait périodiquement à la contrepartie bancaire un flux variable. Pour chacun des fonds, la société NAM avait conclu une convention de garantie par laquelle le garant s'engageait à combler l'éventuel écart entre la valeur liquidative du fonds à l'échéance et la valeur liquidative garantie, sous réserve des évolutions fiscales et réglementaires susceptibles d'affecter la performance des fonds. Le coût de cette garantie était intégré aux frais de gestion et donc supporté par les porteurs. En plus de cette garantie contractuelle, la société NAM avait constitué une marge de sécurité, exigée par le garant des fonds, identifiée sous le nom de " coussin ". Son objet était de couvrir le risque de marché et le risque de taille pendant la phase de lancement, puis, pendant la vie des fonds, de couvrir une partie des risques règlementaires, opérationnels ou fiscaux, non couverts par le garant. Ce " coussin " était alimenté, d'une part, par les " commissions de rachat acquises au fonds nettes du coût de réajustement des swaps " et d'autre part, par " la différence issue de la marge de structuration ". Les commissions de rachat sont les commissions dont les porteurs devaient s'acquitter pour sortir des fonds litigieux avant le terme prévu par le contrat, dont le montant s'élevait à 4 % de la valeur liquidative des parts remboursées. Ces commissions étaient présentées dans les prospectus comme, pour moitié, " non acquises " au fonds et réparties entre la société de gestion et le réseau de distribution, au titre des coûts liés au désinvestissement et, pour moitié, comme " acquises " au fonds et correspondant aux " commissions de rachat nettes des coûts d'ajustement ". La marge de structuration est le produit de la différence entre les flux reçus par le fonds provenant du swap de performance et les flux versés par le fonds à la contrepartie bancaire et aux différents intervenants, destinée à alimenter l'actif net du fonds durant la vie de celui-ci. A l'échéance, la différence entre la valeur liquidative constatée et la valeur liquidative garantie était ainsi susceptible de dégager un reliquat.
14. La décision attaquée reproche à la société NAM, d'une part, d'avoir procédé à des prélèvements indus sur les commissions de rachat " acquises aux fonds " en ayant sur ce point délivré aux investisseurs une information tronquée ou erronée dans les prospectus de présentation de ces fonds ainsi que dans les rapports annuels et en ayant, ce faisant, prélevé sur les porteurs de ces fonds des charges indues et injustifiées ayant en outre conduit à dépasser le plafond des frais de gestion et, d'autre part, d'avoir procédé à des prélèvement de la " différence issue de la marge de structuration " conduisant également à un dépassement des frais de gestion ainsi qu'à la délivrance d'informations tronquées dans les rapports annuels.
S'agissant des moyens concernant les griefs relatifs aux commissions de rachat dites " acquises " au fonds :
15. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2007 : " I.- Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ". Aux termes de l'article 411-113 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, applicable aux OPCVM, et de l'article 422-71 du même règlement, applicable aux FIA, dans leurs versions en vigueur, respectivement, du 21 octobre 2011 au 16 avril 2016 et depuis le 21 décembre 2013, non modifiées depuis dans un sens moins sévère : " Le prospectus de l'OPCVM [ou du FIA] contient les renseignements nécessaires pour que les investisseurs puissent juger en pleine connaissance de cause l'investissement qui leur est proposé, et notamment les risques inhérents à celui-ci. (...) / Les éléments essentiels du prospectus sont tenus à jour. Le contenu du prospectus est défini dans une instruction de l'AMF ". Les instructions AMF 2011-19 et 2011-20 du 21 décembre 2011, modifiées le 26 octobre 2012, relatives notamment à l'établissement des prospectus des OPCVM et des FIA précisent que " L'objectif du prospectus est de donner une description de l'exhaustivité des frais, commissions et rémunérations des différents acteurs et intermédiaires, les informations complémentaires (commissions de gestion indirectes par exemple) venant détailler le total des frais courant du document d'information clé pour l'investisseur ".
16. Il résulte de l'instruction que, alors que, ainsi qu'il a été dit, les prospectus en cause indiquaient que les commissions de rachat étaient pour moitié, " acquises " au fonds afin de " compenser les frais supportés par [les fonds] pour investir ou désinvestir les avoirs confiés ", la part de ces commissions de rachat en principe " acquises au fond " nécessaire pour compenser les coûts effectivement subis par le fonds s'agissant du réaménagement du swap de performance induits par la sortie du porteur était en pratique très limitée (en moyenne à hauteur de 0,5 % du prix de rachat, soit environ un quart de la partie " acquise au fond " de la commission de rachat), le reliquat des sommes (environ les trois quarts) ayant été, à l'échéance des fonds en cause, soit conservé par la société NAM soit versé dans des fonds monétaires issus de la transformation des fonds à formule à l'échéance de ces derniers.
17. La société NAM soutient que l'apparition de ce surplus entre la commission de rachat dite " acquise " au fonds, facturée au porteur sortant, et les coûts effectifs de réaménagement du swap de performance induits par le rachat était inéluctable, la réglementation imposant au rédacteur du prospectus de déterminer la commission sous forme de taux fixe, alors que le coût du réaménagement dépend de conditions qui ne sont connues qu'après la diffusion du prospectus, à la date du rachat, ce qui obligeait l'auteur du prospectus à fixer le taux de commission de rachat " acquise " au fonds à un niveau " plafond " supérieur à ce qu'il anticipait être le coût maximum du réaménagement. Une telle circonstance, toutefois, ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que le prospectus mentionnât que les commissions de rachat de 2 % servaient en principe à compenser les frais liés au désinvestissement des avoirs confiés, mais que le surplus constituait une rémunération supplémentaire de la société de gestion, une telle précision ne conduisant pas à une complexification du document telle qu'elle aurait nuit à la clarté de l'information due aux porteurs. De même, la circonstance également invoquée que ces commissions de rachat devaient servir de pénalité pour les investisseurs décidant de sortir du fonds de façon anticipée ne dispensait pas la société NAM de son obligation d'indiquer dans les prospectus le fait qu'une partie du produit de cette pénalité pouvait servir à rémunérer la société de gestion. En outre, dès lors que les commissions de rachat étaient, dans les prospectus des fonds, présentées comme " acquises " au fonds, alors qu'une partie pouvait finalement servir à rémunérer la société de gestion, la présentation était incontestablement trompeuse. Par suite, en estimant, que l'information contenue dans les prospectus des fonds en cause était à la fois " parcellaire " et " trompeuse " au sens des dispositions rappelées au point 24, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation. L'illégalité des pratiques qui viennent d'être décrites
18. En deuxième lieu, il résulte notamment des dispositions des articles L. 533-1, L. 214-9 et L. 214-24-44 du code monétaire et financier, du 5° de l'article 314-3-1 et de l'article 319-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, ainsi que de l'article 17.2 du règlement délégué 231/2013 de la commission du 19 décembre 2012, entré en vigueur le 22 juillet 2013, applicables aux FIA comme aux OPCVM, que le prestataire de service d'investissement agit dans l'intérêt des porteurs, de manière à prévenir l'imposition de coûts indus ou injustifiés.
19. La société NAM reproche à la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers d'avoir estimé que les prélèvements des commissions de rachat nettes constituaient des " charges indues et injustifiées " imposées, en méconnaissance des dispositions qui viennent d'être rappelées, par les porteurs de parts. Elle soutient en particulier que, dès lors que les commissions de rachat n'étaient pas payées par les fonds eux-mêmes, mais seulement par les porteurs ayant décidé de sortir du fonds, les dispositions citées au point précédent n'étaient pas applicables. Toutefois, d'une part, dès lors que la sortie anticipée des fonds constituait pour chaque porteur un droit qui leur était reconnu lors de sa souscription au fonds, le fait pour la société de gestion de portefeuille de ne pas verser au fonds, après déduction des coûts de réajustement des " swaps " qui leur étaient systématiquement inférieurs, le reliquat des commissions de rachat revenait à porter atteinte à l'intérêt collectif des porteurs des fonds en cause. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, cette pratique affectait nécessairement, en amont, l'appréciation de l'intérêt de la formule proposée, c'est-à-dire du rendement garanti aux porteurs sortant à l'échéance. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la commission des sanctions a estimé que la pratique litigieuse consistait à faire supporter aux fonds en cause et aux investisseurs de ces fonds des coûts injustifiés.
20. En troisième lieu, si les commissions de rachat nettes ont servi à alimenter le " coussin " précédemment mentionné afin de prémunir, en complément de la garantie, les porteurs contre certains risques, le fait de s'approprier finalement les sommes en cause dès lors qu'elles n'étaient pas consommées portait nécessairement, contrairement à ce que soutient la société requérante, atteinte à l'intérêt des porteurs. Par ailleurs, l'affirmation de la requérante selon laquelle, si les sommes litigieuses avaient été laissées à l'actif net des fonds, il en aurait résulté une incitation à la sortie anticipée du fonds, facteur de déstabilisation de celui-ci et, par conséquent, contraire aux intérêts collectifs des porteurs, est contredite par le fait, résultant de l'instruction, que ce traitement comptable n'avait pas d'impact pour les porteurs qui rachetaient leurs parts dès lors qu'en cours de vie du swap, l'incidence sur la valeur liquidative de ce traitement comptable pour les éventuels porteurs sortants était négligeable par rapport à la pénalité qu'ils devaient payer en cas de rachat.
21. Enfin, la requérante soutient que le reliquat des commissions de rachat n'entrait pas dans le champ des " frais de gestion " servant au calcul du respect du " plafond des frais de gestion maximum " mentionné par les prospectus et figurant dans les rapports annuels des fonds. Toutefois, dès lors que ce reliquat avait vocation, ainsi qu'il a déjà été dit, à rémunérer la société de gestion, il entrait bien dans la catégorie des " frais de gestion ". En outre, même si seuls les porteurs décidant de sortir du fonds de façon anticipée doivent s'acquitter de commissions de rachat, les sommes correspondant au reliquat étaient en définitive prélevées au détriment de l'ensemble des porteurs du fonds concerné. Par suite, c'est à bon droit que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers les a confrontés au plafond de 2 % de frais de gestion qui s'appliquait à ces fonds. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, en affirmant, d'une part, que les commissions de rachat nettes auraient dû être comptabilisées comme des frais de gestion et, d'autre part, qu'elles aboutissaient à faire supporter aux fonds et in fine aux porteurs des charges indues et injustifiées, la commission des sanctions n'a entaché sa décision d'aucune contradiction.
S'agissant des moyens concernant le grief relatif au prélèvement de la différence issue de la marge de structuration :
22. Dans la décision attaquée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a reproché sur ce point à la société NAM, d'une part, de ne pas avoir ajouté aux frais de gestion constatés par ailleurs cette fraction de la marge de structuration pour vérifier si le taux maximum de frais de gestion n'était pas dépassé lors de certains exercices et, d'autre part, d'avoir donné une information inexacte, concernant les frais de gestion, en ce qu'elle n'intégrait pas la partie de la marge de structuration ainsi considérée.
23. En premier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, aucune obligation ni aucun principe ne faisait obstacle au versement, au-delà de la formule promise, au bénéfice des porteurs, de cette différence issue de la marge de structuration.
24. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, que les prospectus simplifiés des fonds litigieux faisaient référence à un taux de frais effectivement facturé au cours du dernier exercice clos, calculé annuellement par conséquent, ce qui excluait l'approche " lissée " en moyenne annuelle sur toute la durée de vie du fonds à laquelle, selon la société requérante, il aurait fallu procéder. En outre, les document d'informations clés pour l'investisseur faisaient état d'un pourcentage de frais de gestion prélevés par année. Dès lors, à supposer même que l'approche " lissée " fût admise par la réglementation, elle ne pouvait être appliquée aux fonds litigieux, les prospectus d'information y faisant expressément obstacle, ainsi que l'a relevé également le rapport d'audit interne de NGAM du 15 décembre 2014, qui faisait état d'" un dépassement du taux maximum de frais de gestion annuel prévu dans les prospectus ". La circonstance que la commission des sanctions, pour conclure que le taux maximum des frais de gestion ne pouvait être apprécié sur la durée de vie du fonds, se serait également référée, à tort, aux prescriptions de l'instruction AMF n° 2005-02, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, une telle motivation n'ayant été développée qu'à titre surabondant, ainsi qu'en atteste, dans la décision litigieuse (alinéa 5 de la page 14) l'emploi de la locution adverbiale " d'ailleurs ".
25. Enfin, il résulte de l'instruction que six des fonds en cause n'ont pas été dissous à l'échéance mais transformés, avec, ainsi que l'exige la réglementation, l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers, en des fonds monétaires auxquels ont pu participer les porteurs des fonds. La société requérante fait valoir que le reliquat des marges de structuration pour ces six fonds (correspondant à un montant total de 1,038 millions d'euros) n'a pas été encaissé par elle mais simplement transféré de l'actif net en compte de dettes, de sorte qu'il ne se serait pas agi pour elle d'une rémunération. Toutefois, le fait que les sommes en cause n'aient pas servi à rémunérer directement la société de gestion ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient regardées comme une composante des frais de gestion, dès lors que les porteurs de parts, auxquels elles revenaient en principe, en ont été privés à l'échéance du fonds.
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines :
26. Pour estimer que la société NAM avait commis les six manquements qui lui étaient reprochés, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers s'est fondée sur les deux séries de dispositions, respectivement présentées aux points 15 et 18, les unes relatives à l'information délivrée par les prospectus de présentation des fonds, les autres relatives au droit commun de la gestion collective, et en particulier au respect de l'intérêt des porteurs et à l'interdiction de faire peser sur ces derniers des coûts injustifiés. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des points 15 à 25 que l'illégalité des pratiques de la société NAM, que celles-ci fussent relatives aux commissions de rachat ou à la marge de structuration, pouvait être immédiatement déduite des obligations énoncées dans ces textes, sans qu'il fût nécessaire d'énoncer au préalable des " règles de comportement particulières ". Si par ailleurs la société requérante soutient, à propos de chacune des deux séries de manquements en cause, que les normes de comportement dont la commission des sanctions a fait application en l'espèce seraient en rupture avec les " choix passés " du régulateur et n'auraient donc pas été prévisibles, elle se borne, à l'appui de cette affirmation, à invoquer des textes définissant les fonds à formule, ainsi que de simples articles ou rapports sans portée normatives, qui, en tout état de cause, n'établissent pas l'existence d'une jurisprudence antérieure avec laquelle la décision attaquée serait en rupture. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté en toutes ses branches.
S'agissant des moyens tirés de l'application erronée des " principes généraux du droit financier " à laquelle la commission des sanctions aurait procédée :
27. En premier lieu, la société requérante soutient que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a fait une application erronée aux faits litigieux des principes de l'intérêt des porteurs, de l'égalité entre eux, ainsi que de leur correcte information.
28. Toutefois, d'une part, s'agissant de l'intérêt des porteurs, il résulte des dispositions des articles L. 214-9 et L. 533-11 du code monétaire et financier ainsi que de l'article 314-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers qu'une société de gestion de portefeuille doit, lorsqu'elle effectue des opérations financières pour le compte d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) qu'elle gère, tenir compte du seul intérêt des porteurs de parts de chacun des OPCVM concernés, à l'exclusion d'intérêts concurrents, divergents ou antagonistes, y compris ceux de la société de gestion elle-même ou d'autres OPCVM dont elle assure la gestion. En l'espèce, la société requérante fait valoir, en substance, que la constitution d'une provision, appelée " coussin ", destinée à couvrir les risques exogènes non couverts par la garantie des fonds, servait l'intérêt des porteurs. Un tel argument, toutefois, est inopérant, dans la mesure où ce n'est pas le principe de ce " coussin " que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a contesté, mais l'utilisation qui a été faite de son reliquat, à savoir de la partie du " coussin " non consommée à l'échéance des fonds en cause. En estimant que ce reliquat aurait dû être rétrocédé au fonds et non servir, comme cela a été le cas, de rémunération complémentaire à la société de gestion, la formule, ainsi qu'il a été dit, ne constituant pas un maximum légal de rémunération, la commission des sanctions a fait une juste application du respect de la primauté des intérêts des porteurs précédemment rappelé.
29. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que les porteurs ont à tout moment la possibilité de sortir du fonds, le principe de correcte information des porteurs s'applique en tout état de cause à la période postérieure à la constitution du fonds et, par conséquent, également aux rapports annuels des fonds.
30. Enfin, dès lors que, pour chaque période considérée, un même et unique taux s'appliquait à tous les porteurs du fonds, le fait d'avoir fait varier au cours du temps le taux de frais de gestion applicable aux fonds en cause ne portait pas atteinte au principe d'égalité entre les porteurs. Si, en estimant le contraire, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, ainsi que l'a relevé à juste titre la société requérante, porté une appréciation erronée sur les faits de l'espèce, son argumentation sur ce point ne revêtait qu'un caractère surabondant et est, par suite, sans incidence sur la caractérisation des manquements en cause.
31. En second lieu, la société requérante soutient que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers aurait, de surcroît, omis de faire application du principe selon lequel une " institution juridique s'apprécie en fonction de son exécution, pas de son inexécution ", ainsi que des principes de " prudence comptable et d'image fidèle ". Toutefois, d'une part, la possibilité pour les porteurs des fonds à formule litigieux de sortir de ce fonds avant l'échéance constituant, ainsi qu'il a été dit, un droit qui leur était reconnu, une telle sortie anticipée ne saurait par conséquent être caractérisée comme une modalité " inexécution " d'une " institution juridique ". D'autre part, les principes comptables de prudence comptable et d'image fidèle n'imposaient pas, en tout état de cause, que des sommes soient provisionnées afin de couvrir des risques non couverts par la garantie, dès lors que de tels risques, en l'espèce, n'étaient pas avérés.
En ce qui concerne la sanction prononcée :
32. Aux termes du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la sanction en litige : " Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ". Il résulte également des dispositions du même article que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et des avantages ou des profits éventuellement tirés de ces manquements.
33. Les manquements retenus à l'encontre de la société NAM, qui concernent le respect de l'intérêt exclusif des porteurs et leur bonne information et résultent d'un affranchissement volontaire des règles comptables et des dispositions règlementaires applicables des OPCVM ont été commis par l'un des acteurs importants de la gestion d'actifs en France et se sont échelonnés sur une durée de trois ans. Le montant des sommes indument prélevées est important, s'élevant à un total maximum de 15,6 millions d'euros, une partie de cette somme ayant néanmoins été transférée dans de nouveaux fonds monétaires à l'échéance des fonds en cause et n'ayant donc pas directement servi à rémunérer la société NAM. Ces éléments doivent toutefois être tempérés, d'une part, par le fait que la gestion mise en oeuvre par la société NAM a permis, pour la totalité des fonds litigieux, d'atteindre la formule à l'échéance, d'autre part, par le fait que la société NAM a rapidement tenu compte des conclusions de la mission de contrôle en modifiant ses schémas comptables pour les fonds nouvellement lancés. Il résulte en outre de l'instruction que la société NAM aurait pu s'assurer le même niveau de rémunération sans méconnaître la réglementation relative aux charges indues, par exemple si, au lieu d'utiliser la technique, précédemment décrite, consistant à provisionner un " coussin ", elle avait prélevé annuellement un taux fixe de frais de gestion, comme il apparait qu'il est d'usage courant pour les fonds à formules. Il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, tout en maintenant l'avertissement qui lui a été signifié, de ramener la sanction pécuniaire infligée à la société NAM à un montant de 20 millions d'euros.
34. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de faire droit aux conclusions de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles présentées par l'Autorité des marchés financiers.
D E C I D E :
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Article 1er : La sanction pécuniaire de trente-cinq millions d'euros infligée à la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers International, est ramenée à vingt millions d'euros.
Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision. La présente décision sera publiée sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers International, est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Natixis Investement Managers International, et à l'Autorité des marchés financiers.
N° 414659
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:414659.20191106
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du mercredi 6 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 septembre 2017, 27 décembre 2017 et 4 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers, demande au Conseil d'État :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre un avertissement et une sanction pécuniaire de 35 millions d'euros et a ordonné la publication de ladite décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers pendant une durée de cinq ans, d'enjoindre à l'AMF de retirer cette décision de son site internet et de publier l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que la décision attaquée ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en ramenant les sanctions prononcées à de plus justes proportions, enjoindre à l'AMF de retirer cette décision de son site internet et de publier l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'AMF la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le règlement délégué (UE) n° 231/2013 de la commission du 19 décembre 2012 complétant la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les dérogations, les conditions générales d'exercice, les dépositaires, l'effet de levier, la transparence et la surveillance ;
- l'instruction AMF 2011-19 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre 2012 ;
- l'instruction AMF 2011-20 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre 2012
- le code de justice administrative ;
Une audience d'instruction a été tenue par la 6ème chambre le 24 mai 2019. Son procès-verbal a été versé au dossier.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investissement Managers International et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la Autorité des marchés financiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2019, présentée par la société Natixis Asset Management devenue Natixis Investement Managers International ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la société Natixis Asset Management (NAM), devenue la société Natixis Investment Managers International, est une société de gestion de portefeuille agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Dans le cadre de ses activités, elle conçoit et gère notamment des " fonds à formule ". Les fonds à formule sont constitués soit sous forme d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) soit sous forme de fonds d'investissements alternatifs (FIA) et font, selon le cas, respectivement l'objet d'une définition au I de l'article R. 214-28 ou au I de l'article R. 214-32-39 du code monétaire et financier. Ces fonds garantissent à l'investisseur la réalisation d'un objectif financier défini à l'avance dans le contrat, par application d'une formule de calcul indexée sur les marchés financiers. En l'espèce, pour tous les fonds à formule en cause dans la présente affaire, le souscripteur a l'assurance, à l'échéance du fonds, de pouvoir récupérer, hors commission de souscription, l'intégralité du capital qu'il avait initialement investi, majoré du produit de la formule, soit un certain pourcentage de la performance d'un panier d'actions, ou d'un indice, donné. A titre d'exemple, l'un des fonds à formule en cause dans la présente affaire garantit aux porteurs de récupérer, après 8 ans, la totalité de son investissement initial, hors commission de souscription, majoré de 85 % de la performance d'un panier de 15 actions mondiales. Le porteur décidant de sortir du fonds avant le terme fixé ne bénéficie pas, en revanche, de cette garantie de restitution du capital initialement investi : ses parts lui sont rachetées à un prix dépendant des paramètres du marché ce jour-là, après déduction de frais de rachat s'élevant à 4 % de la valeur liquidative des parts remboursées. Le 3 février 2015, le secrétaire général de l'AMF a décidé de procéder à un contrôle portant sur le respect par la société NAM de ses obligations professionnelles. Le contrôle a porté sur 133 fonds structurés et gérés par la société NAM et a donné lieu à l'établissement d'un rapport le 16 novembre 2015. Par une décision du 31 mai 2016, le collège de l'AMF a notifié à la société NAM deux séries de griefs, la première relative au " prélèvement des commissions de rachat acquises aux fonds ", la seconde au " prélèvement à l'échéance de la différence issue de la marge de structuration ". La société NAM attaque la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la commission des sanctions de l'AMF, après avoir estimé que l'ensemble des griefs notifiés étaient caractérisés, a prononcé à son encontre un avertissement ainsi qu'une sanction pécuniaire de 35 millions d'euros et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés en fixant à cinq ans à compter de la date de sa décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.
Sur la régularité de la décision :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'après avoir signalé à sa hiérarchie l'existence, selon lui, de " marges cachées " dans les fonds à formules gérés par la société NAM, l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de cette société a rencontré le 21 novembre 2014, à sa demande, un collaborateur de l'Autorité des marchés financiers. La société requérante soutient que l'absence, dans le dossier de procédure à laquelle elle avait accès, de tout procès-verbal de cet entretien, en méconnaissance de ce que prévoit le code monétaire et financier, a porté atteinte au principe du respect des droits de la défense. Toutefois, d'une part, ainsi que l'a retenu la commission des sanctions dans la décision attaquée, si l'article R. 621-35 du code monétaire et financier, en particulier, prévoit que les auditions conduites par les enquêteurs de l'AMF font l'objet de procès-verbaux, ces dispositions ne sont applicables qu'à la phase de contrôle, ouverte le jour de la signature des ordres de mission par le secrétaire général de l'AMF. Or en l'espèce, la rencontre litigieuse du 21 novembre 2014 est intervenue avant l'ouverture du contrôle, décidée le 3 février 2015. D'autre part, le principe des droits de la défense, rappelé tant par le premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, précisé par son troisième alinéa que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF, ni a fortiori aux étapes antérieures à cette phase d'enquêtes et de contrôle. Si les enquêtes réalisées par les agents de l'AMF, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, il n'est en l'espèce pas établi, ni même allégué, qu'il aurait été porté une telle atteinte irrémédiable aux droits de la société NAM. Par suite, le moyen tiré de ce que l'audition de l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de cette société aurait porté atteinte au droit de la défense ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article R. 621-33 du code monétaire et financier applicable à la phase de contrôle : " II. - Avant de confier un ordre de mission à l'une des personnes mentionnées au 2° du I, au II et au III de l'article R. 621-31, le secrétaire général s'assure que la personne pressentie n'est pas susceptible d'être en conflit d'intérêts avec la personne appelée à être l'objet de la mission de contrôle ou d'enquête. A cette fin, lorsque la personne pressentie est l'une de celles mentionnées aux e, f, g ou h du 2° du I de l'article R. 621-31, le secrétaire général lui demande de l'informer de l'ensemble des relations professionnelles qu'elle a eues avec la personne appelée à être l'objet de la mission, au cours des trois années précédentes. Le secrétaire général ne peut lui confier une mission si, au cours de la période considérée, elle a contrôlé ou conseillé les personnes concernées sur les services ou transactions en cause ". La circonstance qu'en l'espèce l'un des membres de la mission de contrôle a participé, avant l'ouverture de la procédure de contrôle, au rendez-vous du 21 novembre 2014 avec l'ancien directeur " conformité, contrôle interne et risques " de la société NAM ne saurait caractériser un conflit d'intérêts au sens des dispositions qui viennent d'être citées. En outre et en tout état de cause, il n'est ni démontré ni même allégué qu'une telle circonstance aurait effectivement eu pour effet de porter de porter une atteinte irrémédiable aux droits de la société NAM. Par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité du contrôleur ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du IV de l'article R. 621-32 du code monétaire et financier : " les ordres de mission sont établis par le secrétaire général qui précise leur objet et les personnes qui en sont chargées ". Contrairement à ce qui est soutenu, en application de ces dispositions, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers pouvait légalement, ainsi qu'il l'a décidé le 3 février 2015, établir un ordre de mission portant " sur le respect par la société Natixis Asset Management de ses obligations professionnelles ".
5. En quatrième lieu, pour regrettable qu'ait été la communication de notes internes, couvertes par le secret professionnel, aux services de l'Autorité des marchés financiers à la presse, il ne résulte pas de l'instruction que cette fuite ait porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense. Quant à la circonstance, également invoquée par la requérante, que l'AMF n'aurait pas réagi à la " pression médiatique " exercée sur elle au cours de la procédure de contrôle litigieuse, elle est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.
6. Enfin, aux termes du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le Président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / Sous réserves de l'article L. 465-3-6, s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées (...) ". Aux termes de l'article R. 621-36 : " Les résultats des enquêtes et des contrôles font l'objet d'un rapport écrit. Ce rapport indique notamment les faits relevés susceptibles de constituer des manquements aux règlements européens, au présent code, au code de commerce, au règlement général de l'Autorité des marchés financiers et aux règles approuvées par l'Autorité, des manquements aux autres obligations professionnelles ou une infraction pénale ". Aux termes de l'article 143-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Tout rapport établi au terme d'un contrôle est communiqué à l'entité ou la personne morale contrôlée. [...]. L'entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l'AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ". Il résulte de ces dispositions que la notification de griefs qui déclenche l'ouverture de la procédure de sanction doit s'appuyer, en ce qui concerne l'établissement des faits reprochés, sur les résultats des enquêtes et des contrôles réalisés, tels qu'ils ont été consignés dans un rapport écrit, sur lequel la personne mise en cause est mise en mesure de présenter ses observations.
7. La société requérante soutient que, tant en méconnaissance des dispositions citées au point précédent que des droits de la défense, le collège de l'Autorité des marchés financiers s'est fondé, dans la notification de griefs qu'il lui a adressée, non seulement sur le rapport de la mission de contrôle, mais également sur une note de plus de seize pages constituées de six fiches dites " de constats complémentaires ", qui ne lui avait pas été préalablement communiquée. Toutefois il ressort des pièces du dossier que les fiches de constats complémentaires auxquelles la notification de griefs adressée à la société NAM fait référence sont de simples notes de synthèse et d'analyse exclusivement produites à partir des données contenues dans le rapport de la mission de contrôle. Elles ne révèlent pas la réalisation d'opérations d'enquête et de contrôle complémentaires dont les résultats n'auraient pas été consignés dans le rapport de contrôle et sur lesquels la société NAM n'aurait pas été invitée à faire part de ses observations. Dans ces conditions, ni les dispositions citées au point précédent, ni les droits de la défense, en particulier le respect du principe du contradictoire, n'ont été méconnus.
Sur la prescription partielle de l'action :
8. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 du CMF applicables en l'espèce : " (...) La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. ".
9. En premier lieu, la société requérante soutient que le manquement tenant à la qualité de l'information figurant dans les prospectus des fonds était prescrit, dès lors que ces fonds étaient tous antérieurs au 3 février 2012 et que la procédure de contrôle n'a été ouverte que le 3 février 2015. Toutefois, lorsque sont en cause des manquements aux obligations professionnelles relatives à la cohérence, avec les caractéristiques de l'investissement proposé, de l'information délivrée au public dans les documents accompagnant la commercialisation de produits financiers, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où le manquement est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l'exercice, par l'Autorité des marchés financiers, de ses missions de contrôle, notamment en vue de l'ouverture d'une procédure de sanction. Or, ainsi que cela ressortira des points suivants, il résulte de l'instruction qu'il n'était pas possible de constater le caractère éventuellement inexact et trompeur de l'information contenue dans les prospectus litigieux dès le moment de leur diffusion, ni même sur la base des seuls rapports comptables semestriels et annuels transmis à l'AMF. Seule une analyse approfondie des données financières concernant la gestion des fonds en cause permettait, a posteriori, de déterminer les modalités précises d'affectation des différentes sommes prélevées (commissions de rachat, marge de restructuration). Par suite, le point de départ du délai de prescription concernant le manquement afférant à la qualité de l'information ne peut être fixé avant le 16 décembre 2014, jour où l'AMF a reçu le rapport d'audit interne réalisé par la société Natixis Global Asset Management (NGAM).
10. En second lieu, s'agissant du grief tenant au prélèvement de charges indues et injustifiées que constitueraient les " commissions de rachat ", la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a estimé que seules les charges antérieures au 16 décembre 2011 étaient couvertes par la prescription. La société NAM soutient qu'étaient également couvertes par la prescription les charges prélevées antérieurement au 3 février 2012, soit trois années avant l'ouverture du contrôle, qui constitue à ses yeux le premier acte interruptif de prescription. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédents, ce n'est que sur la base du rapport d'audit interne réalisé par NGAM que l'éventuel manquement a pu être constaté par l'AMF dans les conditions permettant l'exercice de ses missions de contrôle. Par suite, le point de départ du délai de prescription concernant le manquement afférant au prélèvement de charges indues et injustifiées ne peut être fixé avant le 16 décembre 2014 et le moyen tiré de ce que toutes les charges antérieures au 3 février 2012 étaient couvertes par la prescription ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de la décision :
En ce qui concerne la définition des fonds à formule :
11. En premier lieu, d'une part, si, aux termes des articles R. 214-28 et R. 214-32-39 du code monétaire et financier, les fonds à formule sont définis par un " objectif de gestion " consistant à " atteindre, à l'expiration d'une période déterminée, un montant déterminé par application mécanique d'une formule de calcul prédéfinie ", de telles dispositions ne font pas obstacle à ce que la rémunération finale des porteurs excède un tel montant. Il résulte au demeurant de l'instruction que le fait de verser, à l'échéance d'un fonds à formule et dans le cas d'une surperformance de ce fonds, davantage que la formule promise au départ correspond à une pratique courante d'un certain nombre de société de gestion. D'autre part, aux termes de l'article 319-16 du règlement général de l'AMF applicable en l'espèce : " Sans préjudice de l'article 319-13, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de FIA [fonds d'investissement alternatif] et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de rachat du fait de l'investissement en FIA ou fonds d'investissement par le FIA bénéficient exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le délégataire de la société de gestion de portefeuille pour la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la société liée mentionnée au c du 2° de l'article 319-14 peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations d'acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant au FIA dans les conditions définies dans le prospectus, ou à défaut, le document d'information à destination des investisseurs du FIA. ". Il résulte des dispositions des articles 319-16 et 321-120 du règlement général de l'AMF respectivement applicables aux FIA et aux OPCVM que les porteurs de parts d'un fonds à formule doivent être regardés soit comme les copropriétaires indivis de l'actif du fonds (dans le cas d'un FIA), soit comme les propriétaires directs des actifs-sources (dans le cas d'un OPCVM). Par suite, à l'échéance du fonds, si la valeur liquidative du fonds est supérieure à la valeur liquidative correspondant à la réalisation de la formule, chaque porteur a droit à ce que lui revienne sa quote-part de l'intégralité du revenu supplémentaire généré. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, la " formule " ne saurait être regardée comme déterminant le montant maximal de la rémunération à laquelle les porteurs de parts d'un fonds à formule ont droit.
12. En second lieu, il est constant que la détermination de la formule elle-même par la société de gestion commercialisant le fonds dépend de la rémunération que cette société souhaite se réserver, ainsi qu'aux autres intervenants. Le caractère plus ou moins avantageux de la formule proposée est donc directement fonction de la nature et du montant des frais de gestion applicables au fonds en question, l'affichage de frais de gestion plus faibles qu'ils ne le sont en réalité peut donner l'impression que la formule du fonds est plus intéressante pour les investisseurs potentiels qu'elle ne l'est en réalité. En outre, si la valeur liquidative garantie est indépendante de la valeur liquidative du fonds et n'est pas affectée par les frais de gestion autrement que, ainsi qu'il vient d'être dit, au travers du calcul de ladite formule, les frais qui viennent en minoration de l'actif net du fonds et de la valeur liquidative affectent, en revanche, directement les investisseurs rachetant leurs parts en cours de vie, puisque ces investisseurs se heurtent alors à un niveau de valeur liquidative dégradée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'invocation du caractère parcellaire ou erroné des informations relatives au frais de gestion applicable peut être utilement invoquée contre les fonds à formule litigieux.
En ce qui concerne les manquements :
13. Il résulte de l'instruction et notamment de l'enquête à la barre diligentée par la sixième chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat que les fonds litigieux étaient constitués de deux parties : d'une part, un panier d'actifs figurant au bilan du fonds, d'autre part, hors bilan, un swap de performance, conclu entre le fonds et une contrepartie bancaire, destinés à garantir à l'échéance le capital investi et à délivrer au fonds la formule promise aux porteurs à l'échéance. En échange, le fonds versait périodiquement à la contrepartie bancaire un flux variable. Pour chacun des fonds, la société NAM avait conclu une convention de garantie par laquelle le garant s'engageait à combler l'éventuel écart entre la valeur liquidative du fonds à l'échéance et la valeur liquidative garantie, sous réserve des évolutions fiscales et réglementaires susceptibles d'affecter la performance des fonds. Le coût de cette garantie était intégré aux frais de gestion et donc supporté par les porteurs. En plus de cette garantie contractuelle, la société NAM avait constitué une marge de sécurité, exigée par le garant des fonds, identifiée sous le nom de " coussin ". Son objet était de couvrir le risque de marché et le risque de taille pendant la phase de lancement, puis, pendant la vie des fonds, de couvrir une partie des risques règlementaires, opérationnels ou fiscaux, non couverts par le garant. Ce " coussin " était alimenté, d'une part, par les " commissions de rachat acquises au fonds nettes du coût de réajustement des swaps " et d'autre part, par " la différence issue de la marge de structuration ". Les commissions de rachat sont les commissions dont les porteurs devaient s'acquitter pour sortir des fonds litigieux avant le terme prévu par le contrat, dont le montant s'élevait à 4 % de la valeur liquidative des parts remboursées. Ces commissions étaient présentées dans les prospectus comme, pour moitié, " non acquises " au fonds et réparties entre la société de gestion et le réseau de distribution, au titre des coûts liés au désinvestissement et, pour moitié, comme " acquises " au fonds et correspondant aux " commissions de rachat nettes des coûts d'ajustement ". La marge de structuration est le produit de la différence entre les flux reçus par le fonds provenant du swap de performance et les flux versés par le fonds à la contrepartie bancaire et aux différents intervenants, destinée à alimenter l'actif net du fonds durant la vie de celui-ci. A l'échéance, la différence entre la valeur liquidative constatée et la valeur liquidative garantie était ainsi susceptible de dégager un reliquat.
14. La décision attaquée reproche à la société NAM, d'une part, d'avoir procédé à des prélèvements indus sur les commissions de rachat " acquises aux fonds " en ayant sur ce point délivré aux investisseurs une information tronquée ou erronée dans les prospectus de présentation de ces fonds ainsi que dans les rapports annuels et en ayant, ce faisant, prélevé sur les porteurs de ces fonds des charges indues et injustifiées ayant en outre conduit à dépasser le plafond des frais de gestion et, d'autre part, d'avoir procédé à des prélèvement de la " différence issue de la marge de structuration " conduisant également à un dépassement des frais de gestion ainsi qu'à la délivrance d'informations tronquées dans les rapports annuels.
S'agissant des moyens concernant les griefs relatifs aux commissions de rachat dites " acquises " au fonds :
15. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2007 : " I.- Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ". Aux termes de l'article 411-113 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, applicable aux OPCVM, et de l'article 422-71 du même règlement, applicable aux FIA, dans leurs versions en vigueur, respectivement, du 21 octobre 2011 au 16 avril 2016 et depuis le 21 décembre 2013, non modifiées depuis dans un sens moins sévère : " Le prospectus de l'OPCVM [ou du FIA] contient les renseignements nécessaires pour que les investisseurs puissent juger en pleine connaissance de cause l'investissement qui leur est proposé, et notamment les risques inhérents à celui-ci. (...) / Les éléments essentiels du prospectus sont tenus à jour. Le contenu du prospectus est défini dans une instruction de l'AMF ". Les instructions AMF 2011-19 et 2011-20 du 21 décembre 2011, modifiées le 26 octobre 2012, relatives notamment à l'établissement des prospectus des OPCVM et des FIA précisent que " L'objectif du prospectus est de donner une description de l'exhaustivité des frais, commissions et rémunérations des différents acteurs et intermédiaires, les informations complémentaires (commissions de gestion indirectes par exemple) venant détailler le total des frais courant du document d'information clé pour l'investisseur ".
16. Il résulte de l'instruction que, alors que, ainsi qu'il a été dit, les prospectus en cause indiquaient que les commissions de rachat étaient pour moitié, " acquises " au fonds afin de " compenser les frais supportés par [les fonds] pour investir ou désinvestir les avoirs confiés ", la part de ces commissions de rachat en principe " acquises au fond " nécessaire pour compenser les coûts effectivement subis par le fonds s'agissant du réaménagement du swap de performance induits par la sortie du porteur était en pratique très limitée (en moyenne à hauteur de 0,5 % du prix de rachat, soit environ un quart de la partie " acquise au fond " de la commission de rachat), le reliquat des sommes (environ les trois quarts) ayant été, à l'échéance des fonds en cause, soit conservé par la société NAM soit versé dans des fonds monétaires issus de la transformation des fonds à formule à l'échéance de ces derniers.
17. La société NAM soutient que l'apparition de ce surplus entre la commission de rachat dite " acquise " au fonds, facturée au porteur sortant, et les coûts effectifs de réaménagement du swap de performance induits par le rachat était inéluctable, la réglementation imposant au rédacteur du prospectus de déterminer la commission sous forme de taux fixe, alors que le coût du réaménagement dépend de conditions qui ne sont connues qu'après la diffusion du prospectus, à la date du rachat, ce qui obligeait l'auteur du prospectus à fixer le taux de commission de rachat " acquise " au fonds à un niveau " plafond " supérieur à ce qu'il anticipait être le coût maximum du réaménagement. Une telle circonstance, toutefois, ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que le prospectus mentionnât que les commissions de rachat de 2 % servaient en principe à compenser les frais liés au désinvestissement des avoirs confiés, mais que le surplus constituait une rémunération supplémentaire de la société de gestion, une telle précision ne conduisant pas à une complexification du document telle qu'elle aurait nuit à la clarté de l'information due aux porteurs. De même, la circonstance également invoquée que ces commissions de rachat devaient servir de pénalité pour les investisseurs décidant de sortir du fonds de façon anticipée ne dispensait pas la société NAM de son obligation d'indiquer dans les prospectus le fait qu'une partie du produit de cette pénalité pouvait servir à rémunérer la société de gestion. En outre, dès lors que les commissions de rachat étaient, dans les prospectus des fonds, présentées comme " acquises " au fonds, alors qu'une partie pouvait finalement servir à rémunérer la société de gestion, la présentation était incontestablement trompeuse. Par suite, en estimant, que l'information contenue dans les prospectus des fonds en cause était à la fois " parcellaire " et " trompeuse " au sens des dispositions rappelées au point 24, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation. L'illégalité des pratiques qui viennent d'être décrites
18. En deuxième lieu, il résulte notamment des dispositions des articles L. 533-1, L. 214-9 et L. 214-24-44 du code monétaire et financier, du 5° de l'article 314-3-1 et de l'article 319-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, ainsi que de l'article 17.2 du règlement délégué 231/2013 de la commission du 19 décembre 2012, entré en vigueur le 22 juillet 2013, applicables aux FIA comme aux OPCVM, que le prestataire de service d'investissement agit dans l'intérêt des porteurs, de manière à prévenir l'imposition de coûts indus ou injustifiés.
19. La société NAM reproche à la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers d'avoir estimé que les prélèvements des commissions de rachat nettes constituaient des " charges indues et injustifiées " imposées, en méconnaissance des dispositions qui viennent d'être rappelées, par les porteurs de parts. Elle soutient en particulier que, dès lors que les commissions de rachat n'étaient pas payées par les fonds eux-mêmes, mais seulement par les porteurs ayant décidé de sortir du fonds, les dispositions citées au point précédent n'étaient pas applicables. Toutefois, d'une part, dès lors que la sortie anticipée des fonds constituait pour chaque porteur un droit qui leur était reconnu lors de sa souscription au fonds, le fait pour la société de gestion de portefeuille de ne pas verser au fonds, après déduction des coûts de réajustement des " swaps " qui leur étaient systématiquement inférieurs, le reliquat des commissions de rachat revenait à porter atteinte à l'intérêt collectif des porteurs des fonds en cause. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, cette pratique affectait nécessairement, en amont, l'appréciation de l'intérêt de la formule proposée, c'est-à-dire du rendement garanti aux porteurs sortant à l'échéance. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la commission des sanctions a estimé que la pratique litigieuse consistait à faire supporter aux fonds en cause et aux investisseurs de ces fonds des coûts injustifiés.
20. En troisième lieu, si les commissions de rachat nettes ont servi à alimenter le " coussin " précédemment mentionné afin de prémunir, en complément de la garantie, les porteurs contre certains risques, le fait de s'approprier finalement les sommes en cause dès lors qu'elles n'étaient pas consommées portait nécessairement, contrairement à ce que soutient la société requérante, atteinte à l'intérêt des porteurs. Par ailleurs, l'affirmation de la requérante selon laquelle, si les sommes litigieuses avaient été laissées à l'actif net des fonds, il en aurait résulté une incitation à la sortie anticipée du fonds, facteur de déstabilisation de celui-ci et, par conséquent, contraire aux intérêts collectifs des porteurs, est contredite par le fait, résultant de l'instruction, que ce traitement comptable n'avait pas d'impact pour les porteurs qui rachetaient leurs parts dès lors qu'en cours de vie du swap, l'incidence sur la valeur liquidative de ce traitement comptable pour les éventuels porteurs sortants était négligeable par rapport à la pénalité qu'ils devaient payer en cas de rachat.
21. Enfin, la requérante soutient que le reliquat des commissions de rachat n'entrait pas dans le champ des " frais de gestion " servant au calcul du respect du " plafond des frais de gestion maximum " mentionné par les prospectus et figurant dans les rapports annuels des fonds. Toutefois, dès lors que ce reliquat avait vocation, ainsi qu'il a déjà été dit, à rémunérer la société de gestion, il entrait bien dans la catégorie des " frais de gestion ". En outre, même si seuls les porteurs décidant de sortir du fonds de façon anticipée doivent s'acquitter de commissions de rachat, les sommes correspondant au reliquat étaient en définitive prélevées au détriment de l'ensemble des porteurs du fonds concerné. Par suite, c'est à bon droit que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers les a confrontés au plafond de 2 % de frais de gestion qui s'appliquait à ces fonds. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, en affirmant, d'une part, que les commissions de rachat nettes auraient dû être comptabilisées comme des frais de gestion et, d'autre part, qu'elles aboutissaient à faire supporter aux fonds et in fine aux porteurs des charges indues et injustifiées, la commission des sanctions n'a entaché sa décision d'aucune contradiction.
S'agissant des moyens concernant le grief relatif au prélèvement de la différence issue de la marge de structuration :
22. Dans la décision attaquée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a reproché sur ce point à la société NAM, d'une part, de ne pas avoir ajouté aux frais de gestion constatés par ailleurs cette fraction de la marge de structuration pour vérifier si le taux maximum de frais de gestion n'était pas dépassé lors de certains exercices et, d'autre part, d'avoir donné une information inexacte, concernant les frais de gestion, en ce qu'elle n'intégrait pas la partie de la marge de structuration ainsi considérée.
23. En premier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, aucune obligation ni aucun principe ne faisait obstacle au versement, au-delà de la formule promise, au bénéfice des porteurs, de cette différence issue de la marge de structuration.
24. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, que les prospectus simplifiés des fonds litigieux faisaient référence à un taux de frais effectivement facturé au cours du dernier exercice clos, calculé annuellement par conséquent, ce qui excluait l'approche " lissée " en moyenne annuelle sur toute la durée de vie du fonds à laquelle, selon la société requérante, il aurait fallu procéder. En outre, les document d'informations clés pour l'investisseur faisaient état d'un pourcentage de frais de gestion prélevés par année. Dès lors, à supposer même que l'approche " lissée " fût admise par la réglementation, elle ne pouvait être appliquée aux fonds litigieux, les prospectus d'information y faisant expressément obstacle, ainsi que l'a relevé également le rapport d'audit interne de NGAM du 15 décembre 2014, qui faisait état d'" un dépassement du taux maximum de frais de gestion annuel prévu dans les prospectus ". La circonstance que la commission des sanctions, pour conclure que le taux maximum des frais de gestion ne pouvait être apprécié sur la durée de vie du fonds, se serait également référée, à tort, aux prescriptions de l'instruction AMF n° 2005-02, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, une telle motivation n'ayant été développée qu'à titre surabondant, ainsi qu'en atteste, dans la décision litigieuse (alinéa 5 de la page 14) l'emploi de la locution adverbiale " d'ailleurs ".
25. Enfin, il résulte de l'instruction que six des fonds en cause n'ont pas été dissous à l'échéance mais transformés, avec, ainsi que l'exige la réglementation, l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers, en des fonds monétaires auxquels ont pu participer les porteurs des fonds. La société requérante fait valoir que le reliquat des marges de structuration pour ces six fonds (correspondant à un montant total de 1,038 millions d'euros) n'a pas été encaissé par elle mais simplement transféré de l'actif net en compte de dettes, de sorte qu'il ne se serait pas agi pour elle d'une rémunération. Toutefois, le fait que les sommes en cause n'aient pas servi à rémunérer directement la société de gestion ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient regardées comme une composante des frais de gestion, dès lors que les porteurs de parts, auxquels elles revenaient en principe, en ont été privés à l'échéance du fonds.
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines :
26. Pour estimer que la société NAM avait commis les six manquements qui lui étaient reprochés, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers s'est fondée sur les deux séries de dispositions, respectivement présentées aux points 15 et 18, les unes relatives à l'information délivrée par les prospectus de présentation des fonds, les autres relatives au droit commun de la gestion collective, et en particulier au respect de l'intérêt des porteurs et à l'interdiction de faire peser sur ces derniers des coûts injustifiés. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des points 15 à 25 que l'illégalité des pratiques de la société NAM, que celles-ci fussent relatives aux commissions de rachat ou à la marge de structuration, pouvait être immédiatement déduite des obligations énoncées dans ces textes, sans qu'il fût nécessaire d'énoncer au préalable des " règles de comportement particulières ". Si par ailleurs la société requérante soutient, à propos de chacune des deux séries de manquements en cause, que les normes de comportement dont la commission des sanctions a fait application en l'espèce seraient en rupture avec les " choix passés " du régulateur et n'auraient donc pas été prévisibles, elle se borne, à l'appui de cette affirmation, à invoquer des textes définissant les fonds à formule, ainsi que de simples articles ou rapports sans portée normatives, qui, en tout état de cause, n'établissent pas l'existence d'une jurisprudence antérieure avec laquelle la décision attaquée serait en rupture. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté en toutes ses branches.
S'agissant des moyens tirés de l'application erronée des " principes généraux du droit financier " à laquelle la commission des sanctions aurait procédée :
27. En premier lieu, la société requérante soutient que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a fait une application erronée aux faits litigieux des principes de l'intérêt des porteurs, de l'égalité entre eux, ainsi que de leur correcte information.
28. Toutefois, d'une part, s'agissant de l'intérêt des porteurs, il résulte des dispositions des articles L. 214-9 et L. 533-11 du code monétaire et financier ainsi que de l'article 314-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers qu'une société de gestion de portefeuille doit, lorsqu'elle effectue des opérations financières pour le compte d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) qu'elle gère, tenir compte du seul intérêt des porteurs de parts de chacun des OPCVM concernés, à l'exclusion d'intérêts concurrents, divergents ou antagonistes, y compris ceux de la société de gestion elle-même ou d'autres OPCVM dont elle assure la gestion. En l'espèce, la société requérante fait valoir, en substance, que la constitution d'une provision, appelée " coussin ", destinée à couvrir les risques exogènes non couverts par la garantie des fonds, servait l'intérêt des porteurs. Un tel argument, toutefois, est inopérant, dans la mesure où ce n'est pas le principe de ce " coussin " que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a contesté, mais l'utilisation qui a été faite de son reliquat, à savoir de la partie du " coussin " non consommée à l'échéance des fonds en cause. En estimant que ce reliquat aurait dû être rétrocédé au fonds et non servir, comme cela a été le cas, de rémunération complémentaire à la société de gestion, la formule, ainsi qu'il a été dit, ne constituant pas un maximum légal de rémunération, la commission des sanctions a fait une juste application du respect de la primauté des intérêts des porteurs précédemment rappelé.
29. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que les porteurs ont à tout moment la possibilité de sortir du fonds, le principe de correcte information des porteurs s'applique en tout état de cause à la période postérieure à la constitution du fonds et, par conséquent, également aux rapports annuels des fonds.
30. Enfin, dès lors que, pour chaque période considérée, un même et unique taux s'appliquait à tous les porteurs du fonds, le fait d'avoir fait varier au cours du temps le taux de frais de gestion applicable aux fonds en cause ne portait pas atteinte au principe d'égalité entre les porteurs. Si, en estimant le contraire, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, ainsi que l'a relevé à juste titre la société requérante, porté une appréciation erronée sur les faits de l'espèce, son argumentation sur ce point ne revêtait qu'un caractère surabondant et est, par suite, sans incidence sur la caractérisation des manquements en cause.
31. En second lieu, la société requérante soutient que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers aurait, de surcroît, omis de faire application du principe selon lequel une " institution juridique s'apprécie en fonction de son exécution, pas de son inexécution ", ainsi que des principes de " prudence comptable et d'image fidèle ". Toutefois, d'une part, la possibilité pour les porteurs des fonds à formule litigieux de sortir de ce fonds avant l'échéance constituant, ainsi qu'il a été dit, un droit qui leur était reconnu, une telle sortie anticipée ne saurait par conséquent être caractérisée comme une modalité " inexécution " d'une " institution juridique ". D'autre part, les principes comptables de prudence comptable et d'image fidèle n'imposaient pas, en tout état de cause, que des sommes soient provisionnées afin de couvrir des risques non couverts par la garantie, dès lors que de tels risques, en l'espèce, n'étaient pas avérés.
En ce qui concerne la sanction prononcée :
32. Aux termes du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la sanction en litige : " Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ". Il résulte également des dispositions du même article que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et des avantages ou des profits éventuellement tirés de ces manquements.
33. Les manquements retenus à l'encontre de la société NAM, qui concernent le respect de l'intérêt exclusif des porteurs et leur bonne information et résultent d'un affranchissement volontaire des règles comptables et des dispositions règlementaires applicables des OPCVM ont été commis par l'un des acteurs importants de la gestion d'actifs en France et se sont échelonnés sur une durée de trois ans. Le montant des sommes indument prélevées est important, s'élevant à un total maximum de 15,6 millions d'euros, une partie de cette somme ayant néanmoins été transférée dans de nouveaux fonds monétaires à l'échéance des fonds en cause et n'ayant donc pas directement servi à rémunérer la société NAM. Ces éléments doivent toutefois être tempérés, d'une part, par le fait que la gestion mise en oeuvre par la société NAM a permis, pour la totalité des fonds litigieux, d'atteindre la formule à l'échéance, d'autre part, par le fait que la société NAM a rapidement tenu compte des conclusions de la mission de contrôle en modifiant ses schémas comptables pour les fonds nouvellement lancés. Il résulte en outre de l'instruction que la société NAM aurait pu s'assurer le même niveau de rémunération sans méconnaître la réglementation relative aux charges indues, par exemple si, au lieu d'utiliser la technique, précédemment décrite, consistant à provisionner un " coussin ", elle avait prélevé annuellement un taux fixe de frais de gestion, comme il apparait qu'il est d'usage courant pour les fonds à formules. Il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, tout en maintenant l'avertissement qui lui a été signifié, de ramener la sanction pécuniaire infligée à la société NAM à un montant de 20 millions d'euros.
34. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de faire droit aux conclusions de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles présentées par l'Autorité des marchés financiers.
D E C I D E :
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Article 1er : La sanction pécuniaire de trente-cinq millions d'euros infligée à la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers International, est ramenée à vingt millions d'euros.
Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision. La présente décision sera publiée sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Natixis Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers International, est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Natixis Investement Managers International, et à l'Autorité des marchés financiers.