Conseil d'État
N° 429188
ECLI:FR:CEORD:2019:429188.20190529
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats
Lecture du mercredi 29 mai 2019
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 mars et 10 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2019 par laquelle le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie a refusé le remboursement des facturations de consultations et de téléconsultations réalisées par le centre de santé de SNP et téléconsultations situé 40 avenue de Verdun à Créteil (Val-de-Marne) ;
2°) de mettre à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie et conjointement l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de la décision du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dès lors qu'elle est de portée générale ;
- la requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, l'exécution de la décision porte une atteinte grave et immédiate à la situation économique de l'association et du centre de santé dont le modèle économique repose sur la facturation des actes réalisés et au remboursement de ces actes par les Caisses d'assurance maladie et, d'autre part, entraîne l'impossibilité pour le centre de santé d'accomplir son activité principale de délivrer des soins remboursables par l'assurance maladie ;
- la décision du 3 janvier 2019 est entachée d'une illégalité externe dès lors, d'une part, qu'elle est insuffisamment motivé et, d'autre part, qu'elle a été prise par le directeur général de la CNAM qui n'était pas compétent pour interdire au centre de santé d'exercer toute activité ;
- la décision litigieuse est entachée d'une première erreur de droit en retenant que le centre de santé ne respectait pas le cadre de prise en charge des actes de téléconsultation défini par l'avenant n° 06 de la convention médicale dès lors que, d'une part, le centre de santé répond expressément aux exigences de la téléconsultation définies par la convention médicale et, d'autre part, l'avenant n° 06 n'impose nullement que le champ d'intervention des organisations territoriales soit strictement limité à un territoire restreint ;
- la décision litigieuse est entachée d'une seconde erreur de droit en ce qu'elle tend à interdire au centre de santé de facturer, au surplus, tout acte de consultation sans justifier cette suspension ;
- la décision est entachée de plusieurs erreurs de faits en ce qu'elle retient, d'une part, que le centre de santé ne dispose pas d'un accueil physique de patients et, d'autre part, qu'elle conditionne la levée du blocage des facturations à la mise en oeuvre, par le centre de santé, d'un mode d'organisation spécifique, sans le définir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations ne sont pas fondés.
La ministre des solidarités et de la santé a présenté ses observations, enregistrées le 10 mai 2019.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations et, d'autre part, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie et la ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 13 mai 2019 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
- Me Baraduc, avocat au Conseil, avocat de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
- les représentantes du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été prolongée ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 14, 23 et 24 mai 2019, présentés par l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 mai 2019, présenté par la Caisse nationale d'assurance maladie ;
Après avoir convoqué à une deuxième audience publique, d'une part, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations et, d'autre part, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie et la ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 mai 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
- Me Baraduc, avocat au Conseil, avocat de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
- les représentantes du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'association DigiSanté a pour objet de gérer des centres de santé et de téléconsultations. Elle assure la gestion du centre de santé de CNP et téléconsultations situé 40 avenue de Verdun à Créteil (Val-de-Marne). Le centre de santé assure des prestations remboursées par l'assurance maladie. Par une décision du 3 janvier 2019, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie a mis fin au remboursement des actes de consultations et téléconsultations réalisés par les professionnels du centre aux motifs que les modalités d'organisation des consultations de télémédecine ne répondent pas au cadre de prise en charge des actes de téléconsultations définis par la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016 et notamment son avenant 6. L'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2019.
Sur l'étendue du litige :
3. Au cours de la première audience, et par une production ultérieure, la CNAM a précisé que le refus de rembourser les consultations physiques ne portait que sur celles des téléconsultations erronément présentées par l'association DigiSanté au remboursement comme consultations physiques et qu'elle ne s'opposait en rien au remboursement des consultations physiques que le centre de santé requérant pourrait à l'avenir délivrer. Les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du directeur général de la CNAM en tant qu'elle porterait refus de remboursement des consultations réelles délivrées par le centre sont donc sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la motivation :
4. La décision expose suffisamment les éléments de fait et de droit qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation ne peut donc être regardé comme suffisant à jeter un doute sérieux sur la légalité de la décision critiquée.
Sur la compétence :
5. La décision critiquée porte sur le remboursement des actes de téléconsultation. Alors même qu'elle aurait des effets économiques sérieux sur l'activité de la demanderesse et pourrait mettre en péril sa viabilité, elle ne peut être regardée comme ayant pour objet ou pour effet d'interdire son activité, au surplus préservée comme il a été dit ci-dessus dans sa dimension de centre de santé procédant à des consultations physiques. Le moyen tiré de l'incompétence du directeur de la CNAM pour mettre fin à l'activité de l'association DigiSanté ne peut donc être regardé comme sérieux.
Sur l'erreur de fait, de droit et d'appréciation :
6. En vertu des stipulations de l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance-maladie signée le 25 août 2016, la télémédecine n'est normalement exercée, en principe, que par le médecin traitant d'un patient, dans le respect du parcours de soins coordonnés, et avec l'accord initial du patient, la téléconsultation devant en principe ne concerner que des patients connus du médecin. Toutefois, cet avenant prévoit que l'exigence du respect du parcours de soins coordonnés ne s'applique pas aux patients qui ne disposent pas de médecin traitant désigné, ou lorsque ce dernier n'est pas disponible dans des délais compatibles avec leur état de santé. Dans ce seul cas, le médecin téléconsultant n'est pas nécessairement connu du patient. Toutefois, même dans ce dernier cas, la téléconsultation est " assurée dans le cadre d'une organisation territoriale ". Ces organisations territoriales coordonnées, mentionnées au point 28.6.1.2 de l'article 28-6, sont conçues de manière à permettre une prise en charge rapide du patient, en raison de son éloignement d'un offreur de soins, et de le mettre en mesure, si l'on n'en dispose pas, de désigner un médecin traitant dans le but de réintégrer le parcours de soins. Pour mettre en oeuvre une telle organisation territoriale, les centres de santé régis par les articles L. 162-32 du code de la sécurité sociale et suivants peuvent organiser une réponse de télémédecine de manière coordonnée ouverte à tous les professionnels de santé du territoire concerné.
7. Quoiqu'affectées de certaines imprécisions, ces stipulations permettent néanmoins de caractériser le domaine de la téléconsultation comme reposant sur une organisation territoriale, dont il résulte clairement de la convention qu'elle ne peut être d'ampleur nationale. Elle doit être fondée, même dans le cas régi par le point 28.6.1.2 où il est dérogé au principe de téléconsultation par le médecin traitant, sur une organisation locale composée essentiellement de praticiens procédant à des consultations physiques, sans que puisse être exclu entièrement le recours à d'autres patriciens ou spécialistes installés hors du territoire concerné. La téléconsultation ne peut, dans la perspective de la convention, qu'être délivrée accessoirement à une activité principale de consultation réelle, pour suppléer notamment à l'absence de praticiens, ou à la difficulté du patient de se déplacer, et si elle peut, à titre dérogatoire, concerner des patients sans médecin référent, c'est dans la perspective qu'ils puissent en trouver un, et donc principalement au bénéfice de patients domiciliés dans le territoire concerné. Dans l'exercice de son devoir d'interprétation raisonnable des volontés des parties à la convention, telles que résumées ci-dessus, et de ses pouvoirs, la CNAM ne saurait procéder au remboursement, et doit donner instruction en ce sens, de consultations qui relèveraient d'une organisation incompatible avec la convention.
8. L'organisation choisie par l'association DigiSanté repose, pour l'essentiel, sur un ensemble de médecins salariés à temps partiels qui ne sont mobilisés que pour des consultations de télémédecine. Initialement dépourvu de médecins pouvant procéder à des consultations sur place, le centre n'en compte un que depuis le milieu du mois de mai. Le centre a vocation à délivrer des consultations de télémédecine sur la totalité du territoire national, et, dans le dernier état du projet exposé durant les audiences, principalement au profit de patients de l'Ile-de-France, et de l'ensemble du territoire national dans des zones ou la densité de médecins installés est faible. Ne constituant pas la prolongation d'une activité physique exercée par des praticiens au sein d'un territoire identifié, qui ne saurait, dans l'esprit ayant présidé à la conclusion de la convention, s'étendre à un bassin de population comptant des millions d'habitants, cette organisation, alors même que le centre de santé déclaré à l'ARS n'a fait l'objet de la part de cette dernière d'aucune critique sur sa conformité aux exigences du code de la sécurité sociale, ne répond pas aux objectifs et aux limites qui découlent de l'article 28-6 de la convention. Le moyen tiré de ce que la CNAM n'aurait pu s'opposer au remboursement de ses prestations sans méconnaître la convention n'apparaît pas, dès lors, en l'état, comme susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont suspension est demandée.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, la requête de l'association DigiSanté doit être rejetée.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie et de l'Etat qui ne sont pas la partie perdante.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du directeur général de la CNAM en tant qu'elle porterait refus de remboursement des consultations réelles délivrées par le centre.
Article 2 : La requête de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association DigiSanté, au centre de santé de CNP et Téléconsultations et au directeur général de l'assurance maladie.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.
N° 429188
ECLI:FR:CEORD:2019:429188.20190529
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats
Lecture du mercredi 29 mai 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 mars et 10 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2019 par laquelle le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie a refusé le remboursement des facturations de consultations et de téléconsultations réalisées par le centre de santé de SNP et téléconsultations situé 40 avenue de Verdun à Créteil (Val-de-Marne) ;
2°) de mettre à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie et conjointement l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de la décision du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dès lors qu'elle est de portée générale ;
- la requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, l'exécution de la décision porte une atteinte grave et immédiate à la situation économique de l'association et du centre de santé dont le modèle économique repose sur la facturation des actes réalisés et au remboursement de ces actes par les Caisses d'assurance maladie et, d'autre part, entraîne l'impossibilité pour le centre de santé d'accomplir son activité principale de délivrer des soins remboursables par l'assurance maladie ;
- la décision du 3 janvier 2019 est entachée d'une illégalité externe dès lors, d'une part, qu'elle est insuffisamment motivé et, d'autre part, qu'elle a été prise par le directeur général de la CNAM qui n'était pas compétent pour interdire au centre de santé d'exercer toute activité ;
- la décision litigieuse est entachée d'une première erreur de droit en retenant que le centre de santé ne respectait pas le cadre de prise en charge des actes de téléconsultation défini par l'avenant n° 06 de la convention médicale dès lors que, d'une part, le centre de santé répond expressément aux exigences de la téléconsultation définies par la convention médicale et, d'autre part, l'avenant n° 06 n'impose nullement que le champ d'intervention des organisations territoriales soit strictement limité à un territoire restreint ;
- la décision litigieuse est entachée d'une seconde erreur de droit en ce qu'elle tend à interdire au centre de santé de facturer, au surplus, tout acte de consultation sans justifier cette suspension ;
- la décision est entachée de plusieurs erreurs de faits en ce qu'elle retient, d'une part, que le centre de santé ne dispose pas d'un accueil physique de patients et, d'autre part, qu'elle conditionne la levée du blocage des facturations à la mise en oeuvre, par le centre de santé, d'un mode d'organisation spécifique, sans le définir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations ne sont pas fondés.
La ministre des solidarités et de la santé a présenté ses observations, enregistrées le 10 mai 2019.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations et, d'autre part, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie et la ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 13 mai 2019 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
- Me Baraduc, avocat au Conseil, avocat de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
- les représentantes du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été prolongée ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 14, 23 et 24 mai 2019, présentés par l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 mai 2019, présenté par la Caisse nationale d'assurance maladie ;
Après avoir convoqué à une deuxième audience publique, d'une part, l'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations et, d'autre part, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie et la ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 mai 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations ;
- Me Baraduc, avocat au Conseil, avocat de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
- les représentantes du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'association DigiSanté a pour objet de gérer des centres de santé et de téléconsultations. Elle assure la gestion du centre de santé de CNP et téléconsultations situé 40 avenue de Verdun à Créteil (Val-de-Marne). Le centre de santé assure des prestations remboursées par l'assurance maladie. Par une décision du 3 janvier 2019, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie a mis fin au remboursement des actes de consultations et téléconsultations réalisés par les professionnels du centre aux motifs que les modalités d'organisation des consultations de télémédecine ne répondent pas au cadre de prise en charge des actes de téléconsultations définis par la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016 et notamment son avenant 6. L'association DigiSanté et le centre de santé de CNP et Téléconsultations demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2019.
Sur l'étendue du litige :
3. Au cours de la première audience, et par une production ultérieure, la CNAM a précisé que le refus de rembourser les consultations physiques ne portait que sur celles des téléconsultations erronément présentées par l'association DigiSanté au remboursement comme consultations physiques et qu'elle ne s'opposait en rien au remboursement des consultations physiques que le centre de santé requérant pourrait à l'avenir délivrer. Les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du directeur général de la CNAM en tant qu'elle porterait refus de remboursement des consultations réelles délivrées par le centre sont donc sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la motivation :
4. La décision expose suffisamment les éléments de fait et de droit qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation ne peut donc être regardé comme suffisant à jeter un doute sérieux sur la légalité de la décision critiquée.
Sur la compétence :
5. La décision critiquée porte sur le remboursement des actes de téléconsultation. Alors même qu'elle aurait des effets économiques sérieux sur l'activité de la demanderesse et pourrait mettre en péril sa viabilité, elle ne peut être regardée comme ayant pour objet ou pour effet d'interdire son activité, au surplus préservée comme il a été dit ci-dessus dans sa dimension de centre de santé procédant à des consultations physiques. Le moyen tiré de l'incompétence du directeur de la CNAM pour mettre fin à l'activité de l'association DigiSanté ne peut donc être regardé comme sérieux.
Sur l'erreur de fait, de droit et d'appréciation :
6. En vertu des stipulations de l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance-maladie signée le 25 août 2016, la télémédecine n'est normalement exercée, en principe, que par le médecin traitant d'un patient, dans le respect du parcours de soins coordonnés, et avec l'accord initial du patient, la téléconsultation devant en principe ne concerner que des patients connus du médecin. Toutefois, cet avenant prévoit que l'exigence du respect du parcours de soins coordonnés ne s'applique pas aux patients qui ne disposent pas de médecin traitant désigné, ou lorsque ce dernier n'est pas disponible dans des délais compatibles avec leur état de santé. Dans ce seul cas, le médecin téléconsultant n'est pas nécessairement connu du patient. Toutefois, même dans ce dernier cas, la téléconsultation est " assurée dans le cadre d'une organisation territoriale ". Ces organisations territoriales coordonnées, mentionnées au point 28.6.1.2 de l'article 28-6, sont conçues de manière à permettre une prise en charge rapide du patient, en raison de son éloignement d'un offreur de soins, et de le mettre en mesure, si l'on n'en dispose pas, de désigner un médecin traitant dans le but de réintégrer le parcours de soins. Pour mettre en oeuvre une telle organisation territoriale, les centres de santé régis par les articles L. 162-32 du code de la sécurité sociale et suivants peuvent organiser une réponse de télémédecine de manière coordonnée ouverte à tous les professionnels de santé du territoire concerné.
7. Quoiqu'affectées de certaines imprécisions, ces stipulations permettent néanmoins de caractériser le domaine de la téléconsultation comme reposant sur une organisation territoriale, dont il résulte clairement de la convention qu'elle ne peut être d'ampleur nationale. Elle doit être fondée, même dans le cas régi par le point 28.6.1.2 où il est dérogé au principe de téléconsultation par le médecin traitant, sur une organisation locale composée essentiellement de praticiens procédant à des consultations physiques, sans que puisse être exclu entièrement le recours à d'autres patriciens ou spécialistes installés hors du territoire concerné. La téléconsultation ne peut, dans la perspective de la convention, qu'être délivrée accessoirement à une activité principale de consultation réelle, pour suppléer notamment à l'absence de praticiens, ou à la difficulté du patient de se déplacer, et si elle peut, à titre dérogatoire, concerner des patients sans médecin référent, c'est dans la perspective qu'ils puissent en trouver un, et donc principalement au bénéfice de patients domiciliés dans le territoire concerné. Dans l'exercice de son devoir d'interprétation raisonnable des volontés des parties à la convention, telles que résumées ci-dessus, et de ses pouvoirs, la CNAM ne saurait procéder au remboursement, et doit donner instruction en ce sens, de consultations qui relèveraient d'une organisation incompatible avec la convention.
8. L'organisation choisie par l'association DigiSanté repose, pour l'essentiel, sur un ensemble de médecins salariés à temps partiels qui ne sont mobilisés que pour des consultations de télémédecine. Initialement dépourvu de médecins pouvant procéder à des consultations sur place, le centre n'en compte un que depuis le milieu du mois de mai. Le centre a vocation à délivrer des consultations de télémédecine sur la totalité du territoire national, et, dans le dernier état du projet exposé durant les audiences, principalement au profit de patients de l'Ile-de-France, et de l'ensemble du territoire national dans des zones ou la densité de médecins installés est faible. Ne constituant pas la prolongation d'une activité physique exercée par des praticiens au sein d'un territoire identifié, qui ne saurait, dans l'esprit ayant présidé à la conclusion de la convention, s'étendre à un bassin de population comptant des millions d'habitants, cette organisation, alors même que le centre de santé déclaré à l'ARS n'a fait l'objet de la part de cette dernière d'aucune critique sur sa conformité aux exigences du code de la sécurité sociale, ne répond pas aux objectifs et aux limites qui découlent de l'article 28-6 de la convention. Le moyen tiré de ce que la CNAM n'aurait pu s'opposer au remboursement de ses prestations sans méconnaître la convention n'apparaît pas, dès lors, en l'état, comme susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont suspension est demandée.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, la requête de l'association DigiSanté doit être rejetée.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie et de l'Etat qui ne sont pas la partie perdante.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du directeur général de la CNAM en tant qu'elle porterait refus de remboursement des consultations réelles délivrées par le centre.
Article 2 : La requête de l'association DigiSanté et du centre de santé de CNP et Téléconsultations est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association DigiSanté, au centre de santé de CNP et Téléconsultations et au directeur général de l'assurance maladie.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.