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Ariane Web: Conseil d'État 421899, lecture du 28 septembre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:421899.20180928

Décision n° 421899
28 septembre 2018
Conseil d'État

N° 421899
ECLI:FR:CECHR:2018:421899.20180928
Inédit au recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD, avocats


Lecture du vendredi 28 septembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A...C...et Mme D...B..., à l'appui de leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite, née le 23 avril 2018, par laquelle le centre d'assistance médicale à la procréation du centre hospitalier universitaire de Toulouse a rejeté leur demande d'assistance médicale à la procréation, ont produit un mémoire, enregistré le 22 mai 2018 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elles soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1802013 du 2 juillet 2018, enregistrée le 4 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, avant qu'il soit statué sur la demande de Mme C...et de MmeB..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 2141-2 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme C...et de Mme B...et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse.



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 2141-1 du code de la santé publique : " L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. (...) ". L'article L. 2141-2 du même code dispose que : " L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. / L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation ".

3. Mme C...et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre d'assistance médicale à la procréation du centre hospitalier universitaire de Toulouse a rejeté leur demande d'assistance médicale à la procréation, reçue le 23 février 2018. A l'appui de cette demande, elles ont soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions précitées de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, qui réservent l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples composés d'un homme et d'une femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée. Elles soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où elles introduisent une différence de traitement, qui ne serait pas justifiée par leur objet, entre les couples souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée, selon qu'ils sont de même sexe ou de sexe différent.

4. En premier lieu, lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité lui est transmise sur le fondement de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, il ne relève pas de l'office du Conseil d'Etat de se prononcer sur la recevabilité de la requête à l'occasion de laquelle cette question a été soulevée. Par suite, le centre hospitalier universitaire de Toulouse ne saurait utilement se prévaloir, pour soutenir que la question soulevée par Mmes C...et B...ne pourrait pas être transmise par le Conseil d'Etat au Conseil constitutionnel, de ce que la demande des intéressées formée devant le tribunal administratif de Toulouse serait irrecevable.

5. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Les hommes naissent et demeurent... ". L'article 6 de cette déclaration dispose, en outre, que la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

6. Les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Il résulte des dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique qu'en réservant l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples composés d'un homme et d'une femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée, le législateur a entendu que l'assistance médicale à la procréation ait pour objet de remédier à l'infertilité pathologique d'un couple sans laquelle celui-ci serait en capacité de procréer. La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit et n'est, ainsi, pas contraire au principe d'égalité. Il en résulte que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

7. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulouse.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C..., à Mme D...B..., à la ministre des solidarités et de la santé et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre ainsi qu'au tribunal administratif de Toulouse.