Conseil d'État
N° 296984
ECLI:FR:CESSR:2008:296984.20080319
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Delarue, président
M. Jean Musitelli, rapporteur
M. Keller Rémi, commissaire du gouvernement
SCP LE GRIEL, avocats
Lecture du mercredi 19 mars 2008
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août, 30 octobre et 7 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bruno A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2, 4 , 5 et 6 de la décision du 22 mai 2006 par laquelle le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction d'exercer toute fonction d'enseignement ou de recherche dans l'université Jean Moulin Lyon 3 pour une durée de cinq ans, avec privation de la moitié de son traitement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2008, présentée pour M. A ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande relative à la régularité de la procédure suivie en première instance devant la juridiction disciplinaire, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a entendu répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la section disciplinaire du conseil d'administration par le président de l'université Lyon III ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à soutenir que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait omis de répondre à ce moyen ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 232-37 du code de l'éducation : La commission d'instruction entend la personne déférée et instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer et en fait un rapport écrit comprenant l'exposé des faits et moyens des parties ; que ces dispositions permettent au président de la commission d'instruction d'entendre toute personne dont il estime que l'audition est propre à éclairer la commission, même si cette personne n'a pas été un témoin direct des faits ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier soumis au juge du fond que la défense a pu interroger plusieurs des témoins cités à l'audience ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en jugeant, après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 232-37 du code de l'éducation, qu'aucun des arguments qu'il avait énoncés n'était de nature à mettre en cause la régularité du fonctionnement de la commission, le conseil national aurait fait une inexacte application de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond, notamment du compte rendu de l'audience tenue devant la commission d'instruction du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait dénaturé les faits en relevant que, lors d'une rencontre avec la presse organisée à Lyon dans sa permanence politique, le 11 octobre 2004, M. A avait déclaré, d'une part, que M. Henry B, auteur d'un rapport remis au ministre de l'éducation nationale sur le racisme et l'antisémitisme à l'université Lyon III, était un historien engagé, une personnalité juive, certes estimable, mais dont la neutralité n'était pas établie et d'autre part que, s'agissant de l'existence des chambres à gaz dans les camps d'extermination de la deuxième guerre mondiale, s'il ne remettait pas en cause l'existence des camps de concentration, il appartenait aux historiens de discuter du nombre des morts et de l'existence des chambres à gaz dans tel ou tel camp d'extermination ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'après avoir exposé ces faits, et considéré, d'une part, qu'ils visaient à contester la neutralité et l'objectivité d'une personnalité scientifique, notamment en raison de son appartenance religieuse, d'autre part, qu'ils étaient de nature à semer le doute sur l'existence des chambres à gaz, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique, juger qu'ils étaient contraires à la déontologie universitaire, qu'il appartient à M. A, en sa qualité de professeur des universités, de respecter, et qu'ils justifiaient une sanction disciplinaire ; que s'il a, par ailleurs, relevé que le comportement de M. A avait provoqué des désordres au sein de l'université, ce motif est, en tout état de cause, surabondant ;
Considérant, en cinquième lieu, que, par un jugement définitif du 6 avril 2006, le tribunal de grande instance de Paris a condamné pour diffamation publique envers particulier un journaliste qui avait donné pour certaine la contestation par M. A du rapport B au motif que son auteur était juif, alors que M. A n'avait nullement contesté les conclusions de ce rapport ; que, si le requérant soutient que la décision du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche méconnaît l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale, il ressort de la rédaction même de la décision attaquée qu'elle se fonde, non sur l'appréciation formulée par le requérant sur le rapport B, mais sur le lien qu'il établit entre la neutralité, douteuse selon lui, de l'auteur et son origine juive ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait méconnu l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en sixième lieu, que, si M. A soutient que la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée, il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler l'adéquation de la sanction à la faute commise ;
Considérant enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond que les membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche auraient manqué à leur devoir d'impartialité ; que le requérant ne saurait utilement invoquer à l'encontre d'une décision de caractère juridictionnel un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des notes prises par le secrétaire de séance lors de la séance du 22 mai 2006 du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer toute fonction d'enseignement ou de recherche à l'université Lyon III pour une durée de cinq ans, avec privation de la moitié de son traitement ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno A et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée pour information au président de l'université Jean Moulin Lyon III et au conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
N° 296984
ECLI:FR:CESSR:2008:296984.20080319
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Delarue, président
M. Jean Musitelli, rapporteur
M. Keller Rémi, commissaire du gouvernement
SCP LE GRIEL, avocats
Lecture du mercredi 19 mars 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août, 30 octobre et 7 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bruno A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2, 4 , 5 et 6 de la décision du 22 mai 2006 par laquelle le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction d'exercer toute fonction d'enseignement ou de recherche dans l'université Jean Moulin Lyon 3 pour une durée de cinq ans, avec privation de la moitié de son traitement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2008, présentée pour M. A ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande relative à la régularité de la procédure suivie en première instance devant la juridiction disciplinaire, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a entendu répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la section disciplinaire du conseil d'administration par le président de l'université Lyon III ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à soutenir que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait omis de répondre à ce moyen ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 232-37 du code de l'éducation : La commission d'instruction entend la personne déférée et instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer et en fait un rapport écrit comprenant l'exposé des faits et moyens des parties ; que ces dispositions permettent au président de la commission d'instruction d'entendre toute personne dont il estime que l'audition est propre à éclairer la commission, même si cette personne n'a pas été un témoin direct des faits ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier soumis au juge du fond que la défense a pu interroger plusieurs des témoins cités à l'audience ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en jugeant, après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 232-37 du code de l'éducation, qu'aucun des arguments qu'il avait énoncés n'était de nature à mettre en cause la régularité du fonctionnement de la commission, le conseil national aurait fait une inexacte application de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond, notamment du compte rendu de l'audience tenue devant la commission d'instruction du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait dénaturé les faits en relevant que, lors d'une rencontre avec la presse organisée à Lyon dans sa permanence politique, le 11 octobre 2004, M. A avait déclaré, d'une part, que M. Henry B, auteur d'un rapport remis au ministre de l'éducation nationale sur le racisme et l'antisémitisme à l'université Lyon III, était un historien engagé, une personnalité juive, certes estimable, mais dont la neutralité n'était pas établie et d'autre part que, s'agissant de l'existence des chambres à gaz dans les camps d'extermination de la deuxième guerre mondiale, s'il ne remettait pas en cause l'existence des camps de concentration, il appartenait aux historiens de discuter du nombre des morts et de l'existence des chambres à gaz dans tel ou tel camp d'extermination ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'après avoir exposé ces faits, et considéré, d'une part, qu'ils visaient à contester la neutralité et l'objectivité d'une personnalité scientifique, notamment en raison de son appartenance religieuse, d'autre part, qu'ils étaient de nature à semer le doute sur l'existence des chambres à gaz, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique, juger qu'ils étaient contraires à la déontologie universitaire, qu'il appartient à M. A, en sa qualité de professeur des universités, de respecter, et qu'ils justifiaient une sanction disciplinaire ; que s'il a, par ailleurs, relevé que le comportement de M. A avait provoqué des désordres au sein de l'université, ce motif est, en tout état de cause, surabondant ;
Considérant, en cinquième lieu, que, par un jugement définitif du 6 avril 2006, le tribunal de grande instance de Paris a condamné pour diffamation publique envers particulier un journaliste qui avait donné pour certaine la contestation par M. A du rapport B au motif que son auteur était juif, alors que M. A n'avait nullement contesté les conclusions de ce rapport ; que, si le requérant soutient que la décision du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche méconnaît l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale, il ressort de la rédaction même de la décision attaquée qu'elle se fonde, non sur l'appréciation formulée par le requérant sur le rapport B, mais sur le lien qu'il établit entre la neutralité, douteuse selon lui, de l'auteur et son origine juive ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche aurait méconnu l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en sixième lieu, que, si M. A soutient que la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée, il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler l'adéquation de la sanction à la faute commise ;
Considérant enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond que les membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche auraient manqué à leur devoir d'impartialité ; que le requérant ne saurait utilement invoquer à l'encontre d'une décision de caractère juridictionnel un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des notes prises par le secrétaire de séance lors de la séance du 22 mai 2006 du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer toute fonction d'enseignement ou de recherche à l'université Lyon III pour une durée de cinq ans, avec privation de la moitié de son traitement ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno A et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée pour information au président de l'université Jean Moulin Lyon III et au conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.