Conseil d'État
N° 466062
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Lecture du vendredi 26 avril 2024
15-05-01-01-02 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des personnes- Liberté d'établissement-
Règles faisant obstacle à l'imputation, en France, des pertes définitives réalisées par l'établissement stable luxembourgeois d'une entreprise résidente de France sur les résultats d'un groupe fiscal intégré (1) - 1) Différence de traitement par rapport à la situation où la succursale avait été établie en France - Existence - 2) Situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France - Absence.
Société mère française d'un groupe fiscalement intégré ayant sollicité l'imputation sur le résultat de l'une de ses filiales membres de ce groupe fiscal, et par voie de conséquence sur le résultat d'ensemble du groupe, des pertes définitives subies par une succursale luxembourgeoise de cette filiale. 1) En vertu de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, lequel s'entend d'une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. Il en résulte que les pertes subies par ce même établissement stable ne sont imputables que dans ce même Etat, selon les règles d'imputation qui y sont applicables. Tant ces stipulations que le principe de territorialité de l'impôt mentionné au I de l'article 209 du code général des impôts (CGI) faisaient donc obstacle à ce que la société mère puisse déduire de son bénéfice imposable en France les pertes d'exploitation subies par sa succursale luxembourgeoise, alors que si la succursale avait été établie en France, une telle imputation aurait toujours été possible ainsi que, le cas échéant, la prise en compte de tout ou partie de ces pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal auquel cette société appartient, dans les conditions et limites prévues par les articles 223 A et suivants du CGI. 2) Une telle différence de traitement ne saurait toutefois, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), constituer une atteinte à la liberté d'établissement, pour la société privée de la possibilité de prise en compte des pertes réalisées par son établissement stable non-résident pour la détermination de son résultat imposable, si elle ne se trouve pas, à l'égard des mesures prévues par la France afin de prévenir ou d'atténuer la double imposition des bénéfices d'une société résidente et, symétriquement, la double prise en compte de ses pertes, dans une situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, notamment dans son arrêt A/S Bevola, Jens W. Trock ApS contre Skatteministeriet, qu'en principe, la situation d'un établissement stable non-résident et celle d'une succursale résidente ne sont pas comparables au regard d'un tel objectif, à moins que la législation fiscale nationale n'ait elle-même assimilé ces deux catégories d'établissement aux fins de la prise en compte des pertes et des bénéfices réalisés par eux. En l'espèce, la convention franco-luxembourgeoise interdisant à la France d'imposer les bénéfices réalisés par une succursale luxembourgeoise d'une société établie en France, conformément au demeurant à ce que prévoit la loi fiscale, la France n'a pas assimilé à des fins fiscales les succursales résidentes et les établissements stables établis au Luxembourg. Dans ces conditions, et ainsi qu'il découle nécessairement de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 22 septembre 2022 dans l'affaire Finanzamt B contre W AG (C-538/20) pour le cas d'un Etat membre ayant renoncé par une convention préventive de double imposition au pouvoir d'imposer les résultats des établissements stables non-résidents normalement prévu par son droit national, une société résidente de France détenant une succursale au Luxembourg doit être regardée comme ne se trouvant pas dans une situation objectivement comparable à celle d'une société de France détenant une succursale dans ce même Etat. Par suite, aucune restriction à la liberté d'établissement ne saurait être constatée à raison de l'impossibilité pour la société mère française d'imputer sur ses résultats les pertes réalisées par sa succursale luxembourgeoise, pas plus qu'à raison de l'impossibilité qui en résulte de bénéficier de toute prise en compte desdites pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est membre.
19-04-01-04-03-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Détermination du bénéfice imposable- Groupes fiscalement intégrés-
Règles faisant obstacle à l'imputation, en France, des pertes définitives réalisées par l'établissement stable luxembourgeois d'une entreprise résidente de France sur les résultats d'un groupe fiscal intégré - Atteinte à la liberté d'établissement (1) - 1) Différence de traitement par rapport à la situation où la succursale avait été établie en France - Existence - 2) Situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France - Absence.
Société mère française d'un groupe fiscalement intégré ayant sollicité l'imputation sur le résultat de l'une de ses filiales membres de ce groupe fiscal, et par voie de conséquence sur le résultat d'ensemble du groupe, des pertes définitives subies par une succursale luxembourgeoise de cette filiale. 1) En vertu de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, lequel s'entend d'une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. Il en résulte que les pertes subies par ce même établissement stable ne sont imputables que dans ce même Etat, selon les règles d'imputation qui y sont applicables. Tant ces stipulations que le principe de territorialité de l'impôt mentionné au I de l'article 209 du code général des impôts (CGI) faisaient donc obstacle à ce que la société mère puisse déduire de son bénéfice imposable en France les pertes d'exploitation subies par sa succursale luxembourgeoise, alors que si la succursale avait été établie en France, une telle imputation aurait toujours été possible ainsi que, le cas échéant, la prise en compte de tout ou partie de ces pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal auquel cette société appartient, dans les conditions et limites prévues par les articles 223 A et suivants du CGI. 2) Une telle différence de traitement ne saurait toutefois, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), constituer une atteinte à la liberté d'établissement, pour la société privée de la possibilité de prise en compte des pertes réalisées par son établissement stable non-résident pour la détermination de son résultat imposable, si elle ne se trouve pas, à l'égard des mesures prévues par la France afin de prévenir ou d'atténuer la double imposition des bénéfices d'une société résidente et, symétriquement, la double prise en compte de ses pertes, dans une situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, notamment dans son arrêt A/S Bevola, Jens W. Trock ApS contre Skatteministeriet, qu'en principe, la situation d'un établissement stable non-résident et celle d'une succursale résidente ne sont pas comparables au regard d'un tel objectif, à moins que la législation fiscale nationale n'ait elle-même assimilé ces deux catégories d'établissement aux fins de la prise en compte des pertes et des bénéfices réalisés par eux. En l'espèce, la convention franco-luxembourgeoise interdisant à la France d'imposer les bénéfices réalisés par une succursale luxembourgeoise d'une société établie en France, conformément au demeurant à ce que prévoit la loi fiscale, la France n'a pas assimilé à des fins fiscales les succursales résidentes et les établissements stables établis au Luxembourg. Dans ces conditions, et ainsi qu'il découle nécessairement de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 22 septembre 2022 dans l'affaire Finanzamt B contre W AG (C-538/20) pour le cas d'un Etat membre ayant renoncé par une convention préventive de double imposition au pouvoir d'imposer les résultats des établissements stables non-résidents normalement prévu par son droit national, une société résidente de France détenant une succursale au Luxembourg doit être regardée comme ne se trouvant pas dans une situation objectivement comparable à celle d'une société de France détenant une succursale dans ce même Etat. Par suite, aucune restriction à la liberté d'établissement ne saurait être constatée à raison de l'impossibilité pour la société mère française d'imputer sur ses résultats les pertes réalisées par sa succursale luxembourgeoise, pas plus qu'à raison de l'impossibilité qui en résulte de bénéficier de toute prise en compte desdites pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est membre.
(1) Rappr. CJUE, 13 décembre 2005, Marks et Spencer, C-446/03.
N° 466062
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Lecture du vendredi 26 avril 2024
15-05-01-01-02 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des personnes- Liberté d'établissement-
Règles faisant obstacle à l'imputation, en France, des pertes définitives réalisées par l'établissement stable luxembourgeois d'une entreprise résidente de France sur les résultats d'un groupe fiscal intégré (1) - 1) Différence de traitement par rapport à la situation où la succursale avait été établie en France - Existence - 2) Situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France - Absence.
Société mère française d'un groupe fiscalement intégré ayant sollicité l'imputation sur le résultat de l'une de ses filiales membres de ce groupe fiscal, et par voie de conséquence sur le résultat d'ensemble du groupe, des pertes définitives subies par une succursale luxembourgeoise de cette filiale. 1) En vertu de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, lequel s'entend d'une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. Il en résulte que les pertes subies par ce même établissement stable ne sont imputables que dans ce même Etat, selon les règles d'imputation qui y sont applicables. Tant ces stipulations que le principe de territorialité de l'impôt mentionné au I de l'article 209 du code général des impôts (CGI) faisaient donc obstacle à ce que la société mère puisse déduire de son bénéfice imposable en France les pertes d'exploitation subies par sa succursale luxembourgeoise, alors que si la succursale avait été établie en France, une telle imputation aurait toujours été possible ainsi que, le cas échéant, la prise en compte de tout ou partie de ces pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal auquel cette société appartient, dans les conditions et limites prévues par les articles 223 A et suivants du CGI. 2) Une telle différence de traitement ne saurait toutefois, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), constituer une atteinte à la liberté d'établissement, pour la société privée de la possibilité de prise en compte des pertes réalisées par son établissement stable non-résident pour la détermination de son résultat imposable, si elle ne se trouve pas, à l'égard des mesures prévues par la France afin de prévenir ou d'atténuer la double imposition des bénéfices d'une société résidente et, symétriquement, la double prise en compte de ses pertes, dans une situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, notamment dans son arrêt A/S Bevola, Jens W. Trock ApS contre Skatteministeriet, qu'en principe, la situation d'un établissement stable non-résident et celle d'une succursale résidente ne sont pas comparables au regard d'un tel objectif, à moins que la législation fiscale nationale n'ait elle-même assimilé ces deux catégories d'établissement aux fins de la prise en compte des pertes et des bénéfices réalisés par eux. En l'espèce, la convention franco-luxembourgeoise interdisant à la France d'imposer les bénéfices réalisés par une succursale luxembourgeoise d'une société établie en France, conformément au demeurant à ce que prévoit la loi fiscale, la France n'a pas assimilé à des fins fiscales les succursales résidentes et les établissements stables établis au Luxembourg. Dans ces conditions, et ainsi qu'il découle nécessairement de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 22 septembre 2022 dans l'affaire Finanzamt B contre W AG (C-538/20) pour le cas d'un Etat membre ayant renoncé par une convention préventive de double imposition au pouvoir d'imposer les résultats des établissements stables non-résidents normalement prévu par son droit national, une société résidente de France détenant une succursale au Luxembourg doit être regardée comme ne se trouvant pas dans une situation objectivement comparable à celle d'une société de France détenant une succursale dans ce même Etat. Par suite, aucune restriction à la liberté d'établissement ne saurait être constatée à raison de l'impossibilité pour la société mère française d'imputer sur ses résultats les pertes réalisées par sa succursale luxembourgeoise, pas plus qu'à raison de l'impossibilité qui en résulte de bénéficier de toute prise en compte desdites pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est membre.
19-04-01-04-03-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Détermination du bénéfice imposable- Groupes fiscalement intégrés-
Règles faisant obstacle à l'imputation, en France, des pertes définitives réalisées par l'établissement stable luxembourgeois d'une entreprise résidente de France sur les résultats d'un groupe fiscal intégré - Atteinte à la liberté d'établissement (1) - 1) Différence de traitement par rapport à la situation où la succursale avait été établie en France - Existence - 2) Situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France - Absence.
Société mère française d'un groupe fiscalement intégré ayant sollicité l'imputation sur le résultat de l'une de ses filiales membres de ce groupe fiscal, et par voie de conséquence sur le résultat d'ensemble du groupe, des pertes définitives subies par une succursale luxembourgeoise de cette filiale. 1) En vertu de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, lequel s'entend d'une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. Il en résulte que les pertes subies par ce même établissement stable ne sont imputables que dans ce même Etat, selon les règles d'imputation qui y sont applicables. Tant ces stipulations que le principe de territorialité de l'impôt mentionné au I de l'article 209 du code général des impôts (CGI) faisaient donc obstacle à ce que la société mère puisse déduire de son bénéfice imposable en France les pertes d'exploitation subies par sa succursale luxembourgeoise, alors que si la succursale avait été établie en France, une telle imputation aurait toujours été possible ainsi que, le cas échéant, la prise en compte de tout ou partie de ces pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal auquel cette société appartient, dans les conditions et limites prévues par les articles 223 A et suivants du CGI. 2) Une telle différence de traitement ne saurait toutefois, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), constituer une atteinte à la liberté d'établissement, pour la société privée de la possibilité de prise en compte des pertes réalisées par son établissement stable non-résident pour la détermination de son résultat imposable, si elle ne se trouve pas, à l'égard des mesures prévues par la France afin de prévenir ou d'atténuer la double imposition des bénéfices d'une société résidente et, symétriquement, la double prise en compte de ses pertes, dans une situation objectivement comparable à celle d'une société détenant un établissement stable implanté en France. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, notamment dans son arrêt A/S Bevola, Jens W. Trock ApS contre Skatteministeriet, qu'en principe, la situation d'un établissement stable non-résident et celle d'une succursale résidente ne sont pas comparables au regard d'un tel objectif, à moins que la législation fiscale nationale n'ait elle-même assimilé ces deux catégories d'établissement aux fins de la prise en compte des pertes et des bénéfices réalisés par eux. En l'espèce, la convention franco-luxembourgeoise interdisant à la France d'imposer les bénéfices réalisés par une succursale luxembourgeoise d'une société établie en France, conformément au demeurant à ce que prévoit la loi fiscale, la France n'a pas assimilé à des fins fiscales les succursales résidentes et les établissements stables établis au Luxembourg. Dans ces conditions, et ainsi qu'il découle nécessairement de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 22 septembre 2022 dans l'affaire Finanzamt B contre W AG (C-538/20) pour le cas d'un Etat membre ayant renoncé par une convention préventive de double imposition au pouvoir d'imposer les résultats des établissements stables non-résidents normalement prévu par son droit national, une société résidente de France détenant une succursale au Luxembourg doit être regardée comme ne se trouvant pas dans une situation objectivement comparable à celle d'une société de France détenant une succursale dans ce même Etat. Par suite, aucune restriction à la liberté d'établissement ne saurait être constatée à raison de l'impossibilité pour la société mère française d'imputer sur ses résultats les pertes réalisées par sa succursale luxembourgeoise, pas plus qu'à raison de l'impossibilité qui en résulte de bénéficier de toute prise en compte desdites pertes pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est membre.
(1) Rappr. CJUE, 13 décembre 2005, Marks et Spencer, C-446/03.