CAA de LYON
N° 22LY01178
5ème chambre
M. BOURRACHOT, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
Mme LE FRAPPER, rapporteur public
MOSSE & ASSOCIES, avocats
Lecture du jeudi 1 février 2024
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Financière CBL a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, correspondant au rehaussement de 166 860 euros opéré sur la base imposable de sa filiale la société Badeyloc.
Par un jugement n° 2005705 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 avril 2022, le 22 avril 2022 et le 12 janvier 2023, la SAS Financière CBL, représentée par Me Mossé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2022 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur ses conclusions en décharge portant sur l'exercice 2017 ;
- les impositions litigieuses auraient dû faire l'objet d'une proposition de rectification et non d'une simple lettre d'information ;
- la charge intitulée " charges à payer-début de contrat ", d'un montant de 166 860 euros constituait une provision dont la déduction ne pouvait être purement et simplement rejetée.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mossé, représentant la SAS Financière CBL ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Badeyloc, qui exerce une activité de location de longue durée de matériel industriel, est membre d'une intégration fiscale au sens de l'article 223 A du code général des impôts, dont la société mère est la SAS Financière CBL. La société Badeyloc a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, et jusqu'au 31 août 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 15 février 2017, l'administration a notamment réintégré dans son résultat imposable, au titre de l'exercice clos en 2015, une somme de 166 860 euros correspondant à la remise en cause de la déductibilité de charges à payer relatives à des loyers de crédit-bail. La réintégration de ces charges a eu pour conséquence de réduire le déficit reportable dont disposait la SAS Financière CBL à la clôture des exercices clos en 2015 et 2016 et de faire apparaître un bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2017. En conséquence, par un courrier du 11 septembre 2018, l'administration a informé la SAS Financière CBL des rectifications dont la société Badeyloc avait fait l'objet et du montant des droits de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont elle était ainsi redevable, en sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017. La SAS Financière CBL relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. (...) ".
3. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : " I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires. / (...) / II. - Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) ". Aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214. (...) " et aux termes de l'article 223 C de ce code : " Le bénéfice d'ensemble est imposé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 219. / Le déficit d'ensemble est reporté dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209. ". Aux termes de l'article 223 S du même code : " (...) Le déficit d'ensemble (...) subis par le groupe pendant la période d'application du régime défini à l'article 223 A et encore reportables à l'expiration de cette période sont imputables par la société qui était redevable des impôts mentionnés audit article dus par le groupe, sur son bénéfice (...) selon les modalités prévues aux troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 (...) ". Aux termes de l'article 223 E de ce code : " Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis (...) ". Enfin, selon les dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209 applicable au litige : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats des différentes sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom. Pour informer, préalablement à cette mise en recouvrement, la société mère des conséquences des redressements notifiés aux sociétés membres du groupe, aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de suivre les règles procédurales prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
5. Toutefois, dans le cas où les conséquences de la rectification des résultats d'une société membre du groupe se traduisent par l'absence d'établissement d'imposition supplémentaire au titre de l'exercice concerné, compte tenu notamment de son caractère déficitaire, et qu'elles ont vocation à affecter le résultat d'ensemble du groupe lorsque celui-ci redevient bénéficiaire au titre d'un exercice postérieur, l'administration fiscale est tenue d'adresser à la société mère du groupe la proposition de rectification prévue par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, afférente au premier exercice au cours duquel le résultat d'ensemble est redevenu bénéficiaire.
6. Il résulte de l'instruction que la SAS Financière CBL, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, s'est vu notifier, en sa qualité de société mère du groupe et seule redevable de l'impôt sur les sociétés, une lettre n°751 en date du 11 septembre 2018, l'informant des conséquences du contrôle de la société Badeyloc, société membre, sur son résultat d'ensemble qui a conduit à la réduction des déficits reportables au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, premier exercice bénéficiaire déclaré par la requérante. Une proposition de rectification a été adressée à la société Badeyloc au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, aucun droit ni pénalité n'ayant été notifié au titre de l'exercice, déficitaire, clos en 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que la réduction du déficit d'ensemble de l'exercice clos au 31 décembre 2015 a conduit à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017, premier exercice au cours duquel le résultat d'ensemble du groupe est redevenu bénéficiaire. Compte tenu de ce qui a été rappelé précédemment, l'administration fiscale était tenue, en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'adresser à la société mère une proposition de rectification concernant les rectifications qui ont concerné le résultat du groupe au titre de l'exercice clos en 2017. Il est constant que l'administration n'a pas adressé une telle proposition de rectification à la requérante. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie justifiant la décharge des impositions et pénalités en litige.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS Financière CBL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu donc d'annuler le jugement attaqué et d'accorder à la société requérante la décharge totale des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Financière CBL et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005705 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La SAS Financière CBL est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017, correspondant au rehaussement de 166 860 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Financière CBL une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière CBL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° ar
N° 22LY01178
5ème chambre
M. BOURRACHOT, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
Mme LE FRAPPER, rapporteur public
MOSSE & ASSOCIES, avocats
Lecture du jeudi 1 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Financière CBL a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, correspondant au rehaussement de 166 860 euros opéré sur la base imposable de sa filiale la société Badeyloc.
Par un jugement n° 2005705 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 avril 2022, le 22 avril 2022 et le 12 janvier 2023, la SAS Financière CBL, représentée par Me Mossé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2022 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur ses conclusions en décharge portant sur l'exercice 2017 ;
- les impositions litigieuses auraient dû faire l'objet d'une proposition de rectification et non d'une simple lettre d'information ;
- la charge intitulée " charges à payer-début de contrat ", d'un montant de 166 860 euros constituait une provision dont la déduction ne pouvait être purement et simplement rejetée.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mossé, représentant la SAS Financière CBL ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Badeyloc, qui exerce une activité de location de longue durée de matériel industriel, est membre d'une intégration fiscale au sens de l'article 223 A du code général des impôts, dont la société mère est la SAS Financière CBL. La société Badeyloc a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, et jusqu'au 31 août 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 15 février 2017, l'administration a notamment réintégré dans son résultat imposable, au titre de l'exercice clos en 2015, une somme de 166 860 euros correspondant à la remise en cause de la déductibilité de charges à payer relatives à des loyers de crédit-bail. La réintégration de ces charges a eu pour conséquence de réduire le déficit reportable dont disposait la SAS Financière CBL à la clôture des exercices clos en 2015 et 2016 et de faire apparaître un bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2017. En conséquence, par un courrier du 11 septembre 2018, l'administration a informé la SAS Financière CBL des rectifications dont la société Badeyloc avait fait l'objet et du montant des droits de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont elle était ainsi redevable, en sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017. La SAS Financière CBL relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. (...) ".
3. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : " I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires. / (...) / II. - Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) ". Aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214. (...) " et aux termes de l'article 223 C de ce code : " Le bénéfice d'ensemble est imposé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 219. / Le déficit d'ensemble est reporté dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209. ". Aux termes de l'article 223 S du même code : " (...) Le déficit d'ensemble (...) subis par le groupe pendant la période d'application du régime défini à l'article 223 A et encore reportables à l'expiration de cette période sont imputables par la société qui était redevable des impôts mentionnés audit article dus par le groupe, sur son bénéfice (...) selon les modalités prévues aux troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 (...) ". Aux termes de l'article 223 E de ce code : " Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis (...) ". Enfin, selon les dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209 applicable au litige : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats des différentes sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom. Pour informer, préalablement à cette mise en recouvrement, la société mère des conséquences des redressements notifiés aux sociétés membres du groupe, aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de suivre les règles procédurales prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
5. Toutefois, dans le cas où les conséquences de la rectification des résultats d'une société membre du groupe se traduisent par l'absence d'établissement d'imposition supplémentaire au titre de l'exercice concerné, compte tenu notamment de son caractère déficitaire, et qu'elles ont vocation à affecter le résultat d'ensemble du groupe lorsque celui-ci redevient bénéficiaire au titre d'un exercice postérieur, l'administration fiscale est tenue d'adresser à la société mère du groupe la proposition de rectification prévue par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, afférente au premier exercice au cours duquel le résultat d'ensemble est redevenu bénéficiaire.
6. Il résulte de l'instruction que la SAS Financière CBL, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, s'est vu notifier, en sa qualité de société mère du groupe et seule redevable de l'impôt sur les sociétés, une lettre n°751 en date du 11 septembre 2018, l'informant des conséquences du contrôle de la société Badeyloc, société membre, sur son résultat d'ensemble qui a conduit à la réduction des déficits reportables au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, premier exercice bénéficiaire déclaré par la requérante. Une proposition de rectification a été adressée à la société Badeyloc au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, aucun droit ni pénalité n'ayant été notifié au titre de l'exercice, déficitaire, clos en 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que la réduction du déficit d'ensemble de l'exercice clos au 31 décembre 2015 a conduit à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017, premier exercice au cours duquel le résultat d'ensemble du groupe est redevenu bénéficiaire. Compte tenu de ce qui a été rappelé précédemment, l'administration fiscale était tenue, en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'adresser à la société mère une proposition de rectification concernant les rectifications qui ont concerné le résultat du groupe au titre de l'exercice clos en 2017. Il est constant que l'administration n'a pas adressé une telle proposition de rectification à la requérante. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie justifiant la décharge des impositions et pénalités en litige.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS Financière CBL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu donc d'annuler le jugement attaqué et d'accorder à la société requérante la décharge totale des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Financière CBL et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005705 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La SAS Financière CBL est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017, correspondant au rehaussement de 166 860 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Financière CBL une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière CBL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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