Responsabilité de l’administration et responsabilité de ses agents
Les faits
M. Pelletier avait demandé à un tribunal judiciaire de déclarer illégale la saisie du journal qu’il se proposait de publier, opérée en vertu de la loi sur l’état de siège, d’ordonner la restitution des exemplaires saisis et de condamner le commandant de l’état de siège, le préfet du département et le commissaire de police compétent au paiement de dommages et intérêts.
Le sens et la portée de la décision
L’arrêt Pelletier est à l’origine de la distinction entre faute personnelle et faute de service et fonde ainsi le partage de responsabilité entre l’administration et ses agents, en cas de faute causant des dommages à des tiers.
Le Tribunal des conflits a jugé que la demande de M. Pelletier se fondait exclusivement sur l’acte de haute police administrative, consistant dans l’interdiction et la saisie du journal, pris par le commandant de l’état de siège, agissant comme représentant de la puissance publique, dans l’exercice des pouvoirs exceptionnels que lui conférait la loi du 9 août 1849 sur l’état de siège. En dehors de cet acte, aucun « fait personnel » de nature à engager leur responsabilité particulière n’était imputé aux agents visés, et en réalité, la poursuite était « dirigée contre cet acte lui-même, dans la personne des fonctionnaires qui l’ont ordonné ou qui y ont coopéré ».
Par ailleurs, le Tribunal des conflits a interprété la loi des 16 et 24 août 1790, dont l’article 13 prévoit que : « Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Aucune faute personnelle n’étant reprochée aux agents ayant pris ou exécuté la décision attaquée par M. Pelletier, le Tribunal des conflits a estimé que le juge judiciaire n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire.