Expropriation pour cause d’utilité publique : la théorie du bilan
Les faits
En 1966, le gouvernement décida de créer, à l’est de Lille, un ensemble urbain comportant un complexe universitaire destiné à accueillir plus de trente mille étudiants et une ville nouvelle de vingt à vingt-cinq mille habitants. Le projet, affectant cinq cents hectares et s’élevant par son coût à un milliard de francs, devait entraîner l’expropriation et la démolition d’une centaine de maisons d’habitations. L’opération ayant été déclarée d’utilité publique par arrêté du 3 avril 1968, une association déféra cet acte à la censure du juge.
Le sens et la portée de la décision
Par l’arrêt dit « Ville nouvelle Est », le Conseil d’État a considéré qu’une opération ne pouvait être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Par ce raisonnement, appelé « théorie du bilan », le juge administratif met désormais en balance les avantages du projet avec ses inconvénients, qu’il s’agisse de son coût, de ses répercussions sur l’environnement, de ses conséquences sur la propriété privée ou de l’atteinte portée à d’autres intérêts publics.
Appliquant ce raisonnement au projet de la Ville nouvelle Est, le Conseil d’État a jugé que, compte tenu du parti d’aménagement intégré et de l’importance du projet, la destruction d’une centaine de maisons n’était pas de nature à retirer à l’opération son caractère d’utilité publique.