Effet direct des conventions internationales
Les faits
L’article 1er de la loi du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable, codifié à l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitat, subordonne ce droit à une condition de permanence de la résidence en France de l’intéressé. Le décret n° 2008-290 du 8 septembre 2008 précise les conditions dans lesquelles ce critère de permanence de la résidence en France doit être regardé comme satisfait.
En particulier, s’agissant des étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ne détenant pas de carte de résident ou de titre de séjour conférant des droits équivalents, l’article 1er de ce décret prévoyait que les détenteurs de cinq catégories de titres de séjour pouvaient demander le bénéfice du droit au logement opposable sous la double condition d’avoir résidé au moins deux ans sur le territoire national et d’avoir obtenu le renouvellement du titre de séjour à deux reprises au moins.
Deux associations, le Groupement d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et la Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL), ont saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de ces dispositions du décret du 8 septembre 2008 au motif, notamment, qu’elles méconnaissaient certaines stipulations de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants.
Le sens et la portée de la décision
Le principal apport de cette décision réside dans les précisions apportées à la notion « d’effet direct » des stipulations des conventions internationales, en-dehors du champ du droit de l’Union européenne. Cette notion conditionne la possibilité d’invoquer de telles stipulations à l’appui d’une demande tendant, par voie d'action, à ce que soit annulé un acte administratif (individuel ou réglementaire) ou, par voie d'exception, à ce que soit écartée l’application d’une loi ou d’un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu’elles contiennent (CE, Section, 23 avril 1997, Groupement d’information et de soutien des immigrés, n° 163043, Rec.).
Redéfinissant la notion, l’assemblée du contentieux juge que, sous réserve des cas où est en cause un traité pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est ou non d’effet direct, une stipulation doit être reconnue d’effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers. Cette décision précise, en outre, que l’absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l’obligation qu’elle définit. L’assemblée confirme ainsi, par ailleurs, que l’effet direct d’une convention internationale s’apprécie stipulation par stipulation, comme cela résultait déjà de sa jurisprudence (CE, 22 septembre 1997, Mlle X., n° 161364, Rec.).
En l’espèce, le Conseil d’État a estimé que les stipulations de l’article 6-1 de la convention internationale du travail du 1er juillet 1979 concernant les travailleurs migrants, qui interdisent de réserver à ces travailleurs un traitement moins favorable que celui qui est appliqué aux ressortissants nationaux en matière, notamment, de droit au logement et d’accès aux procédures juridictionnelles permettant de faire valoir ce droit, étaient bien d’effet direct, alors même qu’elles désignaient les États parties comme les sujets de cette obligation. Il a également jugé que les dispositions du décret du 8 septembre 2008 méconnaissaient ces stipulations dès lors, d’une part, que la condition de résidence préalable de deux ans sur le territoire national, applicable à certains travailleurs migrants, n’était pas applicable aux ressortissants nationaux et, d'autre part, qu’elles excluaient de leur champ d'application certaines catégories de titres de séjour susceptibles d'être attribués à des personnes pouvant avoir la qualité de travailleur migrant.