Liberté d'opinion des fonctionnaires
Les faits
Par décisions des 3 et 7 août 1953, le secrétaire d'État à la présidence du conseil refusa cinq candidatures au concours d'entrée de l'Ecole nationale d'administration. Quelques jours plus tard, la presse publiait un communiqué d'après lequel un membre du cabinet du secrétaire d'État avait déclaré que le gouvernement ne voulait accepter aucun candidat communiste à l'E.N.A. Les cinq intéressés, dont M. Barel, saisirent le Conseil d'État de recours en annulation, en soutenant que l'autorisation de concourir leur avait été refusée uniquement en raison des opinions politiques qui leur avaient été imputées.
Le sens et la portée de la décision
Par l'affaire Barel, le Conseil d'État a jugé que l'administration ne pouvait, sans méconnaître le principe de l'égalité d'accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, écarter quelqu'un de la liste des candidats au concours de l’E.N.A en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques.
La décision du 28 mai 1954 est également remarquable en ce qu'elle précise les règles relatives à la charge de la preuve et les pouvoirs d'instruction du juge administratif. La procédure d'instruction devant la juridiction administrative a un caractère inquisitoire : le demandeur n'a pas la charge de la preuve mais doit seulement se montrer précis et réunir, à l'appui de ses allégations, tous les moyens de preuve dont il peut disposer. C’est alors au juge qu’il appartient d’ordonner les mesures d'instruction nécessaires pour compléter le dossier lorsque la requête comporte un ensemble de présomptions sérieuses. Dans cette affaire, l’administration ayant refusé de verser au dossier les dossiers constitués sur les cinq candidatures demandées par le juge, le Conseil d’État a considéré que les allégations des requérants devaient être regardées comme établies.