Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024
Conseil d'État
Assemblée générale
Section de l’intérieur
Section des travaux publics
Séance du 9 novembre 2017
Avis sur un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024
1. Le Conseil d’État a été saisi le 20 octobre 2017 d’un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Ce projet de loi a été modifié par saisine rectificative reçue le 6 novembre 2017.
2. Ce projet de loi, comprenant dans sa version initiale vingt articles, est organisé en quatre titres, respectivement intitulés« Dispositions permettant le respect des stipulations du contrat de ville hôte », « Dispositions relatives à l’aménagement, à l’urbanisme, à l’environnement et au logement », « Dispositions relatives à la sécurité » et « Dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité». Les regroupements ainsi opérés présentant une cohérence au regard de la nature des dispositions projetées, le Conseil d’Etat n’a modifié ni cette structure, ni ces intitulés.
3. L’étude d’impact initiale du projet est apparue, pour certaines dispositions, lacunaire ou insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. Le Gouvernement, par la saisine rectificative du 6 novembre 2017, l’a complétée et approfondie sur plusieurs articles. Toutefois, le Conseil d’Etat constate que, dans certains cas, cette étude reste en-deçà de ce qu’elle devrait être, de sorte qu’il incombe au Gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement, en particulier sur les points qui seront mentionnés dans les développements qui suivent.
4. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.
Sur le titre relatif aux dispositions permettant le respect des stipulations du contrat de ville hôte
Ce titre comporte cinq articles qui dérogent au code du sport, au code de l’environnement, au code de justice administrative et au code civil ou qui modifient des dispositions du code du sport.
Dispense d’autorisation pour l’organisation des compétitions sportives dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
5. Un premier article désigne le Comité d’organisation des jeux olympiques (COJO), le Comité international olympique (CIO) et le Comité international paralympique (CIP), pour l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024, comme organisateurs de la compétition sportive au sens de l’article L. 331-5 du code du sport. Une telle désignation par la loi dispense les trois organisateurs de ces jeux de l’obligation de demander, à cette fin, l’autorisation de chacune des fédérations sportives délégataires concernées.
Le Conseil d’Etat estime que cette désignation de plein droit, ainsi que la dispense d’autorisation au cas par cas qui en est la conséquence, ne soulèvent aucune difficulté : elles sont d’autant plus justifiées que les fédérations délégataires appelées à donner cette autorisation dans le régime de droit commun s’inscrivent dans la hiérarchie du Mouvement olympique qui rassemble, en application de la Charte olympique, le Comité international olympique (CIO), les fédérations sportives internationales, dont les fédérations délégataires mentionnées plus haut sont membres, et le Comité national olympique, et sportif français (CNOSF).
Propriétés olympiques et paralympiques
6. Le projet de loi modifie le premier alinéa de chacun des articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport, qui précisent les droits du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et ceux du Comité paralympique et sportif français (CPSF) s’agissant de la propriété ou de la protection de ce que la Charte olympique appelle, au § 2 de sa Règle 5, les « propriétés olympiques » et de ce que le § 5.1.1 du chapitre « Jeux Paralympiques » du Manuel du CIP appelle « les propriétés paralympiques » ou « les droits de propriété du COJO ».
Cette modification a un double objet que l’étude d’impact ne distingue pas suffisamment. Le premier est d’assurer la protection d’éléments propres aux Jeux de 2024 : logo, mascotte, slogan et affiches. Le second est d’élargir la liste des termes entrant dans le champ de la protection pérenne définie par chacun de ces deux articles. Bénéficieront de cet élargissement les termes « olympisme » et « jeux Paralympiques », ainsi que les sigles « JO » et « JP » et le millésime « ville + année ». En revanche, le Conseil d’Etat estime injustifiée, car excessive, l’extension du bénéfice de la protection aux termes « olympique », « olympien » et « olympienne », qui font partie du vocabulaire courant et dont certains trouvent à s’appliquer en dehors de tout contexte sportif.
Le Conseil d’Etat rappelle en outre que l’ensemble des droits précisés par les articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport s’exercent dans le cadre défini par le code de la propriété intellectuelle, et notamment ses articles L. 711-3 et L. 713-5, et par les engagements internationaux souscrits par la France dans cette matière
Dérogations aux interdictions et restrictions en matière de publicité
7. Le projet institue des dérogations aux interdictions et restrictions en matière de publicité faites tant par la législation nationale que par les dispositions des règlements locaux de publicité. Ces dérogations sont d’ampleur et de durée variables selon qu’elles bénéficient aux actions de pavoisement pour la promotion et l’organisation des jeux Olympiques, pour lesquelles est également consentie une habilitation plus large au pouvoir réglementaire en ce qui concerne les enseignes et préenseignes, ou selon qu’elles sont prévues à des fins commerciales au profit des partenaires de marketing olympique au sens du contrat de ville hôte.
8. Le Conseil d’Etat estime possible d’accepter les premières malgré leur ampleur et la durée pour laquelle elles sont accordées et nonobstant la circonstance qu’elles restent faiblement justifiées dans l’étude d’impact, dès lors qu’elles ne peuvent bénéficier qu’à des affichages comportant exclusivement des éléments propres aux Jeux de 2024 constitutifs des « propriétés olympiques » et « propriétés paralympiques » tels que, principalement, les affiches, logo, mascotte, slogan et à condition de renforcer l’encadrement de leur usage : il juge nécessaire de préciser que ces dérogations ne pourront être utilisées qu’à l’occasion d’opérations ou d’événements liés à la promotion, la préparation, l’organisation ou le déroulement des jeux Olympiques ou des jeux Paralympiques et de les subordonner à la formalité préalable d’une déclaration permettant à l’autorité compétente de s’assurer de l’adéquation et de la proportionnalité de l’usage qui en sera fait, en lui donnant compétence pour, le cas échéant, édicter des prescriptions.
9. Les dérogations permettant d’effectuer un affichage publicitaire à des fins commerciales, notamment sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou dans leur périmètre ainsi que sur les monuments naturels et dans les sites classés, trouvent leur origine dans le nombre et l’importance de ces lieux utilisés tant pour les entraînements que pour les compétitions des Jeux, ainsi qu’il ressort du dossier de candidature de Paris.
La limitation stricte d’octroi de ces dérogations, dont sont implicitement exclus les dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles, les bâches publicitaires et la publicité lumineuse, à une période courte centrée autour du déroulement des Jeux, l’exigence d’une autorisation préalable et l’édiction de critères encadrant l’attribution de celle-ci permettent d’atteindre un équilibre satisfaisant entre, d’une part, l’atteinte temporaire aux intérêts de protection du patrimoine tant historique que naturel et au cadre de vie et, d’autre part, la nécessité de ne pas exclure par principe une valorisation exceptionnelle de ce patrimoine à l’occasion de cet événement unique que sont les Jeux. Le souci de garantir l’équilibre économique et financier des JO 2024 paraît au Conseil d’Etat être un motif d’intérêt général justifiant que le bénéfice de ces dérogations soit réservé par le législateur aux partenaires de marketing olympique dont les droits sont fonction de leur contribution financière.
Recours à l’arbitrage
10. Une disposition du projet de loi a pour objet de permettre, par dérogation à l’article 2060 du code civil qui interdit le recours à l’arbitrage pour les personnes publiques, que le contrat de ville-hôte des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ainsi que les conventions d’exécution de ce contrat comportent des clauses compromissoires.
Le Conseil constitutionnel a jugé que l’interdiction à laquelle il est proposé de déroger est de valeur législative et non constitutionnelle (décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004, cons. 32).
Le Conseil d’Etat considère, d’une part, qu’une telle disposition législative est nécessaire, dès lors que l’exception déjà ouverte par l’article 9 de la loi n° 86-972 du 19 août 1986 ne peut s’appliquer : elle ne vise que les contrats conclus par les personnes publiques, pour la réalisation d’opérations d’intérêt national, avec des « sociétés étrangères », statut que n’ont ni le Comité international olympique (CIO), ni le Comité international paralympique (CIP).
Le Conseil d’Etat admet, d’autre part, que, conformément aux engagements pris par les autorités françaises vis-à-vis du Comité international olympique (CIO) et du Comité international paralympique, le recours à une clause compromissoire soit prévu non seulement pour les futurs contrats qui seront conclus pour l’exécution du contrat de ville-hôte, mais également pour ce contrat lui-même, signé le 13 septembre 2017 à Lima. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, issue notamment de la décision n° 96-375 du 9 avril 1996, la disposition législative prévue par le projet donnera une base légale aux stipulations figurant au point 51.2 du contrat de ville hôte, qui confient au Tribunal arbitral du sport la résolution de tous les litiges relatifs à l’interprétation, à la validité et à l’exécution du contrat.
Le Conseil d’Etat considère enfin que l’intérêt national que représente pour la France l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 justifie la disposition législative proposée.
Sur le titre relatif à l’aménagement, à l’urbanisme, à l’environnement et au logement
Les dispositions de ce titre consistent pour l’essentiel à prévoir des adaptations et dérogations au droit commun destinées à sécuriser et accélérer la réalisation des sites d’entraînement, de compétition et d’accueil des jeux Olympiques, ainsi que l’aménagement et l’utilisation des sites existants.
Participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement
11. Le projet prévoit de soumettre les projets, plans ou programmes ayant une incidence sur l’environnement nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement. Il prévoit en outre que la réalisation de la synthèse des observations et propositions déposées par le public dans le cadre de cette procédure sera effectuée par un garant nommé par la Commission nationale du débat public. Ces dispositions ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Constructions et installations temporaires des JO
12. Le projet prévoit de faire bénéficier les équipements temporaires directement liés à la préparation, l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de la dispense d’autorisation d’urbanisme prévue, par l'article L.421-5 du code de l'urbanisme, au profit de certains constructions, aménagements, installations et travaux en raison « de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés », en les rattachant explicitement à cette catégorie au régime juridique duquel ils seront soumis. La durée d’implantation prévisible de certains équipements, qui pourrait aller jusqu’à dix-huit mois, comme les exigences de la protection des monuments et sites classés ou inscrits dans le périmètre desquels ces équipements parfois de grande ampleur se situeraient justifient ce rattachement, dont les modalités seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.
Dispositions facilitant la réalisation des opérations d’aménagement et de construction prévues pour les JO
13. L’extension de la procédure intégrée instituée, pour faciliter la construction de logements, par l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme, aux opérations d’aménagement ou de construction nécessitées par les jeux Olympiques et Paralympiques à laquelle procède le projet élargit la panoplie des outils nécessaires à ces réalisations, sans soulever d’objection juridique.
14. En revanche, le législateur ayant, par l'article L. 121-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les travaux « qui ne peuvent, en raison de leur nature ou de leur importance, être déclarés d'utilité publique que par décret en Conseil d'Etat », il revient au Gouvernement et non au législateur de décider que la déclaration d’utilité publique de certains travaux et opérations nécessaires à l’organisation ou au déroulement des Jeux sera prononcée par décret en Conseil d'Etat. Une disposition ayant cet objet est donc de nature réglementaire.
15. Une disposition législative expresse est nécessaireafin de permettre, le cas échéant,de recourir à la procédure d’extrême urgence pour les opérations de construction du village olympique et du village des médias, dès lors que leur objet n’est pas au nombre de ceux énumérés par l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui institue cette procédure et que cet article exclut la prise de possession de terrains bâtis, tandis que les emprises qui seront nécessaires supportent des constructions. En cela, le projet se place dans la continuité des lois n° 65-496 du 29 juin 1965 et n° 87-1132 du 31 décembre 1987 intervenues pour les jeux Olympiques respectivement de Grenoble et d’Albertville, qui comportaient des dispositions ayant le même objet.
Le Conseil d'Etat, après avoir observé que l’existence de locaux d’habitation sur les emprises à exproprier est l’un des éléments importants du bilan de l’utilité publique d’un projet, qui sera pris en compte à l’occasion de la déclaration d’utilité publique, n’estime pas cohérente l’exclusion des tels locaux du champ d’application de cette procédure d’extrême urgence, les propriétaires et occupants de ces locaux n’étant pas, au regard de l’atteinte au droit de propriété ainsi portée, dans une situation différente des propriétaires et occupants de locaux professionnels, commerciaux, artisanaux ou industriels. Il relève également que pareille limitation n’a pas été prévue pour des opérations de réalisation d’infrastructures en zone urbaine dense auxquelles le législateur a ouvert cette faculté ces dernières années, à savoir les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris (article 5 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010) et le prolongement de la ligne de tramway T4 (article 53 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010).
16. Le projet modifie le code de l'urbanisme pour permettre à l’organe délibérant des collectivités publiques et établissements publics qui décide la création d’une zone d'aménagement concerté (ZAC) d’approuver par la même délibération l’aménagement et l’équipement de cette zone. Cette simplification procédurale est de nature à faciliter la réalisation des ZAC envisagées pour la réalisation d’équipements accueillant les jeux Olympiques mais elle est également susceptible de bénéficier à l’ensemble des opérations menées dans le cadre de cette procédure lorsque les décisions de création et d’aménagement de la zone sont de la compétence d’une même autorité. Cette disposition est donc insérée dans le code de l'urbanisme. L’étude d'impact doit cependant être complétée pour justifier plus clairement la nécessité de légiférer.
Délivrance des titres d’occupation du domaine public au Comité d’organisation des jeux Olympiques
17. Le projet prévoit que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les titres délivrés au Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et les titres de sous-occupation délivrés par ce dernier à ses partenaires de marketing et aux partenaires de marketing du Comité international Olympique ne font pas l’objet d’une procédure de sélection préalable publique.
18. Le Conseil d’Etat considère qu’une telle dérogation est compatible avec l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Promoimpresa Srl (C - 458/14) du 14 juillet 2016, dès lors que l’organisation d’une procédure de sélection préalable s’avère en l’espèce impossible ou non justifiée.
Tout d’abord, le Conseil d’Etat estime que le rôle du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques dans l’organisation des Jeux justifie l’absence de procédure de sélection préalable à la délivrance de titres d’occupation au bénéfice de ce comité, par analogie avec le raisonnement qui sous-tend l’exception prévue au 4° de l’article L. 2122-1-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Le Conseil d’Etat complète toutefois la rédaction du projet sur ce point en précisant que les titres en cause portent sur des dépendances du domaine public dédiées aux jeux Olympiques et Paralympiques.
Ensuite, le Conseil d’Etat estime que compte tenu des droits exclusifs déjà accordés par le Comité international olympique à ses partenaires marketing dans le cadre d’un programme international et de la responsabilité du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques dans la mise en œuvre de ce programme, l’organisation par ce dernier Comité d’une procédure de sélection préalable à la délivrance de titres de sous-occupation aux partenaires marketing du Comité international olympique s’avère impossible et injustifiée, par analogie avec le raisonnement qui sous-tend les exceptions prévues aux 1° et 4° de l’article L. 2122-1-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
Enfin, le Conseil d’Etat complète la rédaction du projet en prévoyant que le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques sélectionne ses partenaires de marketing selon une procédure qu’il organise librement, présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. L’existence d’une telle procédure justifie l’absence de procédure de sélection spécifique préalable à la délivrance de titres de sous-occupation aux partenaires marketing du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques : la procédure proposée permet, comme dans le cas prévu au 2° de l’article L. 2122-1-2 du code général de la propriété des personnes publiques, d’assurer une mise en concurrence avant le stade de l’autorisation domaniale.
19. Le projet prévoit également que, par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les titres de sous-occupation du domaine public peuvent être délivrés gratuitement par le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques aux partenaires de marketing. Les contributions de ces partenaires sont en effet essentielles à l’équilibre financier des Jeux, dont la tenue génère d’importantes retombées immatérielles pour les collectivités publiques les accueillant. Ces motifs paraissent au Conseil d’Etat permettre de justifier la dérogation au principe de paiement d’une redevance. Le Conseil d’Etat constate toutefois le caractère lacunaire de l’étude d’impact, qui ne comporte pas d’éléments suffisants sur les modalités de participation financière des partenaires de marketing olympique et sur les montants potentiels des redevances en cause.
Mise à disposition temporaire de locaux au Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques
20. Afin de permettre que les constructions des locaux nécessaires à l’organisation des Jeux s’insèrent dans l’émergence de nouveaux quartiers urbains, le projet autorise les organismes d’habitations à loyer modéré à construire ou acquérir des locaux pour les mettre temporairement à disposition du Comité d’organisation des jeux Olympiques, et prévoit que les effets des conventions encadrant l’attribution de ces locaux soient suspendus pendant l’occupation des locaux pour les Jeux. Il ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Le Conseil d’Etat complète la rédaction afin de préciser que ces locaux sont transformés en logements à usage locatif à l’issue des Jeux.
21. Le projet autorise la location des logements destinés aux étudiants, qui seraient vacants pendant l’été 2024, au Comité d’organisation des jeux Olympiques en vue de l’hébergement des personnes accréditées pour les Jeux, en s’inspirant des dispositions du V de l’article 123 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Ces dispositions ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Sur le titre relatif à la sécurité
22. Ce titre ne comporte qu’une disposition qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions permettant la création de voies réservées à la circulation des véhicules de secours et de sécurité et de ceux des personnes accréditées dans le cadre des Jeux et le transfert aux autorités de l’Etat des pouvoirs de police de la circulation et du stationnement sur ces voies réservées ainsi que sur les voies qui permettent d’en assurer le délestage et sur celles qui concourent au déroulement des Jeux. Le Conseil d'Etat considère que la durée d’un an prévue pour l’habilitation se justifie par la nécessité d’appréhender l’ensemble des aspects pratiques et juridiques du dispositif.
Sur le titre concernant les dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité
Le titre IV du projet de loi, sous l’intitulé « Dispositions relatives à l’éthique et l’intégrité », rassemble plusieurs dispositions visant à modifier les règles applicables à la lutte contre le dopage, à la répression des infractions en matière de corruption dans le domaine du sport, aux obligations déontologiques des dirigeants du Comité d’organisation des jeux olympiques (COJO) et au contrôle exercé par la Cour des comptes. Si ces dispositions ont, pour certaines d’entre elles, un champ plus vaste que la bonne organisation des Jeux de 2024 ou une vocation permanente, elles ne sont pas sans lien avec l’objet du projet de loi.
Lutte contre le dopage
23. Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi qui concernent la lutte contre le dopage.
Le Conseil d’Etat s’attache, dans la rédaction qu’il propose, à mieux faire apparaître, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, à la fois la finalité et le domaine d’intervention des mesures qui pourront être prises par ordonnance.
La première finalité consiste à renforcer l’efficacité de la procédure de sanction confiée à l’Agence française de lutte contre le dopage, tout en assurant le respect du principe d’impartialité qui découle d’exigences constitutionnelles (décisions n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 et n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013 du Conseil constitutionnel). Le Conseil d’Etat prend acte à cet égard de la préférence exprimée au stade de l’habilitation pour une séparation organique des fonctions au sein de l’Agence, qui devrait comporter en son sein une commission des sanctions distincte du collège de l’Agence : ce choix, qui est le plus radical, n’est pas le seul possible, mais il est tout à fait compatible avec la jurisprudence rappelée plus haut du Conseil constitutionnel.
La seconde finalité, qui n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat, est de parfaire l’introduction en droit interne de certains principes du Code mondial antidopage.
Corruption de l’acteur d’une manifestation sportive comportant des paris sportifs
24. La rédaction actuelle de l’article 445-1-1 du code pénal, issu d’une proposition de loi, comportait une erreur rédactionnelle qui privait partiellement d’effet cet article. Le dispositif est corrigé et n’appelle pas d’avantage d’observations.
Obligations déontologiques des dirigeants du COJO
25. Le projet de loi propose d’étendre aux principaux responsables du Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) l’obligation de déclaration de patrimoine et d’intérêts prévue par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, ainsi que plusieurs autres dispositions législatives relatives à la même question.
Le Conseil d’Etat, s’il est bien sûr favorable à la mesure, estime prudent de ne pas désigner les « directeurs » du COJO, faute de connaître à ce stade la future gouvernance du Comité, qui n’a pas encore été constitué. Il substitue donc à ce mot ceux de : « personnes investies directement par le président ou par le conseil d’administration d’une délégation de pouvoir ou de signature. »
Contrôle de la Cour des comptes
26. Le projet de loi comporte une disposition qui a pour objet de confier à la Cour des comptes le contrôle des comptes et de la gestion des personnes morales ayant leur siège en France et qui concourent à l’organisation des Jeux de 2024. Cette disposition a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de la Cour des comptes.
27. En ce qui concerne les personnes publiques, la nouvelle rédaction proposée déroge aux dispositions de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières et le Conseil d’Etat estime nécessaire de le préciser.
Le choix de confier à la Cour des comptes le contrôle, qu’elle exercera seule, des comptes et de la gestion de toutes les personnes publiques concourant à l’organisation des Jeux de 2024 est justifié. Certes le code des juridictions financières permet d’ores et déjà ce contrôle, mais il en partage la responsabilité entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes appelées à assurer le contrôle des collectivités territoriales et établissements publics locaux de leur ressort respectif : l’article L. 111-3 réserve précisément la compétence des chambres régionales des comptes. Il convient, par suite, d’y déroger pour permettre à la Cour des comptes d’avoir une vue d’ensemble et assurer la cohérence des contrôles qui s’exerceront sur plusieurs personnes publiques (Etat, région Ile-de-France, ville de Paris, autres communes, établissements publics locaux, société de livraison des ouvrages olympiques constituée sous la forme d’un établissement public industriel et commercial …).
28. En ce qui concerne les personnes morales de droit privé, la disposition envisagée répond au souhait que la Cour des comptes puisse également assurer un contrôle approfondi de toutes celles, ayant leur siège en France, qui concourront à l’organisation des Jeux de 2024. Au nombre de ces personnes figure le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Le Conseil d’Etat approuve ce choix, qui est justifié par l’importance exceptionnelle que représentent pour la France les Jeux de 2024 et le souci, de prévenir, dans ce cadre, un mauvais usage des fonds publics, risque d’autant plus sérieux que l’Etat s’apprête à faire bénéficier le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de sa garantie, dans les conditions prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Le Conseil d’Etat apporte néanmoins une modification dans le texte de la disposition et formule une observation à la suite de la saisine rectificative qui lui a été adressée à propos notamment de cet article.
La modification a pour objet de préciser, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que le contrôle ne s’exercera qu’à l’égard de celles des personnes morales de droit privé concourant à l’organisation des Jeux qui bénéficient d’un financement public. Cette condition est remplie par le Comité national olympique et sportif français et le Comité paralympique et sportif français. Elle devrait l’être aussi pour le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, dans la mesure où l’Etat s’est engagé à lui accorder une subvention en vue d’organiser les jeux paralympiques.
L’observation concerne les modalités du contrôle qui sera exercé : le renvoi aux conditions et procédures applicables aux personnes publiques en vertu du code des juridictions financières, qui a été ajouté dans la saisine rectificative à la suite des échanges entre le rapporteur et les commissaires du Gouvernement, a pour effet de soumettre les comptes et la gestion des personnes morales de droit privé mentionnés plus haut au contrôle complet de la Cour, qui ne se limitera donc pas à contrôler le compte d’emploi du concours financier dont bénéficie la personne en cause. Sur ce point également, pour les raisons déjà évoquées, le Conseil d’Etat estime que ce choix, qui ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, est justifié.
Cet avis a été délibéré et adopté par la section des travaux publics dans sa séance du 9 novembre 2017.