Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État sur la demande relative à la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme.
CONSEIL D’ÉTAT
Assemblée générale
Section de l’intérieur
Séance du jeudi 17 décembre 2015
AVIS sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme
Le Conseil d’État, saisi par le ministre de l’intérieur, des questions suivantes :
« Les attentats terroristes particulièrement meurtriers commis à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015 sont révélateurs de l’extrême gravité de la menace qui pèse aujourd’hui sur le territoire français.
Cette menace impose de compléter un certain nombre de dispositifs législatifs existants afin de renforcer les pouvoirs des autorités de police administrative et de leur donner les moyens de prévenir la commission d’actes terroristes sur le sol français.
La loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions y a contribué, en précisant et renforçant les régimes de l’assignation à résidence et de la perquisition et en créant un cas supplémentaire de dissolution des associations et groupements de fait.
Un certain nombre d’autres propositions ont été formulées pour accroître la surveillance d’individus connus des services de police pour leur radicalisation et présentant des indices de dangerosité, en particulier les personnes faisant l’objet, dans le fichier des personnes recherchées (FPR), d’une fiche « S » (qui vise « les personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard »).
Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite recueillir l’avis du Conseil d’État sur la possibilité d’imposer des mesures privatives ou restrictives de liberté à certains individus connus des services de police pour leur radicalisation et leur dangerosité. Le Gouvernement souhaite être éclairé sur la conformité à la Constitution de ces propositions ainsi que sur leur compatibilité avec les engagements internationaux et européens de la France.
Parmi les propositions formulées figure celle d’une surveillance renforcée des personnes connues des services de police pour leur radicalisation et la dangerosité qui en résulte. Cette surveillance renforcée pourrait prendre diverses formes : ont été évoqués, notamment, l’internement administratif des personnes concernées, leur placement sous surveillance électronique ou encore leur assignation à résidence.
De tels dispositifs, qui ne revêtiraient pas un caractère punitif mais auraient pour objet de prévenir la commission d’actions violentes de la part des personnes intéressées, se rattacheraient à une mission de police administrative.
Le Gouvernement souhaite ainsi recueillir l’avis du Conseil d’État sur les questions suivantes :
1) Pour prévenir la commission d’actions violentes de la part de personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme, la loi peut-elle autoriser une privation de liberté des intéressés à titre préventif et prévoir leur rétention dans des centres prévus à cet effet ?
2) Une telle mesure pourrait-elle être envisagée, à tout le moins, pour celles des personnes ayant déjà fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement pour des actes de terrorisme, à l’instar du dispositif de rétention de sûreté en vigueur aux articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale ?
3) A défaut de leur imposer le maintien en rétention administrative dans un centre prévu à cet effet, la loi pourrait-elle prévoir la possibilité, soit de placer les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité sous surveillance électronique, soit de prononcer leur assignation à résidence ? »
Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 66 ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son article 5 ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment ses articles 9, 14 et 15 ;
Vu le code pénal, notamment le chapitre Ier du titre III du livre 1er ;
Vu le code de procédure pénale, notamment le chapitre III du titre XIX du livre IV ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son livre VIII ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel, notamment les décisions n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (loi relative à la prévention de l'immigration clandestine), n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005 (loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales), n° 2008-562 DC du 21 février 2008 (loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental), n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012 (M. Mickaël D.) et n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (loi relative au renseignement) ;
Vu l’arrêt n° 3455/05 du 19 février 2009 A. et autres contre Royaume-Uni et l’arrêt n° 19359/04 M. c. Allemagne du 17 décembre 2009 de la Cour européenne des droits de l’homme ;
EST D’AVIS DE REPONDRE DANS LE SENS DES OBSERVATIONS QUI SUIVENT :
I. - Pour prévenir la commission d’actions violentes de la part de personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme, la loi peut-elle autoriser une privation de liberté des intéressés à titre préventif et prévoir leur rétention dans des centres prévus à cet effet ?
1. Aux termes des articles 7 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. » et « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». L’article 66 de la Constitution dispose, « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
Il s’ensuit qu’au regard des règles et principes de valeur constitutionnelle, en vertu desquels l’autorité judiciaire est chargée d’assurer le respect de la liberté individuelle, toute détention doit être décidée par l’autorité judiciaire ou exercée sous son contrôle.
Il appartient aux autorités de police administrative, afin d’assurer la protection de l’ordre public, de prendre des mesures à caractère préventif qui peuvent comporter des mesures affectant ou restreignant des libertés, mais elles ne peuvent prendre à ce titre des mesures privatives de liberté.
2. Seule une privation de liberté de très courte durée peut, le cas échéant, intervenir dans un cadre administratif. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si l’autorité judiciaire intervient alors dans le plus court délai possible (Conseil constitutionnel n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 sur la loi relative à la prévention de l'immigration clandestine).
Il en est ainsi d’une mesure de dégrisement d’ivresse publique, eu égard à la brièveté de cette privation de liberté - quelques heures au maximum - et à ses finalités (prévenir les atteintes à l'ordre public et protéger la personne en cause). L'absence d'intervention de l'autorité judiciaire ne méconnaît pas les exigences de l'article 66 de la Constitution parce que, ainsi « prévu, organisé et limité par la loi, le placement en chambre de sûreté n’est pas une détention arbitraire » (décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012 M. Mickaël D.).
De même, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté. Dès lors, la compétence du préfet pour ordonner avant l’intervention du juge judiciaire l'hospitalisation d'office ne méconnaît pas les exigences tirées de l'article 66 de la Constitution (n° 2011-135/140 QPC 9 juin 2011).
S’agissant de la rétention des étrangers en situation irrégulière, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en prévoyant que le juge judiciaire ne sera saisi, aux fins de prolongation de la rétention en vue de leur éloignement, qu'après l'écoulement d'un délai de cinq jours à compter de la décision de placement en rétention, a été assurée entre la protection de la liberté individuelle et les objectifs à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de protection de l'ordre public une conciliation qui n'est pas déséquilibrée (n° 2011-631 DC du 9 juin 2011).
Ces privations de liberté de très courte durée n’ont été admises dans un cadre administratif qu’en raison de leur objet spécifique, soit d’assurer des soins et de protéger les personnes en cause, soit d’exécuter une mesure de police. Par ailleurs, ces mesures n’excèdent pas une rigueur non nécessaire.
3. S’agissant des personnes radicalisées, les mesures à prendre relèvent d’une autre logique, et en fonction des risques en cause et des éléments recueillis impliquent, selon le cas, à titre préventif des mesures de surveillance exclusives de toute détention ou l’engagement d’une procédure pénale pouvant se traduire par une détention décidée par l’autorité judiciaire.
4. En dehors de toute procédure pénale, la détention de personnes présentant des risques de radicalisation est donc exclue, sur le plan constitutionnel.
5. Au plan conventionnel, elle l’est également.
En effet, aux termes de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales. »
Or, dans la liste de cas dressés par cet article, liste qui est limitative ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ne figure pas la détention, à des fins purement préventives, d’une personne non aliénée dont le comportement, tel celui d’un individu radicalisé, présenterait un danger pour la sécurité publique ou l’ordre public.
6. Au plan constitutionnel et au plan conventionnel, il n’est pas possible d’autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, des personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme.
II. - Une telle mesure pourrait-elle être envisagée, à tout le moins, pour celles des personnes ayant déjà fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement pour des actes de terrorisme, à l’instar du dispositif de rétention de sûreté en vigueur aux articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale ?
7. Aux termes de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, pour certains crimes d’une extrême gravité, « A titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre… ».
8. Dans sa décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 concernant la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif après avoir vérifié qu’eu égard à la nature exceptionnelle de la rétention de sûreté, qui conduit à une privation totale de liberté, et à la protection particulière de la liberté individuelle qui résulte de l’article 66 de la Constitution, une telle rétention répondait à une triple exigence d’adéquation au but recherché, de nécessité et de proportionnalité.
Le Conseil constitutionnel a ainsi validé le principe d’une rétention de sûreté, dès lors que celle-ci comporte toute une série de garanties et que le dispositif prévu répond à la spécificité de la dangerosité en cause par la liste des infractions pouvant donner lieu à cette rétention et par la nature appropriée des mesures d’évaluation et de prise en charge.
9. Un dispositif particulier de rétention de personnes radicalisées condamnées pour acte de terrorisme et dont la personnalité en fin de peine présenterait encore une grande dangerosité ne pourrait être établi par la loi, afin de prévenir la récidive par des individus encore radicalisés, que si, en premier lieu, ce dispositif comportait les mêmes garanties juridiques que celles prévues par les articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale, telles qu’explicitées et complétées par le Conseil constitutionnel :
- cette rétention de sûreté ne pourrait concerner que les personnes radicalisées condamnées pour un crime constituant un acte de terrorisme et dont la personnalité en fin de peine présenterait encore une grande dangerosité ;
- la rétention de sûreté en matière de terrorisme ne pourrait être ordonnée que si la décision de condamnation a prévu le réexamen, à la fin de sa peine, de la situation de la personne condamnée en vue de l'éventualité d'une telle mesure ;
- des procédures offrant les mêmes garanties que celles prévues par les articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale devraient être prévues pour vérifier la dangerosité de l’intéressé ;
- la rétention de sûreté ne pourrait être décidée à titre exceptionnel par une juridiction qu’à défaut d’autre mesure efficace moins attentatoire à la liberté individuelle et qu’après que cette juridiction aurait vérifié que la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier pendant l’exécution de sa peine d’une prise en charge adaptée ;
- elle devrait être décidée pour une durée limitée, ses renouvellements étant soumis à une appréciation juridictionnelle.
En outre, conformément à la décision du Conseil constitutionnel susvisée du 21 février 2008, un tel dispositif de rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable et au fait qu'elle serait prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliqué à des personnes condamnées avant la publication de la loi qui l’instituerait ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement.
10. En second lieu, devrait être élaboré un dispositif adapté d’évaluation et de prise en charge de personnes radicalisées condamnées pour acte de terrorisme et dont la personnalité en fin de peine présenterait encore une grande dangerosité. En effet, la rétention de sûreté prévue en application des articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale est conçue pour les personnes à troubles graves de la personnalité. Son objet est de favoriser, après expertise médicale, un traitement par des soins adaptés tendant à la réinsertion par la guérison. La situation des personnes radicalisées condamnées pour crimes de terrorisme qui persistent dans la dangerosité relève d’une autre logique et d’un autre type de prise en charge.
Devraient donc être mis au point des dispositifs d’évaluation de la menace persistante et de prise en charge de cette forme particulière de dangerosité, notamment sur la base des démarches et recherches engagées en France et dans d’autres pays en matière de « déradicalisation ».
11. Ce n’est qu’à ces deux séries de conditions qu’une rétention de sûreté adaptée au cas des individus radicalisés paraît envisageable et pourrait être prévue par la loi sans se heurter aux principes constitutionnels ou conventionnels.
12. Enfin, dans la mise au point d’un tel dispositif, il conviendrait d’appliquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la rétention et/ou la détention de sûreté et de prendre en compte les conséquences à tirer des observations du comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies du 21 juillet 2015.
III. - A défaut de leur imposer le maintien en rétention administrative dans un centre prévu à cet effet, la loi pourrait-elle prévoir la possibilité, soit de placer les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité sous surveillance électronique, soit de prononcer leur assignation à résidence ?
En ce qui concerne l’assignation à résidence :
13. L’assignation à résidence peut être plus ou moins contraignante selon l’objet de la mesure et la nature des risques qu’il s’agit de prévenir. Au titre de ces mesures peuvent notamment être prévues : l’obligation de résider dans un territoire donné plus ou moins restreint ; l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, avec une périodicité plus ou moins exigeante ; l’obligation de présence au domicile pendant une partie de la journée ; l’interdiction de voir certaines personnes.
Une telle mesure peut également avoir une durée plus ou moins longue.
Lorsque les contraintes imposées à l’intéressé excèdent par leur rigueur une restriction de la liberté de circulation, au point de le confiner en pratique en un lieu déterminé, fût-il son domicile, l’assignation à résidence est assimilable à une privation de liberté.
14. Hors période d’état d’urgence, une assignation à résidence « préventive » si contraignante par un confinement durable en un lieu déterminé qu’elle serait assimilable à une détention est impossible en dehors de toute condamnation ou contrôle judiciaire lié à une procédure pénale. Cette assignation à résidence porterait en effet atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution des personnes concernées.
15. Seule une assignation à résidence qui se bornerait, pour les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité, à restreindre leur liberté de circulation avec des modalités d’exécution laissant à l’intéressé une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale, pourrait, le cas échéant, être envisagée dans un cadre administratif. Elle devrait être prévue par la loi et comporter un degré de contraintes inférieur aux mesures prévues par l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
En tout état de cause, une telle mesure devrait être justifiée par la nécessité de sauvegarder l'ordre public et être proportionnée à cet objectif, notamment quant à sa durée et aux contraintes qu’elle impose.
Ces mesures feraient l’objet de recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé-suspension ou du référé-liberté, et seraient soumises à son entier contrôle, dès lors que tel est déjà le cas, même en période d’urgence, ainsi qu’il résulte des décisions de section du Conseil d’État du 11 décembre 2015 (n° 395009 et autres).
En ce qui concerne le placement sous surveillance électronique :
16. En application des dispositions du code de la sécurité intérieure, et notamment de ses articles L. 851-4 et L. 851-5, il est d’ores et déjà possible dans le cadre des mesures de police administrative prévues notamment pour prévenir le terrorisme de procéder, à l’insu de l’intéressé, à une surveillance à distance en temps réel, d’une part, par la géolocalisation en temps réel du téléphone portable d’une personne, d’autre part, par la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet.
Ces mesures peuvent être autorisées dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 et suivants pour une période maximale de quatre mois, éventuellement renouvelable. Dans sa décision n° 2015-713 du 23 juillet 2015 sur la loi relative au renseignement, le Conseil constitutionnel a estimé que de telles mesures ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et les a déclarées conformes à la Constitution.
17. Une surveillance électronique mobile (bracelet électronique), qui n’imposerait pas d’autres contraintes que la pose d’un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance la localisation d’une personne pouvant se mouvoir sur l’ensemble du territoire national, pourrait être prévue par la loi pour des personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité aux fins de prévenir des atteintes à l’ordre public, sous réserve de fixer les finalités précises d’une telle mesure et du respect des conditions suivantes :
- la nécessité d’une telle mesure, qui ne pourrait être mise en œuvre que s’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne radicalisée concernée constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, devrait être établie sur la base de critères précisément définis et d’éléments suffisamment consistants pour établir la dangerosité de l’intéressé ;
- le recours à cette mesure serait subordonné à une procédure d’autorisation et de contrôle permettant de vérifier la réalité de la dangerosité et les risques encourus, procédure qui pourrait s’inspirer de celle prévue par le code de la sécurité intérieure pour les techniques de renseignement et comportant des garanties comparables en matière de contrôle administratif et juridictionnel des autorisations ainsi données ; la durée de la mesure et son éventuel renouvellement seraient fixés dans les mêmes conditions ;
- la pose du dispositif de surveillance serait subordonnée à l’accord de l’intéressé, le Conseil constitutionnel ayant considéré pour une mesure comparable prévue par le code de procédure pénale que le consentement de l’intéressé faisait partie des précautions prises par le législateur pour garantir qu’aucune rigueur non nécessaire ne serait imposée aux personnes concernées (décision du Conseil constitutionnel n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005 sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales) ;
- cette mesure ne devrait donc être mise en œuvre qu’à défaut d’autre moyen légal de prévenir la menace liée à la présence d’un individu dans certaines zones et sa rigueur devrait demeurer strictement proportionnée aux risques encourus.
18. Ainsi prévue et définie par la loi, cette mesure de surveillance renforcée des personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité ne paraît pas devoir porter une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle de l’intéressé, et en particulier au respect de sa vie privée.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 17 décembre 2015.