Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur une lettre rectificative au projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
La « lettre rectificative » permet au Gouvernement de modifier ou de compléter un projet de loi déjà déposé devant le Parlement, avant son examen par la première assemblée saisie. La lettre rectificative est soumise à la même procédure que le projet de loi initial : elle doit être accompagnée d’une étude d’impact et être soumise à l’avis du Conseil d’État puis délibérée en conseil des ministres avant d’être transmise à l’assemblée saisie du projet de loi.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 26 juillet 2019 d’une lettre rectificative au projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action.
2. Cette lettre rectificative, qui comprend 5 articles, vise à renforcer l’effectivité de l’exercice du droit de vote des détenus (article 1er), à relever le plafond des indemnités que le conseil municipal peut décider d’allouer aux maires et aux adjoints des communes de moins de 3500 habitants (article 2), à rétablir les pouvoirs de droit commun des maires en matière de droit de préemption urbain en dehors du droit de priorité dans une opération d’intérêt national (article 3), à permettre aux autorités compétentes en matière d’urbanisme d’adresser aux auteurs de constructions, d’aménagements, d’installations ou de travaux contraires au code de l’urbanisme, une mise en demeure de régulariser assortie d’une astreinte journalière (article 4), à renforcer la sanction de certaines incivilités troublant la sécurité publique, en instaurant la possibilité pour le maire d’infliger des sanctions administratives aux contrevenants de certains arrêtés pris au titre de ses pouvoirs de police générale (article 5).
3. Le Conseil d’État relève que le projet de loi a fait l’objet, ainsi qu’il le devait, de la consultation du Conseil national de l’évaluation des normes sur les articles instaurant des normes applicables à des collectivités territoriales. L’étude d’impact, qui a été complétée par une saisine rectificative du 5 septembre 2019, répond, sous quelques réserves qui sont indiquées dans l’avis, aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.
Vote par procuration
4. S’agissant du recours au vote par procuration, le projet de loi apporte une simplification bienvenue à la suite de la mise en place du répertoire électoral unique, en supprimant la condition qui veut que le mandataire soit électeur dans la même commune que le mandant. Cette réforme facilitera pour l’électeur la recherche d’un mandataire.
Le Conseil d’État suggère d’aller plus loin que le projet de loi, qui supprime l’attestation sur l’honneur aujourd’hui requise de l’électeur afin qu’il certifie se trouver dans l’un des cas ouvrant droit au vote par procuration : selon la version adoptée par le Conseil d’État , l’article L. 71 du code électoral énoncerait désormais que tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par procuration, sans qu’il soit nécessaire d’alléguer un motif particulier. Une telle mesure parachèverait la simplification du recours à cette modalité de vote engagée par l’ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003.
Dispositions spécifiques destinées à faciliter le vote des personnes détenues
5. Le projet de loi comporte une série de dispositions destinées à faciliter l’exercice du droit de suffrage des personnes détenues, qui concernent tant les règles d’inscription sur les listes électorales que les modalités de vote elles-mêmes.
Inscription sur les listes électorales
6. En premier lieu, le projet de loi élargit la catégorie des communes sur les listes électorales desquelles les personnes détenues peuvent s’inscrire : si l’inscription sur la liste de la commune du domicile ou de la dernière résidence de plus de six mois demeure le droit commun, le texte prévoit que les personnes concernées pourront, si elles le jugent préférable, s’inscrire soit dans leur commune de naissance, soit dans la commune d’inscription d’un de leurs ascendants, soit dans la commune où est inscrit leur conjoint, partenaire ou concubin, soit dans la commune où est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu’au quatrième degré.
Le Conseil d’État constate qu’une telle mesure, qui est plus libérale que le régime de droit commun, s’inspire des dispositifs existants aujourd’hui pour les Français établis hors de France ou pour certaines catégories particulières de citoyens mentionnées aux articles L. 12 à L. 15-1 du code électoral. Il estime qu’elle est adaptée à la situation particulière des personnes détenues et répond à l’objectif de faciliter leur participation électorale.
7. En second lieu, le projet de loi prévoit une simplification des procédures d’inscription pour les personnes détenues : si le maire demeure l’autorité en charge de procéder à leur inscription, il appartiendra au chef d’établissement pénitentiaire de lui transmettre systématiquement leur demande, une simple attestation sur l’honneur suffisant par ailleurs à établir le lien de l’intéressé avec la commune d’inscription.
Le Conseil d’État n’émet pas d’objection à un tel dispositif, l’intervention systématique de l’administration pénitentiaire étant conforme au caractère obligatoire de l’inscription sur les listes électorales posé par l’article L. 9 du code électoral et de nature, en pratique, à faciliter l’inscription effective des détenus.
Vote par correspondance
8. Enfin, le projet prévoit également de rendre possible le vote par correspondance des détenus. Cette faculté ne sera cependant ouverte qu’aux détenus qui auront choisi de s’inscrire dans la commune chef-lieu du département où se trouve implanté l’établissement pénitentiaire, une telle inscription ayant pour effet de les empêcher de prendre part au scrutin par le biais d’un vote à l’urne ou par procuration, sauf lorsque leur période de détention aura entre temps pris fin. Le Conseil d’État observe que le choix de recourir à ce mode de vote est adapté à la situation des personnes détenues et ne soulève pas, en lui-même, d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
9. Dans la conception retenue par le projet, qui présuppose le rattachement des électeurs votant par correspondance au chef-lieu du département, il convient toutefois d’appeler l’attention du Gouvernement sur deux types de réserves s’agissant des élections locales.
En premier lieu, le projet de loi conduit, pour les électeurs ayant recours à ce mode de vote, à rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, ce qui méconnaît la tradition de notre droit électoral.
En second lieu, le Conseil d’État observe que, dans quelques départements, le nombre théorique d’inscrits concernés sera susceptible, en l’état des données fournies, d’avoir un impact quantitatif significatif sur le corps électoral des communes concernées. Cela est particulièrement vrai pour les scrutins municipaux où le nombre d’électeurs est par définition le plus restreint. Il convient ainsi de noter que, dans au moins six communes chef-lieu (Tulle, Bar-le-Duc, Arras, Melun, Evry-Courcouronnes et Basse-Terre), le nombre d’électeurs susceptibles d’être inscrits au titre du nouveau dispositif dépassera 5% de l’actuel nombre des électeurs inscrits.
A cet égard, le Conseil d’État invite le Gouvernement à compléter l’étude d’impact afin d’éclairer aussi précisément que possible la représentation nationale sur ce point.
Il suggère également que le projet de loi soit complété afin de prévoir que, dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Rhône, les personnes détenues votant par correspondance sont inscrites dans la commune chef-lieu de l’arrondissement d’implantation de l’établissement pénitentiaire. En effet, dès lors que, dans ces départements, le projet prévoit de rattacher les électeurs concernés à la mairie centrale de Marseille ou Lyon, une telle précaution sera de nature à limiter l’impact de la mesure sur les circonscriptions électorales concernées.
Communication des listes d’émargement
10. Le Conseil d’État écarte les dispositions tendant à ce que les listes d’émargement sur lesquelles figurent les noms des personnes détenues ne soient pas communicables. En effet, une telle restriction méconnaît les principes généraux du droit électoral qui, afin d’assurer la transparence et la sincérité du scrutin, doivent permettre à tout électeur de prendre connaissance des éléments de nature à vérifier le bon déroulement des opérations électorales.
En l’espèce, le souci du Gouvernement de ne pas communiquer les informations figurant sur la liste d’émargement, telles que le nom et le domicile, qui ne sont pas par elles-mêmes susceptibles de porter atteinte à la vie privée des personnes inscrites, ne peut conduire à écarter la garantie fondamentale que la consultation des listes d’émargement constitue pour l’ensemble des électeurs.
Régime indemnitaire des maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants
11. Les dispositions du projet de loi tendant à relever le plafond des indemnités que le conseil municipal peut décider d’allouer aux maires et aux adjoints des communes de moins de 3 500 habitants, ainsi que celles tendant à renforcer la transparence quant aux montants perçus par les membres des EPCI, n’appellent pas d’observations particulières du Conseil d’État .
Dérogations au droit commun dans le périmètre d’une opération d'intérêt national
12. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a clarifié le régime juridique des opérations d'intérêt national (OIN). Elle l’a notamment rendu plus lisible en rassemblant dans l'article L. 102-13 du code de l'urbanisme l’ensemble des dérogations au droit commun qui le caractérisent et qui sont éparses dans le code de l'urbanisme.
Cet article se borne à mentionner la nature des différentes dérogations en cause et renvoie aux dispositions qui les prévoient. Il a cependant suscité des interrogations s’agissant de la référence qui y est faite aux exceptions au droit de préemption urbain et au droit de priorité dans le périmètre des OIN prévues par les articles L. 211 et L. 240-2 du code de l'urbanisme, lue comme créant une règle de droit nouvelle tandis qu’il ne s’agit que d’une mention recognitive.
Les précisions permettant de supprimer toute ambiguïté sur la portée de cette référence sont donc apportées par le projet de lettre rectificative.
Mesures administratives destinées à assurer le respect du droit de l’urbanisme
13. Le principal moyen actuel d’assurer le respect de la réglementation de l’urbanisme, lorsque des infractions sont constatées, est l’engagement de poursuites pénales susceptibles d’entraîner le prononcé de sanctions. Le projet propose de donner aux autorités compétentes en matière d’urbanisme, principalement le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsqu’une infraction a été constatée par procès-verbal, la possibilité de mettre en demeure l’intéressé, le cas échéant sous astreinte, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause, soit de déposer une demande de permis ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.
14. Le Conseil d'État considère que le moyen d’action ainsi donné au maire s’inscrit dans le prolongement de la compétence qui lui est conférée en matière d’autorisation d’urbanisme et vise à en assurer l’effectivité, en lui permettant de réagir rapidement afin d’assurer le respect de la réglementation de l’urbanisme lorsqu’il a connaissance d’infractions face auxquelles il est aujourd’hui sans pouvoir propre. Ce moyen nouveau ne se substitue pas aux poursuites pénales qui peuvent être engagées mais en est le complément, même s’il peut certainement permettre, dans les cas d’infractions les moins graves, de les éviter ou de les rendre sans objet.
15. Cette possibilité de mise en demeure sous astreinte satisfait aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. Son objectif répond à un motif d’intérêt général et les pouvoirs reconnus aux autorités compétentes sont proportionnés au but poursuivi : l’objet des mesures qui peuvent être ordonnées est limité à ce qui est nécessaire pour assurer le respect des règles enfreintes, les délais laissés à l’intéressé pour s’exécuter doivent être adaptés à la nature de l’infraction et aux moyens d’y remédier, l’astreinte est plafonnée à un montant qui n’est pas excessif et, au moment de la liquidation de cette astreinte, la capacité est reconnue à l’autorité compétente d’en exonérer en tout ou partie le redevable lorsqu’il établit que le défaut d’exécution n’est pas de son fait.
Renforcement des pouvoirs de police du maire par des sanctions administratives
16. Le projet crée dans le code général des collectivités territoriales un article nouveau qui donne au maire le pouvoir d’infliger une amende administrative d’un montant maximum de 500 € du fait de manquements à ses arrêtés, en matière de police de l’élagage et de l’entretien des arbres ou des haies, ainsi qu’en cas d’encombrement ou d’occupation irrégulière de la voirie ou du domaine public communal, lorsque ces manquements présentent un risque pour la sécurité des personnes et ont un caractère répétitif ou continu.
17. L’attribution au maire du pouvoir d’édicter une sanction ayant le caractère d’une punition dans le cadre de l’exercice de sa mission de police administrative générale constitue une importante novation. Si le maire s’est vu confier le pouvoir de prononcer des astreintes administratives dans certains domaines par des lois récentes (cf points 13 à 15 du présent avis), dispose d’un pouvoir de sanction administrative dans l’exercice d’au moins deux de ses missions de police spéciale (article L.541-3 du code de l’environnement en matière de police des déchets sauvages, article L.2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques en matière de police du domaine fluvial), le respect des arrêtés municipaux qu’il prend dans le cadre de la mission de police générale que lui confie l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est en effet aujourd’hui assuré par les instruments classiques que sont la sanction pénale, la saisine d’un juge, et, quand les conditions sont remplies, l’exécution d’office.
18. Selon le Conseil constitutionnel, « le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle » (par exemple, Conseil constitutionnel, décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014, cons. 58 à 76, Loi relative à la consommation).
Ce pouvoir de sanction administrative peut être attribué à l’exécutif d’une collectivité territoriale dans le cadre d’attributions qu’il exerce au nom de celle-ci (Conseil constitutionnel, décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 sur la suspension du versement des allocations familiales par le président du conseil général et décision n°2013-341 QPC sur la police du domaine fluvial).
19. Dans ce cadre, le Conseil d’État estime que l’attribution au maire du pouvoir d’édicter, au nom de la commune, une sanction ayant le caractère d’une punition dans l’exercice de son pouvoir de police administrative générale, alors même que la finalité première de ce pouvoir est préventive, ne se heurte, par elle-même, à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.
Il considère que le pouvoir de sanction donné aux maires dans le projet dans les cas précis qu’il prévoit, alors que montent les incivilités face auxquelles ces élus se trouvent parfois désarmés, leur est conféré dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de leur mission de police administrative générale, contribue à renforcer leur autorité dans l’exercice de cette mission et à en assurer l’effectivité. Il propose que cette disposition nouvelle figure dans un article L. 2212-2-1, dans le chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales.
Il relève ensuite que le pouvoir de sanction porte sur des situations précisément délimitées, auxquelles les articles L. 2212-2 (1°) et L. 2212-2-2 du CGCT font écho, et vise à sanctionner des manquements objectivement constatables à des règles relatives à l’empiètement ou l’occupation de la voie ou du domaine public du fait d’objets, de biens, de matériels ou de végétaux, lorsqu’ils mettent en danger la sécurité des personnes. La sanction, ainsi définie, si elle est susceptible de s’appliquer à toute personne présente sur le territoire communal, ne peut avoir normalement ni pour objet, ni pour effet, de restreindre l’exercice d’une liberté constitutionnellement protégée, notamment la liberté d’aller et de venir sur la voie publique ou le droit de propriété.
Le Conseil d’État relève également que sont respectés :
le principe de légalité des délits et des peines, les dispositions du projet étant suffisamment précises et claires, de sorte que les manquements susceptibles d’être sanctionnés apparaissent de façon raisonnablement prévisible, sous réserve que les arrêtés municipaux soient eux-mêmes précis et circonstanciés sur les règles qu’ils édictent,
les droits de la défense, la sanction devant être précédée d’un délai de quinze jours pour permettre à la personne présenter sa défense sur les faits reprochés, suivi d’une mise en demeure et d’un autre délai de quinze jours.
Le Conseil d’État note enfin que la sanction de 500 euros maximum, qui doit tenir compte de la gravité des faits, n’est pas manifestement disproportionnée et assure à la mesure un caractère dissuasif. Les faits sont constatés par un officier de police judiciaire, qui peut être le maire, par un agent de police judiciaire ou par un agent de police judiciaire adjoint. La sanction doit être transmise au représentant de l’État au titre du contrôle de légalité et peut être contestée devant le juge administratif qui pourra pleinement vérifier l’adéquation de la sanction à la gravité des faits. Le projet prévoit enfin un délai de prescription de l’action du maire pour la sanction de six mois à compter du jour du premier manquement. Le Conseil d’État propose de porter ce délai à un an pour l’aligner sur le délai de prescription applicable en matière contraventionnelle.
20. Tout en souscrivant pour ces motifs au dispositif proposé, le Conseil d’État souhaite attirer l’attention du gouvernement sur les points suivants.
Compte tenu, ainsi qu’il a été relevé, de la novation importante que constitue l’attribution d’un pouvoir de sanction au maire dans l’exercice de sa mission de police générale et des possibilités, théoriquement nombreuses, d’instituer des sanctions administratives susceptibles de s’appliquer à l’ensemble des personne présentes sur le territoire d’une commune, le Conseil d’État s’interroge sur les limites de son étendue possible. Sans pouvoir en fixer a priori un périmètre précis, il estime que la sanction administrative du manquement aux règlements de police municipaux a vocation à demeurer limitée à des circonstances particulières, pour des finalités précises et lorsqu’elle est nécessaire au bon accomplissement de la mission de police qui doit, en règle générale, demeurer assurée au moyen des instruments classiques que sont la sanction pénale, la saisine d’un juge et l’exécution d’office.
Il suggère que l’étude d’impact soit complétée par une analyse des suites pénales réservées aux infractions en vigueur dans différents codes qui recouvrent tout ou partie des situations visées par le projet et des difficultés auxquelles se heurteraient les maires dans la mise en œuvre de leur pouvoir d’exécution d’office. Il constate en effet que plusieurs dispositions permettent de les faire cesser, au moyen notamment de l’exécution d’office prévue par les articles L. 2212-2 et L. 2212-2-2 du CGCT, ou de les punir par des amendes administratives, en application de l’article L.541-3 du code de l’environnement, et par des peines d’amendes contraventionnelles en application, notamment :
des articles R. 610-5, R. 632-1, R. 633-6, R. 635-8, R. 644-2, R. 642-1 du code pénal,
des articles R. 417-10 à R. 417-13 du code de la route,
et des articles R. 116-1 et suivants du code de la voirie routière.
21. La superposition des sanctions pénales existantes et de la sanction administrative créée par le projet de loi appelle deux séries d’observations.
Elle conduit d’abord à s’interroger sur le respect du principe de nécessité des peines.
Suivant les cas, les autorités saisies, le cas échéant le maire, pourront être conduites, en cas de cumul de sanctions, à devoir veiller à ce que le montant global des sanctions prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues, conformément au principe de proportionnalité des sanctions (Conseil constitutionnel, décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, cons. 22.).
Le Conseil d’État relève que l’article R. 642-1 du code pénal, qui punit de la contravention de 2ième classe le fait « sans motif légitime de refuser ou de négliger de répondre… en cas d’atteinte à l’ordre public ou de sinistre ou dans toute autre situation présentant un danger pour les personnes, à une réquisition émanant d’une autorité administrative compétente ….», paraît permettre la poursuite de mêmes faits, en vue de protéger les mêmes intérêts sociaux, et de prononcer des sanctions de même nature que les sanctions administratives prévues dans le projet, alors que le principe de nécessité des peines rend inconstitutionnel, dans ce cas, le cumul de poursuites (Conseil Constitutionnel, décision, n° 2016-545 QPC et 2016-546 QPC du 24 juin 2016 et décision N° 2019-783 QPC du 17 mai 2019). Dans ce cas, sous réserve de l’appréciation des juridictions compétentes, des poursuites pénales ne pourraient être engagées qu’en l’absence d’engagement de la procédure administrative de sanction et la procédure administrative de sanction ne pourrait être mise en œuvre qu’en l’absence de poursuites pénales.
Le Conseil d’État estime ensuite que la complexité résultant de cette superposition devrait conduire le Gouvernement à engager une réflexion sur la simplification du dispositif d’ensemble et la bonne articulation des différentes mesures entre elles. De manière plus générale, il serait utile que cette étude se penche sur les principes gouvernant la sanction des infractions aux règles de police, que celles-ci soient édictées par des autorités de l’État ou des autorités décentralisées.
Ce projet d’avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 5 septembre 2019.