Avis sur un projet de loi relatif à la prorogation de certaines mesures de lutte contre le terrorisme du code de la sécurité intérieure

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis sur un projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure

1.    Le Conseil d’Etat a été saisi, le 27 avril 2020, d’un projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

2.    Ce texte a deux objets :

-     reporter du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2021 la date au terme de laquelle cesseront d’être applicables  les mesures de lutte contre le terrorisme résultant de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et figurant aux chapitres VI à X du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure relatif à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation (périmètres de protection, fermetures des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires et saisies, contrôle parlementaire) ;

-    reporter du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2021 la date à laquelle cessera d’être applicable l’article L. 851-3 du même code relatif à l’accès administratif aux données de connexion dans le cadre de la prévention du terrorisme et résultant de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Le texte reporte également du 30 juin 2020 au 30 juin 2021 la date à laquelle, au plus tard, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur l’application de cette dernière disposition.

3.    L’étude d’impact satisfait aux exigences de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.

4.    Pour justifier du report au 31 décembre 2021 et au 30 juin 2021 des échéances précitées, et ainsi du report en 2021 des débats parlementaires qui devront être organisés sur les conditions de la prorogation, de la pérennisation ou de la suppression des mesures en question, le Gouvernement, qui estime nécessaire que celles-ci demeurent en vigueur au-delà du terme actuellement fixé, indique, dans l’exposé des motifs du projet soumis à l’examen du Conseil d’Etat, que les circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l’épidémie de covid-19 rendent « difficile l’examen en temps utile et dans des conditions de débat approprié par le Parlement ». L’étude d’impact indique que la possibilité d’un examen par le Parlement, avant la fin de l’année, de projets de loi spécifiques ne peut être garantie.

5.    Le Conseil d’Etat rappelle que, lorsqu’il s’était prononcé sur le projet de loi relatif au renseignement (Avis n° 389574 du 12 mars 2015) et sur celui renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Avis n° 393348 du 15 juin 2017), ceux-ci ne faisaient l’objet d’aucune limitation dans le temps, ce qui ne l’avait pas conduit à formuler d’observations sur ce point. Il n’avait pas davantage subordonné au degré d’intensité de la menace terroriste son appréciation de la conformité de ces textes aux normes supérieures. Il avait considéré qu’au regard des garanties dont elles étaient assorties, ces mesures de police administrative opéraient une conciliation qui n’était pas déséquilibrée entre la sauvegarde de l’ordre public et les droits et libertés garantis par la Constitution ainsi que les engagements conventionnels de la France.

Lors de l’examen de ces projets, le Parlement a décidé de fixer au 31 décembre 2018 et au 31 décembre 2020 la durée d’application, respectivement, de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure et des chapitres VI à X du titre II du livre II du même code. L’échéance du 31 décembre 2018 a été décalée au 31 décembre 2020 par la loi du 30 octobre 2017. Le Parlement a estimé opportun, de délibérer à nouveau, aux échéances fixées, de la pertinence de ces dispositions et de l’opportunité de les maintenir en vigueur.

6.    Le Conseil d’Etat relève que les dispositions en cause ont depuis leur adoption été examinées par le Conseil constitutionnel (décisions n° 2017-691 QPC du 16 février 2018 et n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018) et par le Conseil d’Etat statuant au contentieux. Les chapitres VIII et IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure ont, à la suite des décisions rendues par le Conseil constitutionnel, été complétés par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (articles 65 et 66). Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat n’ont, dans leurs décisions respectives, pas subordonné la conformité des dispositions examinées à la Constitution, au droit de l’Union européenne ou aux normes internationales à leur caractère temporaire.

Dans ces conditions, la prolongation de ces mesures n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat, sans qu’il lui soit nécessaire de se prononcer sur les motifs donnés par le Gouvernement pour justifier cette prolongation.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat en Commission permanente dans sa séance du lundi 4 mai 2020.