Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique
1. Le Conseil d’État a été saisi le 17 juin 2019 d’un projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Ce projet de loi a été modifié par quatre saisines rectificatives, reçues respectivement les 25 juin, 28 juin, 4 juillet et 15 juillet 2019.
2. Le projet de loi comprend trente-deux articles, répartis en quatre titres :
- Titre I Libertés locales : conforter chaque maire dans son intercommunalité
- Titre II Libertés locales : renforcer les pouvoirs de police du maire
- Titre III Libertés locales : simplifier le quotidien du maire
- Titre IV : Renforcer et reconnaître aux élus de véritables droits
Les dispositions du projet tendent notamment à conforter la place des maires et élus des communes dans l’intercommunalité, à donner davantage de libertés aux communes pour faire évoluer, si nécessaire, le périmètre des communautés de communes et des communautés d’agglomération, à renforcer les pouvoirs des maires, à alléger et simplifier un certain nombre de formalités pesant sur les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et à faciliter les conditions d’exercice de leur mandat par les élus.
L’étude d’impact, qui a fait l’objet d’une saisine rectificative le 28 juin, répond aux exigences de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009, sous réserve de certaines des observations qui suivent. Elle sera complétée avant la présentation du projet de loi au conseil des ministres par les cinq indicateurs de résultats dont le principe est prévu par la circulaire du premier ministre du 5 juin 2019.
Renforcement de la place du maire et des élus de la commune dans leur intercommunalité
3. Le projet de loi crée au sein du code général des collectivités territoriales une sous-section nouvelle consacrée aux relations des communes avec les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle prévoit que, après chaque renouvellement général des conseils municipaux, le conseil communautaire devra débattre pour décider d’élaborer un pacte de gouvernance, ce pacte pouvant, notamment, prévoir :
- un conseil des maires - obligatoire dans les métropoles -, des commissions spécialisées associant les maires, et des conférences territoriales des maires,
- les conditions dans lesquelles le maire peut, par délégation de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, décider de certaines dépenses courantes, ou encore disposer de certains services de l’EPCI.
Le projet prévoit que si l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre décide l’élaboration d’un pacte, il l’adopte dans le délai de trois mois qui suivent le renouvellement général. Le Conseil d’État propose de porter ce délai à six mois, le délai de trois mois lui paraissant trop court.
Le Conseil d’État estime que le pacte de gouvernance envisagé par le projet de loi est de nature à permettre une meilleure association des maires aux travaux de l’intercommunalité et à remédier au sentiment de « dévitalisation de leur mandat » dont il est fait état dans l’exposé des motifs.
Il considère que les dispositions créant ce pacte, le conseil des maires, les commissions spécialisées, et les conférences territoriales des maires, au sein desquels chaque maire dispose d’une voix, ne portent pas atteinte au principe selon lequel, au sein des instances de gouvernance des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la représentation des communes repose sur une base essentiellement démographique (décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995). En effet - à l’instar de la conférence métropolitaine des maires instituée par la loi du 29 janvier 2014 - le conseil des maires, les commissions et conférences du pacte de gouvernance ont des attributions exclusivement consultatives qui n’empiètent pas sur les compétences des instances légales des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
S’agissant de la disposition du projet selon laquelle le pacte peut prévoir les conditions dans lesquelles le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pourra déléguer au maire l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires, le Conseil d’État relève que cette délégation sera possible même si le maire de la commune membre n’est pas lui-même membre de l’organe délibérant de l’établissement.
4. Le Conseil d’État considère que les dispositions prévoyant, pour les communes de moins de 1000 habitants, qu'en cas de cessation par le maire de l'exercice de ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, il est mis fin au mandat des conseillers communautaires de la commune et il est procédé à une nouvelle désignation, ne se heurtent à aucun obstacle. En effet, à la différence des conseillers communautaires des communes de 1000 habitants et plus, ces conseillers communautaires ne sont pas élus au suffrage universel, mais désignés dans l’ordre du tableau des élus de la commune.
A propos de la possibilité pour le membre d’une commission d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre d’être remplacé, en cas d’absence, par un conseiller municipal de sa commune, le Conseil d’État propose de préciser que celui-ci est désigné par le maire dans l’ordre du tableau mentionné à l’article L.2121-1.
Le Conseil d’État estime enfin que les dispositions du projet prévoyant l’envoi systématique par voie dématérialisée à l’ensemble des conseillers municipaux des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre :
- de l’ordre du jour,
- des notes de synthèse dans le cas où l’établissement comprend une commune de plus de 3500 habitants,
- et du compte rendu de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale,
donnant ainsi aux conseillers municipaux non conseillers communautaires le même degré d’information que celui dont disposent les conseillers communautaires, améliore utilement l’information de tous les élus du ressort de l’EPCI.
Transfert et exercice des compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement
5. Les articles 64 et 66 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République attribuent à titre obligatoire les compétences dans le domaine de l’eau et celui de l’assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020. Toutefois, l’article 1er de la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre de ces compétences, a introduit un mécanisme de minorité de blocage ouvrant aux communes d’une communauté de communes qui n’exercent pas à la date de la publication de la loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences dans ces domaines ou dans l’un d’entre eux, la faculté de reporter le transfert obligatoire de la ou des compétences au 1er janvier 2026, si 25% des communes membres représentant 20% de la population intercommunale s’opposent à l’un ou aux deux transferts avant le 1er juillet 2019. Cette possibilité de blocage a été étendue, par la même loi, aux cas où seule la compétence relative au service public d’assainissement non collectif aurait été transférée à la communauté de communes.
6. Le projet de loi propose d’ouvrir à nouveau la possibilité de faire jouer cette minorité de blocage jusqu’au 1er janvier 2020 dans les communautés de communes qui n’exerçaient pas au 5 août 2018 la compétence dans le domaine de l’eau ou de l’assainissement ou aucune de ces deux compétences ainsi qu’à celles ayant pris seulement une partie de la compétence eau ou de la compétence assainissement à cette date. Cette disposition, qui cherche à répondre à des préoccupations de souplesse dans la mise en œuvre du transfert de ces compétences, à mieux prendre en compte de leur caractère « sécable » (assainissement collectif et non collectif, production, traitement, stockage, distribution de l’eau…) et s’adapter aux diversités des territoires, n’appelle pas dans son principe d’objection juridique de la part du Conseil d’État.
Le Conseil d’État écarte la disposition validant les délibérations des communes qui auraient pour objet de bloquer tout ou partie du transfert de compétences entre le 2 juillet 2019 et la promulgation de la loi dans les communautés de communes qui n’exerçaient pas au 5 août 2018 les compétences dans le domaine de l’eau et de l’assainissement en tout ou en partie. Cette validation ne répond en effet à aucun motif impérieux d’intérêt général identifié, qui est une des conditions exigées par le Conseil Constitutionnel pour admettre la conformité à la Constitution des validations législatives (Décision n °2013-366 QPC du 14 février 2014). Le Conseil d’État lui propose d’insérer à sa place une disposition prévoyant que toutes les délibérations prises avant le 1er janvier 2020 dans les conditions requises au premier alinéa de l’article 1 de la loi n°2018-702 ayant pour objet de s’opposer au transfert des compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement, de l’une d’entre elles ou d’une partie d’entre elles, ont pour effet de reporter le transfert de compétence au 1er janvier 2026. Cette disposition permettra aux communes qui souhaitent de s’engager, avant la promulgation de la loi commentée dans le présent avis, dans la procédure de mise à jeu de la minorité de blocage.
7. Le projet de loi introduit la faculté, pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, de déléguer, par convention, les compétences en matière d’eau et d’assainissement ou une partie d’entre elles à l’une des communes membres qui a, par délibération, adopté un plan des investissements qu’elle entend réaliser à cet effet et s’engage à respecter les prescriptions d’un cahier des charges édictées dans un objectif de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures. Ces dispositions n’appellent pas d’observation de principe du Conseil d’Etat. Il est suggéré toutefois de supprimer celles qui précisent le contenu du cahier des charges, car elles ne relèvent pas du domaine de la loi, et de renvoyer à un décret le soin de fixer les clauses principales figurant dans ce cahier des charges.
Création d’un établissement public national à caractère industriel et commercial du Mont-Saint-Michel
8. Le projet de loi prévoit la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial ayant pour mission d’assurer le rayonnement national et international du site du Mont-Saint-Michel. Cet établissement, dont le périmètre s’étendra sur trois communes, a vocation à coordonner les interventions des différents acteurs publics et privés sur ce site et à gérer des ouvrages appartenant à l’État et aux collectivités territoriales, à l’exclusion de l’abbaye et des remparts, confiés au Centre des monuments nationaux.
L’article 34 de la Constitution réserve au législateur la compétence pour fixer les règles relatives à « la création de catégories d’établissements publics ». Selon une analyse constante, doivent être regardés comme entrant dans une même catégorie les établissements publics dont l'activité s'exerce territorialement sous la même tutelle administrative et qui ont une spécialité analogue. Le législateur est alors seul compétent pour définir les règles constitutives d’une nouvelle catégorie d’établissements publics (décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993 sur les établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel).
Le Conseil d’État estime que ce nouvel établissement public, créé en vue de valoriser un site à caractère naturel, touristique, culturel et patrimonial, d’en gérer les équipements et de coordonner l’intervention des différents acteurs publics et privés de son ressort ne constitue pas à lui seul une nouvelle catégorie d’établissements publics dès lors qu’il existe déjà d’autres établissements publics nationaux créés par la loi dont l’activité s’exerce sous la tutelle de l’État et ayant une spécialité analogue, comme l’établissement public de Chambord (article 230 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux), chargé de gérer, préserver, mettre en valeur et assurer le rayonnement national et international du site et qui inclut dans son périmètre le territoire de la commune de Chambord. Il relève par ailleurs que les règles constitutives de l’établissement public envisagé, telles qu’elles sont énoncées dans le projet en ce qui concerne la composition de son conseil d’administration, ne diffèrent pas de celles du conseil d’administration de l’établissement public de Chambord où siègent des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des personnalités qualifiées et des représentants des salariés.
Le Conseil d’État estime en conséquence que cet article ne présente pas, en l’état et au vu des informations figurant dans l’étude d’impact, de caractère législatif.
Périmètres des établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre
9. Le Gouvernement entend supprimer l’obligation de réviser tous les dix ans les schémas départementaux de coopération intercommunale dont l’élaboration est prévue à l’article L 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, la prochaine échéance étant prévue au printemps 2022. Le Conseil d’État ne voit pas d’objection à la suppression du caractère obligatoire de cette révision. La révision des schémas est une opération lourde et complexe, alors que la dernière révision a permis d’atteindre les objectifs poursuivis, c’est-à-dire la couverture de tout le territoire et la rationalisation des périmètres.
Toutefois le projet supprime également la procédure de révision des schémas mise en œuvre par les représentants de l’État, les schémas n’étant plus susceptibles d’évoluer qu’à l’initiative des collectivités territoriales, à la suite du retrait d’une commune d’une communauté de commune ou - mesure rendue possible par le projet - d’une communauté d’agglomération, ou encore – comme le permet le projet pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération – à la suite de la division d’un EPCI. Or les schémas continueront à produire des effets, par exemple pour la création des syndicats de communes visés à l'article L. 5212-1 ou des syndicats mixtes visés à l'article L. 5711-1 ou à l'article L. 5721-1, qui ne peut être autorisée par le représentant de l’État dans le département que si elle est compatible avec le schéma en application de l’article L. 5111-6.
Aussi le Conseil d’État propose-t-il de maintenir explicitement dans la loi la possibilité de la révision des schémas, selon une procédure qui doit être la même que celle prévue pour leur élaboration.
10. Le projet de loi permet d’étendre aux communautés d’agglomération la procédure de retrait d’une commune aujourd’hui permise seulement pour les communautés de communes, avec pour limite de ne pas faire baisser la population de la communauté d’agglomération en dessous des seuils mentionnés à l’article L. 5216-36. Le Conseil d’État estime cette souplesse utile pour permettre des ajustements nécessaires ou opportuns, notamment en cas de blocage au sein de l’EPCI. Il considère toutefois que l’étude d’impact devrait indiquer les raisons pour lesquelles les communautés urbaines et métropoles en sont exclues.
11. Le code général des collectivités territoriales permet la fusion d’EPCI mais non leur division. Le projet comporte une disposition nouvelle autorisant une division de communautés de communes ou de communautés d’agglomération. La procédure prévue comporte deux phases successives : l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI existant, puis la création des EPCI s’y substituant selon les règles fixées à l’article L. 5211-5.
Le Conseil d’État relève que la réalisation de l’opération est subordonnée, d’une part, au respect des règles présidant à la création des EPCI –seuils de population, cohérence spatiale, règles de majorité notamment – et, d’autre part, à l’aboutissement de la procédure de création de tous les établissements issus de la division. Cette seconde exigence garantit que la division de l’EPCI existant repose sur large accord entre ses communes membres.
Le Conseil d’État considère toutefois que l’étude d’impact devrait indiquer les raisons pour lesquelles les communautés urbaines et métropoles sont exclues du champ ouvert par les dispositions du projet de loi.
Le projet de loi prévoit enfin la réalisation d’une étude d’impact sur les incidences financières d’une modification du périmètre d’un EPCI, à la charge de la collectivité qui en est à l’origine. Ces incidences étant susceptibles d’être importantes, il apparaît utile de les mesurer avant cette modification pour éclairer l’EPCI et les communes concernées.
Renforcement des pouvoirs de police du maire et du préfet en matière de sécurité des établissements recevant du public et des immeubles menaçant ruine.
12. Lorsque la méconnaissance des règles de sécurité dans des établissements recevant du public impose la fermeture de ceux-ci par le maire ou le préfet, le projet rend cette mesure plus efficace en donnant la possibilité à ces autorités de l’assortir d’une astreinte journalière et d’ordonner l’exécution d’office de l’arrêté de fermeture. S’agissant des immeubles menaçant ruine, le projet étend la procédure de réalisation sous astreinte de travaux de mise en sécurité prescrits par un arrêté de péril, actuellement limitée aux seuls bâtiments à usage principal d’habitation, à l’ensemble des bâtiments faisant l’objet d’un tel arrêté. Ces dispositions s’inscrivent dans le renforcement des pouvoirs de police spéciale engagé par la loi dite « ALUR » (loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) et poursuivi par la loi dite « ELAN » (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) et ne soulèvent pas d’objection de la part du Conseil d’État.
Délégation au maire de certaines prérogatives de la police spéciale de la fermeture des débits de boissons et des restaurants, ainsi que des établissements fixes ou mobiles de vente à emporter de boissons alcoolisées ou d’aliments assemblés et préparés sur place
13. Le projet de loi permet à un maire de demander au représentant de l’État dans le département d’exercer, au nom de l’État, les prérogatives prévues par le 2 de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique et par l’article L. 332-1 du code de la sécurité intérieure. Ces dispositions visent à renforcer les pouvoirs de police du maire en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, et permettent au maire d’ordonner, le cas échéant, la fermeture d’un débit de boissons, d’un restaurant ou d’un établissement de vente à emporter de boissons alcoolisées ou d’aliments assemblés et préparés sur place, pour une durée maximale de deux mois dans les deux premiers cas ou de trois mois dans le troisième.
Le représentant de l’État dans le département apprécie, au vu des circonstances locales, l’opportunité de donner suite à la demande de transfert. Cette mesure est cohérente avec les prérogatives exercées par le maire en matière d’autorisation d’ouverture des débits de boissons et lui confère des moyens d’intervention adaptés et proportionnés aux enjeux concrets auxquels les élus locaux sont confrontés. Après avoir relevé que les pouvoirs de police constituaient des pouvoirs propres du maire et que ce dernier exercerait les prérogatives transférées en tant qu’agent de l’État, le Conseil d’État écarte la disposition prévoyant la consultation préalable par la maire du conseil municipal, qui ne peut valablement délibérer en matière de police.
Exercice des fonctions d’agents de police municipale sur le territoire de la ville de Paris
14. Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à définir les conditions dans lesquelles des fonctionnaires territoriaux peuvent exercer, sur le territoire de la Ville de Paris, les fonctions d’agent de police municipale. Cette habilitation n’a pas pour objet de modifier la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris, dont le Conseil d’État, dans son avis du 13 juillet 2016 sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, a estimé qu’elle conciliait de manière satisfaisante, d’une part, l’objectif de rapprochement du régime juridique applicable à Paris en matière de police municipale avec le droit commun et, d’autre part, la prise en compte des contraintes d’ordre et de sécurité publics inhérentes à la capitale, en n’incluant pas dans les attributions de police municipale du maire de Paris les compétences de maintien du bon ordre et de répression des atteintes à la tranquillité publique que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales accorde à l’ensemble des polices municipales.
15. Le Conseil d’État veille, dans la rédaction de l’article, à définir avec une précision suffisante les finalités et le domaine d’intervention des mesures envisagées, sans cependant les détailler de manière trop contraignante au regard des finalités poursuivies. L’habilitation a pour finalités de rendre possible, dans le cadre rappelé au point précédent, le recrutement des agents qui exerceront la fonction de policiers municipaux et de définir leurs missions, ainsi que d’étendre à la collectivité parisienne, tout en les adaptant à ses singularités, les dispositions du code de la sécurité intérieure qui fixent les conditions de recrutement, d’agrément, d’équipement, d’organisation et de formation des policiers municipaux.
16. Le Conseil d’État relève que l’article d’habilitation dispose que l’ordonnance est chargée de déterminer « les conditions de création des corps de fonctionnaires chargés de la police municipale. ». Or, aux termes de l’article 31 du décret du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes, pris sur le fondement de l’article 118 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la création de corps de fonctionnaires de la Ville de Paris relève de délibérations de cette collectivité. Par suite, le Conseil d’Etat écarte cette disposition du projet.
Possibilité, pour un EPCI à fiscalité propre, de passer des marchés publics pour le compte de ses communes membres
17. Le projet de loi crée dans le code général des collectivités territoriales un article L. 5211-4-4 qui permet à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de passer des marchés publics pour le compte d’un groupement de commandes composé de communes membres, quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées.
18. Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection juridique. Toutefois pour mieux refléter l’intention du Gouvernement, le Conseil d’État propose de dissiper une ambiguïté rédactionnelle en prévoyant notamment qu’un EPCI ne peut passer des marchés publics que pour le compte de ses seules communes membres.
Intervention des départements en faveur d’entreprises frappées par les catastrophes naturelles
19. La région dispose aujourd’hui, en application de l’article L.1511-2 du code général des collectivités territoriales, d’une compétence exclusive pour définir les aides et régimes d’aides aux entreprises tandis que le bloc communal dispose d’une compétence exclusive dans le domaine des aides à l’immobilier d’entreprises, en application de l’article L.1511-3 du même code.
20. Le projet prévoit, par dérogation à ces dispositions, que le département peut, par convention avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales compétent au titre des dispositions des mêmes articles L. 1511-2 et L. 1511-3, accorder des aides aux entreprises dont au moins un établissement se situe dans une commune visée par un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et dont l’activité est significativement affectée en raison des dommages importants subis par son outil de production. Le projet précise utilement que l’aide a pour objet de permettre à l’entreprise de remettre en état ses locaux et moyens de production, de reconstituer un stock, d’indemniser une perte de revenu et de redémarrer son activité, en complément des autres dispositifs d’aides et d’indemnisation. Ces dispositions n’appellent aucune objection juridique. Sous réserve de préciser que l’aide du département ne s’exercera qu’à l’égard d’entreprises ayant leur siège dans le département, ces dispositions n’appellent aucune objection juridique.
Institution d’une demande de prise de position formelle des collectivités auprès du préfet
21. Le projet de loi comporte une disposition prévoyant que les collectivités territoriales peuvent, avant de prendre un acte entrant dans le champ de ceux pouvant faire l’objet d’un déféré, saisir le représentant de l’Etat d’une « demande de prise de position formelle » relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leurs exécutifs. Si la décision est conforme à la prise de position formelle de l’Etat au titre de la question de droit soulevée, son représentant ne pourra, sauf changement de circonstances, la déférer devant le juge administratif au titre du contrôle de légalité.
22. Le Conseil d’État constate, en premier lieu, que l’étude d’impact devrait être complétée sur ce point en vue d’exposer les moyens, notamment humains, que l’administration envisage d’affecter à la mise en œuvre de cette mesure qui doit conduire à renforcer les capacités d’expertise et de conseil des préfectures.
Il observe, en deuxième lieu, que le projet subordonne la recevabilité de la question de droit soulevée non seulement à ce qu’elle soit écrite, précise et complète mais aussi à la fourniture par la collectivité du projet d’acte susceptible d’être déféré. Il appartiendra ainsi à la collectivité de communiquer tous les éléments de droit et de fait en sa possession lors du dépôt de la demande.
Il s’en déduit, comme le prévoit le projet, que si l’acte adopté postérieurement à la prise de position formelle du représentant de l’État est conforme à celle-ci, l’irrecevabilité du déféré ne s’appliquera que pour autant que les circonstances de fait ou de droit n’auront pas évolué. De même, il restera toujours loisible au représentant de l’État de déférer l’acte en cause pour des motifs de droit sur lesquels il n’aura pas pris position.
Le Conseil d’État observe, en troisième lieu, que, par dérogation à la règle selon laquelle « silence vaut acceptation », le silence gardé par le représentant de l’État passé un délai de quatre mois vaudra absence de prise de position formelle et n’ouvrira donc à la collectivité aucune faculté d’opposer à l’État un acquiescement tacite, contrairement à ce qui prévaut dans des procédures de rescrit.
23. Au vu de ces garanties, le Conseil d’État estime que, telle qu’elle est conçue, l’institution d’une telle procédure n’est en soi contraire à aucun principe constitutionnel, notamment pas au dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution selon lequel « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois », ni au droit au recours.
En effet, d’une part, une fois saisi d’une demande de prise de position formelle, le représentant de l’État sera nécessairement conduit à exercer son contrôle sur la question de droit soulevée : en ce sens, la procédure envisagée n’affecte pas ses prérogatives dans leur substance mais en constitue une modalité particulière d’exercice. D’autre part, si sa position n’est pas suivie par la collectivité, il appartiendra au représentant de l’État à qui, dans tous les cas, l'acte finalement adopté devra être transmis, de le déférer devant le juge de l’excès de pouvoir et donc d’exercer effectivement les prérogatives qui lui sont reconnues par la Constitution au titre du contrôle de légalité. Enfin, quelle que soit la position prise par le représentant de l’État, la mesure ne peut avoir pour objet ou pour effet de priver les tiers de la faculté de former un recours contre les décisions concernées.
Obligation faite à chaque commune de souscrire une assurance pour couvrir les coûts liés à ses obligations en matière de protection fonctionnelle des élus
24. Le Conseil d’État observe que le projet de loi rend obligatoire, pour toutes les communes, la souscription d’un contrat d’assurance visant à couvrir les coûts résultant de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle à l’égard du maire. Il prévoit également que dans les communes de moins de 1 000 habitants, le montant de cette souscription fait l’objet d’une compensation par l’État.
Dès lors que les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales mentionnent à chaque fois, outre le maire, « l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation » comme titulaire de la protection due par la commune, le Conseil d’État estime utile, au vu des finalités poursuivies par la mesure, de compléter le projet pour étendre à la situation de ces élus l’obligation de souscription instaurée par le texte.
Autres dispositions
25. Le projet de loi comporte d’autres dispositions qui ont pour objet :
- de permettre aux communes touristiques membres de communautés de communes ou de communautés d’agglomération et qui sont érigées en stations classées de tourisme, de retrouver l’exercice de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices du tourisme », et de déconcentrer les décisions qui érigent des stations touristiques en stations classées de tourisme ;
- d’associer plus étroitement les communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à l’élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- d’assouplir les conditions auxquelles est subordonnée la conclusion de conventions de prestation de services entre communes ;
- de confier à une commission unique le soin de dresser la liste des candidats admis à présenter une offre pour conclure une délégation de service public lorsque le service est concédé par un groupement composé majoritairement de collectivités territoriales ou d’établissements publics locaux ;
- de permettre aux collectivités territoriales de déléguer à d’autres collectivités partie d’une compétence ;
- de préciser les dispositions relatives aux actes d’état civil accomplis dans les annexes des mairies au sein de communes nouvelles et d’étendre à l’ensemble de ces annexes le droit pour les personnes ayant élu domicile dans l’une d’elles d’y faire célébrer leur mariage et d’y faire enregistrer un pacte civil de solidarité ;
- de rendre facultatifs divers conseils et certaines procédures pour les conseils municipaux et communautaires ;
- d’étendre au patrimoine non protégé la possibilité pour le préfet de département d’autoriser des dérogations à la règle de participation minimale du maitre d’ouvrage au financement d’une opération, cette faculté étant déjà prévue pour le patrimoine protégé ;
- de créer des obligations de publicité du plan de financement des travaux dont les collectivités territoriales sont maîtres d’ouvrage ;
- d’étendre le bénéfice du droit au congé de campagne électorale de dix jours pour les candidats aux élections municipales dans toutes les communes, sans condition de population ;
- d’étendre aux conseillers des communautés de communes le bénéfice des autorisations d’absence prévues à l’article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales pour les conseillers municipaux ;
- d’améliorer la prise en charge de différents frais associés à l’exercice d’un mandat ;
Ces dispositions ne rencontrent aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observation particulière de la part du Conseil d’État.
26. Plusieurs articles du projet loi habilitent enfin le Gouvernement à prendre par ordonnances, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des dispositions d’ordre législatif afin :
- de rénover les règles de publicité des actes des collectivités et de leurs groupements ;
- de réformer le régime de formation des élus locaux ;
- d’étendre et d’adapter certaines dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Le Conseil d’État veille, dans la rédaction de ces articles d’habilitation ainsi qu’indiqué au point 14 du présent avis, à définir avec une précision suffisante les finalités et le domaine d’intervention des mesures envisagées, sans cependant les détailler de manière trop contraignante au regard des finalités poursuivies.
Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’État en Commission permanente dans sa séance du lundi 15 juillet 2019.