Avis sur un projet de loi reportant le renouvellement des conseils départementaux, régionaux, assemblées de Corse, Guyane et Martinique prévu en 2021

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique prévu en 2021.

CONSEIL D’ÉTAT   
Assemblée générale
Séance du jeudi 17 décembre 2020
N° 401744
Extrait du registre des délibérations

1. Le Conseil d’État a été saisi le 3 décembre 2020 d’un projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique prévu en 2021. Ce projet a fait l’objet d’une saisine rectificative le 17 décembre 2020.

Eu égard aux risques d’accélération de l’épidémie de covid-19 que le déroulement d’une campagne électorale et l’organisation d’opérations électorales font courir, et devant l’incertitude relative à l’évolution de la situation sanitaire au premier trimestre 2021, le projet, suivant les recommandations d’un rapport remis au gouvernement par M. Jean-Louis Debré, reporte au mois de juin 2021 le renouvellement des conseils départementaux et régionaux ainsi que des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique qui, en vertu des dispositions du code électoral, doit normalement intervenir au mois de mars 2021.

Le projet prolonge en conséquence les mandats en cours. Afin d’éviter que le prochain renouvellement général coïncide avec l’élection présidentielle qui doit normalement avoir lieu au printemps 2027, il prévoit que les mandats des personnes élues en juin 2021 prendront fin en décembre 2027. Afin de rétablir ensuite la règle selon laquelle les élections ont lieu en mars, il dispose que les mandats des personnes élues en décembre 2027 prendront fin en mars 2033.

Le projet prévoit que le comité scientifique mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique remet un rapport au Parlement au plus tard le 1er avril 2021 sur l’état de l’épidémie et les risques liés à la tenue d’élections.

En conséquence du report du scrutin départemental de mars à juin 2021, le projet modifie l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la création de la collectivité européenne d’Alsace afin de reporter les délais dans lesquels devront intervenir le choix du siège de cette collectivité et l’adoption des dispositions statutaires concernant son personnel.

Enfin, le projet prolonge jusqu’en juin 2020 la période d’application de diverses dispositions du code électoral, qui a commencé à courir le 1er septembre 2020 eu égard à la date initialement fixée pour les scrutins, et augmente de 20 % le plafond des dépenses électorales.

Le Conseil d’État formule sur le projet des observations qui suivent.

2. Le projet a été soumis à l’avis du Conseil national d’évaluation des normes comme l’exigeait l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales.

3. L’étude d’impact satisfait aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.

Modifications apportées à la date des élections et à la durée des mandats

4. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’il est loisible au législateur, compétent, en vertu de l’article 34 de la Constitution, pour fixer la durée des mandats, d’adapter celle-ci et, par suite, d’avancer ou de reporter les opérations électorales devant intervenir à leur expiration. Le Conseil constitutionnel veille à ce que les modifications du calendrier électoral soient justifiées par un motif d’intérêt général et s’assure qu’elles ne portent atteinte à aucun principe constitutionnel, notamment ceux qui garantissent l’expression du suffrage selon une périodicité raisonnable, la sincérité du scrutin et l’égalité entre les candidats.

En l’espèce, le Conseil d’État constate qu’à quatre reprises déjà, au cours de l’année 2020, le législateur a reporté des opérations électorales avec ou sans prolongation de mandat. Amené à examiner ces dispositions, le Conseil Constitutionnel a, à deux reprises, estimé que les nécessités de la lutte contre l’épidémie de covid-19 justifiaient le report d’élections.

Le Conseil d’État estime que le report des élections concernées par le projet, eu égard à son motif et au fait qu’il est limité à trois mois, n’est contraire à aucune exigence constitutionnelle.

5. Par ailleurs, l’allongement, par rapport à la durée de principe de six ans, du mandat des élus issus du renouvellement général de juin 2021 dont le terme est fixé à décembre 2027, vise à assurer la sincérité du scrutin, en prévenant toute confusion, en 2027, entre les campagnes relatives aux élections départementales et régionales et à l’élection présidentielle et tout risque de moindre participation des électeurs par la concentration de scrutins dans une période de temps restreinte.

Le raccourcissement du mandat des élus en 2027, qui prendra fin en mars 2033, vise à rétablir le calendrier normal des élections en cause.

Reposant ainsi sur des motifs d’intérêt général, et portant sur des durées limitées, ces mesures exceptionnelles d’allongement et de raccourcissement de la durée de mandats futurs ne méconnaissent aucun principe constitutionnel.

Dispositions prévoyant la remise d’un rapport au Parlement

6. L’évolution de la situation sanitaire peut rendre risquée la tenue du scrutin au mois de juin 2021. Une information du Parlement sur la situation sanitaire à l’approche de cette échéance, que seule la loi pourra reporter, présente une utilité certaine. Au regard des circonstances, le Conseil d’État n’émet pas d’objection pas à ce que le projet prévoie la remise d’un rapport au Parlement sur ce point au plus tard le 1er avril 2021, alors même qu’elle serait possible sans intervention du législateur.

Dispositions relatives aux règles applicables au cours des six mois précédant celui du scrutin

7. Le code électoral interdit, à compter du premier jour du sixième mois précédant celui de l’élection et jusqu’au tour de scrutin où elle est acquise, la mise en place de numéros d’appel gratuits, l’affichage électoral en dehors des emplacements prévus à cet effet, la publicité commerciale par voie de presse ou par voie audiovisuelle, les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité intéressée par le scrutin (art. L. 50-1, L. 51 et L. 52-1). Le code prévoit par ailleurs que, pendant les six mois précédant celui de l’élection et jusqu’au dépôt du compte de campagne, les mandataires des candidats recueillent les fonds destinés au financement de la campagne et règlent les dépenses engagées en vue de l’élection (art. L. 50-4, 2e et 3e al. du code électoral).

Eu égard aux dispositions en vertu desquelles les élections en cause devaient avoir lieu en mars 2021, ces périodes ont commencé à courir le 1er septembre 2020. Le projet les prolonge jusqu’au tour de scrutin où l’élection sera acquise ou jusqu’au dépôt des comptes de campagne. Le Conseil d’État estime qu’une telle mesure ne soulève pas de difficulté juridique. La rédaction du projet, selon laquelle les délais courent à compter du 1er septembre 2020, ne lui paraît cependant pas adaptée dès lors que cette date est dépassée. Il suggère, dans la version qu’il adopte, une autre rédaction pour faire apparaître que les délais, qui ont commencé à courir au 1er septembre, sont prolongés jusqu’au scrutin du mois de juin et au dépôt ultérieur des comptes de campagne.

Dispositions relatives à la période de contrôle du financement de la campagne

8. Pour tenir compte de l’allongement de la période pendant laquelle s’appliquera le contrôle du financement de la campagne, le projet augmente de 20 % le plafond des dépenses électorales prévu par l’article L. 52-11 du code électoral.

Cette majoration répond à l’exigence d’égalité entre les candidats dans la campagne électorale. En effet, à défaut, ceux d’entre eux qui auraient commencé, comme la loi les y autorisait, à engager des dépenses en vue de l’élection dès le mois de septembre 2020 disposeraient, dans la période précédant immédiatement l’élection, de ressources plus limitées que ceux qui, ayant escompté un tel report, auraient retardé le début de leur campagne. Plus généralement, cette augmentation assure que les candidats peuvent réaliser les dépenses nécessaires à la réalisation d’une campagne électorale, que la fixation d’un plafond trop bas entraverait.

Si le législateur dispose d’une large marge d’appréciation dans la fixation du plafond applicable aux dépenses électorales, le Conseil d’État estime que le relèvement du plafond à raison de l’allongement de la période de réalisation des dépenses ne doit pas être manifestement disproportionné au regard de l’objectif poursuivi et des circonstances. Le report de trois mois de la date de l’élection allonge de 50 % la période réglementée. Le Conseil d’État considère toutefois que l’augmentation de 20 % du plafond, qui tient compte du fait que la plus grande partie des dépenses est effectuée dans les dernières semaines de campagne et qui devrait suffire pour couvrir les frais ayant pu être exposés en amont, n’appelle pas d’objection. Il relève, par ailleurs, que les conséquences pour les finances publiques, qui sont anticipées dans l’étude d’impact, sont peu significatives.

9. Les dispositions du projet relatives à la collectivité européenne d’Alsace n’appellent pas de commentaires particuliers du Conseil d’État.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 17 décembre 2020.