Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi de transformation de la fonction publique.
1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 14 février 2019 d’un projet de loi de transformation de la fonction publique, modifié par une saisine rectificative reçue le 18 mars 2019.
Ce texte, qui comprend 33 articles, est organisé en cinq titres, respectivement intitulés « Promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics », « Transformer et simplifier le cadre de gestion des ressources humaines pour une action publique plus efficace », « Simplifier et garantir la transparence et l’équité du cadre de gestion des agents publics », « Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics » et « Renforcer l’égalité professionnelle ».
Le titre II est organisé en trois chapitres comportant des dispositions relatives respectivement au recrutement sur contrat, à la reconnaissance de l’engagement et de la performance professionnels et aux sanctions disciplinaires. Le titre IV comprend deux chapitres. L’un comporte des dispositions ayant pour objet d’élargir les opportunités professionnelles des agents publics, l’autre des dispositions visant à sécuriser leur parcours professionnel en cas de restructuration. Le titre V comporte un chapitre dont les dispositions ont pour objet d’atteindre une égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes et un chapitre visant à mieux assurer l’égalité de traitement des agents en situation de handicap.
Sans remettre en cause l’intitulé du projet de loi lui-même, le Conseil d’Etat estime préférable de retenir, pour ses subdivisions, des formulations plus neutres permettant d’identifier plus simplement leur objet.
2. L’étude d’impact du projet, reçue le 18 février 2019, répond globalement aux exigences de l’article 8 de la loiorganique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, sous réserve de ce qui est indiqué plus loin pour certaines dispositions du projet.
3. Le Conseil d’Etat relève que ce texte a fait l’objet, ainsi qu’il le devait, de la consultation du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, du Conseil supérieur des personnels médicaux et du Conseil national d’évaluation des normes. Il partage l’analyse du Gouvernement selon laquelle il ne nécessitait aucune autre consultation.
4. Le Conseil d’Etat prend acte de ce que, sans remettre en cause les grands principes qui gouvernent la fonction publique française, en particulier l’existence de statuts et la distinction entre l’emploi dans lequel un agent est affecté et le grade dont tout fonctionnaire est titulaire, le Gouvernement entend réformer en profondeur le dialogue social en réorganisant profondément ses instances et en définissant des lignes directrices de gestion. Le projet étend sensiblement la possibilité de recruter des agents contractuels dans toutes les catégories d’emploi et rénove les méthodes d’appréciation de la valeur professionnelle. Il entend également favoriser la mobilité des agents, assurer la fluidité des parcours professionnels enrichis d’expériences dans le secteur public et le secteur privé et mieux accompagner les agents dans ces évolutions. Il recentre également le rôle de la commission de déontologie de la fonction publique sur les questions les plus délicates. Enfin, il entend renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes et propose des mesures à l’égard des personnes en situation de handicap.
Riche de nombreuses mesures, ce projet de loi est ainsi porteur d’importantes réformes. Le Conseil d’Etat relève cependant que, conformément à l’annonce qui en a été faite, ce texte ne comporte pas de dispositions modifiant directement les règles applicables à la haute fonction publique, dans l’attente de connaître les orientations retenues à l’issue des réflexions en cours. Il souligne que l’importance, notamment juridique, de ces sujets justifiera de le consulter sur leur teneur.
5. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.
Sur les dispositions relatives au dialogue social et à la mise en place de lignes directrices de gestion
Compétence du Conseil commun de la fonction publique
6. Le projet étend de façon marginale la compétence du Conseil commun de la fonction publique, qui est obligatoirement consulté en vertu de l’article 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 sur lesquestions d’ordre général ou sur les projets de texte communs à au moins deux des trois fonctions publiques, son avis se substituant alors à la consultation des conseils supérieurs concernés. Il prévoit que, lorsque le conseil commun est consulté sur un tel projet de texte, il peut également être saisi de dispositions propres à l’une ou à l’autre des fonctions publiques. Le projet précise que le président de ce conseil doit recueillir l’accord du président du conseil supérieur concerné, l’avis du conseil commun se substituant alors à l’avis de ce conseil supérieur.
7. Le Conseil d’Etat constate que cette mesure traduit la volonté, exprimée notamment dans l’étude d’impact, de mieux articuler les compétences respectives du conseil commun et des trois conseils supérieurs afin d’éviter les cas de consultations redondantes entre ces instances. Il considère que cet aménagement ne se heurte à aucun obstacle juridique et, en particulier, ne méconnaît pas le principe de participation garanti par le Préambule de la Constitution.
Il estime toutefois que le dispositif proposé présente plusieurs inconvénients. La marge d’appréciation ainsi laissée au président du conseil commun peut d’abord l’exposer à la critique de chercher à esquiver la consultation du conseil supérieur compétent. Ensuite, la double condition à laquelle serait subordonnée la possibilité, pour le conseil commun, d’examiner des dispositions relevant en principe de la compétence d’un seul conseil supérieur – que le président du conseil commun se saisisse de ces dispositions et qu’il recueille l’accord du président de ce même conseil supérieur – revient à édicter une formalité inutile, s’agissant de la fonction publique de l’Etat, dès lors que le ministre de la fonction publique préside tant le conseil commun que le Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat. S’agissant des présidents des Conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, une telle condition s’avère peu opportune, dans la mesure où l’accord qu’ils seraient conduits à donner seuls au dessaisissement du conseil supérieur qu’ils président risquerait de les placer en porte-à-faux à l’égard des représentants du personnel qui y siègent et de nuire ainsi au bon fonctionnement de ces instances de dialogue social.
En conséquence, le Conseil d’Etat modifie le projet afin de subordonner la possibilité de saisir le conseil commun de dispositions propres à l’une ou l’autre des fonctions publiques qui figurent dans un projet de texte comportant principalement des dispositions communes à la seule condition qu'elles présentent un lien avec ces dernières, en spécifiant que son avis se substitue en pareil cas à celui du conseil supérieur qui aurait été compétent, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l’accord du président de ce dernier.
Création des comités sociaux
8. Le projet crée, à l’instar de ce qui a été fait dans le secteur privé par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social dans les entreprises et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, une instance unique, dénommée « comité social d’administration » dans la fonction publique de l’Etat, « comité social territorial » dans la fonction publique territoriale et « comité social d’établissement » dans la fonction publique hospitalière, qui se substitue aux actuels comités techniques et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tout en permettant, dans certaines circonstances, d’instituer au sein du comité une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Les nouvelles instances reprendront l’ensemble des compétences aujourd’hui exercées par les comités techniques et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Elles seront en outre consultées sur les lignes directrices de gestion qui, ainsi qu’il sera indiqué plus loin, fixeront le cadre dans lequel, notamment, un certain nombre de décisions affectant la situation individuelle des agents seront prises par les autorités compétentes sans consultation des commissions administratives paritaires.
9. Le Conseil d’Etat souligne qu’il s’agit d’une véritable refonte des instances de dialogue social dans la fonction publique. Il considère que la création de cette nouvelle instance, en lieu et place des instances existantes, ne méconnaît aucun principe constitutionnel, notamment pas le principe de participation. Il estime que l’institution des comités sociaux permettra, de surcroît, de simplifier les conditions du dialogue social entre les administrations et les représentants des agents, s’agissant par exemple des évolutions futures de l’organisation du travail induites par les nouvelles technologies. Il relève que les instances propres à certains établissements publics qui emploient à la fois des agents soumis au droit public et des salariés relevant du droit du travail ne figurent pas, en l’état, dans le périmètre de cette réforme mais prend note qu’il est prévu de faire également évoluer ces instances de dialogue social. Il appartiendra au Gouvernement d’assurer la cohérence entre cette réforme et celle qui, en matière hospitalière, fait l’objet de l’habilitation figurant au III.1 de l’article 10 du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Le Conseil d’Etat ne retient pas un certain nombre de dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi au sens de l’article 34 de la Constitution. Il en est ainsi de celles qui fixent le mode de scrutin applicable aux élections professionnelles, énumèrent le détail de certaines des attributions des comités sociaux et précisent leurs modalités d’organisation et de fonctionnement, les unes et les autres ayant, selon une jurisprudence constante, un caractère réglementaire.
Réforme des commissionsadministratives paritaires
10. Le projet modifie également très substantiellement les règles régissant les commissions administratives paritaires.
Alors qu’elles sont aujourd’hui consultées sur la plupart des décisions individuelles affectant la carrière d'un fonctionnaire, telles par exemple que la titularisation, la notation, la promotion ou les mutations, le texte prévoit qu’elles ne seront plus consultées à l’avenir sur les mesures liées aux mobilités et aux mutations dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale ni sur les décisions concernant l’avancement et la promotion dans les trois fonctions publiques. Sous réserve du cas où un agent la saisit au sujet de l’évaluation dont il fait l’objet, elles ne connaîtront plus que des décisions individuelles défavorables relatives aux aspects les plus marquants d’une carrière.
11. Le Conseil d’Etat souligne l’importance de cette réforme, qui s’inscrit dans la ligne des recommandations de son étude annuelle pour 2003 (« Perspectives pour la fonction publique »), dans laquelle il avait relevé les insuffisances et les rigidités des modes de gestion des fonctionnaires de l’Etat. Sans se heurter à aucun obstacle juridique, elle est de nature à remédier à de nombreux effets négatifs résultant de la mise en œuvre du régime juridique actuel, dont pâtissent tant les employeurs que les agents. Il conviendra néanmoins de veiller à ce que l’application de cette réforme ne se traduise pas par un appauvrissement du dialogue social.
12. S’agissant de la fonction publique de l’Etat, il est en outre prévu que les commissions seront désormais constituées par catégorie statutaire A, B ou C, sans exclure la possibilité de créer, par voie réglementaire, des commissions distinctes par catégorie. Ce choix pourra s’avérer pertinent pour définir, indépendamment des départements ministériels, des périmètres tenant compte de l’identité particulière de certains univers professionnels et garantir ainsi la cohérence des consultations sur les questions dont elles ont à connaître.
Seront en outre supprimées, pour la fonction publique territoriale, les distinctions par groupes hiérarchiques au sein des catégories de cadres d’emplois.
Le Conseil d'Etat rappelle qu’une disposition législative est nécessaire pour prévoir, comme le fait le projet de loi, que les fonctionnaires d’une catégorie examinent les questions relatives à la situation individuelle et à la discipline des fonctionnaires relevant de la même catégorie, sans distinction de corps ou de cadres d’emplois ni de grade, dès lors qu’il s’agit de déroger au principe général du droit selon lequel un agent public ne peut siéger dans une formation qui lui permettrait d’apprécier la manière de servir d’un agent d’un grade hiérarchiquement supérieur au sien (CE, Ass., 20 mars 1985, Association nationale des infirmières générales et autres, nos 41405 et 41484).
13. Le Conseil d'Etat souligne le caractère particulièrement pertinent de la création d’un recours administratif préalable obligatoire en cette matière : comme l’a montré l’expérience du recours préalable instauré depuis plusieurs années pour les militaires, un tel mécanisme est en effet de nature à prévenir les contentieux en facilitant le règlement des différends par un dialogue entre l’agent et l’administration, avec une effectivité d’autant plus grande si la procédure prévoit, comme il est souhaitable, l’intervention d’un avis avant la décision prise sur le recours administratif, ce rôle pouvant en l’espèce être dévolu aux commissions administratives paritaires.
Il ne retient toutefois pas la disposition que le Gouvernement propose d’inscrire à cette fin dans la loi, dès lors que la création d’un tel recours relève, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 88-154 L du 10 mars 1988), et ainsi que le Conseil d'Etat l’a récemment rappelé (avis n° 394535 du 12 avril 2018), de la compétence du pouvoir réglementaire, même s’il doit s’exercer devant une autorité territoriale. Il appartiendra donc au Gouvernement de prendre ces dispositions par décret.
Pour la même raison, il ne retient pas non plus, parmi les modifications, un certain nombre de dispositions réglementaires de même nature que celles, mentionnées plus haut, qu’il a écartées pour les comités sociaux.
Lignes directrices de gestion
14. La réforme des instruments du dialogue social s’accompagne de la mise en place de lignes directrices de gestion. Le projet de loi prévoit ainsi, pour les trois fonctions publiques, que les autorités compétentes dans chaque administration élaboreront des lignes directrices de gestion fixant les orientations générales et les grandes priorités en matière de mobilité et, dans chaque administration, collectivité ou établissement, en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels. Ces nouveaux instruments juridiques, venant compléter et étendre ce que la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 avait inséré à l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 afin de pouvoir définir des critères subsidiaires permettant le classement des demandes de mutation des fonctionnaires de l'Etat et que le décret n° 2016-1969 du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d'édiction des lignes directrices permettant le classement par l'administration des demandes de mutation des fonctionnaires de l'Etat met en œuvre, sont conçus pour informer les agents des orientations et priorités de leur employeur et guider les autorités compétentes dans leurs prises de décision dans ces matières, sans cependant qu’elles renoncent à leur pouvoir d’appréciation au cas par cas. Elles seront soumises à la consultation des comités sociaux.
15. Le Conseil d’Etat note que le Gouvernement entend ainsi réorienter le dialogue social vers les orientations stratégiques de gestion, mettre fin aux rigidités actuellement constatées dans la gestion des situations individuelles et, par là-même, renforcer les responsabilités de chacun en permettant que l’activité de ces commissions soit davantage centrée sur l’examen approfondi des situations individuelles qui le nécessitent le plus.
Ce faisant, le projet de loi s’inscrit dans la perspective ouverte par l’étude annuelle du Conseil d’Etat de 2013 sur le droit souple, laquelle relevait que de tels instruments sont déjà utilisés dans d’autres systèmes juridiques et recommandait d’y recourir davantage, notamment en matière de fonction publique. Cette perspective avait auparavant été retenue par le rapport public du Conseil d’Etat pour 2003 déjà cité, ainsi que par plusieurs autres rapports, notamment celui sur la fonction publique remis par le président B. Pêcheur au Premier ministre en octobre 2013.
Ainsi que le rappelle l’étude précitée de 2013, il résulte du cadre tracé par la jurisprudence issue de la décision Crédit foncier de France du 11 décembre 1970, qu’il s’agit de définir les orientations dépourvues de caractère réglementaire, dans lesquelles s’exerce le pouvoir d’appréciation de l’administration, laquelle peut toujours s’en écarter en fonction des circonstances ou pour un motif d’intérêt général. Conformément à la logique sur laquelle repose la possibilité ainsi ouverte à l’administration d’utiliser de tels instruments juridiques, ils sont invocables devant le juge, qu’il s’agisse pour la personne concernée de se prévaloir de leurs orientations ou, le cas échéant, d’exciper de leur illégalité. La réforme proposée entendant s’inscrire dans cette logique, le Conseil d’Etat appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller, dans la rédaction puis la mise en œuvre des lignes directrices, à préserver la souplesse de ces instruments de gestion, qui ne sauraient être conçus de manière prescriptive ni donner lieu à une application systématique et indifférenciée au risque, sinon, de faire émerger à nouveau les rigidités de gestion auxquelles le Gouvernement entend mettre fin.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique
L’élargissement du recours aux agents contractuels
16. Le projet de loi entend multiplier et élargir très sensiblement les possibilités de recours au contrat dans toutes les catégories d’emplois des trois fonctions publiques. Il ouvre ainsi à ce type de recrutement tous les emplois de direction de l’Etat, tous les emplois de ses établissements publics, y compris les emplois de direction, les « emplois supérieurs hospitaliers » – notion nouvelle qu’il introduit dans la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 –, dans l’ensemble des établissements publics de santé ainsi que des établissements sociaux et médico-sociaux et abaisse à 40 000 habitants le seuil permettant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de recruter des agents contractuels pour occuper les emplois de directeur général des services, directeur général adjoint des services et directeur général des services techniques. Il crée également, dans les trois fonctions publiques, le « contrat de projet » qui permet de recruter un agent contractuel en vue de participer à une opération ou un projet déterminé dans n’importe quelle catégorie d’emploi, pour une durée limitée à celle de l’opération ou du projet. Il élargit les possibilités de recrutement d’agents contractuels dans des emplois permanents, d’ores et déjà ouvertes dans la fonction publique de l’Etat et, dans la fonction publique territoriale, pour les emplois permanents à temps partiel. Il permet de recruter directement sur un contrat à durée indéterminée dans un emploi permanent de l’Etat et de ses établissements publics et, lorsque cette possibilité n’est pas ouverte, permet d’y déroger lorsque la personne recrutée était employée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée par une autre personne morale de droit public.
17. Le Conseil d’Etat constate que le projet de loi ne modifie pas les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 et qu’ainsi, le Gouvernement n’entend pas remettre en cause le principe selon lequel, conformément à la conception française de la fonction publique, les emplois permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires régis par un statut. Aucune décision du Conseil constitutionnel n’ayant conféré à ce principe une valeur constitutionnelle, il est loisible au législateur d’y déroger dès lors que, comme le prévoit le projet, ces recrutements devront se faire selon des procédures permettant de garantir le respect du principe d’égal accès aux emplois publics énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Conformément aux dispositions de l’article 32 de la loi du 13 juillet 1983, ces agents seront soumis aux principales obligations, notamment déontologiques, applicables aux fonctionnaires.
Le Conseil d’Etat prend acte de ce que le projet ne prévoit pas non plus, contrairement à ce qui a pu être préconisé par certains rapports ainsi que lors des travaux qui ont précédé son élaboration, que des emplois permanents pourraient être occupés par des agents contractuels relevant du droit du travail. Les agents dont le projet entend permettre plus largement le recrutement par contrat demeureront donc soumis, comme ceux auxquels il est actuellement possible d’avoir recours, à un régime de droit public.
18. Il constate cependant que la multiplication des possibilités, déjà nombreuses, de recruter des agents contractuels, sans qu’il soit possible de dégager des modifications proposées des critères simples et clairs, ne contribue pas à la lisibilité du dispositif ni à la bonne appréciation de ses conséquences. A cet égard, il invite le Gouvernement à compléter sur ce point l’étude d’impact, s’agissant en particulier des emplois de direction et de la possibilité nouvelle de recruter dans des emplois « qui ne nécessitent pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires ». Il regrette en particulier que cette étude ne fournisse aucune donnée chiffrée quant au nombre de fonctionnaires en attente d’affectation ni ne présente d’éléments relatifs à l’impact possible d’un accroissement sensible du nombre d’agents contractuels occupant, dans le cadre de contrats à durée indéterminée, tous types d’emplois dans la fonction publique sur le déroulement de carrière des titulaires et sur la coexistence de ces deux catégories d’agents qui seront désormais en concurrence pour l’accès aux emplois de direction.
19. Le Gouvernement ayant fait le choix de maintenir inchangé le principe énoncé à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983, le Conseil d’Etat estime nécessaire d’en tirer les conséquences afin d’assurer la cohérence du dispositif. Il en résulte, d’une part, que les recrutements d’agents contractuels pour occuper des emplois de direction de l’Etat – qui constituent l’ossature de ses services et ne peuvent être regardés comme étant hors du champ de ce principe – doivent, comme ceux de ses établissements publics, s’inscrire dans une logique de dérogation répondant à des conditions dont il appartient à la loi de préciser la nature. Il insère en conséquence les dispositions correspondantes au sein de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984. D’autre part, il considère que pour les établissements publics, la possibilité de recruter des agents contractuels doit, comme pour l’Etat, être subordonnée à des justifications tenant à la nature des fonctions ou aux besoins du service afin de préserver la neutralité des règles applicables au recrutement d’agents publics, qui ne sauraient par principe différer selon qu’une mission de service public est prise en charge par l’Etat ou par l’un de ses établissements publics.
20. Le Conseil d’Etat souligne enfin que la possibilité ainsi accrue de recourir à des agents contractuels pour occuper des emplois publics ne peut que rester sans incidence sur la répartition des compétences entre la loi et le règlement, telle qu’elle résulte de l’article 34 de la Constitution. Contrairement à ce qu’indique l’étude d’impact qui, pour justifier l’insertion dans la version initiale du projet de loi de plusieurs dispositions régissant les conditions d’emploi des contractuels, préconise une interprétation extensive de l’alinéa de cet article réservant au domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires afin d’y inclure l’ensemble des agents publics, il résulte d’une jurisprudence constante que, s’il appartient au législateur d’édicter les conditions générales d'accès aux emplois publics, dans le respect du principe d'égalité et des autres règles et principes de valeur constitutionnelle (CC, 23 juillet 1991, n° 91-293 DC), y compris donc d’ouvrir la possibilité de recruter des contractuels, la définition des règles applicables aux agents non titulaires relève du pouvoir réglementaire (CE, section, 24 avril 1964, Syndicat national des médecins des établissements pénitentiaires, n° 57706 ; 30 mars 1990, Fédération générale des fonctionnaires Force ouvrière et autres, n° 76538).
Si, à la suite des observations faites en ce sens par les rapporteurs, la saisine rectificative ne reprend pas plusieurs des dispositions qui, dans le projet initial, empiétaient sur le domaine du règlement, le Conseil d’Etat observe toutefois que le projet ainsi modifié comporte encore des dispositions de nature réglementaire applicables aux agents contractuels, notamment celles relatives aux conditions dans lesquelles un intéressement peut être versé à un agent de la fonction publique hospitalière. Le fait que l’article 78-1 de la loi du 9 janvier 1986 comporte déjà une disposition relative à l’intéressement étant sans incidence à cet égard, le Conseil d’Etat modifie le projet pour abroger cet article dont les dispositions pourront, avec celles que le Gouvernement proposait d’y introduire, être reprises dans un décret.
En ce qui concerne la déontologie
21. Le projet de loi modifie les dispositions de la loi du 13 juillet 1983 relatives à la déontologie des fonctionnaires afin de mieux prévenir le risque de conflit d’intérêts pouvant résulter de parcours professionnels plus fluides, qui s’enrichissent d’expériences tant dans le secteur public que dans le secteur privé, sans remettre en cause le partage de compétences entre la commission de déontologie de la fonction publique et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. A cet égard, le Conseil d’Etat estime que la confirmation de l’existence et du rôle d’une commission propre à la fonction publique est justifiée par la nature particulière d’une instance spécifiquement dédiée à cette mission et créatrice d’une doctrine accessible, permettant de rendre prévisibles les règles applicables en la matière. Il considère que, sans qu’il y ait lieu de prévoir la publication systématique des avis de cette commission, une meilleure diffusion de sa doctrine, indépendamment de la publication de son rapport annuel, devrait être assurée par des mesures à définir par voie réglementaire.
22. Ce choix de principe étant confirmé, le projet de loi propose trois évolutions significatives.
En premier lieu, le projet recentre le contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique sur les situations dans lesquelles les risques sont avérés. Sans changer la nature du contrôle qu’elle exerce – de nature déontologique mais tendant également à prévenir des infractions pénales – ni la portée de ses avis, il limite le caractère obligatoire de sa saisine directe aux cas des agents publics occupant un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, la liste de ces emplois devant être fixée par la voie réglementaire. Dans les autres cas, la commission n’interviendra plus qu’au terme d’une analyse conduite par l’administration chargée d’autoriser le départ de l’agent ou le cumul d’activités, après avis, en cas de doute sérieux, par le référent déontologue prévu à l’article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983, la commission de déontologie devant être saisie si ce doute persiste.
Le Conseil d’Etat considère que cette importante réforme met en place des mécanismes propres à renforcer une indispensable diffusion de la culture de la déontologie chez les agents et les employeurs publics. Tirant notamment les conséquences de la mise en place, par la loi du 20 avril 2016, de référents déontologues dans les administrations, elle parachève une architecture qui devrait permettre un contrôle plus efficace, reposant au premier chef sur les administrations elles-mêmes, prenant appui sur les référents déontologues.
Il note que cette réforme s’appuie sur le constat que, depuis que la loi du 20 avril 2016 a rendu sa saisine obligatoire, les avis rendus par cette commission sont, pour près de la moitié, des avis de compatibilité sans réserve et que seulement 5,5 % ont nécessité un débat collégial. Il relève qu’en proportionnant mieux les obligations de saisine de la commission aux objectifs poursuivis, elle répond à une remarque qu’il avait formulée dans son avis n° 387715 du 11 juillet 2013 relatif au projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
23. En deuxième lieu, le projet de loi instaure un contrôle, de même nature que celui qui existe en cas de départ vers le secteur concurrentiel, sur le recrutement ou le retour dans l’administration de personnes qui ont exercé une activité privée au cours des trois années précédant leur prise de fonction. Ce contrôle préventif est de nature à rendre plus transparent le processus de nomination et à mieux prévenir dans ces hypothèses les risques de conflits d’intérêts.
24. En troisième lieu, le projet entend assurer une meilleure effectivité du contrôle exercé par la commission de déontologie en renforçant le pouvoir propre de saisine reconnu à son président et en complétant les sanctions qui pourront être prononcées par l’autorité compétente si l’agent s’abstient de saisir l’administration de son projet ou s’il ne respecte pas l’avis que rend la commission, qu’il s’agisse d’un avis d’incompatibilité ou d’un avis assorti de réserves. Le Conseil d’Etat estime que la pleine effectivité des réserves et des sanctions ainsi prévues implique de soumettre l’agent concerné à une obligation de rendre compte de leur respect à intervalles réguliers auprès de l’autorité compétente.
25. Le Conseil d’Etat regrette toutefois que le Gouvernement n’ait pas pris l'initiative d'améliorer l'organisation des dispositions des articles 25 à 25 nonies de la loi du 13 juillet 1983 pour en clarifier la portée. Il regrette également qu'il n'ait pas introduit dans le projet de loi des dispositions précisant explicitement que les personnels des agences sanitaires sont soumis aux dispositions de l’article 25 septies de cette loi, ce qui corrigerait une malfaçon issue de la loi du 20 avril 2016.
En ce qui concerne les dispositions ayant pour objet de favoriser la mobilité des agents publics
Modification des règles applicables au compte personnel de formation
26. Afin qu’une personne puisse successivement exercer une activité dans le secteur privé et le secteur public sans que ces changements se fassent au détriment des droits à formation recensés dans son compte personnel de formation, le projet de loi prévoit la convertibilité en euros des droits acquis au titre d’une activité dans le secteur public lorsque l’agent part exercer une activité dans le privé et, lorsque le changement se fait en sens inverse, une conversion en heures des droits acquis au titre d’une activité régie par le droit du travail. Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser les modalités de cette convertibilité, comme il est normal s’agissant de dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi.
Le Conseil d’Etat considère que cette mesure, qui maintient les particularités de chaque régime justifiées par les différences de situation entre le secteur public et le secteur privé, neutralisera leurs effets éventuellement dissuasifs sur les passages d’un secteur vers l’autre et favorisera des parcours professionnels plus divers.
Instauration d’un mécanisme de rupture conventionnelle
27. Le projet de loi ouvre la possibilité d’une rupture conventionnelle inspirée du mécanisme précédemment introduit en droit du travail, pour les agents contractuels et, à titre expérimental pendant six ans, pour les fonctionnaires.
Le Conseil d’Etat souligne que si, s’agissant des fonctionnaires, la création d’une nouvelle modalité de cessation définitive de fonction relève du domaine de la loi, il en va différemment pour les agents contractuels, pour lesquels l’existence de ce mode de rupture du contrat et ses modalités, conformément à l’analyse rappelée au point 18, relève de la compétence du pouvoir réglementaire. Il prend acte de ce que, se rangeant à cette analyse, la saisine rectificative renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les modalités d’application de la rupture conventionnelle aux agents recrutés par contrat à durée indéterminée de droit public et notamment l’organisation de la procédure.
Accompagnement des restructurations
28. Le projet comprend des dispositions relatives à la situation des agents de la fonction publique de l’Etat et de la fonction publique hospitalière dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration. Afin de mieux les accompagner, il crée un congé de transition professionnelle, prévoit des priorités de mutation et ouvre des possibilités de mise à disposition. Il prévoit en outre que ce dispositif pourra également bénéficier à des fonctionnaires d’un corps indépendamment de toute restructuration.
Le Conseil d’Etat considère que ces dispositions sont de nature à favoriser les restructurations de l’administration, sans nuire à la situation des agents qui occupent les emplois concernés, et à remédier à la situation des agents en attente d’affectation.
Transfert d’une activité vers une entreprise ou un organisme extérieur
29. En cas de transfert d’une activité jusqu’alors prise en charge par une administration vers une entreprise ou un organisme extérieur à celle-ci, le projet insère dans la loi du 13 juillet 1983 des dispositions permettant que le fonctionnaire dont l’emploi est ainsi transféré soit détaché d’office au sein de l’entreprise ou de l’organisme repreneur pour la durée du contrat qui le lie à la personne morale qui l’emploie.
Cette mesure ne se heurte à aucun obstacle juridique. Le Conseil d’Etat appelle cependant l’attention du Gouvernement sur la nécessité, pour l’autorité dont relève le fonctionnaire ainsi que pour ce dernier, d’être attentif au respect des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 relatives au contrôle de l’exercice, par un fonctionnaire, d’une activité dans le secteur privé.
En ce qui concerne les dispositions ayant pour objet de renforcer l’égalité professionnelle et de lutter contre le harcèlement
Egalité entre les femmes et les hommes
30. Pour l’avancement de grade dans les trois fonctions publiques, il est prévu que les inscriptions sur un tableau d’avancement tiendront compte désormais de la situation respective des femmes et des hommes dans les corps et grades concernés. A cette fin, le tableau annuel d’avancement devra préciser la part respective des femmes et des hommes dans le vivier des agents promouvables et celle parmi les agents figurant sur ce tableau qui sont susceptibles d’être promus en exécution de celui-ci.
Le Conseil d’Etat rappelle qu’en ce domaine, le législateur dispose d’une compétence étendue pour prendre, sur le fondement de l’article 1er de la Constitution, des dispositions, y compris dans les matières relevant normalement du pouvoir réglementaire, qui n’intervient alors que pour prendre les dispositions d’application de ces mesures législatives (CE, Ass., 7 mai 2013, Fédération CFTC de l’agriculture, n° 362280). Il souligne que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la nécessaire conciliation entre, d’une part, des dispositions qui visent à remédier à l’existence de fortes inégalités pour rendre effectif l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales et, d’autre part, les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n’a pas entendu déroger (CC, 24 avril 2015, n° 2015-465 DC), la prise en compte de la situation respective des femmes et des hommes dans les corps et grades concernés ne saurait primer sur l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires promouvables. Elle ne pourra donc intervenir que de façon subsidiaire pour départager, le cas échéant, ceux qui présenteraient des compétences et des mérites égaux.
Mesures en faveur des agents en situation de handicap
31. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions visant à favoriser l’égalité professionnelle pour les agents en situation de handicap dans les trois fonctions publiques.
Pour la plupart, les modifications proposées consistent à mieux formuler les mesures concourant à garantir l’égalité de traitement en faveur de ces personnes, mentionnées à l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983. Il s’agit aussi de supprimer la disposition, figurant actuellement dans chaque loi statutaire, qui subordonne le droit de ne pas écarté d’un concours ou d’un emploi public en raison d’un handicap à la condition d’avoir été orienté en milieu ordinaire de travail. Ces dispositions, qui ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique, n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
32. Il en va différemment pour la mesure qui entend déroger à l’article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel le détachement ou l'intégration directe a lieu entre corps et cadres d'emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable. Il s’agit de permettre à un fonctionnaire en situation de handicap d’être détaché dans un corps ou un cadre d’emplois de niveau supérieur puis d’y être intégré, en subordonnant le détachement puis l’intégration à des conditions d’aptitude appréciées par une commission.
Si un tel mécanisme de discrimination positive peut, dans son principe, répondre à un motif d’intérêt général susceptible de fonder une atteinte au principe d’égalité et s’il est en l’espèce entouré de certaines garanties, le Conseil d’Etat souligne les lacunes de l’étude d’impact qui aurait pu être davantage documentée quant au nombre d’agents concernés et à la nature des difficultés rencontrées, afin de mieux établir la justification d’une telle dérogation au droit commun. Il considère qu’il est préférable de ne lui donner qu’un caractère temporaire afin de pouvoir en mesurer les effets, au terme d’une période de six ans, avant d’en envisager la pérennisation. Il modifie donc le projet en ce sens.
En ce qui concerne les habilitations
33. Plusieurs habilitations sont prévues afin de permettre au Gouvernement de prendre, par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, diverses mesures dans le champ de la fonction publique.
34. La première habilitation, reformulée dans le cadre de la saisine rectificative à la suite des observations de la section de l’administration, habilite le Gouvernement à prendre des dispositions afin de favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d’accords négociés dans la fonction publique et de déterminer la portée juridique qu’il conviendrait d’attacher aux accords ainsi conclus, en précisant les hypothèses et les conditions dans lesquelles ils pourraient revêtir une valeur normative, de préciser les modalités d’appréciation de leur caractère majoritaire et les conditions de leur conclusion et de leur résiliation.
Le Conseil d’Etat souligne l’importance d’une telle réforme, susceptible de bouleverser l’état du droit positif applicable dans la fonction publique, aucune disposition législative n’ayant jamais conféré une valeur normative aux accords négociés avec les représentants des agents publics. Il considère que la définition des finalités des mesures envisagées est désormais suffisamment précise pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel en matière d’habilitation, rappelées notamment dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018. Il invite néanmoins le Gouvernement à compléter, sur ce point, l’étude d’impact, afin de mieux faire apparaître l’option qu’il entend retenir pour permettre au Parlement d’en débattre et de trancher en toute connaissance de cause.
35. Le projet de loi comporte plusieurs autres habilitations prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, en vue de :
- favoriser la protection sociale complémentaire des agents publics ;
- simplifier l’organisation et le fonctionnement des instances médicales, de la médecine de prévention et de la médecine agréée ;
- simplifier les règles d’aptitude physique à l’entrée dans la fonction publique et celles relatives aux congés ou positions statutaires pour maladies ou blessures ;
- favoriser le maintien dans l’emploi des agents publics et favoriser leur retour à l’emploi en cas d’affection ;
- clarifier, harmoniser et compléter les dispositions relatives au congé pour maternité, au congé pour adoption, au congé de paternité et d’accueil de l’enfant et au congé du proche aidant des agents publics ;
- rapprocher et modifier le financement des établissements publics et services qui concourent à la formation des agents publics pour améliorer la qualité du service rendu aux agents et aux employeurs publics ;
- réformer les modalités de recrutement, harmoniser la formation initiale et développer la formation continue, notamment en matière d’encadrement, des corps et cadres d’emplois de catégorie A ;
- renforcer la formation en vue de favoriser l’évolution professionnelle des agents les moins qualifiés, des agents en situation de handicap ainsi que des agents les plus exposés aux risques d’usure professionnelle.
Ces habilitations, dont les finalités et domaines d’intervention sont définis de manière suffisamment précise sans descendre cependant dans un degré de détail excessivement contraignant au regard des finalités poursuivies, n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi
36. Enfin, le projet de loi comporte diverses dispositions qui ont pour objet :
- de tirer les conséquences, en matière de mutation et d’avancement, de la suppression de l’avis préalable des commissions administratives paritaires et de la mise en place des lignes directrices de gestion et d’ouvrir la possibilité de fixer par décret des durées minimales et maximales d’occupation des fonctions ;
- de supprimer la notation là où elle existe encore et de modifier les lois statutaires des trois fonctions publiques pour prendre acte de la généralisation de la pratique, expérimentée puis mise en œuvre dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale, de procéder à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires par une évaluation individuelle ;
- d’enrichir et d’harmoniser l’échelle des sanctions des trois premiers groupes dans chaque fonction publique afin d’assurer une meilleure adéquation de la sanction aux agissements fautifs constatés.
- d’imposer aux employeurs publics la mise en œuvre d’un dispositif spécifique de recueil des signalements des victimes d’actes de violence ou de harcèlement moral ou sexuel, l’édiction d’un plan d’action pluriannuel de lutte contre le harcèlement et de promotion de l’égalité professionnelle et l’élaboration régulière de rapports sur la situation comparée des femmes et des hommes ;
- de leur imposer également, sauf aux communes et établissements publics de coopération intercommunale dont la population est inférieure ou égale à 20 000 habitants, d’élaborer un plan d’action pluriannuel pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la base d’un rapport de situation comparée et de le mettre en œuvre ;
- d’étendre le dispositif de nominations équilibrées concernant les emplois de direction prévu à l’article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983, issu des lois n° 2012-347 du 12 mars 2012 et n° 2014-873 du 4 août 2014, aux emplois de dirigeants d’établissements publics de l’Etat nommés en conseil des ministres et d’abaisser de 80 000 à 40 000 habitants le seuil des communes soumises à une obligation pour les nominations les plus importantes ;
- de clarifier, par l’insertion de nouveaux articles dans la loi du 13 juillet 1983, les dispositions relatives à la désignation des membres des jurys et des instances de sélection, dans le respect d’une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe, et à la présidence alternée des jurys et des instances de sélection constitués pour le recrutement ou l’avancement des fonctionnaires ;
- d’exclure l’application du délai de carence aux congés de maladie prescrits pour les agents publics en état de grossesse postérieurement à la déclaration de leur grossesse et jusqu’au congé prénatal ;
- de prévoir obligatoirement le maintien du régime indemnitaire des agents des cadres d’emplois de la fonction publique territoriale en congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant ou pour adoption, à l’instar des agents des corps homologues de la fonction publique de l’Etat ;
- de modifier le régime juridique du congé parental dans les trois lois statutaires en ouvrant aux agents le bénéfice de la conservation de l’ensemble de leurs droits à l’avancement durant leur congé, ce dernier étant décompté en tant que service effectif, dans la limite de cinq années ;
- de permettre, dans la fonction publique territoriale, la création de centres de gestion interdépartementaux par fusion de centres départementaux de gestion et d’instaurer l’obligation, pour le Centre national de la fonction publique territoriale, de remettre un rapport annuel de gestion au Parlement ;
- de minorer le coût de prise en charge des fonctionnaires de l’Etat mis à disposition ou détachés auprès d’une collectivité ou d’un établissement relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière ;
- de limiter dans le temps la durée d’affectation des agents placés en « position normale d’activité » en dehors du champ d’affectation relevant de leur corps d’origine.
Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
Cet avis a été délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du 21 mars 2019