Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis sur un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030.
CONSEIL D’ETAT
Section de l’administration
Séance du 9 juillet 2020
N° 400328
EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS
AVIS SUR UN PROJET DE LOI
de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030
NOR : ESRR2013879L
1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 5 juin 2020 d’un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030. Ce projet de loi a été modifié par une saisine rectificative reçue le 9 juillet 2020.
2. Ce projet de loi, qui comprend 24 articles, est organisé en cinq titres, respectivement intitulés « Orientations stratégiques de la recherche et programmation budgétaire », « Améliorer l'attractivité des métiers scientifiques », « Consolider les dispositifs de financement et d’organisation de la recherche », « Diffuser la recherche dans l’économie et la société » et « Mesures de simplification et autres mesures ». Cette structure et ces intitulés, bien que certaines dispositions du projet ne s’y rattachent qu’imparfaitement, ne sont pas remis en cause par le Conseil d’Etat.
Le titre Ier et le rapport annexé auquel il renvoie relèvent de l’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l’Etat. », alors que les dispositions des titres II à V du projet regroupent diverses dispositions modifiant ou complétant des codes et lois et intéressant la recherche et l’enseignement supérieur ainsi que des habilitations à légiférer par ordonnance. Ainsi que le Conseil d’Etat l’a déjà admis à plusieurs reprises, la coexistence, au sein d’un même projet de loi, de dispositions programmatiques et de dispositions normatives ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, sous réserve que, aux fins d’assurer le respect des exigences de lisibilité et d'intelligibilité de la loi, les premières fassent l’objet d’une présentation clairement séparée des autres. Tel est le cas en l’espèce.
3. Compte tenu du nombre et du volume des dispositions autres que de programmation que contient le projet de loi, le Conseil d’Etat suggère de lui donner l’intitulé suivant : « projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur ».
4. L’étude d’impact initialement transmise au Conseil d’Etat est apparue de qualité moyenne et, pour certaines dispositions, insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, en l’absence notamment de présentation « des options possibles en l’absence d’intervention de règles de droit nouvelles ». Elle ne mentionnait pas « les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ».
Certains développements de ce document pouvaient paraître contradictoires entre eux, par exemple en ce qui concerne les financements sur appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR), critiqués pour la lourdeur de leurs modalités et leurs coûts, mais regardés comme un outil décisif et à privilégier pour la politique publique de la recherche.
Par ailleurs, alors que l’étude d’impact insiste à plusieurs reprises sur les « enjeux d’attractivité dans un marché où la concurrence est mondiale », aucune analyse de ce marché n’était présentée, non plus que les effets attendus des dispositions du projet de loi ayant pour objectif de renforcer la position de la recherche française dans cette concurrence.
Le Gouvernement a, par la saisine rectificative, complété et approfondi l'étude d'impact initiale sur la plupart de ces points, de sorte que les exigences de la loi organique du 15 avril 2009 peuvent désormais être regardées comme correctement satisfaites, sous réserve de ce qui est dit au point 30 relatif au contentieux des recrutements d’enseignants-chercheurs et de chercheurs.
5. Le Conseil d’Etat relève que le projet de loi a été soumis pour avis, ainsi qu’il le devait, au Conseil économique, social et environnemental : il présente en effet, par son titre Ier, le caractère d’un « projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental » au sens de l’article 70 de la Constitution. Il a également fait l’objet de la consultation, à titre obligatoire, du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, du Conseil supérieur de l’éducation, de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, du comité technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche, du comité technique du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, du conseil départemental de la Guadeloupe et de l’assemblée de la Martinique.
6. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, notamment la scission en plusieurs articles de quelques articles du projet du Gouvernement trop longs ou regroupant des dispositions sans rapport entre elles, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.
Orientations stratégiques de la recherche et programmation budgétaire
7. Les orientations et priorités retenues par le Gouvernement sont présentées dans un rapport annexé au projet de loi, que le Parlement est invité à approuver. Partant du constat du sous-investissement chronique de la France dans la recherche, de la faiblesse de la rémunération des enseignants chercheurs et des chercheurs et du manque d’attractivité des carrières scientifiques, ce rapport fixe les objectifs de la politique de recherche et les moyens qui lui seront consacrés au cours de la période 2021-2030. Il affirme l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à 3 % du produit intérieur brut à l’horizon 2030 alors qu’elles ne représentaient que 2,19 % en 2017 et que l’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de recherche et développement ne cesse de se creuser.
Ces orientations et priorités se traduisent par une programmation des ressources budgétaires de l’Etat allouées à la recherche qui est reprise, sous forme de tableaux, dans un article du titre Ier. Ces tableaux font apparaître une augmentation des crédits de paiements des programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi que des autorisations d’engagement de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
La présentation retenue par le Gouvernement pour ces tableaux, en écart annuel cumulé par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, est différente de celle des précédentes lois de programmation et comporte des inconvénients, car elle ne fait pas apparaître en lecture directe les moyens supplémentaires ou totaux alloués chaque année et leur évolution dans le temps. Tenant compte de ces remarques et des suggestions du Conseil d’Etat pour y remédier, la saisine rectificative rend plus explicite cette présentation, notamment en y incluant la base 2020, et introduit des précisions et explications dans l’étude d’impact, en présentant notamment les crédits annuels en montants absolus.
Le Conseil d’Etat observe que la période de programmation budgétaire retenue (2021-2030) est particulièrement longue et paraît sans précédent à cet égard pour une loi de programmation ou, antérieurement à 2008, une loi de programme. Il souligne qu’avec un tel horizon, la portée de la programmation des crédits budgétaires ne peut être que limitée, spécialement en fin de période. Toutefois, la Constitution n’ayant pas fixé de règle sur ce point, une loi de programmation peut librement déterminer l’échéance des objectifs qu’elle retient. Le Conseil d’Etat estime en outre qu’une programmation des moyens budgétaires sur une durée longue, avec les aléas nombreux et croissants avec le temps qui l’affectent inévitablement, ne méconnaît pas pour autant, de ce seul fait, le principe de sincérité qui s’impose à toute loi à caractère financier.
8. Aux termes de l’article 22 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, lors du dépôt au Parlement d’un projet de loi de programmation autre qu’un projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant de s’assurer de la cohérence du projet de loi avec la trajectoire de finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur. Cette obligation n’implique pas nécessairement la remise d’un document exclusivement consacré à cet objet et peut être satisfaite par une mention particulière dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi conformément à l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.
Il appartient au Conseil d’Etat, lors de l’examen d’un projet de loi de programmation qui comporte une programmation des crédits budgétaires au profit d’une politique publique, de s’assurer, au vu notamment de ce rapport, de la cohérence entre cette programmation sectorielle et la trajectoire globale des finances publiques présentée par la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour la période commune aux deux lois.
En l’espèce, c’est à la demande du Conseil d’Etat qu’ont été introduits dans l’étude d’impact, par la saisine rectificative, des développements sur ce point assurant le respect des dispositions de l’article 22 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques. Ils font apparaître que le contrôle de cohérence mentionné ci-dessus ne peut être réellement opéré dans les circonstances présentes : outre que les prévisions et trajectoires que présente cette loi de programmation des finances publiques sont aujourd’hui largement caduques, en raison des effets de la crise sanitaire survenue depuis son adoption, la programmation triennale des crédits qu’elle comporte, mission par mission, couvre les années 2018, 2019 et 2020. Or, le présent projet de loi de programmation prend pour base l’année 2020 et programme l’évolution des crédits budgétaires alloués à la recherche publique à compter de 2021. La programmation des crédits relatifs à la recherche prévue par le projet et celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques actuellement en vigueur concernent ainsi des périodes différentes.
Comme l’indique le Gouvernement dans les compléments apportés à l’étude d’impact, c’est donc lors de la préparation et de la présentation du prochain projet de loi de programmation des finances publiques et du prochain projet de loi de finances que la cohérence entre programmation globale des finances publiques et programmation budgétaire de la recherche devra être assurée. Il n’est au demeurant pas exclu que cette nouvelle loi de programmation des finances publiques ainsi que la loi de finances pour 2021 soient adoptées avant le vote définitif du présent projet de loi.
9. Les dernières dispositions du titre Ier du projet du Gouvernement s’analysent comme tendant au dépôt, en 2023, d’un projet de loi d’actualisation de la programmation budgétaire pour la recherche, ce qui constitue une injonction au Gouvernement qui ne trouve de base juridique ni dans l’article 34 de la Constitution ni dans aucune autre de ses dispositions et porte atteinte au droit d’initiative des lois conféré par son article 39 au Premier ministre. Le Conseil d’Etat propose en conséquence de retenir la rédaction suivante : « Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l'exécution de l’article 2 [la programmation budgétaire], en vue, le cas échéant, de l’actualisation de cette programmation ». De telles dispositions peuvent en effet être admises dans une loi de programmation, en raison de la nature d’une telle loi, alors même qu’elles n’énoncent pas d’objectifs et ne relèvent normalement pas du domaine de la loi.
Attractivité des métiers scientifiques
Création des « chaires de professeur junior »
10. Le projet prévoit de créer un nouveau type de contrat, que l’étude d’impact qualifie de « chaire de professeur junior », pour permettre à de jeunes scientifiques, titulaires du doctorat ou d’un diplôme équivalent, d’exercer dans un établissement, pendant une période de six ans au plus, en vue de leur titularisation dans l’un des corps supérieurs de la recherche, en qualité de professeur des universités ou de directeur de recherche. Ce mode de recrutement, inspiré de pratiques étrangères bien connues (« tenure track »), sera ouvert aux établissements qui le demanderont, dans des limites fixées établissement par établissement par le ministre chargé de la recherche et en vue de répondre, pour chaque établissement, « à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche qu’il justifie ». Selon l’étude d’impact, il s’agit de pouvoir recruter le plus tôt possible des jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs dans des disciplines émergentes parfois fortement concurrentielles avec le secteur privé ou se situant à l’intersection entre des disciplines établies, en complément des concours sur titres et travaux, qui ont souvent pour effet de reporter le recrutement six à huit ans après l’obtention de la thèse.
Le Conseil d’Etat relève qu’il s’agit là d’un nouveau cas de recours à des agents contractuels, par exception au « principe selon lequel, conformément à la conception française de la fonction publique, les emplois permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires régis par un statut » (Assemblée générale, 21 mars 2019, avis sur un projet de loi de transformation de la fonction publique, n° 397088, § 17 et 19). Cependant, par ses finalités et les conditions posées, cette exception est étroitement circonscrite et les recrutements de ce type ne représenteront qu’une part minoritaire des recrutements dans les corps concernés : 25 % au plus des recrutements autorisés annuels dans chaque corps et, sur la suggestion du Conseil d’Etat, 50 % au plus des recrutements annuels de chaque établissement.
11. Recrutés par un établissement pour répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique et régis par un contrat qui définit des objectifs à atteindre, en vue de l’évaluation de leur aptitude avant titularisation au sein du même établissement, les intéressés se trouveront jusqu’à celle-ci dans une situation singulière pour un chercheur ou un enseignant-chercheur. Le Conseil d’Etat estime qu’il n’en résulte pas d’atteinte au principe constitutionnel de la liberté et de l’indépendance des enseignants-chercheurs. Il juge utile toutefois, s’agissant d’agents contractuels, d’introduire une mention des articles L. 411-3 du code de la recherche et L. 952-2 du code de l’éducation, qui énoncent les principes d’autonomie de la démarche scientifique et de libre expression et libre circulation des idées que doivent garantir les statuts des personnels de recherche et d’enseignement supérieur.
12. Le projet subordonne le recrutement en qualité de contractuel à un appel public à candidatures préalable, puis à l’examen des candidatures par une commission ad hoc, spécifique à l’établissement, composée de personnes de rang égal à celui de l'emploi à pourvoir et pour partie extérieures à l’établissement. La titularisation de l’intéressé est subordonnée à la vérification de sa valeur scientifique et de son aptitude à exercer les missions assignées à la recherche publique et à l’enseignement supérieur par une autre commission ad hoc spécifique à l’établissement, répondant aux mêmes critères.
Le Conseil d’Etat considère que ces modalités permettent d’assurer le respect du principe d’égal accès de tous les citoyens aux emplois publics « selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pour conforter la neutralité et la transparence du processus, il suggère toutefois d’inscrire dans la loi une proportion minimale d’un tiers de membres extérieurs, dont au moins un étranger, pour composer la commission de sélection et la commission de titularisation. Pour les mêmes raisons, il estime que le décret en Conseil d’Etat devra prévoir que le président de l’établissement rend compte annuellement, devant les instances délibérantes, de l’emploi de ce dispositif. Par ailleurs, si les autres voies de titularisation dans ces mêmes corps supposent toutes la qualification par une instance nationale ou une instance d'évaluation pérenne créée pour l’ensemble de l'établissement, il n’en résulte pas de méconnaissance du principe d’égalité dès lors que la situation des candidats aux différentes voies d’accès est objectivement différente et que le processus de titularisation propre à celle-ci garantit la sélection selon des critères objectifs de qualité professionnelle.
Contrat post-doctoral pour les employeurs privés et les établissements publics
13. Pour faciliter le recrutement des jeunes docteurs et, selon les termes de l’exposé des motifs, « mieux les accompagner dans leur période de transition professionnelle vers les postes pérennes de la recherche publique ou privée », le projet crée un nouveau contrat à durée déterminée dénommé « contrat post-doctoral », de droit privé pour les établissements publics à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique et de droit public pour les établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur, qui fournira un cadre plus adapté à ce recrutement.
Le Conseil d’Etat relève que si les conditions de passation et le régime des contrats post-doctoraux de droit public et de droit privé sont très proches, ce qui est justifié car leur objet est le même, il n’en va pas de même de leurs durées maximales : six ans pour le contrat de droit public, quatre pour celui régi par le code du travail, sans que les motifs de cette différence apparaissent clairement. Cependant, ces dispositions ne se heurtent à aucune objection et n’appellent pas d’autres observations de la part du Conseil d’Etat.
Contrat à durée indéterminée de mission scientifique
14. Le projet de loi crée, pour les établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur, un nouveau cas de recours à des contrats à durée indéterminée de droit public, en vue de recrutements destinés à « mener à bien un projet ou une opération de recherche identifiée », avec pour terme la réalisation du projet ou de l’opération. Le Conseil d’Etat souligne, comme il l’a déjà fait (Assemblé générale, 21 mars 2019, avis sur un projet de loi de transformation de la fonction publique, n° 397088), que la multiplication des possibilités, déjà nombreuses, de recruter des agents contractuels, sans qu’il soit possible de dégager des modifications proposées des critères simples et clairs, ne contribue pas à la lisibilité du dispositif ni à la bonne appréciation de ses conséquences. Il admet toutefois que le caractère spécifique des projets ou opérations de recherche en cause ici, notamment leur durée, peuvent justifier la création d’un dispositif spécial venant adapter celui des « contrats de projet » régis par l’article 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dont la durée maximale est de six ans.
Ces dispositions ne rencontrent pas d’obstacle de nature constitutionnelle ou conventionnelle et n’appellent pas d’autres remarques de la part du Conseil d’Etat.
Autres dispositions
15. Au titre toujours de l’attractivité des métiers scientifiques, le projet comporte diverses autres dispositions :
- la création d’un contrat de travail de droit privé à durée déterminée, dénommé « contrat doctoral », en vue de fournir un cadre mieux adapté à l’emploi de doctorants par les employeurs privés ;
- la possibilité pour les établissements de recherche et d’enseignement supérieur d’accueillir, dans le cadre de « séjours de recherche », des doctorants et chercheurs étrangers bénéficiant d’une bourse ou d’un financement équivalent, ce qui permet de sécuriser, notamment, l’éventuel complément de financement et l’obtention d’un titre de séjour pour les intéressés ;
- compte tenu de la spécificité des modalités d’emplois et des carrières des personnels de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, la possibilité pour ceux d’entre eux qui sont détachés ou mis à disposition auprès d’un établissement ou organisme de ne pas quitter celui-ci lorsqu’ils sont promus dans un corps de niveau supérieur dans leur administration ou établissement d’origine ;
- la possibilité de maintien en fonction, pour une durée maximale de cinq ans au-delà de la limite d’âge, des professeurs de l'enseignement supérieur, directeurs de recherche et personnels assimilés qui dirigent ou animent un projet qui a été lauréat d’un appel à projets de recherche de premier plan, national ou européen.
Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
Financement et organisation de la recherche
16. Le projet de loi modifie plusieurs dispositions relatives à l’évaluation de la recherche publique et de l’enseignement supérieur.
Ainsi, notamment, il étend le champ de compétence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) aux « grandes infrastructures de recherche nationales ». Il permet également au HCERES d’évaluer les activités de recherche des « établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche », à la demande de ceux-ci. Sur la suggestion du Conseil d’Etat, pour mieux définir le champ d’application de cette disposition et d’autres dispositions du présent projet de loi visant de tels établissements, un décret viendra en fixer la liste.
Enfin, le projet assouplit les conditions mise en œuvre de la règle, issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, selon laquelle le collège du HCERES doit comprendre au moins une personnalité ayant eu une expérience de valorisation de la recherche en entreprise.
Ces dispositions ne se heurtent, du point de vue juridique, à aucun obstacle et n’appellent pas de remarques de la part du Conseil d’Etat.
17. Le projet de loi inscrit dans le code de la recherche une définition, commune à l’ensemble des organismes concourant à la recherche publique, de la structure essentielle que constitue « l’unité de recherche », consacrée par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France. Comme le prévoit déjà, mais dans le champ plus restreint des EPST, l’article L. 321-3 du code de la recherche, ces unités « administrent les dotations globales de fonctionnement et d’équipement qui leur sont allouées par les organes directeurs de l’établissement ».
En complément de cette extension, il est précisé que le directeur d’une unité de recherche commune à plusieurs établissements et organismes de recherche (« unités mixtes de recherche ») est placé sous l’autorité conjointe des dirigeants de ces établissements et organismes.
Ces dispositions n’appellent pas d’observations.
18. Le projet de loi modifie le cadre dans lequel l’Agence nationale de la recherche (ANR), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la recherche, organise des appels à projets de recherche reposant sur l’évaluation par les pairs et contribue au financement de ces projets.
Il clarifie notamment la disposition en vigueur depuis 2006 selon laquelle une part du financement alloué, appelée « préciput », prend en compte les coûts indirects qu’occasionnent pour les établissements la conduite des projets de recherche par les équipes lauréates. Il précise que dans le cas où le projet est mené en commun par plusieurs établissements, la répartition de ce préciput est opérée par accord entre eux, ou à défaut par l’ANR dans des conditions qui seront précisées par décret.
Par ailleurs, l’ANR devra obligatoirement communiquer à l’issue du processus de sélection les motifs de sa décision ainsi que la composition du comité de sélection.
Ces dispositions ne soulèvent pas de difficultés.
Diffusion et valorisation de la recherche
Collaboration avec les entreprises privées
19. En vue d’intensifier les relations entre la recherche publique et le secteur privé, le projet de loi réforme le dispositif permettant aux fonctionnaires civils du service public de la recherche de collaborer, selon différentes modalités, avec des entreprises pour assurer la valorisation et la diffusion de travaux de recherche et, depuis la loi « Pacte » du 22 mai 2019 qui l’a récemment modifié, d’enseignement.
Issu de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, codifiée sur ce point aux articles L. 531-1 à L. 531-17 du code de la recherche, ce dispositif permet aux agents publics, sur autorisation, de prendre légalement des intérêts dans une entreprise privée tout en continuant à exercer des missions de service public, selon les trois formes suivantes : participation à la création d’une nouvelle entreprise, apport d’un concours scientifique ou participation aux instances de gouvernance d’une entreprise.
Le projet de loi étend la portée de ces dispositions, au bénéfice des seuls fonctionnaires civils de l’Etat :
- en premier lieu, une nouvelle forme de collaboration est créée, qui consiste pour le fonctionnaire à devenir associé ou dirigeant d’une entreprise déjà existante ;
- en deuxième lieu, et comme dans ce nouveau cas, il ne sera plus nécessaire au titre des collaborations déjà prévues sous forme de participation à la création d’une nouvelle entreprise ou d’apport d’un concours scientifique à une entreprise que la valorisation porte sur des travaux de recherche et d’enseignement réalisés par l’intéressé lui-même dans l’exercice de ses fonctions ;
- en troisième et dernier lieu, ce régime dérogatoire est étendu aux fonctionnaires des établissements publics de l’Etat dont les statuts prévoient une mission de recherche, donc au-delà des établissements publics de recherche ou d’enseignement supérieur.
20. Le Conseil d’Etat relève qu’en réservant l’application des nouvelles règles aux seuls fonctionnaires de l’Etat, le projet de loi institue une différence de traitement entre ceux-ci et les agents d’autres fonctions publiques, notamment de la fonction publique hospitalière, susceptibles de participer à la recherche publique, qui ne paraît pas être en rapport direct avec l’objet de la nouvelle norme proposée par le Gouvernement.
En effet, d’une part, le dispositif actuel, sur lequel se greffent les nouvelles dispositions, est applicable à tous les fonctionnaires civils concourant au service public de la recherche, quel que soit le versant de la fonction publique dont ils relèvent personnellement. D’autre part, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a ajouté les « établissements de santé » dans le champ des services publics où est organisée, aux termes de l’article L. 112-2, la recherche publique ; au demeurant, l’article L. 6112-1 du code de la santé publique dispose que la recherche figure parmi les missions de service public pouvant être assurées par les établissements de santé.
Ainsi, par exemple, il résulte des dispositions proposées qu’un maître de conférences des universités-praticien hospitalier pourrait être autorisé à devenir dirigeant ou associé d’une entreprise existante pour valoriser des travaux de recherche ou d’enseignement, tandis qu’une telle possibilité ne serait pas ouverte à un ingénieur de la fonction publique hospitalière, alors même que l’un et l’autre sont susceptibles de concourir à un même projet de recherche au sein d’un centre hospitalo-universitaire.
En l’absence de justifications apportées à la restriction du champ de ces nouvelles dispositions, liée seulement à l’absence de consultation du Conseil commun de la fonction publique, le Conseil d’Etat ne peut que les écarter.
21. A titre subsidiaire, le Conseil d’Etat observe que ces dispositions amplifient encore, après d’autres assouplissements ou élargissements déjà apportés par la loi « Pacte » du 22 mai 2019, le caractère dérogatoire du régime prévu aux articles L. 531-1 à L. 531-17 du code de la recherche alors que, inversement, les règles générales relatives à la déontologie des agents publics et à la prévention des conflits d’intérêts au sein des services publics ont été à plusieurs reprises renforcées dans la période récente. Toutefois, sous réserve de ce qui précède sur leur champ d’application, elles paraissent pouvoir être admises en raison de l’intérêt général qui s’attache à la mission de service public de « valorisation des résultats de la recherche au service de la société, qui s’appuie sur l’innovation et le transfert de technologie » (article L. 112-1 du code de la recherche) et compte tenu des précautions prises dans leur mise en œuvre. En effet, quelle que soit sa forme, la collaboration d’un agent public civil dans le cadre de ce régime dérogatoire fait l’objet d’une autorisation délivrée par son employeur, qui doit s’assurer du respect des conditions prévues à l’article L. 531-14 du code de la recherche, notamment celles tenant à ce que cette collaboration ne soit pas préjudiciable au fonctionnement normal du service public, qu’elle ne risque pas de compromettre ou mettre en cause son indépendance ou sa neutralité et, enfin, qu’elle ne soit pas de nature à porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche. Cette collaboration est en outre subordonnée, sauf dans le cas de la participation aux instances de gouvernance d’une entreprise, à la conclusion par la personne publique d’un contrat de valorisation avec l’entreprise au sein de laquelle le fonctionnaire exercera.
Cependant, et en tout état de cause, le Conseil d’Etat souligne qu’il incombe au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre notamment de la tutelle qu’il exerce sur les établissements relevant de son périmètre, d’assurer un suivi attentif de la mise en œuvre de ces dispositions et d’en évaluer régulièrement la pertinence, afin de vérifier qu’elles contribuent effectivement aux missions d’intérêt général qui les justifient.
Autres dispositions
22. Le projet de loi comporte diverses dispositions qui ont pour objet :
- d’élargir, à l’instar de ce qui existe pour les chercheurs, les possibilités de mise à disposition, à temps complet ou incomplet, des enseignants-chercheurs auprès de tout employeur de droit privé ou public exerçant une ou plusieurs des missions du service public de l’enseignement supérieur définies à l’article L. 123-3 du code de l’éducation ;
- de permettre à l’ensemble des fonctionnaires de la recherche et de l’enseignement supérieur qui sont mis à disposition auprès d’établissements publics à caractère industriel et commercial, d’entreprises ou de fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique, telles que par exemple l’Institut Pasteur, de percevoir, le cas échéant, un complément de rémunération ;
- de prendre en compte, pour l’appréciation des conditions d’ouverture des droits à pension et dans la limite maximale de cinq ans, les services accomplis à temps complet ou incomplet dans des fonctions relevant de la recherche et de l’enseignement supérieur au sein d’organismes privés ou d’établissements publics à caractère industriel et commercial ;
- de modifier les règles d’attribution de primes aux personnels affectés au sein des universités et de permettre la mise en place des dispositifs d’intéressement au sein des organismes de recherche, à l’instar des établissements d’enseignement supérieur ;
- d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures législatives permettant l’octroi de licences collectives ayant un effet étendu, au sens de l’article 12 de la directive 2019/790, en vue d’autoriser l’utilisation d’œuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d’illustration de publications, ou de travaux diffusés en ligne sans restriction d’accès, dans le cadre d’une activité de recherche et d’enseignement supérieur publics.
Ces dispositions n’appellent pas de remarques de la part du Conseil d’Etat.
Mesures de simplification et autres mesures
Organisation et fonctionnement interne des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) et des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)
23. Le projet de loi comporte diverses mesures d’assouplissement ou de simplification de l’organisation et du fonctionnement interne des EPSCP et EPST, notamment en ce qui concerne leur gouvernance.
Ainsi, notamment :
- il prévoit le maintien des délégations des chefs d’établissement d’enseignement supérieur en cas de cessation de leurs fonctions ;
- il modifie les articles L. 712-2 et L. 712-3 du code de l’éducation afin qu’un plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes soit adopté par le conseil d’administration de chaque université ;
- il élargit les possibilités de délégations offertes au président de l’université à des agents placés sous son autorité et lui donne plus de liberté dans la désignation des membres de son équipe rapprochée ;
- il permet aux laboratoires de recherche de fixer eux-mêmes leurs règles de fonctionnement, après consultation de la commission de la recherche du conseil académique de l’université ;
- il modifie l’article L. 719-1 du code de l’éducation de façon à éviter l’organisation d’élections partielles peu de temps avant l’échéance des mandats des membres des conseils des EPSCP ;
- il simplifie le régime, et en renforce le particularisme par rapport aux fondations d’entreprise, des « fondations partenariales » que peuvent créer les EPSCP et les EPST en vue de la réalisation d’œuvres ou activités d’intérêt général conformes aux missions du service public de l’enseignement supérieur ;
- afin d’accélérer la procédure d’approbation par l’autorité de tutelle de la convention par laquelle un EPST confie à une entité de droit privé certaines de ses activités, il précise qu’à l’issue de deux mois, le silence gardé par l’autorité de tutelle vaut approbation ;
- il permet au recteur de région académique de se faire représenter dans l’exercice des fonctions de commissaire du Gouvernement des fondations de coopération scientifique.
L’ensemble de ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
Dispositions relatives à l’Institut de France et aux académies
24. Le projet de loi permet à l’Institut de France et aux académies, personnes morales de droit public à statut particulier placées sous la protection du président de la République et dotées d’un comptable public, de passer des conventions de mandat avec des prestataires privés afin de procéder à l’encaissement de recettes et au paiement de dépenses, comme le peuvent déjà l’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales. Il prévoit également que les titres de perception ou de recette de l’Institut et des académies ont le caractère de titres exécutoires au sens de l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales et modifie l’article L. 135 ZE du même livre et l’article 123 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015 de sorte que les créances de l’Institut et des académies puissent être recouvrées par voie de saisie administrative à tiers détenteur dans les conditions prévues à l’article L. 262 du livre des procédures fiscales.
Par ailleurs, le projet prévoit que ne seront désormais soumis à l’autorisation du Conseil d’Etat que les dons et legs avec charges d’un montant supérieur à un seuil fixé par un décret en Conseil d’Etat.
Ces dispositions, destinées à faciliter et simplifier le fonctionnement de l’Institut de France et des académies, ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
Mesures de simplification en matière de cumul d’activité
25. Le projet substitue, en matière d’exercice d’une activité accessoire par les enseignants-chercheurs et chercheurs, un régime d’information préalable à celui de l’autorisation préalable par l’établissement d’affectation. Cette dérogation est triplement encadrée : elle ne s’applique qu’aux personnels de l’enseignement supérieur relevant du titre V du livre IX du code de l’éducation et aux personnels de recherche mentionnés à l’article L. 411-3 du code de la recherche et aux activités qui correspondent à leurs missions ; elle ne concerne que les activités accessoires menées au sein d’un établissement d’enseignement supérieur ou de recherche ; ses modalités d’application sont fixées par un décret en Conseil d’Etat.
Ainsi définie et encadrée, cette dérogation au principe applicable à tous les fonctionnaires de l’autorisation préalable par l’autorité hiérarchique pour exercer une activité à titre accessoire prévu au IV de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires n’appelle pas d’objection de la part du Conseil d’Etat : les personnels enseignants-chercheurs et chercheurs ont en effet vocation à intervenir de façon fréquente et récurrente dans des organismes d’enseignement supérieur et de recherche distincts de leur établissement d’emploi. Ils sont à cet égard dans une situation différente de celles des autres fonctionnaires qui justifie la différence de traitement qui leur est ainsi réservée.
Mesures de simplification en matière de formation
26. Plusieurs mesures de simplification en matière de formation sont prévues par le projet de loi. Le code de l’éducation est ainsi modifié afin de permettre la réalisation de stages pendant les périodes de césure et de faciliter le recours aux stages pendant le doctorat ou dans le cadre d’une formation à distance. Par ailleurs, sont clarifiées les conditions dans lesquelles une sélection peut être opérée à l’entrée de la licence professionnelle indépendamment de la structure qui la porte au sein d’un établissement ou d’une unité de formation et de recherche.
Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.
27. Par ailleurs, l’expérimentation qui permet aux bacheliers professionnels d’être admis en section de techniciens supérieurs après avis du conseil de classe de l’établissement d’origine est prolongée de trois ans, afin d’observer des cohortes plus importantes ainsi que la réussite de l’insertion professionnelle des bénéficiaires du dispositif, ce qui devrait permettre de confirmer son efficacité. Le Conseil d’Etat estime que cette prolongation est justifiée par le bilan tiré de la première période qui, bien que montrant l’intérêt des dispositions en question, est insuffisamment complet pour que leur généralisation puisse être décidée en connaissance de cause.
Ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux
28. Le projet ratifie l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 qui permet aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche d’expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement et d’organisation. Il modifie certains de ses articles afin de les mettre en conformité avec le dernier état du droit, de lever certaines ambiguïtés rédactionnelles et de préciser que l’ordonnance est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans sa rédaction résultant de l’actuel projet de loi.
Ces dispositions n’appellent pas de remarques.
Simplification du contentieux relatif au recrutement des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs
29. Le projet de loi entend remédier à la multiplication des recours relatifs aux différentes étapes d’une même opération de recrutement d’un enseignant-chercheur, enseignant ou chercheur. Ainsi, l’illégalité de chacune des décisions ayant concouru au recrutement ne pourrait plus être contestée que par voie d’exception, au terme de la procédure de recrutement, à l’occasion d’un recours dirigé contre l’acte de nomination ou l’acte interrompant cette procédure.
Il n’est pas douteux que la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs est particulièrement longue et complexe : elle fait intervenir plusieurs autorités et instances et comporte de nombreux actes intermédiaires, auxquels a été reconnu pour la plupart le caractère d’actes faisant grief, donc susceptibles de recours. Il peut en résulter des contentieux multiples et répétés, prolongeant l’incertitude tout en ayant des effets concrets parfois limités. Le Conseil d’Etat observe toutefois que plutôt que de limiter les voies de recours contentieux à règles de fond inchangées, ainsi que le projet le prévoit, il aurait été possible et préférable d’envisager une simplification de la procédure de recrutement elle-même.
Surtout, la disposition proposée, même si elle ne supprime pas, mais diffère, la possibilité de contester certains actes et ne limite pas les moyens pouvant être invoqués à leur encontre, porte une atteinte au droit, constitutionnellement et conventionnellement protégé, d’exercer un recours effectif devant une juridiction. Une mesure de cette nature doit être exceptionnelle et il importe de s’assurer que la limitation qu’elle prévoit est suffisamment justifiée et n’est pas excessive dans ses modalités.
Or les éléments d’appréciation fournis par le Gouvernement n’emportent pas, en l’état, la conviction du Conseil d’Etat. L’étude d’impact du projet de loi mentionne une démultiplication des recours pesant sur les services juridiques des établissements appelés à défendre et recense les procédures de recrutement concernées par la mesure et celles qui ne le sont pas, mais elle ne comporte qu’un recensement partiel des recours portés devant la juridiction administrative dans ce domaine, qui fait au demeurant apparaître des chiffres assez modestes. Elle n’expose pas clairement les motifs de la mesure proposée, non plus que les autres solutions pouvant être envisagées, par exemple un traitement différencié des actes intermédiaires en cause, dont certains, comme la décision par laquelle le comité de sélection, équivalent d’un jury de concours, écarte une candidature, ont un caractère déterminant dans le processus de recrutement. L’étude d’impact n’analyse pas non plus les conséquences pratiques de la mesure envisagée sur l’effectivité du droit au recours des personnes intéressées, notamment par la fermeture qu’elle implique de la voie du référé à l’encontre de ces actes intermédiaires.
Il peut être souligné à cet égard que si des limitations au droit au recours ont déjà été admises dans des contentieux marqués par la multiplicité des contestations et le risque d’instabilité juridique qui en résulte, comme en matière d’urbanisme, c’est à la suite d’études approfondies sur les conséquences de telles limitations. Le Conseil d’Etat relève que des études équivalentes n’ont pas été menées en l’espèce.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime qu’il y a lieu d’écarter ces dispositions du projet de loi.
Habilitations à légiférer par ordonnance et autres dispositions
30. Le projet habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à intervenir par ordonnance dans divers domaines relevant de la recherche et de l’enseignement supérieur. Il s’agit, notamment :
- d’organiser la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs accueillis au sein d’une entité réalisant de la recherche et qui ne sont ni des salariés ni des agents publics,
- de simplifier la procédure applicable aux utilisations confinées de risque nul ou négligeable d’organismes génétiquement modifiés,
- de redéfinir les modalités selon lesquelles les avis et recommandations relatifs aux biotechnologies sont élaborés,
- de clarifier les notions de cours et d’établissements d’enseignement supérieur privés, de renforcer les contrôles dont ils font l’objet et de redéfinir les modalités de leur habilitation à recevoir des boursiers.
Le projet prévoit également la dissolution de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, établissement public créé en 2014 qui n’a pas fait la preuve de son utilité, et la création auprès de chaque centre hospitalo-universitaire d’un comité territorial de la recherche en santé. Il ouvre enfin, en l’encadrant, la possibilité pour le pouvoir réglementaire de conférer une portée rétroactive à des mesures de modification du classement à l’entrée dans les corps des chargés de recherche et des maîtres de conférence régis respectivement par les dispositions du livre IV du code de la recherche et du titre V du livre IX du code de l’éducation.
Ces dispositions n’appellent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel ni d’autres remarques de la part du Conseil d’Etat.
Cet avis a été délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du 9 juillet 2020.