Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
1. Le Gouvernement a saisi le 20 décembre 2024 le Conseil d’État d’un projet de loi d’urgence pour Mayotte. Il entend, par ce projet de loi, permettre, dans les plus brefs délais, la mise en œuvre de l’ensemble des mesures urgentes d’hébergement de la population ainsi que de reconstruction ou de réparation qu’appelle l’état de dévastation de ce département après le passage, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2024, de l’ouragan tropical Chido. Le nombre des victimes ainsi que l’ampleur des dégâts causés par cet événement climatique d’une violence exceptionnelle ont justifié que soit décrété un deuil national le 23 décembre.
2. Le projet de loi comprend vingt-deux articles regroupés en sept chapitres. Il autorise, tout d’abord, le Gouvernement à adopter, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, une ordonnance confiant, dans le dernier état du projet de loi, à un établissement public existant la mission de coordonner la reconstruction de Mayotte et il organise un dispositif de financement par l’État de la reconstruction des écoles publiques communales. Il ouvre, ensuite, la possibilité, pour conduire les travaux de reconstruction, par voie d’ordonnances ou par des dispositions directement inscrites dans le projet de loi, de déroger à diverses législations, en particulier, en matière de règles de construction, d’urbanisme et d’expropriation pour cause d’utilité publique, ou de les adapter. Enfin, il prévoit des adaptations et des dérogations temporaires en matière de commande publique, des mesures destinées à faciliter les dons à destination de Mayotte ainsi qu’un important train de mesures, fiscales et sociales, destiné à soutenir les entreprises et l’emploi à Mayotte.
3. A titre liminaire, le Conseil d’État retient que l’intérêt général qui s’attache à prendre, dans les meilleurs délais, les mesures indispensables pour répondre aux besoins d’hébergement d’urgence des habitants de Mayotte, de reconstruction et de réparation des bâtiments détruits ou endommagés, en particulier de ceux dévolus à des missions de service public, ainsi qu’au rétablissement des infrastructures essentielles pour garantir la continuité des services, tant publics que privés, qui doivent être assurés au bénéfice des habitants de ce département, justifie non seulement qu’une organisation et un soutien spécifiques soient rapidement mis en place mais aussi qu’il soit dérogé, en urgence, aux règles en la matière, dans la mesure nécessaire pour faciliter et accélérer la réalisation des travaux nécessaires pour remédier aux dégâts.
4. Le Conseil d’État constate que l’étude d’impact, produite le 22 décembre 2024, quoique brève en ce qui concerne les mesures dérogatoires destinées à faciliter les travaux et à accélérer leur mise en œuvre, est suffisante pour appréhender les finalités poursuivies par ces mesures et en apprécier la pertinence, dans un contexte où le bilan des dégâts n’est pas encore connu et où l’analyse des mesures à mettre en œuvre pour y remédier est particulièrement difficile.
5. En raison de la gravité de la situation à Mayotte, qui pourrait, le cas échéant, justifier la prise de mesures par voie réglementaire au titre des circonstances exceptionnelles, et de l’urgence à adopter le projet de loi en vue de sa transmission au Parlement, le Conseil d’État estime que le Gouvernement a pu regarder comme impossible la consultation du conseil départemental de Mayotte dans les conditions prévues par l’article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et, en conséquence, ne pas y procéder.
6. Eu égard à l’urgence qui s’attache à l’adoption des mesures prévues par le projet de loi, le Conseil d’État, constatant qu’un nouveau Gouvernement n’a pas été nommé à la date à laquelle il adopte son avis, estime qu’un Gouvernement chargé des affaires courantes est compétent pour soumettre à la délibération du conseil des ministres ce projet de loi, le déposer sur le bureau de l’une des assemblées et, le cas échéant, en soutenir la discussion devant les assemblées parlementaires.
7. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre diverses améliorations de rédaction qu’il suggère, le projet de loi appelle de la part du Conseil d’État les observations suivantes.
Habilitation permettant la coordination de la reconstruction par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte
8. Le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à confier, par ordonnance, à l’établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM), créé en application de l’article L. 321-36-1 du code de l’urbanisme, la mission de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte et de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à cette reconstruction.
9. Le Conseil d’État précise la rédaction de l’article d’habilitation, qui, dans la version initiale du projet de loi, laissait ouverte la possibilité de créer un nouvel établissement public ou de recourir à l’EPFAM, pour coordonner la reconstruction. Le choix de confier cette mission à l’EPFAM évite de juxtaposer deux établissements publics aux missions très proches, alors que cet établissement, créé en 2017, est constitué et dispose d’une quarantaine d’agents. Ainsi rédigé, l’article d’habilitation répond aux exigences de précision fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (en dernier lieu, décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, § 16-20).
10. Le Conseil d’État constate, en premier lieu, que les missions de l’EPFAM sont déterminées, à l’article L. 321-36-1 du code l’urbanisme par référence à celles de Grand Paris Aménagement, qui figurent aux articles L. 321-29 et suivants du même code. Il estime qu’une disposition législative est nécessaire pour les compléter, de manière à donner la possibilité à cet établissement de coordonner l’action des différents maîtres d’ouvrage et de se substituer à ceux qui seraient défaillants.
Le Conseil d’État rappelle, en second lieu, que si l’article 34 de la Constitution réserve au législateur la compétence pour fixer les règles relatives à « la création de catégories d’établissements publics », ce qui implique d’en définir les règles constitutives, il appartient au pouvoir réglementaire de créer un établissement public relevant d’une catégorie existante, sauf s’il est prévu de s’écarter des règles constitutives des établissements publics relevant de la même catégorie (Avis du 23 avril 2019 sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, n° 397683). Il résulte d’une jurisprudence constante qu’au nombre des règles constitutives figurent la détermination et le rôle des organes de direction et d’administration, les conditions de leur élection ou de leur désignation et la détermination des catégories de personnes qui y sont représentées et celle des catégories de ressources dont peut bénéficier l’établissement (CC, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993).
Le Gouvernement entend modifier la gouvernance de l’EPFAM afin d’associer, selon l’étude d’impact, « dans son organisation et son fonctionnement l’État, les collectivités territoriales mahoraises, l’ensemble des opérateurs publics et privés, les acteurs économiques du territoire ». Or, les dispositions législatives régissant la composition des conseils d’administration de l’EPFAM et de Grand Paris Aménagement, qui participent d’une même catégorie d’établissement public au sens de l’article 34 de la Constitution (Avis sur le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer, 16 avril 2015, n° 389808, § 7), prévoient qu’ils sont composés de représentants de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale. Dès lors, l’habilitation législative permet également de modifier cette règle constitutive, qui relève du domaine de la loi, afin d’associer des acteurs économiques à la gouvernance de l’établissement. En revanche, dès lors que le Gouvernement n’entend pas déroger, en matière de financement, aux dispositions régissant cette catégorie d’établissement, qui sont déjà particulièrement larges, le Conseil d’État propose de ne pas retenir cette mention dans l’article d’habilitation.
Financement par l’État de la reconstruction des écoles publiques
11. Le projet de loi prévoit que l’État ou un de ses établissements publics peut, jusqu’au 31 décembre 2027, assurer la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des écoles publiques des communes que le ministre chargé de l’éducation nationale désignera au regard des dégâts causés aux écoles par le cyclone Chido. Les dépenses en résultant, normalement à la charge de la commune en vertu de l’article L. 212-4 du code de l’éducation, seront ainsi à la charge de l’État ou de l’établissement public.
12. Il résulte des informations données par le Gouvernement que la situation du parc immobilier scolaire était déjà extrêmement tendue avant les évènements météorologiques, ne permettant pas l’accueil dans des conditions satisfaisantes de la population d’âge scolaire. Le Conseil d’État note qu’en dépit de la mise à disposition de crédits par l’État, les communes, confrontées à des difficultés de tous ordres et disposant de capacités techniques limitées, n’ont pas été en mesure de consommer la totalité des dotations et de conduire l’ensemble des travaux nécessaires pour faire face à la hausse rapide des besoins. Bien qu’à la date du présent avis, il soit impossible d’apprécier l’état des dégradations subies par les écoles, il est vraisemblable, au vu des informations disponibles, qu’environ la moitié des capacités est détruite ou inutilisable.
13. Dans ces conditions, le Conseil d’État est conduit à considérer d’une part que la continuité du service public de l’éducation, qui met en œuvre le droit constitutionnel à l’instruction, n’est plus assurée, et d’autre part, que les communes de Mayotte sont dans l’incapacité, dans les circonstances actuelles, d’y remédier avec les moyens dont elles disposent. Il estime dès lors, que la nécessité de l’intervention de l’État, au nom de la solidarité nationale, est établie. Cette intervention doit cependant concilier les exigences du rétablissement de la continuité du service public de l’éducation avec celles de la libre administration des collectivités territoriales et du droit de propriété des communes.
14. Dans la mesure où le projet de loi n’opère pas un transfert de compétence, mais prévoit seulement une intervention temporaire de l’État, le Conseil d’État estime que les restrictions ainsi apportées à l’exercice du droit de propriété n’apparaissent pas disproportionnées. Au titre du respect du principe de libre administration, il propose de prévoir que la commune est consultée, avant l’inscription d’une école sur l’arrêté prévu, de manière à ce que la collectivité puisse faire valoir son appréciation sur l’opportunité et les caractéristiques de l’opération envisagée. De la même manière, le projet permettant non seulement la remise en état mais aussi la réalisation de capacités nouvelles, il suggère de préciser que la commune est consultée sur l’implantation et la capacité des écoles construites ou reconstruites, notamment de manière à faire valoir son appréciation sur les conséquences pour elle des choix faits quant à son budget ou ses moyens. Le maire pourra valablement exprimer le point de vue de la commune aussi longtemps que le conseil municipal et, le cas échéant, le conseil d’école, ne pourra être facilement réuni en raison des circonstances. Au bénéfice de ces modifications, le Conseil d’État estime, que dans ces conditions, et eu égard aux circonstances rappelées au point 12, à la situation particulière des écoles à Mayotte, aux impératifs, rappelés au point 3, qui s’attachent au rétablissement de la continuité des services publics et au principe d’égal accès à l’instruction et au droit à l’instruction garantis par le 13ème alinéa du Préambule de 1946 et par l’article 2 du protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquels, depuis la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire, s’inscrivent dans une tradition républicaine jamais démentie, les dispositions prévues ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel, notamment au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
15. En revanche, le Conseil d’État n’estime pas utile de prévoir que les personnels communaux précédemment chargés de la mission seront mis à la disposition de l’État ou de l’établissement public. Outre que ce concours, au regard des moyens des communes n’apparait pas déterminant, il sera possible, là où il sera utile, même sans base législative, tandis qu’il est vraisemblable que les communes auront besoin de ces agents pour les autres travaux qui leur incombent.
Exempter de formalités d’urbanisme les constructions dédiées à l’hébergement implantées pour moins de deux ans
16. Le projet de loi vise à prendre par voie législative des dispositions permettant d’étendre à l’édification temporaire de structures à usage d’hébergement d’urgence des habitants de Mayotte pour une durée de deux ans, la dispense de toute formalité d’urbanisme prévue par les dispositions du b de l’article L. 421-5 du code de l’urbanisme. Bien que ces dispositions renvoient à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des travaux ainsi dispensés d’autorisation d’urbanisme, le Conseil d’État estime qu’une disposition législative peut être retenue dès lors que les besoins de relogement dans des constructions temporaires, qui sont exceptionnels et appellent une réponse immédiate, ne relèvent d’aucune des catégories prévues par l’article R. 421-5 du même code pris pour l’application de ces dispositions et justifient un régime dérogatoire exceptionnel. Le Conseil d’État prend acte de ce que le délai de deux ans prévu pour l’application de ce régime inclut les opérations de montage, d’aménagement et de démontage de ces structures d’urgence qui, compte tenu de leur nombre, doivent s’effectuer dans des délais suffisants.
Habilitation à déroger à certaines règles de construction à Mayotte
17. Le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à adapter, par voie d’ordonnance, aux caractéristiques et contraintes particulières du territoire mahorais, les règles applicables aux constructions édifiées à Mayotte postérieurement au 14 décembre 2024.
Le Conseil d’État estime que le délai de cette habilitation est adapté à l’urgence s’attachant à ces mesures et de nature à permettre de les définir avec la précision adéquate. Il prend acte de ce que les règles de sécurité sont, opportunément, exclues du champ de cette habilitation.
Tout en comprenant qu’à ce stade et si peu de temps après la première constatation des dégâts, il subsiste encore de nombreuses incertitudes quant aux mesures les plus efficaces à prévoir, le Conseil d’État ne peut que constater que l’habilitation sollicitée est particulièrement large puisqu’elle ne mentionne aucune législation particulière, alors qu’elles sont nombreuses à s’appliquer en matière de construction et que l’objectif d’accélération poursuivi ne suffit pas, à lui seul, à justifier de modifier les règles applicables à toutes les constructions à Mayotte, sans limitation de durée.
Afin d’éviter que les dispositions d’habilitation soient incohérentes avec les dérogations en matière de règles d’urbanisme prévues, par ailleurs, dans le projet de loi, le Conseil d’État estime que les adaptations concernées par l’habilitation ne peuvent concerner les règles d’urbanisme faisant l’objet de telles dérogations. Il précise que l’habilitation doit s’entendre comme autorisant le Gouvernement à modifier les adaptations aux règles de construction déjà en vigueur à Mayotte, ou à prévoir de nouvelles adaptations à ces règles lorsque ces dernières seraient de nature à ralentir la reconstruction ou à la rendre excessivement complexe. Le Conseil d’État estime que, compte tenu de l’encadrement ainsi apporté en accord avec le Gouvernement, la précision attendue par la jurisprudence constitutionnelle en matière d’habilitation est respectée.
Adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte
18. Le projet de loi prévoit un ensemble de dispositions dérogatoires au droit de reconstruction à l’identique régi par l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme. Ces dispositions sont reprises de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l'accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d'urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et, à cette occasion, sont étendues aux aménagements et installations. Ni ces dispositions, ni leur extension n’appellent d’observations particulières de la part du Conseil d’État.
19. Le Conseil d’État estime toutefois nécessaire, pour assurer la sécurité juridique de ce régime dérogatoire, d’en préciser la durée. En accord avec le Gouvernement, il propose de modifier le texte pour prévoir que cette durée est fixée à deux ans.
20. Le projet de loi reprend également de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 les dispositions réduisant les délais applicables aux procédures d’instruction des demandes d’urbanisme, des dispositions permettent à l’autorité compétente de dispenser d’enquête publique un projet pour lui substituer une participation du public par voie électronique en application de l’article L. 123-19 du code de l’environnement ainsi que des dispositions permettant d’anticiper les travaux préliminaires préalables à la reconstruction. Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières de la part du Conseil d’État.
Habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en œuvre des procédures spécifiques de prise de possession anticipée
21. Le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie ordonnance diverses dispositions afin d’établir des adaptations ou dérogations aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique, incluant les procédures relatives à l’identification des propriétaires des emprises faisant l’objet de l’expropriation, d’une part, et la possibilité de prévoir une occupation provisoire et réversible d’emprises relevant de propriétés privées nécessaire à la réalisation de travaux, d’autre part. L’objectif fixé à cette habilitation est de faciliter la réalisation des ouvrages publics, des opérations d’aménagement, d’équipement, de démolition, de construction et de relogement, et des travaux réalisés aux fins d’extraction de ressources minières indispensables aux opérations de reconstruction.
Le Conseil d’État relève, tout d’abord, que cette habilitation tend à régler une difficulté rencontrée à Mayotte pour tous les travaux justifiant une déclaration d’utilité publique, en raison du régime de la propriété privée propre à ce département, lequel rend souvent complexe l’identification des propriétaires, notamment lorsqu’ils sont en indivision, ce qui est fréquemment le cas et sur de longues durées. Cette situation constitue à l’évidence un obstacle à l’engagement de travaux importants. Le Conseil d’État estime, ensuite, qu’afin d’assurer la conformité à la Constitution des dispositions dérogatoires que le Gouvernement serait autorisé à prendre, l’habilitation ne peut se limiter à la question de l’identification des propriétaires mais doit également comprendre la question des modalités d’indemnisation de ces derniers, lesquelles devront nécessairement être adaptées. Enfin, le Conseil d’État suggère de mentionner parmi les travaux concernés, ceux d’extraction des matériaux de construction, qui ne relèvent pas du régime minier, et non les travaux miniers, qui ne sont pas pertinents.
Au bénéfice de ces compléments, le Conseil d’État estime que l’exigence constitutionnelle de précision posée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 38 de la Constitution est respectée par ces dispositions.
Adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique
22. Le projet de loi apporte des dérogations et des adaptations temporaires au droit de la commande publique afin d’accélérer et de faciliter les travaux de reconstruction et de réfection des équipements publics et des constructions affectées par les événements des 13 et 14 décembre 2024. Ces adaptations et dérogations sont en large mesure analogues à celles qui avaient été prévues par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 (Avis du 11 juillet 2023 sur le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et au traitement des copropriétés dégradées, n° 407325).
23. Le Conseil d’État considère, en premier lieu, que la procédure de passation avec mise en concurrence mais sans publicité que souhaite créer le Gouvernement pour l’attribution des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 000 000 d’euros hors taxes ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. D’une part, ce montant demeure en effet inférieur au seuil prévu par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative aux marchés de travaux D’autre part, les marchés en question ne sont pas susceptibles de présenter un intérêt transfrontalier. Enfin, les pouvoirs adjudicateurs continueront d’être tenus de respecter les exigences d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics. Le montant retenu n’apparaît pas disproportionné au regard de l’urgence de la situation et de l’ampleur des dégâts constatés à Mayotte.
24. En deuxième lieu, le projet de loi crée la possibilité de négocier sans publicité ni mise en concurrence préalable les marchés de travaux, fournitures et de services répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Le Conseil d’État souligne qu’il existe plusieurs dispositifs juridiques permettant de déroger à certaines règles du code de la commande publique, en cas de circonstances exceptionnelles, sans adoption d’une loi nouvelle. D’une part, le titre premier du livre VII de la deuxième partie du code de la commande publique comporte, depuis 2020, des règles relatives aux circonstances exceptionnelles, dont l’application peut être déclenchée par décret. D’autre part, l’article L. 2122-1 du même code prévoit qu’un marché peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d'État « lorsque en raison notamment de l'existence […] d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d'une telle procédure est […] manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d'intérêt général. » Enfin, l’article R. 2122-1 de ce code permet à un acheteur de se dispenser de publicité et de mise en concurrence préalables en cas d’urgence impérieuse.
Le Conseil d’État estime que ces trois ensembles de dispositions pourraient être utilisés pour répondre aux circonstances exceptionnelles et à l’urgence impérieuse liées aux conséquences des destructions survenues à Mayotte. Il note toutefois que la dérogation envisagée par le Gouvernement est d’une durée de vingt-quatre mois, durée justifiée par l’ampleur des dégâts et par la difficulté à réaliser simultanément tous les travaux nécessaires. Dès lors que l’urgence, au sens du code de la commande publique, est d’interprétation stricte, le Conseil d’État estime, comme il l’avait fait au sujet de la loi consécutive aux violences urbaines de 2023, que les dispositifs juridiques qui existent en matière d’urgence ne permettraient sans doute pas de passer tous les marchés nécessaires à la reconstruction, ce qui justifie l’insertion de dispositions spécifiques dans le projet de loi (Avis du 11 juillet 2023 sur le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et au traitement des copropriétés dégradées, n° 407325).
25. En troisième lieu, le Conseil d’État considère que la possibilité de dérogation au principe d’allotissement et celle de recourir aux marchés globaux ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Facilitation du versement des aides entre collectivités territoriales
26. Le projet de loi permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements, d’une part, d’apporter des financements à l’établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte, d’autre part, de verser des subventions à toute association s’engageant à utiliser ces fonds pour financer la réparation des dommages directement causés à Mayotte par le cyclone Chido.
Le Conseil d’État considère d’abord que la première de ces mesures, directement inspirée de l’article 1er de la loi du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, ne pose pas de difficulté.
Il estime ensuite que si le Gouvernement fait valoir que la seconde mesure a pour but d’assurer la sécurité juridique des dons déjà effectués par des collectivités territoriales en faveur d’associations apportant les premiers secours aux victimes du cyclone, cette disposition ne peut atteindre ce but que si la loi lui confère expressément une portée rétroactive. Il considère que la mise en œuvre d’une telle autorisation législative rétroactive peut être admise, compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache, pour le financement des mesures les plus urgentes d’aide aux victimes. Le Conseil d’État estime que la durée de cette autorisation, ayant pour objet d’apporter une aide immédiate, doit être limitée à une période brève, qui pourrait être de trois mois, soit jusqu’au 14 mars 2025. Il suggère de modifier le texte du projet de loi en y apportant ces précisions.
Il rappelle enfin que la conclusion d’une convention avec l’association bénéficiaire de l’aide est imposée, sauf disposition législative spécifique contraire, par l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dès lors que la subvention est d’un montant supérieur au seuil de 23 000 euros fixé par le décret du 6 juin 2001 (cf CE section du 13 mai 2024 Association SOS Méditerranée France et Ville de Paris, n° 472155).
Défiscalisation des dons à destination de la reconstruction de Mayotte
27. Le projet de loi prévoit de porter à 75 % le taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers, entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, en faveur des associations qui viennent en aide à la population de Mayotte en fournissant des repas, des soins, une aide au logement et en participant à la reconstruction des locaux d’habitation devenus inhabitables. Ces versements sont retenus dans la limite de 1 000 euros par an, au titre des années 2024 et 2025. Ils peuvent se cumuler avec la réduction d’impôt au même taux prévue par le 1. ter de l’article 200 du code général des impôts en faveur des associations qui fournissent une aide en matière de repas, de soins et de logement aux personnes en difficulté.
Le Conseil d’État estime qu’une telle majoration, à caractère au demeurant temporaire, qui repose sur un évident motif d’intérêt général, n’est pas contraire au principe d’égalité devant l’impôt.
Le Conseil d’État relève également que le caractère partiellement rétroactif de cette mesure ne soulève pas de difficulté, dès lors qu’elle est favorable aux contribuables. Il estime possible que le projet de loi fasse débuter la période ouvrant droit à la majoration de la réduction d’impôt à la date du 14 décembre 2024, alors que le communiqué de presse du Premier ministre annonçant cette mesure fiscale incitative n’a été publié que le 17 décembre. Cette adaptation du calendrier, très limitée, se justifie en effet, au regard du caractère à la fois complexe pour les associations et peu compréhensible pour les donateurs d’une exclusion du bénéfice du taux de 75 % pour les dons qui ont réalisés dès les 14, 15 ou 16 décembre.
Suspension du recouvrement fiscal forcé
28. Le projet de loi tend à suspendre pendant un peu plus de trois mois tous les délais applicables aux mesures de recouvrement des créances des personnes physiques et morales domiciliées ou établies à Mayotte qui relèvent de la compétence des comptables publics de la direction générale des finances publiques.
Le Conseil d’État constate que cette mesure est identique, dans son principe, à celle mise en œuvre pendant la crise sanitaire par l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période et n’appelle pas d’observation par elle-même.
Il relève toutefois que le texte proposé renvoie à un décret la possibilité de proroger la suspension, prévue du 14 décembre 2024 au 31 mars 2025, et ce jusqu’au 31 décembre 2025, pour tout ou partie des redevables, ce qui doit s’entendre comme concernant aussi tout ou partie des créances de ceux-ci. Il suggère, pour éviter toute incompétence négative du législateur, d’encadrer cette délégation par la mention de la prise en considération de la situation économique et financière des redevables et, pour les entreprises, de leur appartenance à une même catégorie en fonction de la taille ou de l’activité.
Suspension du recouvrement des cotisations sociales
29. Le projet de loi vise à suspendre, en premier lieu, les obligations de payer les cotisations et contributions sociales dues par les employeurs ainsi que par les travailleurs indépendants non-agricoles et les travailleurs indépendants agricoles et maritimes de Mayotte à la date du 14 décembre 2024 et ultérieurement, jusqu’au 31 mars 2025. Il donne au pouvoir réglementaire la faculté de déplacer cette échéance jusqu’au 31 décembre 2025, pour tout ou partie des redevables, ce qui doit également s’entendre comme concernant tout ou partie des créances sur ceux-ci. Il autorise, en second lieu, ces mêmes redevables à demander la suspension des poursuites à leur encontre, celle-ci étant alors accordée de plein droit.
30. Le Conseil d’État note que ces mesures s’inspirent de celles adoptées par le législateur à l’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 à la suite des dommages causés par l’ouragan Irma dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sans en reprendre, en raison du caractère urgent du présent projet de loi, toutes les dispositions. Il considère que si elles ne se heurtent, dans leur principe, à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel, il convient cependant, afin de respecter les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de préciser les critères en fonction desquels des catégories de redevables peuvent bénéficier d’un rallongement des suspensions envisagées, afin que la détermination de ces catégories repose sur des situations et des différences objectives.
Enfin, constatant que le projet de loi prévoit que la demande de sursis à poursuites entraîne de plein droit la suspension de celles-ci, le Conseil d’État estime plus simple qu’un tel sursis s’applique aux redevables concernés sans qu’ils aient à en faire la demande et suggère de modifier le projet de loi en ce sens.
Intervention CSPTI à Mayotte
31. Le projet de loi vise à rendre les travailleurs indépendants non agricoles de Mayotte éligibles au bénéfice des prestations d’action sociale définies par le Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants. A cette fin, il modifie l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, pour rendre l’article L.612-1 du code de la sécurité sociale applicable à Mayotte. A ces dispositions pérennes, il ajoute une disposition transitoire pour que, jusqu’au 31 décembre 2025, et par dérogation, des aides puissent être accordées sans demande préalable et être versées par un autre organisme que la caisse de sécurité sociale de Mayotte.
Il résulte de ces dispositions que les travailleurs concernés bénéficieront de ces aides, au titre de la solidarité nationale, car ils ne contribuent pas encore, actuellement, au régime de protection sociale. Le Conseil d'État estime nécessaire de clarifier dans le projet de loi ce qui relève de dispositions pérennes et ce qui relève d’un mécanisme transitoire de versement des aides dans les circonstances exceptionnelles que connaît ce département. Il considère que les dispositions envisagées ainsi modifiées ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Prolongation des droits pour les demandeurs d’emploi et bénéficiaires de l’ASS et de l’ATI
32. Le projet de loi entend permettre aux demandeurs d’emploi résidant à Mayotte et bénéficiaires d’allocations d’assurance chômage, dont les droits expirent à compter du 15 décembre 2024, de voir leurs droits prorogés jusqu’au 31 mars 2025. Il s’inspire très largement de mesures similaires édictées par l’ordonnance n° 2020 324 du 25 mars 2020 et ses dispositions d’application durant l’épidémie de covid 19.
Le Conseil d’État note, en premier lieu, que ces dispositions, comme celles de l’ordonnance du 25 mars 2020, présentent un effet partiellement rétroactif dès lors qu’elles bénéficient aux demandeurs d’emploi dont les droits ont expiré depuis le 15 décembre 2024. Il relève cependant, d’une part que cette rétroactivité est favorable pour la plupart des demandeurs d’emploi, d’autre part que le nombre très restreint de ceux qui pourraient, en cas d’expiration de leurs droits entre le 15 décembre 2024 et la date de promulgation de la loi, justifier de droits au renouvellement de leur allocation pour un montant majoré ne voient leurs droits à cette majoration suspendus que pour une période limitée dans le temps.
Le Conseil d’État estime, dès lors, que cette rétroactivité, limitée dans sa portée, d’un dispositif qui répond au motif d’intérêt général s’attachant au maintien du revenu de remplacement des demandeurs d’emploi résidant à Mayotte dont l’accès au marché de l’emploi se trouve pour l’heure gravement perturbé, ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
En deuxième lieu, le Conseil d’État prévoit, en accord avec le Gouvernement, la possibilité de proroger par décret ce dispositif au-delà du 31 mars 2025 et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2025, par cohérence avec les modalités des dispositifs de même nature institués par le projet de loi.
Le Conseil d’État propose, en troisième lieu, en accord avec le Gouvernement d’avancer au 1er décembre 2024 la date à partir de laquelle les droits à prorogation seront examinés, afin de tenir compte de la difficulté pour France travail de distinguer parmi ses allocataires selon la date d’expiration de leurs droits au cours du mois de décembre. Il observe, au demeurant, que cette difficulté avait conduit à remplacer la date du 12 mars 2020 prévue initialement dans le dispositif similaire mis en place par l’ordonnance du 25 mars 2020 par celle du 1er mars 2020.
Le Conseil d’État considère que les dispositions envisagées, ainsi modifiées, ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Enfin, eu égard à l’urgence qui s’attache à la mise en œuvre du dispositif, le Conseil d’État estime qu’il est possible d’admettre, à titre exceptionnel, que soient intégrées dans cet article du projet de loi des mesures relevant du pouvoir réglementaire
Prolongation des droits à prestations versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte
33. Le projet de loi prévoit d’assurer une continuité du versement par la caisse de sécurité sociale de Mayotte des droits sociaux, des prestations de sécurité sociale, ainsi que des remboursements et prises en charge des frais de santé, même en l’absence de transmission par le demandeur de tout ou partie des pièces justificatives requises pour en bénéficier.
A cette fin, il permet le maintien du versement des droits venant à expiration à compter du 14 décembre 2024, pour une période courant jusqu’au 31 mars 2025, sans qu’il soit besoin pour l’allocataire de fournir une demande de renouvellement ou de produire les pièces nécessaires. Il autorise l’ouverture de droits nouveaux au titre de cette période, en dispensant le demandeur de transmettre les documents qui ne pourraient être retrouvés, produits ou communiqués en raison de la situation causée par le cyclone. Enfin, il permet l’ouverture de droits aux personnes dont une demande était en cours d’instruction à la date du 14 décembre 2024.
34. En accord avec le Gouvernement, le Conseil d’État propose de prévoir que l’échéance du 31 mars 2025 puisse être prorogée par décret, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2025, en fonction de l’évolution de la situation sociale ou des conditions matérielles locales. Cette prolongation du dispositif pourra concerner tout ou partie du champ des droits sociaux versés par la caisse de sécurité sociale de Mayotte.
Le Conseil d’État note que la caisse de sécurité sociale de Mayotte gère l’ensemble des régimes sociaux des résidents mahorais, qui tous sont ainsi susceptibles de bénéficier de ces mesures dérogatoires. Il observe, par ailleurs, que ce dispositif, qui s’inspire des mesures prises en faveur des personnes en situation de handicap pendant la crise du Covid-19, est sans précédent par son ampleur. Le Conseil d’État ne relève cependant, aucun obstacle de nature constitutionnelle ou conventionnelle à la mise en place de cette mesure, eu égard à l’intérêt général qu’il poursuit dans les circonstances actuelles.
Augmentation des niveaux de prise en charge de l’activité partielle
35. Le projet de loi permet, par dérogation à l’article L. 5122-1 du code du travail, de majorer par décret les taux horaires de l’allocation que l’employeur reçoit de l’État et de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage et d’améliorer l’indemnité versée aux salariés, en cas de recours à l’activité partielle, pour les seuls établissements situés à Mayotte. L’objectif est de supprimer le reste à charge de l’employeur et d’améliorer le taux de prise en charge des salariés. Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’indemnisation formées au titre du placement en activité partielle de salariés à compter du 14 décembre 2024 jusqu’au 31 mars 2025. Le Conseil d’État, en accord avec le Gouvernement, propose de permettre de proroger par décret ce dispositif au-delà du 31 mars 2025 et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2025, par cohérence avec les modalités de prorogation des dispositifs similaires institués par le projet de loi. Ces dispositions, qui s’inspirent largement de celles mises en œuvre pour accompagner les entreprises pendant la crise sanitaire à partir de mars 2020, visent à soutenir à la fois l’activité économique et le pouvoir d’achat des salariés. Elles ne présentent pas de difficulté et n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’État.
36. Le Conseil d’État estime, par ailleurs, que ce dispositif, dans la mesure où il bénéficie, de manière sélective, aux seuls établissements situés sur le territoire mahorais, institue une aide d’État au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Toutefois, dès lors que celui-ci est justifié par la nécessité de remédier à des dommages, affectant l’activité économique, directement liés à la survenance d’un cyclone d’une ampleur exceptionnelle et qu’il s’inscrit dans l’objectif de compenser les pertes de revenus des entreprises liées à l’interruption de leur activité, le Conseil d’État est d’avis qu’il peut trouver son fondement dans l’article 50 du Règlement (UE) n° 651/2014, exemptant de l’obligation de notification à la Commission européenne les régimes d’aides destinés à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles.
Le Conseil d’État considère, dès lors, que les dispositions envisagées ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Cet avis a été délibéré et adopté par la commission permanente du Conseil d’État dans sa séance du 22 décembre 2024.