Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi pour le plein emploi.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 15 mai 2023 d’un projet de loi pour le plein emploi.
Ce projet est organisé en cinq titres et comporte onze articles :
- le titre Ier comporte des dispositions visant à étendre l’inscription en tant que demandeur d’emploi à l’ensemble des personnes qui demandent le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA), à définir des procédures et critères d’orientation communs d’accompagnement social et professionnel, à prévoir l’établissement d’un « contrat d’engagement » dont le contenu est adapté aux besoins de chaque personne et à modifier les modalités de suivi de ces engagements, de contrôle et de sanction ;
- le titre II porte sur la création du réseau dénommé « France Travail », rassemblant les principaux acteurs des politiques de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’insertion, sur la définition de ses missions, de son organisation et des obligations des personnes morales qui le constituent, sur la transformation de Pôle emploi en « opérateur France Travail », ainsi que sur l’adaptation des compétences de l’État en matière de formation professionnelle. Il contient diverses autres dispositions relatives à l’insertion et à la formation professionnelle ;
- le titre III contient des dispositions visant à favoriser l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, relatives notamment à l’extension du champ des bénéficiaires du régime de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, à la modification des modalités d’orientation des personnes par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, au régime des entreprises adaptées et aux droits des travailleurs handicapés accueillis en établissements et services d’aide par le travail ;
- le titre IV, consacré à la gouvernance de la politique du jeune enfant, prévoit la définition d’une stratégie nationale en la matière, désigne les communes comme autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant et crée au niveau local des schémas pluriannuels de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ;
- le titre V habilite le Gouvernement à procéder aux adaptations des mesures des titres précédents dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint‑Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2. Le Conseil d’État a été saisi du projet de loi le 15 mai 2023 en vue d’une inscription à l’ordre du jour du conseil des ministres du 7 juin, l’étude d’impact ne lui étant transmise que le 25 mai. Il estime que, du fait de ces délais particulièrement courts, pour un projet de loi de cette importance et des conditions dans lesquelles ses travaux ont été conduits, il n’a pas été en mesure de remplir de façon satisfaisante la mission qui lui incombe d’apporter au Gouvernement l’éclairage nécessaire sur la portée du projet de loi et de garantir la qualité du texte soumis au Parlement.
3. Le Conseil d’État constate que le projet de loi a été soumis à l’avis préalable de l’ensemble des instances dont la consultation est obligatoire.
Le Conseil d’État s’est interrogé sur l’application éventuelle de la procédure définie à l’article L. 1 du code du travail concernant, notamment, les dispositions des titres I et II du projet de loi. Il rappelle qu’en vertu de l’article L. 1, tout projet de réforme du Gouvernement portant, en particulier, sur l’emploi et la formation professionnelle et relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle doit être précédé d’une concertation avec les partenaires sociaux, sur la base d’un document d’orientation, en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation.
Le Conseil d’État relève cependant que les dispositions des titres I et II du projet, soit ont pour objet même l’organisation du service public en matière d’accompagnement et de formation des personnes en recherche d’emploi ou qui, sans s’inscrire dans une démarche de recherche d’emploi, rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle et sociale, soit concourent à cette organisation. Il constate en outre que, conformément à l’un des objectifs du projet de réforme qui est de définir des modalités plus intégrées d’intervention de l’ensemble des collectivités publiques compétentes en la matière, le projet de loi régit de manière indissociable des dispositifs relevant des politiques de l’emploi conduites par l’État ou ses opérateurs et, s’agissant du revenu de solidarité active, de la compétence des départements. Le Conseil d’État estime, dès lors, qu’eu égard à leur portée d’ensemble et à la diversité des politiques publiques concernées, les dispositions de ces deux titres ne relèvent pas du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle au sens de l’article L. 1 du code du travail. Il constate que les autres dispositions du projet de loi ne requéraient pas davantage, eu égard à leur objet ou à leur portée, la mise en œuvre de la procédure définie à cet article.
4. L’étude d’impact répond de manière satisfaisante aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Inscription sur la liste des demandeurs d’emploi et orientation de ces derniers
5. Le projet de loi prévoit d’abord, aux termes du nouvel article L. 5411-1 du code du travail, l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail des personnes en recherche d’emploi qui demandent leur inscription sur cette liste, mais aussi de celles qui demandent le RSA ainsi que de leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, alors même qu’elles ne seraient pas engagées dans une recherche d’emploi, et enfin de celles qui sollicitent un accompagnement par les missions locales ou par les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Le Conseil d’État relève que l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi devient la porte d’entrée unique dans le parcours d’accompagnement vers l’accès ou le retour à l’emploi de l’ensemble des personnes susceptibles d’occuper un emploi, à court, moyen ou long terme. Y seront ainsi inscrits ceux des bénéficiaires du RSA qui, en raison des difficultés sociales très aigües qu’ils rencontrent, ne peuvent entrer dans ce type de parcours, ainsi que les personnes invalides insusceptibles, au moment de leur inscription, d'exercer une profession. Le projet de loi transforme ainsi la nature de la liste des demandeurs d’emploi, qui devient un outil de suivi de l’accompagnement de l’ensemble des personnes sans emploi, et non plus seulement de celles qui recherchent un emploi.
6. Le projet de loi précise ensuite que l’ensemble des personnes mentionnées à l’article L. 5411-1 du code du travail sont orientées, à la suite de leur inscription sur la liste mentionnée au point précédent, vers un organisme référent en vue de leur accompagnement vers l’accès ou le retour à l’emploi, ou, dès lors que des difficultés tenant notamment à leur absence de logement, à leurs conditions de logement ou à leur état de santé font temporairement obstacle à leur engagement dans une démarche de recherche d’emploi, en vue de bénéficier au préalable d’un accompagnement à vocation d’insertion sociale.
La décision d’orientation est prise par le président du conseil départemental pour les bénéficiaires du RSA, par les missions locales pour les jeunes qui les sollicitent et qui ne sont pas bénéficiaires du RSA et par l’opérateur France Travail pour les autres personnes mentionnées à l’article L. 5411-1 du code du travail. Le Conseil d’État s’attache, sur ce point, à clarifier dans le projet de loi la compétence exclusive d’orientation des bénéficiaires du RSA confiée au président du conseil départemental, qui peut toutefois la déléguer par convention à l’opérateur France Travail.
7. Le projet de loi prévoit également que la décision d’orientation est prise en fonction de critères fixés par arrêté ministériel, pris après avis du comité national France Travail.
Le Conseil d’État estime nécessaire de modifier les dispositions du projet de loi qui permettaient d’adapter localement ces critères par arrêté conjoint du préfet de département et du président du conseil départemental. Il rappelle que l’article 21 de la Constitution permet de confier à une « autorité de l’État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu. » (Conseil constitutionnel, décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, cons. 11). Il suggère par conséquent de limiter cette intervention conjointe du préfet et du président du conseil départemental à de seules précisions apportées à ces critères, lorsque des circonstances locales le justifient.
Contrat d’engagement
8. Le projet de loi vise à unifier les différents contrats que les personnes mentionnées à l’article L. 5411-1 nouveau du code du travail sont susceptibles de conclure avant l’entrée en vigueur du projet de loi et leur substitue un « contrat d’engagement ».
Il prévoit, en premier lieu, les règles applicables à l’ensemble des contrats d’engagement, quelle que soit la situation du demandeur d’emploi. Le contrat définit les engagements de l’organisme référent (notamment la mise en œuvre d’actions en matière d’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi et la désignation d’un référent unique en son sein) et ceux du demandeur d’emploi. Le projet de loi prévoit également que le contrat d’engagement est élaboré en fonction des besoins du demandeur d’emploi et tient compte, notamment, de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences, de sa situation personnelle ainsi que de la situation locale du marché du travail.
S’agissant du contenu du contrat d’engagement, le Conseil d’État s’attache à clarifier la rédaction des dispositions relatives aux engagements tant de l’organisme référent que du demandeur d’emploi, en identifiant notamment le plan d’action comme une composante à part entière de ce contrat.
Il rappelle, à ce titre, que les carences de France Travail dans l’exercice de ses missions d’accompagnement personnalisé seront susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité (CE, 28 décembre 2018, n° 411846). S’agissant des engagements du demandeur d’emploi figurant au sein du contrat d’engagement, le Conseil d’état rappelle que ces derniers circonscrivent les motifs pour lesquels une sanction pourra lui être infligée (CE, 15 décembre 2015, n° 377138).
En ce qui concerne l’obligation d’assiduité et de participation aux actions prévues par le plan d’action, le Conseil d’État rappelle que le législateur dispose d’une large marge de manœuvre pour assurer le droit d’obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de 1946. Le Conseil constitutionnel s’assure que, ce faisant, il ne porte pas une atteinte manifestement excessive à une liberté constitutionnellement garantie au regard de l’objectif poursuivi du maintien dans l’emploi (décision n° 2011-455 DC, 12 janvier 2012, cons. 46) et veille, en outre, à ce que les dispositions législatives poursuivent un objectif d’intérêt général et prévoient des garanties en cas de sanction, au regard notamment du droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence, garanti par le onzième alinéa du même Préambule (décision n° 2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 17 à 21). Le Conseil d’État estime donc que les dispositions concernées ne se heurtent à aucun obstacle juridique.
9. Le projet de loi prévoit ensuite les obligations particulières applicables aux demandeurs d’emploi dont le projet professionnel est suffisamment établi et qui recherchent une activité salariée. Dans ce cas, le contrat d’engagement doit définir les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi que le demandeur d’emploi est tenu d’accepter et préciser les actes positifs et répétés de recherche d’emploi que le demandeur d’emploi est tenu de réaliser.
Le Conseil d’État constate que ces dispositions, déjà applicables aux personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi dans son périmètre actuel, n’emportent aucun changement majeur de leurs obligations. Il opère des modifications visant à préciser que, lorsque le demandeur d’emploi rencontre des difficultés sociales telles que son contrat d’engagement ne comporte que des objectifs d’insertion professionnelle, et aucune obligation de recherche d’emploi, la définition des éléments de l’offre raisonnable d’emploi fait l’objet d’une actualisation du contrat d’engagement dès que le projet professionnel du demandeur d’emploi est suffisamment établi. Le Conseil d’État propose, en outre, d’apporter à ces dispositions des modifications d’ordre rédactionnel et de mise en cohérence.
10. Le projet de loi modifie, par voie de conséquence de l’instauration du contrat d’engagement, les dispositions relatives au contrôle des engagements des demandeurs d’emploi. Il prévoit que ce contrôle est exercé par l’opérateur France Travail, sauf pour les bénéficiaires du RSA, pour lesquels il est exercé par le président du conseil départemental, qui peut déléguer cette compétence à l’opérateur France Travail pour les bénéficiaires dont ce dernier est l’organisme référent. Le contrôle des engagements des jeunes accompagnés par les missions locales est toutefois exercé par ces dernières.
Le Conseil d’État propose les modifications nécessaires pour mettre en cohérence les dispositions relatives à l’information du président du conseil départemental par l’opérateur France Travail en cas de radiation d’un bénéficiaire du RSA de la liste des demandeurs d’emploi. Il estime que, contrairement à ce que prévoit le projet de loi dont il a été saisi, cette information ne peut être limitée aux cas où l’opérateur France Travail est l’organisme référent du bénéficiaire du RSA faisant l’objet de la mesure de radiation. Si aucune disposition ne prévoit actuellement qu’une telle mesure puisse être prise lorsque Pôle emploi n’est pas l’organisme référent du bénéficiaire, l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles, qui n’est pas modifié sur ce point par le projet de loi, dispose que Pôle emploi informe mensuellement le président du conseil départemental des radiations des bénéficiaires du RSA. Le Conseil d’État suggère donc de prévoir une information du président du conseil départemental dans tous les cas de radiation d’un bénéficiaire du RSA.
Droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active
11. A titre liminaire, le Conseil d’État observe que le choix du Gouvernement de créer un contrat d’engagement commun à l’ensemble des personnes inscrites sur la liste de demandeurs d’emploi, régi par le code du travail, conduit soit à opérer, au sein du code de l’action sociale et des familles, des renvois aux dispositions du code du travail, soit à y reproduire des dispositions du code du travail. Si la reproduction intégrale a le mérite de faciliter la lisibilité des dispositions applicables aux bénéficiaires du RSA, le Conseil d’État appelle à la vigilance quant à la coordination de ces dispositions, notamment en cas de modification des unes ou des autres, afin d’éviter tout écart qui pourrait être lu comme établissant un régime particulier propre aux bénéficiaires du RSA.
12. Le projet de loi vise à instaurer un nouveau régime de sanction en cas de manquement du bénéficiaire du RSA à ses obligations d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement ou de respecter les engagements pris dans ce cadre.
D’une part, il prévoit le maintien de l’ancienne sanction de suspension du versement du RSA, qui prend le nom de « suppression » du versement du RSA et qui conduit, dans les cas de manquements les plus graves du bénéficiaire (persévérance dans le refus d’élaborer un contrat, réitération du non-respect des termes du contrat, refus de se soumettre aux contrôles) à supprimer, en tout ou partie et pour une certaine durée, le versement du RSA. Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières.
D’autre part, il crée une nouvelle sanction dite de « suspension » du versement du RSA, qui consiste, lorsque le bénéficiaire refuse d’élaborer ou d’actualiser un contrat, ou ne respecte pas tout ou partie des obligations de son contrat, à retenir tout ou partie du versement du RSA et à ne reprendre ce versement, en restituant alors les sommes temporairement retenues, que lorsque le manquement a cessé. Tout en ayant une finalité punitive, puisque l’interruption de tout ou partie du paiement, même rattrapée au terme de la sanction, prive au moins temporairement le bénéficiaire de revenus, cette nouvelle sanction a aussi pour but de susciter immédiatement une réaction du bénéficiaire.
13. Dans le cas particulier où le bénéficiaire du RSA a pour organisme référent l’opérateur France Travail, le projet de loi dont le Conseil d’État a été initialement saisi prévoyait que, lorsque cet opérateur estimait, au vu du comportement du bénéficiaire, qu’il était justifié de prendre à son encontre une telle sanction, il pouvait proposer cette sanction au président du conseil départemental et que celle-ci prenait effet à défaut de réponse de ce dernier dans un certain délai.
Le Conseil d’État rappelle que le Conseil constitutionnel juge que les décisions prononçant une sanction ayant le caractère d'une punition doivent être motivées (décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, cons. 40). Il n’est donc pas possible de prévoir que le silence gardé par une autorité ayant le pouvoir de sanction peut faire naître une telle décision.
Dans le dernier état du texte soumis au Conseil d’État, il est toutefois prévu que, lorsque l’opérateur France Travail propose au président du conseil départemental le prononcé d’une décision de suspension pour un bénéficiaire du RSA dont il est l’organisme référent, le président du conseil départemental dispose d’un certain délai, fixé par décret en Conseil d’État, pour faire savoir à l’opérateur qu’il entend statuer lui-même sur les manquements reprochés au bénéficiaire du RSA. Le texte prévoit qu’en l’absence d’une telle décision, le silence du président du conseil départemental confère à l’opérateur France Travail la compétence pour prononcer la mesure de suspension.
A la différence de la faculté, prévue par ailleurs par le projet de loi, d’une délégation permanente de la compétence de sanction par le président du conseil départemental à l’opérateur France Travail, ce dispositif singulier soulève plusieurs questions juridiques délicates.
En premier lieu, le Conseil d’État relève que le fait qu’une compétence dont le président du conseil départemental dispose de plein droit ne puisse s’exercer qu’à la condition qu’il en manifeste expressément l’intention dans un délai qui lui est imposé peut, dans son principe, porter atteinte au caractère effectif de l’exercice de cette compétence et méconnaître, par suite, le principe de libre administration des collectivités territoriales.
En l’espèce, toutefois, il estime que, compte tenu de la limitation de cette procédure aux seules sanctions de suspension, dont les particularités répondent à une finalité spécifique, et au vu de l’objectif assigné à l’opérateur France Travail d’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires du RSA dont il assure lui-même le suivi, la contrainte procédurale que le projet de loi fait peser sur le président du conseil départemental ne constitue pas une entrave à la libre administration de cette collectivité territoriale. Il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller à ce qu’un délai suffisant soit laissé au président du conseil départemental pour se prononcer.
En second lieu, le Conseil d’État s’est interrogé sur la constitutionnalité, au regard du principe d’égalité, de ce dispositif qui permet que le pouvoir de sanction, à l’égard d’un bénéficiaire du RSA, puisse être exercé, pour les mêmes faits, par deux autorités différentes. Il note toutefois que l’intention du Gouvernement n’est pas de permettre à l’opérateur France Travail d’arbitrer le quantum de la sanction : le président du conseil départemental prend sa décision d’exercer ou non sa compétence au vu d’une proposition précise qui est la seule que l’opérateur France Travail sera ensuite susceptible de prononcer. L’autorité départementale détermine donc seule, fût-ce indirectement, la sévérité de la sanction prononcée. Pour marquer clairement ce point, le Conseil d’État propose de préciser dans le projet de loi que l’opérateur France Travail, dans le cas où il se voit chargé, expressément ou tacitement, de prendre lui-même la sanction, n’a pas d’autre alternative que de la prononcer, au niveau qu’il a proposé.
Le Conseil d’État estime que si ce dispositif introduit une différence de traitement entre bénéficiaires du RSA selon qu’ils ont, ou non, pour organisme référent l’opérateur France Travail, celle-ci peut être regardée, compte tenu de la différence entre ces deux situations, comme ne méconnaissant pas le principe d’égalité.
Enfin eu égard à la complexité du dispositif envisagé, le Conseil d’État recommande, dans un souci de bonne administration des politiques publiques, que sa mise en œuvre fasse l’objet d’une évaluation après une première période de mise en œuvre.
Réseau France Travail
14. Le projet de loi vise à créer un « réseau France Travail », chargé de mettre en œuvre les missions d’accueil, d’orientation, d’accompagnement, de formation, d’insertion, de placement des personnes à la recherche d’un emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles et, s’il y a lieu, de versement de revenus, d’allocations ou d’aides aux demandeurs d’emploi.
Le texte prévoit, d’abord, que ce réseau est composé de deux cercles de personnes morales.
Il est constitué, à titre obligatoire, de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs groupements, de l’opérateur France Travail et des opérateurs spécialisés du réseau que sont les missions locales et les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (dits « Cap emploi »).
Le projet de loi ajoute que peuvent en outre participer au réseau France Travail les organismes dont l’objet est l’insertion, la formation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, les structures de l’insertion par l’activité économique, les entreprises de travail temporaire, les organismes compétents en matière d’insertion sociale intervenant au titre du RSA et les organismes débiteurs des prestations familiales.
15. Le Conseil d’État observe que les missions dévolues au réseau France Travail, telles que définies dans un nouveau chapitre Ier bis du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, recoupent en grande partie celles assignées au service public de l’emploi par les dispositions du chapitre Ier du même titre. Il propose d’articuler explicitement ces deux ensembles, le réseau France Travail ayant vocation à s’inscrire dans le cadre du service public de l’emploi pour les missions qui en relèvent, et appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’actualiser, par ailleurs, les dispositions du chapitre Ier s’agissant, en particulier, des organismes composant le service public de l’emploi.
Le Conseil d’État constate que les termes « France Travail » renvoient à deux entités distinctes : le réseau, d’une part, et l’opérateur, d’autre part. Il prend acte de ce choix terminologique mais relève qu’il ne contribue ni à la clarté et à l’intelligibilité du droit, ni à son appropriation par les intéressés.
Le Conseil d’État estime également nécessaire de circonscrire le périmètre des « groupements de communes » appelés à appartenir de plein droit au réseau et à être soumis à ce titre à un certain nombre d’obligations, en le recentrant sur les groupements dont la spécialité le justifie au regard des missions du réseau.
16. Le projet de loi précise, ensuite, les exigences attendues des personnes morales constituant le réseau France Travail. Il pose un principe général de coordination et de complémentarité dans l’exercice des compétences, décliné en un certain nombre d’actions, en particulier : l’application de critères communs d’inscription et d’orientation des personnes ; la mise en œuvre d’un socle de services ainsi que des méthodologies et référentiels communs définis par le comité national France Travail en matière d’orientation et d’accompagnement des personnes et de diagnostic de leur situation ; le partage des données nécessaires au suivi des parcours individuels et à l’alimentation d’indicateurs de suivi, de pilotage et d’évaluation ; l’obligation d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information avec les services numériques communs développés par l’opérateur France Travail.
Le projet de loi prévoit également l’élaboration par le comité national France Travail d’une « charte d’engagements », que doivent notamment signer les organismes regroupant au niveau national les personnes morales constituant le réseau, et dont la signature par les collectivités territoriales subordonne la possibilité pour les élus qui représentent ces collectivités d’exercer les fonctions de coprésident des comités territoriaux France Travail.
Le Conseil d’État veille, en premier lieu, à clarifier l’objet et la portée de chacune des actions attendues des membres du réseau France Travail. Il précise que ces actions communes ne sont exigées des personnes morales constituant le réseau que dans la mesure de leurs attributions respectives et que, s’agissant de l’obligation d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information, elle ne saurait contraindre les collectivités concernées, en particulier les plus petites d’entre elles, que dans la mesure où cette interopérabilité s’avère nécessaire à l’atteinte des objectifs assignés au réseau.
En ce qui concerne la « charte d’engagements », il note qu’il ressort des indications données par le Gouvernement, d’une part, qu’elle n’a pas vocation, à la différence d’autres actes élaborés par le comité national France Travail, à être directement opposable aux personnes morales non signataires, ou qui ne peuvent être regardées comme engagées par la signature de l’organisme qui les regroupe au niveau national et, d’autre part, qu’elle a en réalité pour objet de contenir des engagements allant au-delà de la simple mise en œuvre du socle d’obligations résultant de la loi ou des autres actes d’application du comité national France Travail. Cette charte visera ainsi à renforcer la coordination et la complémentarité des actions. Le Conseil d’État suggère de modifier la rédaction en ce sens afin d’en circonscrire l’objet et la portée, de préciser l’articulation de la charte avec les autres obligations des membres du réseau France Travail et d’identifier plus clairement les personnes morales susceptibles d’en être signataires.
17. Le Conseil d’État relève, en second lieu, que ces dispositions ont pour conséquence de soumettre les personnes morales constituant le réseau, au nombre desquelles figurent les collectivités territoriales, au premier chef les régions et les départements, à un certain nombre d’obligations dans l’exercice de leurs compétences propres en matière de formation professionnelle et d’insertion. Si certaines de ces obligations sont directement prévues par les dispositions législatives envisagées, d’autres résulteront de la mise en œuvre d’actes élaborés par le comité national France Travail, notamment ses méthodologies et référentiels.
Le Conseil d’État estime que ces obligations répondent à des fins d’intérêt général, tenant à l’amélioration des parcours d’insertion sociale et professionnelle des personnes concernées, et contribuent à prévenir des ruptures caractérisées d’égalité dans la mise en œuvre des politiques publiques concernées (par analogie, voir Conseil constitutionnel, décision n° 96‑387 DC du 21 janvier 1997, cons. 9 à 16). Les sujétions résultant des actes élaborés par le comité auront, compte tenu de la finalité précise qui leur assignée, une portée limitée à la déclinaison, dans les pratiques professionnelles des acteurs concernés, des dispositions législatives et réglementaires applicables.
Compte tenu, en outre, de l’association des collectivités territoriales concernées au sein du comité national France Travail (voir ci-dessous) et des précisions apportées à ses attributions, le Conseil d’État estime que le projet de loi ne méconnaît ni l’étendue de la compétence conférée au législateur au titre des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales par les dispositions de l’article 34 de la Constitution, ni le principe de libre administration garanti par les dispositions de l’article 72 de la Constitution.
Sur le comité national France travail
18. Le projet de loi prévoit la création d’un comité national France Travail, présidé par le ministre chargé de l’emploi et chargé principalement de définir les orientations stratégiques du réseau, d’élaborer les différents actes décrits précédemment, d’établir les indicateurs nécessaires au pilotage, au suivi et à l’évaluation des actions du réseau, et d’en mesurer les résultats. Il peut, en outre, faire procéder à des audits auprès des opérateurs du réseau et des délégataires des collectivités territoriales. Le comité rend également un avis sur le projet d’arrêté définissant les critères d’orientation des demandeurs d’emploi, ainsi que sur le projet de convention tripartite entre l’État, l’Unédic et l’opérateur France Travail. Aux termes du projet de loi, le comité est présidé par le ministre chargé de l’emploi et comprend « notamment » des représentants nationaux des personnes morales faisant partie de droit du réseau, des personnes morales participant au réseau, des partenaires sociaux et de l’Unédic.
19. Le Conseil d’État relève, en premier lieu, que certains des actes du comité national France Travail, en particulier ses méthodologies et guides, ont vocation à produire des effets juridiques, sans préjudice de la possibilité pour ce comité d’adopter, en outre, des actes de droit souple pour la mise en œuvre de ses missions.
Ainsi qu’il a été dit au point 7, l’article 21 de la Constitution permet au législateur de confier à une autorité de l’État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi, dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu. En l’espèce, le Conseil d’État estime que, compte tenu de la vocation des actes du comité national, telle qu’analysée au point 18, le projet ne méconnaît pas ces exigences.
20. Le Conseil d’État estime, en second lieu, qu’au regard du rôle que le comité national France Travail est appelé à exercer dans la coordination de politiques publiques correspondant en partie à des compétences propres des collectivités territoriales, ainsi que de la nature des actes qu’il est conduit à adopter, sa composition met en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, au sens des dispositions de l’article 34 de la Constitution. Il appartient, par suite, au législateur, de fixer les principes régissant cette composition (voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001, cons. 7).
Le Conseil d’État propose, dès lors, de modifier le projet de loi afin que les catégories de membres composant le comité national France Travail soient définies de manière exhaustive. Il précise, en outre, que seuls les représentants de l’État, des collectivités et des partenaires sociaux auront voix délibérative dans les matières appelant l’adoption par le comité d’un avis ou d’une décision, que l’instance se réunisse en formation plénière ou en commission. Enfin, pour garantir la précision suffisante de la norme, le Conseil d’État suggère l’approbation par le ministre des actes à portée normative pris par le comité, préalablement à leur publication. Au bénéfice de ces modifications et précisions, le Conseil d’Etat estime que le dispositif envisagé est conforme aux exigences constitutionnelles en cause.
Sur les compétences de l’État et de l’opérateur France Travail en matière de formation professionnelle
21. Le projet de loi propose de modifier, par ailleurs, les dispositions de l’article L. 6122-1 du code du travail, qui définissent les compétences de l’État en matière d’organisation et de financement d’actions de formation professionnelle en direction notamment des personnes en recherche d’emploi. D’une part, il entend élargir aux formations à distance, tous publics confondus, le champ des formations que l’État peut mettre en œuvre de sa propre initiative en application des dispositions du I de cet article, dont le périmètre est, en l’état du droit, limité aux formations émergentes ou faiblement développées. D’autre part, il vise à étendre la vocation du programme national mentionné au II du même article, que l’État peut mettre en œuvre dans le cadre d’un conventionnement avec les régions ou de son propre mouvement à défaut de signature de la convention par l’une de ces collectivités, en supprimant la condition tenant à la faiblesse ou à l’absence de qualification des bénéficiaires de ces formations.
Le Conseil d’État relève que ces dispositions ont pour effet d’élargir significativement le champ d’action de l’État, dans une optique de complémentarité avec le bloc de compétences dévolu aux régions dans le domaine de la formation professionnelle des jeunes et des adultes en recherche d’emploi. Sous réserve d’améliorations rédactionnelles, elles n’appellent pas d’observation particulière au plan juridique.
22. Le projet de loi propose également de modifier les dispositions de l’article L. 6326-1 du code du travail relatives aux actions de préparation opérationnelle à l’embauche individuelle financées par l’opérateur France Travail.
La mention de la nature et de la durée des contrats sur lesquels ces actions sont susceptibles de déboucher, qui figure dans la rédaction actuelle de cet article et que le projet entend renvoyer au décret, ne relève effectivement pas, eu égard à la nature de ce dispositif d’aide, du domaine législatif. Le Conseil d’État estime que la mesure ne se heurte, par suite, à aucun obstacle juridique.
L’inclusion des travailleurs handicapés employés en entreprise adaptée, de même que la possibilité d’associer les opérateurs de compétences ou d’autres organismes désignés par l’opérateur France Travail à l’instruction des dossiers n’appellent pas d’observation particulière de la part du Conseil d’État, en dehors de précisions rédactionnelles.
Sur les mesures relatives à l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap
23 Le projet de loi décline plusieurs engagements issus de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, destinés à favoriser l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. A ce titre, il adapte ou amplifie une série de dispositifs déjà existants dans le but de renforcer leur efficacité.
24. Le texte généralise notamment deux expérimentations relatives aux entreprises adaptées prévues par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La première permet à ces entreprises de conclure avec des personnes handicapées sans emploi ou à risque de perdre leur emploi des contrats à durée déterminée particuliers (dits « CDD Tremplin ») destinés à préparer leur transition ou leur retour vers les entreprises ordinaires, et pour lesquels elles leur procurent un accompagnement renforcé.
La seconde inscrit dans le code du travail l’existence « d’entreprises adaptées de travail temporaire » concluant avec des personnes handicapées des contrats leur permettant d’effectuer des missions d'intérim chez différents employeurs, tout en restant salariées de l'entreprise adaptée.
Dans les deux cas, le projet de loi permet à ces contrats de travail spécifiques de déroger à l’encadrement habituel du code du travail s’agissant notamment de la durée du contrat et de la durée hebdomadaire de travail, afin de permettre aux salariés de consacrer le temps nécessaire à la formation et la préparation de leur transition professionnelle. Il renvoie au pouvoir règlementaire le soin de préciser les adaptations propres au CDD dit « Tremplin ». Le Conseil d’Etat estime que le principe d’un renvoi au niveau règlementaire de ces adaptations est possible, mais suggère de modifier le projet de loi afin d’encadrer davantage le pouvoir d’adaptation du décret. A ce titre, il admet que la durée maximale des CDD Tremplins, renouvellements compris, puisse atteindre soixante mois, le Gouvernement soulignant que certaines personnes handicapées peuvent requérir, même en vue d’une insertion dans le milieu ordinaire de travail, un accompagnement de longue durée.
25. Le projet de loi soumis à l’examen du Conseil d’État comportait par ailleurs des dispositions relatives aux traitements de données à caractère personnel accessibles aux employeurs, mis en œuvre par certains opérateurs du service public de l’emploi, en particulier les sites d’offres d’emploi. Elles avaient pour objet, d’une part, d’offrir aux demandeurs d’emploi la faculté de faire état, à leur initiative ou avec leur consentement exprès, de leur handicap ou de leur qualité de bénéficiaire de l’obligation d’emploi des personnes handicapées prévue à l’article L. 5212-13 du code du travail et, d’autre part, de permettre aux employeurs de mentionner, dans leurs offres d’emploi, leur engagement en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Ces informations pouvaient être utilisées par exemple sous forme de filtres pour trier des offres ou des candidatures.
Le Conseil d’État note qu’un tel dispositif technique concourt au respect de l’obligation d’emploi des personnes handicapées prévue aux articles L. 5212-1à L. 5212-17 du code du travail, dans la mesure où il facilite la rencontre entre demandeurs d’emploi en situation de handicap et employeurs particulièrement mobilisés pour les recruter. Par ailleurs, il considère qu’il ne soulève pas de difficulté juridique compte tenu, d’une part, de ce que la libre faculté pour la personne handicapée de faire connaître sa situation n’induit pas, par elle-même, de violation de l’article L. 1132-1 du même code qui prohibe les discriminations à l’embauche fondées sur la perte d’autonomie ou le handicap et de ce que, d’autre part, la faculté pour l’employeur de signaler son souhait de favoriser l’embauche de personnes handicapées ne constitue pas, ainsi qu’en dispose l’article L. 1133-4 de ce code, une discrimination.
26. Le Conseil d’État estime toutefois que ces dispositions ne peuvent être maintenues dans le projet de loi dès lors qu’elles n'entrent pas dans l'une des matières réservées à la loi par l'article 34 de la Constitution. En effet, comme il l’a rappelé dans son avis n° 401741 du 20 décembre 2020 relatif à un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, la création d’un traitement ne nécessite pas en principe l’intervention du législateur sauf dans le cas où le traitement ne peut être mis en œuvre sans modification d’une disposition législative qui y fait obstacle, ou s’il conduit à fixer des règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, entrant ainsi dans le champ des matières que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi.
En l’espèce, le dispositif envisagé ne déroge à aucune disposition législative en vigueur. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il est sans incidence, par lui-même, sur les matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution.
Le Conseil d’État attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que de tels traitements appellent une vigilance particulière pour garantir qu’ils ne conduisent pas, à rebours de leur finalité, à des recrutements qui violeraient la prohibition des discriminations rappelée par l’article L. 1132-1 du code du travail. La mise en place de tout dispositif de ce type devrait donc s’accompagner d’un processus de suivi et d’évaluation permettant de s’assurer que l’information sur le handicap n’y figurera qu’à l’initiative ou avec le consentement éclairé des personnes et qu’il ne donnera lieu à aucun mésusage par les employeurs.
Sur les mesures relatives au droit du travail en milieu protégé
27. Le projet de loi modifie les modalités dites d’« orientation » des personnes handicapées vers le milieu de travail. En premier lieu, il supprime les dispositions qui prévoient que l’octroi d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé s’accompagne d’une orientation par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) vers le milieu de travail dit « ordinaire », traduisant, de manière symbolique, le fait que le travail en milieu ordinaire est désormais traité comme la modalité de droit commun pour les personnes en situation de handicap.
En revanche, il maintient une décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) avant toute orientation en milieu de travail dit « protégé » (établissement et service d’aide par le travail (ESAT) ou établissement et service de réadaptation professionnelle). Toutefois, alors que dans le cadre législatif actuel, cette orientation est décidée, en application de l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles, sur la base d’une évaluation globale des besoins de la personne par une équipe pluridisciplinaire attachée à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), le projet de loi prévoit qu’une convention, signée localement entre la MDPH et les opérateurs de l’insertion dans l’emploi (Pôle emploi et Cap emploi), doit prévoir les cas dans lesquels l’orientation vers le milieu protégé sera prononcée, toujours par la CDAPH, mais sur la base de propositions qui lui seront directement adressées par ces opérateurs.
Le Conseil d’Etat note que cette inflexion, si elle doit permettre aux personnes handicapées concernées de bénéficier d’une élaboration plus directe de leur projet professionnel avec les acteurs de la politique de l’emploi, revient en revanche en partie sur le choix, fait à l’époque par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de confier à une équipe pluridisciplinaire de la MDPH le soin de procéder à une évaluation globale des besoins de la personne handicapée, avec l’appui, le cas échéant, des opérateurs du service public de l’emploi.
28. Le projet de loi étend enfin aux personnes handicapées accueillies en ESAT un ensemble de droits attachés par le code du travail à la qualité de salarié. Le Conseil d’État rappelle, à ce titre, que ces personnes se trouvent dans une situation sui generis. Dotées de la qualité d’usagers d’établissement social et médico-social, elles se sont vu reconnaître la qualité de travailleur au sens de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 par la Cour de justice de l’Union européenne pour l’interprétation de certains de leurs droits à la lumière du droit de l’Union (arrêt C-316/13 Fenoll du 25 mars 2015), sans toutefois que, en l’absence d’effet direct horizontal des directives, ces mêmes personnes puissent, faute d’être titulaires d’un contrat de travail, se prévaloir des dispositions de droit interne qui subordonnent leur applicabilité à l’existence d’un tel contrat (Cass. Soc., 16 décembre 2015, n° 11-22.376, publié au Bulletin 2016, n°841).
Pour autant, des dispositions législatives et règlementaires successives leur ont fait application de plusieurs droits (droits à congés, à la formation, santé au travail, à des instances spécifiques de représentation) tendant à rapprocher leur situation de celle des salariés. Le projet de loi comporte différentes mesures prolongeant ce mouvement.. Il vise ainsi à appliquer aux personnes handicapées accueillies en ESAT plusieurs dispositions du code du travail relatives au droit d’expression directe et collective, au droit d’alerte et de retrait, au remboursement de frais de transport et au bénéfice d’avantages divers (complémentaire santé souscrite par l’employeur, titres-restaurant, chèques vacances).
Le choix effectué par le Gouvernement de procéder à de tels renvois, plutôt que d’inscrire des dispositions spécifiques au code de l’action sociale et des familles est mû par le souhait de garantir une évolution parallèle des droits des personnes handicapées accueillies en ESAT si le code du travail devait évoluer. Le Conseil d’Etat relève toutefois qu’une partie de ces renvois visent des dispositifs qui ne peuvent s’appliquer adéquatement en ESAT, faute d’institutions représentatives des personnes handicapées similaires à celles existant pour les salariés. Pour permettre la mise en œuvre effective de certains droits, il propose de procéder à des ajustements du texte et d’inscrire dans la loi la disposition établissant l’instance, aujourd’hui prévue par les dispositions réglementaires de l’article R. 344-7-1 du code de l’action sociale et des familles, qui permet la participation des travailleurs handicapés à la détermination de leurs conditions de travail.
Le projet de loi vise ensuite à reconnaître expressément aux travailleurs handicapés des ESAT le droit de grève dans le cadre de leurs activités à caractère professionnel, ainsi que la liberté d’adhérer au syndicat de leur choix. Le Conseil d’Etat considère que les personnes handicapées accueillies en ESAT, même si elles ne sont pas, ainsi qu’il a été dit, des salariés, doivent néanmoins être regardées comme étant déjà, dans le cadre de leur activité professionnelle, détentrices de ces droits à valeur constitutionnelle, issus des 6ème et 7ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Il estime toutefois que l’inscription de ces dispositions dans le code de l’action sociale et des familles est, malgré sa portée recognitive, de nature à clarifier les droits de ces personnes.
Il estime, par ailleurs, que le choix du Gouvernement de limiter l’application aux personnes handicapées accueillies en ESAT des seules dispositions qui s’attachent à la liberté d’adhésion à un syndicat professionnel et à la participation à la vie de la section syndicale, sans leur ouvrir la faculté d’être détentrices d’un mandat de délégué syndical ou de représentant de la section syndicale, ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Sur les mesures relatives à la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant
29. Le projet de loi propose d’instituer une nouvelle gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant. L’objectif du Gouvernement est de mettre en place une organisation favorable à une augmentation significative du nombre de places d’accueil pour les moins de trois ans et à une amélioration de la qualité de l’offre.
A cet effet, le texte fait des communes les « autorités organisatrices » de l’accueil du jeune enfant. A ce titre, elles seraient dotées de quatre compétences dont le caractère obligatoire dépend de leur taille. Ces compétences consisteraient à : recenser les besoins des familles en matière d’accueil des enfants de moins de trois ans ainsi que l’offre existante de places de crèches et d’assistantes maternelles (1) ; informer et accompagner les familles (2) ; planifier le développement des modes d’accueil (crèches, assistantes maternelles et services de garde à domicile) (3) ; soutenir la qualité de l’accueil (4). Si les deux premières compétences seraient obligatoirement exercées par l’ensemble des communes, la planification et le soutien à la qualité de l’accueil ne s’imposeraient qu’aux communes de plus de 3 500 habitants. Par ailleurs, les communes de plus de 10 000 habitants seraient tenues de créer un « relais petite enfance » pour assurer l’information et l’accompagnement des familles ainsi que le soutien à la qualité de l’accueil.
30. Le Conseil d’État observe que le législateur peut prévoir des conditions différentes d’exercice des compétences de collectivités de la même catégorie, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe d’égalité, lorsque des différences de situation justifient l’application de règles différentes. En l’espèce, le choix de ne pas rendre obligatoire, pour les communes de moins de 3 500 habitants, l’exercice de certaines compétences attachées à la qualité d’autorité organisatrice peut se justifier par le fait qu’au regard du faible nombre d’enfants de moins de trois ans qui y résident, l’engagement dans une démarche de planification formalisée serait excessif. En revanche, l’exercice obligatoire de la compétence de recensement des besoins des familles de leur territoire et de l’offre disponible doit permettre à ces petites communes de s’engager dans des partenariats avec des communes proches.
31. Par ailleurs, le projet de loi vise à permettre aux communes de transférer au niveau intercommunal leur compétence d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant. Par dérogation aux règles de droit commun en matière d’intercommunalité, le transfert de cette compétence ne pourrait s’effectuer qu’en « bloc », c’est-à-dire sur l’ensemble des deux ou, si la commune a plus de 3 500 habitants, des quatre compétences d’autorité organisatrice.
Le Conseil d’État estime que le caractère indivisible de la compétence transférable ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, dès lors que la commune demeure libre de la transférer ou non, et que cette unicité répond à l’objectif d’intérêt général de garantir la cohérence de l’exercice de ses missions par l’autorité organisatrice et d’en assurer la lisibilité pour les usagers et les partenaires.
Il souligne, par ailleurs, l’originalité du dispositif qui peut conduire, et conduira sans doute souvent, à une extension de la compétence d’autorité organisatrice du seul fait que, par l’effet du transfert, des seuils du nombre d’habitants seront franchis. Le Gouvernement souhaite que l’établissement de coopération intercommunale exerce les compétences transférées en prenant en compte les mêmes règles de franchissement de seuils que celles qui s’appliquent aux communes mais en les appliquant à la population totale de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Le Conseil d’État observe que ce choix peut conduire, dans certaines situations, à ce qu’un EPCI soit conduit à mettre en place, dans la ou les communes ayant opéré le transfert, l’ensemble des compétences d’autorité organisatrice alors même que, notamment pour les EPCI à fiscalité propre, seul un petit nombre de communes, représentant une fraction très minoritaire de son territoire, auraient transféré leur compétence en la matière. Pour assurer la cohérence opérationnelle du dispositif, il suggère de modifier cette disposition afin que le seuil considéré pour l’exercice de sa compétence par l’EPCI corresponde à la somme des nombres d’habitants des communes ayant fait le choix de lui transférer leur compétence.
32. Le projet de loi précise également l’articulation entre plusieurs démarches de planification conduites à différents échelons territoriaux.
Ainsi, il prévoit que la politique d’accueil du jeune enfant donnerait lieu à l’élaboration d’une stratégie nationale arrêtée par le ministre chargé de la famille. C’est dans cette stratégie que s’inscriront les schémas départementaux des services aux familles, déjà prévus aujourd’hui à l’article L. 241-5 du code de l’action sociale et des familles.
Pour l’exercice de leur compétence en matière de planification du développement de l’offre d’accueil, les nouvelles autorités organisatrices auraient quant à elles à établir, pour les communes ou groupements de plus de 3 500 habitants, un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant, dont le contenu devra être compatible avec celui des schémas départementaux. Celui-ci devrait notamment recenser les modes d'accueil de toute nature existant pour l’accueil des enfants de moins de trois ans, les besoins en ces domaines, y compris en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et prévoir les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement de l’offre ainsi que le calendrier de réalisation et le coût des opérations projetées par la commune.
Sans remettre en cause l’opportunité du choix de gouvernance opéré par le Gouvernement, le Conseil d’État souligne la complexité de l’architecture prévue par le projet de loi, tenant notamment à l’articulation entre ces différents schémas pluriannuels, inhérente à l’option retenue de confier à la commune la qualité d’autorité organisatrice, tout en maintenant les règles de droit commun de l’intercommunalité ainsi que les nouvelles missions confiées au département par l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles.
33. Le texte comporte également une procédure destinée à garantir que la nouvelle compétence d’autorité organisatrice sera réellement exercée.
Ainsi, il prévoit que les comités départementaux des services aux familles, organismes présidés par le préfet et institués à l’article L. 214-5 du code de l’action et des familles par l’ordonnance déjà citée du 19 mai 2021, pourraient saisir les autorités organisatrices de plus de 3 500 habitants qui n’auraient pas exercé ou auraient imparfaitement exercé leur compétence. Les situations envisagées sont celles où une autorité organisatrice n’aurait pas adopté son schéma pluriannuel ou n’aurait pas créé le relais petite enfance auquel son seuil de population l’assujettit, celle où le schéma adopté est incompatible avec le schéma départemental et, enfin, celle où les objectifs fixés par le schéma pluriannuel ne sont pas atteints. A la suite d’une phase contradictoire destinée à permettre d’apporter des réponses aux difficultés, par exemple financières ou d’ingénierie, que pourrait rencontrer une collectivité dans l’exercice de sa compétence d’autorité organisatrice, le préfet de département aurait la possibilité de demander à la caisse d’allocations familiales (ou à la caisse locale de la MSA) de se substituer à la collectivité concernée pour élaborer un projet de schéma pluriannuel ou un projet de relais petite enfance. Le projet de loi prévoit qu’à l’issue de la réalisation par la caisse d’allocations familiales (ou par la caisse de la MSA) du projet de schéma ou de relais petite enfance, la collectivité était tenue d’adopter ces projets, le cas échéant amendés conformément à l’avis du préfet.
Le Conseil d’État considère que cette procédure de saisine de l’autorité organisatrice, ainsi que le principe d’un pouvoir de substitution conféré au préfet de département, ne contreviennent pas au principe de libre administration des collectivités locales. Il relève qu’un tel pouvoir de substitution trouve des précédents s’agissant notamment de l’accueil des gens du voyage ou de la réalisation de logements sociaux. Il souligne que le Conseil constitutionnel juge, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution aux termes duquel : « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois », qu'il appartient au législateur de prévoir l'intervention du représentant de l’État pour remédier, sous le contrôle du juge, aux difficultés résultant de l'absence de décision de la part des autorités décentralisées compétentes en se substituant à ces dernières lorsque cette absence de décision risque de compromettre le fonctionnement des services publics (décision n° 2007-556 DC, cons. 24). En l’espèce, les interventions du préfet sont destinées à garantir le respect de dispositions législatives ayant pour objectif de favoriser l’accès aux familles, sur tout le territoire, à une offre d’accueil, laquelle est majoritairement financée et encadrée par l’État et la branche famille de la sécurité sociale.
La manière dont s’exercerait ce pouvoir de substitution, avec des phases contradictoires et la possibilité d’offrir des délais aux collectivités pour se mettre en conformité, permet un exercice équilibré de cette faculté. Toutefois, la dernière étape de la procédure envisagée, qui suppose un vote prédéterminé d’une instance collégiale, apparaît au Conseil d’État impraticable. Le Conseil d’Etat suggère donc de modifier le projet de loi qui lui est soumis pour prévoir qu’en cas de manquement relatif au schéma pluriannuel (absence ou incompatibilité avec le schéma départemental), le préfet peut rendre opposable le projet de schéma établi par la caisse d’allocations familiales, après avis du comité départemental des services aux familles. Pour les mêmes raisons, s’agissant du cas où l’autorité organisatrice n’a pas créé le relais petite enfance, le Conseil d’Etat propose de prévoir que le projet de relais élaboré par la caisse d’allocations familiales est soumis pour approbation à l’autorité organisatrice.
34. Le texte de loi envisage une compensation des charges d’autorités organisatrices réservée aux compétences de planification (3) et de soutien à la qualité de l’accueil des jeunes enfants (4), ainsi que pour la création par les communes de plus de 10 000 habitants d’un relais petite enfance. Cette rédaction est susceptible de laisser entendre que, pour les communes dont le nombre d’habitants se situe entre 3 500 et 10 000 habitants, aucune ressource ne serait prévue en contrepartie, notamment, de l’exercice obligatoire de la compétence consistant à informer et accompagner les familles (2). Le Gouvernement indiquant que son intention est en réalité de compenser de manière globale l’exercice des compétences d’autorité organisatrice par ces communes, le Conseil d’État propose de rectifier le texte aux fins qu’il exprime exactement cette intention. Ainsi modifié, le texte conduit à ne prévoir qu’une seule distinction, liée à la taille de la commune : absence de compensation pour les communes de moins de 3 500 habitants, compensation pour toutes les compétences nouvelles qui leur incombent pour les communes de plus de 3 500 habitants.
35. Au titre du principe de libre administration des collectivités locales, le Conseil d’État observe que le Conseil Constitutionnel juge que lorsque sont confiées à des collectivités territoriales des compétences obligatoires nouvelles, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales (décision n° 2009-599 DC, 29 décembre 2009, cons. 105). Les simulations effectuées par le Gouvernement permettent d’estimer que le coût associé pour les communes de moins de 3 500 habitants à l’exercice de leurs deux seules compétences obligatoires reste limité et que, par suite, l’absence de compensation financière n’est pas de nature à porter une atteinte à leur libre administration qui en dénaturerait le principe.
36. Il note, en revanche, qu’au regard du principe d’égalité devant la loi, ce critère est susceptible de créer un effet de seuil important entre des communes à la démographie dynamique situées juste en-deçà de la limite de 3 500 habitants, et des communes qui dépasseraient ce seuil. Toutefois, la différence de situation entre les communes de moins de 3 500 habitants et de plus de 3 500 habitants tient à ce que seules ces dernières exercent la plénitude des compétences d’autorité organisatrice. Le Conseil d’Etat estime que dans ces conditions la différence de traitement que prévoit la loi ne porte pas atteinte au principe d’égalité.
37. Par ailleurs, le Conseil d’Etat observe que le projet de loi n’entend prévoir aucune compensation financière lorsque l’extension de compétences résulte du seul transfert à un EPCI provoquant le franchissement d’un seuil de 3 500 ou 10 000 habitants. Cette absence de compensation ne méconnaît pas l’article 72 de la Constitution dès lors que le Conseil Constitutionnel n’impose pas de compenser les compétences dont l'exercice demeure facultatif et qu’un tel transfert de compétences non seulement reste une simple faculté pour la commune, mais peut aussi être refusé par l’EPCI (décision n°2004-509 DC, 13 janvier 2005, cons. 11).
Toutefois, il souligne qu’une telle absence de compensation paraît en contradiction avec les objectifs du Gouvernement, qui sont de favoriser de tels transferts en vue d’atteindre un seuil critique favorable au déploiement des nouveaux dispositifs. Il pourra conduire en effet les petites communes, ne bénéficiant pas de compensation, à être confrontées à des demandes de contribution financière croissantes de la part de leur EPCI en raison des transferts successifs de compétences au sein du groupement, amenant celui-ci à franchir les seuils démographiques mentionnés précédemment et à exercer une compétence étendue par rapport à celle des communes prises isolément, rendant ces dernières réticentes à transférer leur compétence, en raison de conséquences financières difficilement maîtrisables.
Il observe qu’au surplus, sous réserve qu’elle ne soulève pas de difficulté technique excessive, le fait de prévoir une compensation financière en pareil cas pourrait atténuer l’effet de seuil évoqué pour les petites communes dont les coûts d’accompagnement des familles sont importants en leur offrant la possibilité, en faisant le choix de transférer leur compétence, d’offrir à leurs habitants le bénéfice d’un exercice de la compétence étendue tout en percevant un accompagnement financier.
Dispositions n’appelant pas d’observations du Conseil d’État
38. Par ailleurs, le projet de loi :
prévoit que l’ensemble des demandeurs d’emploi renouvellent périodiquement leur inscription sur la liste des demandeurs d’emploi ;
définit les missions des organismes référents, notamment la réalisation, conjointement avec la personne qu’ils doivent accompagner, d’un diagnostic global de sa situation ;
énumère les organismes référents vers lesquels les demandeurs d’emploi peuvent être orientés ;
prévoit les modalités de réorientation du demandeur d’emploi ;
modifie le cadre des échanges de données entre acteurs de l’insertion ;
modifie l’article 43 de la loi de finances pour 2022 afin de tirer les conséquences des nouvelles dispositions relatives au régime de sanction des bénéficiaires du RSA ;
prévoit la mise en place de comités territoriaux France Travail au niveau régional, au niveau départemental et, dans des ressorts géographiques qui seront fixés par le représentant de l’Etat, au niveau local ;
modifie la dénomination de Pôle emploi, qui devient l’opérateur France Travail, et lui assigne de nouvelles missions pour le compte du réseau France Travail ;
met en cohérence ou abroge diverses dispositions relatives à la coordination des collectivités publiques dans le périmètre du nouveau réseau ;
prévoit le conventionnement avec l’Etat d’une nouvelle catégorie d’organismes, chargés du « repérage » et de l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi ou qui ne sont pas en contact avec les acteurs institutionnels de l’insertion ;
permet aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap de bénéficier des droits que le code du travail attache à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, sans avoir à procéder à une demande de reconnaissance de cette qualité auprès de la maison départementale des personnes handicapées ;
élargit le champ des opérateurs pouvant mettre en œuvre le dispositif d’emploi accompagné prévu à l’article L. 5213-2-1 du code du travail ;
ajuste le « parcours renforcé en emploi » qui s’applique aux travailleurs handicapés accueillis en ESAT ;
confère une portée nouvelle au schéma départemental des services aux familles en prévoyant qu’après son adoption, le préfet de département établit à partir de celui-ci un zonage du territoire distinguant les zones dans lesquels l’offre d’accueil est insuffisante, où des aides spécifiques pourront être allouées, de celles où l’offre présente un niveau satisfaisant, pour lesquelles un avis favorable préalable de l’autorité organisatrice sera requis sur les projets d’ouverture ou d’extension des établissements et services privés d’accueil des jeunes enfants ;
habilite le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à adapter par voie d’ordonnance les dispositions du projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint‑Pierre‑et-Miquelon.
Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières de la part du Conseil d’Etat, sous réserve d’améliorations de rédaction qu’il suggère au Gouvernement de reprendre.