Le Conseil d’État rejette la demande de suspension de la vidéosurveillance dont fait l’objet l’un des auteurs présumés des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015.
L’Essentiel :
L’un des auteurs présumés des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015 actuellement en détention provisoire a contesté devant le juge des référés la vidéosurveillance permanente dont il fait l’objet.
Une formation de trois juges des référés du Conseil d’État a estimé que ni la loi autorisant cette vidéosurveillance, ni son application au requérant ne portaient une atteinte excessive à la vie privée de l’intéressé.
En particulier, les juges des référés ont relevé que cette mesure se justifiait par le contexte d’attentats terroristes en France et la présomption que le requérant bénéficie du soutien d’une organisation terroriste internationale.
Ils ont donc rejeté la demande de suspension de la vidéosurveillance.
La décision du Conseil d’État :
L’un des auteurs présumés des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015 qui a été interpellé a été placé en détention provisoire, en attendant son procès, à la prison de Fleury-Mérogis. Le garde des sceaux a décidé, le 17 juin 2016, de le placer sous surveillance continue dans sa cellule, au moyen d’un système de vidéosurveillance, pour une période de trois mois renouvelable.
L’intéressé a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, par la procédure du référé-liberté, de suspendre cette mesure de vidéosurveillance continue. Par une ordonnance du 15 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande. Il a alors fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État. Alors que le juge des référés, qui statue en urgence, est en principe un juge unique, cet appel a été jugé, comme en première instance, par une formation de trois juges des référés, ainsi que le permettent les textes lorsque la nature de l’affaire le justifie.
En juin, cette mesure de vidéosurveillance permanente avait été prise sur le fondement d’un arrêté du garde des sceaux du 9 juin 2016. Cependant, la loi du 21 juillet 2016 qui a prolongé l’état d’urgence après l’attentat de Nice du 14 juillet a repris et complété les dispositions de cet arrêté : c’est maintenant cette loi qui permet légalement la mesure dont l’intéressé fait l’objet. Les juges des référés ont donc estimé que les critiques dirigées contre l’arrêté du 9 juin 2016 et la décision du 17 juin 2016 n’avaient plus de portée devant eux : le juge du référé-liberté se prononce en effet seulement sur la situation qu’on lui soumet le jour où il statue.
Le requérant soutenait que les dispositions autorisant et encadrant la vidéosurveillance continue d’une personne en détention provisoire méconnaissait dans l’absolu le droit au respect de la vie privée, protégé notamment par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Les juges des référés du Conseil d’État ont rappelé qu’une telle vidéosurveillance continue ne peut être mise en place que dans les cas où le suicide ou l’évasion du détenu pourraient avoir une incidence importante sur l’ordre public, compte tenu des circonstances particulières à l’origine de l’incarcération et de leur impact sur l’opinion publique. La loi encadre le dispositif en prévoyant une procédure contradictoire, un réexamen régulier de la mesure assorti d’un contrôle médical et un dispositif protégeant l’intimité de la personne. La loi limite l’usage qui peut être fait des images enregistrées et les personnes habilitées à en disposer. Dans ces conditions, cette loi ne porte d’atteinte disproportionnée à la vie privée.
Le requérant soutenait également que, même si le dispositif législatif était en lui-même conforme à la CEDH, la mesure prise à son égard, dans les circonstances particulières de sa détention, méconnaissait son droit à la vie privée. Examinant ces circonstances particulières, les juges des référés ont relevé que le caractère exceptionnel des faits terroristes pour lesquels le requérant est poursuivi et la poursuite des attentats terroristes en France impliquaient que toutes les précautions soient prises pour éviter son suicide ou son évasion. Ils ont relevé la forte présomption qu’il bénéficie du soutien d’une organisation terroriste internationale disposant de moyens importants. Les juges ont également tenu compte des conditions concrètes de détention, notamment des visites régulières du médecin, de l’absence d’enregistrement sonore et des précautions prises pour protéger son intimité. Ils ont souligné l’obligation qu’a l’administration de réexaminer régulièrement le bien-fondé de la vidéosurveillance. Ils ont donc estimé que la mesure prise en l’espèce ne portait pas une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de sa vie privée.
S’agissant de l’objection du requérant selon laquelle il aurait également été porté atteinte à sa vie privée, dans la presse, au moyen d’observations effectuées par ce système de vidéosurveillance, les juges ont répondu que cela ne remettait pas en cause la légalité du dispositif lui-même.
Les juges des référés du Conseil d’État ont donc rejeté le recours dont ils étaient saisis.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.