Un mois, une juridiction : le tribunal administratif de Rouen

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Entre chiffres clés et grandes affaires, découvrez ce mois-ci le tribunal administratif de Rouen, à l’occasion du déplacement du vice-président du Conseil d’État, Didier-Roland Tabuteau dans la juridiction rouennaise.

Présidé par Jérôme Berthet-Fouqué depuis le 1er mai 2023, le tribunal administratif de Rouen compte 19 magistrats ainsi que 29 agents de greffe et aides à la décision, répartis dans 4 chambres. Il juge les conflits entre les citoyens et les administrations des départements de l’Eure et de la Seine-Maritime.

La juridiction administrative rouennaise est régulièrement saisie d’affaires en lien la vie quotidienne des 2 millions d’habitants de ces territoires : de l’environnement aux libertés et droits fondamentaux en passant par la santé publique, l’éducation, l’économie ou l’urbanisme. En 2023, le tribunal a jugé 5 415 affaires, dont 714 en urgence (référés), dans un délai moyen de 9 mois et 4 jours.

Le tribunal s’est récemment prononcé sur des affaires concernant par exemple l’utilisation de drones lors d’une manifestation, l’exploitation du terminal méthanier flottant au Havre, l’extension du domaine Center Parcs, le licenciement des salariés protégés de la société Vallourec Tubes France, ou encore la restauration de l’abbatiale Saint-Ouen.

Retour sur cinq affaires emblématiques récentes jugées par le tribunal…

LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX - L'utilisation de drones lors d’un festival « Des bâtons dans les routes » suspendue

Saisie par plusieurs associations de défense des libertés, la juge des référés du tribunal administratif a estimé que l'utilisation de drones lors du festival « Des bâtons dans les routes » (Léry, 5 au 8 mai 2023) portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée.

Elle a relevé que la survenue d’un trouble grave à l’ordre public lors de cet événement n’était pas démontrée. En effet, si ce festival était organisé en opposition au projet autoroutier de contournement Est de Rouen, les activités prévues ne comprenaient que des tables rondes, conférences, projections de films, concerts et spectacles. Or l’utilisation de drones doit être strictement nécessaire, adaptée et proportionnée pour assurer le maintien de l’ordre public.

Pour ces raisons, la juge des référés a suspendu l’arrêté pris par le préfet de la Seine-Maritime.

Décision en référé n° 2301786 du 5 mai 2023

ENVIRONNEMENT - Le terminal méthanier flottant du Havre validé

Saisi par deux associations de protection de l’environnement, le tribunal a validé un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 22 décembre 2022, autorisant la construction et l’exploitation d’une canalisation de transport de gaz sur les communes du Havre et de Gonfreville-l’Orcher ainsi qu’un arrêté de la ministre de la transition énergétique du 13 mars 2023 fixant les objectifs de mise en service, d’exploitation et de capacités de traitement de gaz naturel liquéfié du terminal méthanier.

Concernant l’arrêté préfectoral du 22 décembre 2022, le tribunal relève qu’en l’état du dossier, il n’est pas établi que le gaz qui sera transporté par la canalisation proviendra de l’exploitation de gaz de schiste. Il en déduit que l’arrêté n’est pas contraire à l’interdiction d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste instituée par la loi du 13 juillet 2011. Le projet n’est donc pas de nature à porter davantage atteinte à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dès lors qu’il demeure d’ampleur limitée.

S’agissant de l’arrêté ministériel du 13 mars 2023, celui-ci a été pris en application de l’article 29 de la loi du 16 août 2022 qui comprend des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Dans une décision d’août 2022, le Conseil constitutionnel avait jugé que ces dispositions ne méconnaissaient pas l’article 1er de la Charte de l’environnement, sous réserve qu’elles ne s’appliquent que dans le cas d’une menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz. Le tribunal a considéré que le conflit russo-ukrainien a occasionné une crise énergétique sans précédent et a engendré une dépendance forte de la France aux importations depuis la Norvège. Par ailleurs, la France s’est engagée, au titre de la solidarité européenne, à exporter du gaz vers l’Allemagne, la Belgique et la Suisse. Dans ce contexte de tensions, le tribunal a jugé que la menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz était suffisamment démontrée à la date de l’arrêté du 13 mars 2023.

Décision n° 2303382 du 13 juillet 2023

ENVIRONNEMENT - Le projet d’extension du domaine « Center Parcs » annulé

Saisi par une association de protection de l’environnement, le tribunal administratif de Rouen a annulé le projet d’extension et de modernisation du « Center Parcs » Les Bois-Francs, situé à Verneuil-d’Avre-et-d’Iton (Eure).

Le tribunal a relevé que l’extension de cet équipement touristique comprend le défrichement d’environ trente-six hectares d’espaces boisés, dont douze hectares classés, que les modalités d’un reboisement compensatoire ne sont pas définies et que le projet entraînera une augmentation importante de la consommation d’eau potable et de l’émission d’eaux usées. Par ailleurs, le tribunal a considéré que l’impact positif pour l’économie locale n’était pas suffisamment établi. En effet, aucune preuve n’a été apportée quant au nombre d’emplois qui seraient créés (150 directs et 50 indirects) ou quant au surcroît d’impôts locaux généré.

Dès lors, le tribunal a ainsi jugé qu’une simple déclaration de projet n’était pas suffisante pour justifier la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme et qu’une autorisation environnementale était indispensable.

Jugement n° 2001191 du 13 janvier 2022

VIE ÉCONOMIQUE – Des licenciements économiques par la société Vallourec Tubes France jugés conformes au droit

En mai 2024, le tribunal administratif a confirmé la légalité du licenciement économique de 13 salariés protégés de la société Vallourec Tubes France après la fermeture de son site de Déville-lès-Rouen à la suite d’une restructuration. Ces salariés avaient attaqué les décisions de l'inspection du travail et du ministre du travail autorisant leur licenciement.

Le tribunal a relevé que Vallourec Tubes France avait rencontré des difficultés économiques importantes, notamment des pertes d’exploitation récurrentes dans le secteur du pétrole et du gaz depuis 2019, plaçant la société dans une situation financièrement défavorable. Le tribunal a également relevé l'endettement significatif du groupe Vallourec, tout en rappelant que ni l'administration, ni le juge administratif ne sont compétents pour juger des choix stratégiques et de gestion des dirigeants de l’entreprise. Les arguments des salariés, invoquant le transfert de certains moyens de production à l’étranger, ne pouvaient par ailleurs pas être retenus.

Enfin, le tribunal a estimé que l’employeur avait rempli ses obligations de reclassement des salariés, en notant les efforts sérieux de recherche de solutions pour chacun des salariés concernés. Il a relevé la mise en œuvre des mesures de protection prévues par l’accord collectif, qui comprenait un plan de sauvegarde de l’emploi en partenariat avec les organisations syndicales, avec le maintien du salaire antérieur. Pour ces raisons, le tribunal a rejeté les demandes des salariés.

Décisions nos 2203375, 2204360 du 16 mai 2024

PATRIMOINE – Un marché pour la restauration de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen attribué de façon irrégulière

Saisi par une société candidate à l’appel d’offres pour réaliser des travaux de restauration de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, le tribunal a jugé que la procédure d’attribution du marché était irrégulière.

Le juge a relevé que la société désignée, qui n’était pas certifiée pour le montage d’échafaudages fixes de technicité supérieure, avait été invitée par la commune à fournir, après la date limite de dépôt des offres, des documents sur les capacités professionnelles et techniques d’un sous-traitant. Ce complément d’information constituait toutefois une modification substantielle et significative de l’offre initiale de la société.

Décisions nos 2200408 et 2204076 du 3 mai 2024

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