Un mois, une juridiction : le tribunal administratif de Grenoble

Événement
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Le 18 novembre 2024, le vice-président du Conseil d’État, Didier-Roland Tabuteau, s’est rendu à Grenoble pour rencontrer les personnels du tribunal administratif. Une occasion de découvrir l’activité de cette juridiction administrative au cœur du quotidien des citoyens et des problématiques liées au territoire.

Présidé par Jean-Paul Wyss depuis le 1er mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble compte 31 magistrats et 43 agents de greffe et aides à la décision. Il juge les affaires provenant de la Drôme, de l’Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie.

Juge de proximité, le tribunal est saisi d’une grande variété de recours, en lien avec le quotidien des citoyens et les spécificités de son territoire, notamment le développement économique et touristique et le respect des règles environnementales. En 2023, il a rendu des décisions sur 8 318 affaires, dont plus de 1 000 en procédure d’urgence (référés), avec un délai de jugement moyen d’un an.

Le tribunal s’est récemment prononcé sur plusieurs affaires, telles que la déclaration d’utilité publique de la Zone Inspira à Sablons et Salaise-sur-Sanne ou les travaux d’aménagement du domaine skiable d’Aussois. Il a également tranché des recours relatifs à la liberté de manifester, au droit au respect de la vie privée et au principe de neutralité du service public.

 

Retour sur cinq affaires emblématiques jugées par le tribunal administratif de Grenoble

DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE ET ENVIRONNEMENT – Annulation de la déclaration d’utilité publique de la zone Inspira à Sablons et Salaise-sur-Sanne

Saisi par l’association Vivre ici vallée du Rhône environnement, le tribunal a annulé en janvier 2023 la déclaration d’utilité publique de la zone industrialo-portuaire Inspira à Sablons et Salaise-sur-Sanne. Il a reconnu que le projet représentait un réel intérêt mais il a estimé que ses impacts environnementaux, notamment sur les milieux à fort potentiel écologique et la ressource en eau – déjà en déficit compte tenu des prélèvements autorisés – n’étaient pas suffisamment réduits par les mesures d’atténuation prévues. Le tribunal a estimé que ces impacts négatifs l’emportaient sur l’intérêt du projet, justifiant ainsi le retrait de son caractère d’utilité publique. En mai 2021, le tribunal avait déjà annulé l’autorisation environnementale accordée au projet pour un motif similaire.

Décision N°1901064 du 31 janvier 2023

 

DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE ET ENVIRONNEMENT – Travaux d’aménagement du domaine skiable d’Aussois

Saisi par France nature environnement, le tribunal a annulé en mars 2024 les autorisations accordées par le maire d’Aussois pour l’aménagement de pistes de ski et la construction d’un nouveau télésiège dans le secteur de la Fournache. Il a jugé que l’étude d’impact était insuffisante car elle se limitait à la zone d’implantation des infrastructures prévues, sans tenir compte des conséquences du projet sur les zones à proximité qui deviendraient accessibles aux skieurs grâce à ces équipements. Il a aussi relevé qu’une dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées était nécessaire pour réaliser ces travaux. Enfin, en conséquence de l’annulation du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Maurienne en 2023, le tribunal a jugé illégale l’inscription du projet de la Fournache dans une « unité touristique nouvelle structurante », c’est-à-dire une opération qui encadre le développement touristique effectuée en zone de montagne et contribue aux performances socio-économiques de l’espace montagnard.

Décisions n°2006339, n°2006341 du 5 mars 2024

 

LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX – Manifestation « La montagne se soulève »

La juge des référés du tribunal n’a pas suspendu l’interdiction de la manifestation « La montagne se soulève », contre le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, qui devait se dérouler les 17 et 18 juin 2023 entre Villarodin-Bourget et Bramans. La juge des référés a notamment relevé que le parcours de cette manifestation comportait des difficultés pour la circulation des véhicules de secours et que la sécurité du cortège, évalué à 3000 participants pour seulement 40 bénévoles annoncés pour le service d’ordre interne, n’était pas garantie. En outre, le risque d’intrusion de mouvements radicaux sur des sites particulièrement sensibles n’était pas exclu. Pour ces raisons, le tribunal a jugé que la décision du préfet de la Savoie ne portait pas une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifester.

Décision en référé n°2303794 du 16 juin 2023

 

LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX – Utilisation de drones et respect du droit à la vie privée

Saisi en urgence par un particulier, le juge des référés du tribunal a ordonné au préfet de l’Isère de détruire des enregistrements vidéos recueillis par drone à l’occasion d’une manifestation organisée devant le Palais de justice de Grenoble le 5 juillet 2023. Il a relevé que l’autorisation de l’utilisation d’un drone n’avait été publiée qu’après la manifestation et que les participants n’avaient pas été informés des enregistrements. Il a aussi ordonné la suppression, dans d’éventuels rapports de police, de toutes les données ayant pu être recueillies à partir de l’exploitation de cette captation qui était illégale car elle portait atteinte au droit au respect de la vie privée.

Décision en référé n°2304323 du 8 juillet 2023

 

FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS – Retrait d’une banderole anti-réforme des retraites sur l’hôtel de ville de Grenoble

Saisi par un particulier, le juge des référés du tribunal a ordonné en mars 2023 le retrait d’une banderole portant l’inscription « Grenoble s’engage contre la retraite à 64 ans » affichée sur un mur de l’hôtel de ville de Grenoble. Il a estimé que cette initiative du maire ne respectait pas le principe de neutralité des services publics qui interdit notamment l’affichage de revendications politiques, religieuses ou philosophiques sur les édifices publics. En outre, compte tenu du contexte polémique entourant le message de la banderole, il a jugé que l’atteinte était immédiate et suffisamment grave pour justifier son retrait sans délai dans l’attente du jugement au fond.

Décision en référé n°2301656 du 29 mars 2023