Un mois, deux juridictions : le tribunal administratif de Lille et la cour administrative d’appel de Douai

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Les 4 et 5 février 2025, Didier-Roland Tabuteau s’est rendu au tribunal administratif de Lille puis à la cour administrative d’appel de Douai à l’occasion de ses visites mensuelles dans les juridictions administratives. Quelles sont les spécificités des affaires qu’elles jugent ? Quelle est la place du tribunal et de la cour dans la vie locale ? Tour d’horizon de l’activité de ces deux juridictions administratives du Nord.

Le tribunal administratif de Lille

Présidé par Eric Kolbert, le tribunal administratif de Lille compte 44 magistrats et 56 agents de greffe et aides à la décision. Il est saisi de recours provenant du Nord et du Pas-de-Calais. En 2024 il a jugé 11 322 affaires (dont 2 408 référés), dans un délai moyen de 10 mois et 12 jours.

Récemment, il s’est prononcé sur des affaires concernant par exemple l’éducation (résiliation du contrat entre le lycée Averroès et l’État), les libertés fondamentales (autorisation du logiciel de vidéosurveillance Briefcam), la vie locale (interdiction des combats de coqs à Norrent-Fontes dans le Pas-de-Calais), l’agriculture (projet d’un élevage de poules pondeuses à Pitgam) ou encore les grands projets et l’environnement (projet d’équipement routier au Nord-Ouest de Lille). 

La cour administrative d’appel de Douai

Juge d’appel des affaires en provenance des tribunaux administratifs d’Amiens, de Lille et de Douai, la cour administrative d’appel de Douai est présidée par Geneviève Verley-Cheynel et se compose de 20 magistrats et de 29 agents de greffe et aides à la décision. 

En 2024, elle a jugé 2 445 affaires, dont 1 673 affaires de moins d’un an, dans un délai moyen de 9 mois et 11 jours. Parmi les dossiers emblématiques qu’elle a tranchés en 2023 et 2024, on retrouve des affaires liées à la santé publique (responsabilité de l’hôpital de Sambre Avesnois dans des actes de soins), aux libertés fondamentales comme celle d’aller et venir (accès à la forêt de Compiègne limité pendant la chasse à courre), au travail (plan de sauvegarde de l’emploi de Camaïeu), à l’environnement et au patrimoine (projet d’installation d’éoliennes ou encore abattage d’arbres au château du Champ de Bataille de la commune du Neubourg dans l’Eure).

Retour sur six affaires emblématiques jugées par le tribunal administratif de Lille et la cour administrative d'appel de Douai

ENVIRONNEMENT 
Liaison Nord-Ouest de Lille : des mesures environnementales suffisantes

Saisi par plusieurs associations, le tribunal administratif de Lille a jugé en mai 2024 que l’autorisation environnementale accordée à la Métropole européenne de Lille pour la réalisation des trois premières tranches des travaux de la partie « Sud » de la LINO (Liaison Intercommunale Nord-Ouest), reliant le site Eurasanté à l’autoroute A25, était légale. Le tribunal a notamment estimé que la procédure d’information du public avait été régulière et que le projet était conforme aux exigences environnementales, notamment en matière de protection des zones humides et de la ressource en eau. Ce jugement fait l’objet d’un appel devant la cour administrative d’appel de Douai.
Décision du tribunal administratif de Lille n°2109835 du 17 mai 2024

TRAVAIL
Camaïeu : le plan de sauvegarde de l’emploi confirmé

Saisie par la CGT, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé que le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de la société ACIAM, qui exploitait les magasins de prêt-à-porter Camaïeu, était légal. Confirmant la décision du tribunal administratif de Lille, la cour a jugé en juillet 2023 que les membres du comité social et économique de l’entreprise avaient été suffisamment informés du contenu du PSE, que les salariés étaient accompagnés psychologiquement, et que l’absence de toute perspective réaliste de reprise de l’activité justifiait la suppression de l’ensemble des emplois. Pour ces raisons, la cour a rejeté la demande de la CGT. Le Conseil d’État a ensuite confirmé cette décision en octobre dernier.
Décision de la cour administrative d’appel de Douai n° 23DA00820 du 25 juillet 2023
Décision du Conseil d’État n° 488496 du 15 octobre 2024

VIE LOCALE
Interdiction des combats de coqs à Norrent-Fontes

Saisi par la fédération des coqueleurs du Nord de la France et un particulier, le tribunal administratif de Lille a confirmé en décembre 2024 l’interdiction des combats de coqs à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) décidée par le préfet. Alerté par un signalement de la fondation Brigitte Bardot, le préfet avait annulé en 2022 une précédente autorisation qui permettait ces rassemblements et créait de fait un nouveau gallodrome (espace aménagé spécifiquement pour l’organisation de combats de coqs), ce qui est interdit par la loi. Si la loi autorise ces pratiques dans les communes où elles sont une tradition ininterrompue, aucun combat n’avait eu lieu à Norrent-Fontes entre 1999 et 2021. Pour cette raison, le tribunal a estimé que cette interruption rompait la tradition et a rejeté la demande des requérants.
Décision du tribunal administratif de Lille n° 2202832 du 26 décembre 2024

GRAND PROJET ET PATRIMOINE
Préserver les sites commémoratifs de la Grande Guerre et les monuments historiques

Saisie par deux sociétés, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé les refus du préfet de l’Aisne d’autoriser deux projets de six éoliennes chacun : le premier situé à Grand-Rozoy et le second à Dury, Etaing et Recourt. Elle a estimé que les installations projetées porteraient atteintes à des sites historiques majeurs : la Butte Chalmont, site mémoriel de portée nationale comportant une statue féminine représentant la Patrie et un ensemble sculpté à la gloire des soldats morts pour la France, et le menhir de la « pierre du diable », classé monument historique, qui constitue depuis plusieurs millénaires un repère visuel dans la plaine dont il est une des seules composantes verticales.
Décision de la cour administrative d'appel de Douai n° 22DA01046 du 29 août 2024

LIBERTES FONDAMENTALES
Vidéosurveillance : le logiciel Briefcam autorisé tant que la reconnaissance faciale n’est pas active
Saisi en urgence par plusieurs associations, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande d’interrompre un dispositif de vidéosurveillance de la voie publique utilisé par la ville de Roubaix, estimant qu’il ne portait pas atteinte aux libertés tant que la reconnaissance faciale n’était pas active. Le juge des référés a relevé que cette fonctionnalité, strictement encadrée par le droit français et le droit européen, n’avait jamais été utilisée et nécessitait une intervention technique. La commune justifiait son usage au seul cadre judiciaire pour identifier des plaques d’immatriculation. Enfin, le juge des référés a relevé que la Commission nationale informatique et libertés n’avait constaté aucun manquement à la protection des données personnelles.
Décision en référé du tribunal administratif de Lille n° 2310103 du 29 novembre 2023

SANTE PUBLIQUE
L’hôpital de Sambre Avesnois condamné pour avoir ignoré un précédent diagnostic
Saisie par une patiente, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé en décembre 2024 que l’hôpital de Sambre Avesnois a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Malgré un diagnostic posé deux ans plus tôt par un autre établissement concluant à l’absence de syndrome parkinsonien, l’hôpital a poursuivi un traitement antiparkinsonien pendant plus de 24 mois, alors qu’il avait été informé du précédent diagnostic. En conséquence, la cour a condamné l’hôpital à indemniser la patiente.
Décision de la cour administrative d’appel de Douai n° 22DA00956 du 4 décembre 2024