Le Conseil d’État annule les règles d’application de la transaction pénale et rejette pour l’essentiel les recours contre les modalités d’application du dispositif de suivi des personnes sortant de détention.
L’Essentiel :
Par un décret du 13 octobre 2015, le pouvoir réglementaire a défini les modalités d’application du régime de transaction pénale et du régime de suivi, par les instances des conseils départementaux de prévention de la délinquance, des personnes sortant de détention. Deux syndicats de magistrats ont demandé au Conseil d’État d’annuler ce décret.
Le Conseil d’État annule les dispositions de ce décret relatives à la transaction pénale. Il relève qu’elles ne prévoient pas que les personnes se faisant proposer une transaction pénale sont dûment informées des faits reprochés et de l’infraction qu’ils constituent. Il en déduit que ce régime méconnaît le droit au procès équitable.
Le Conseil d’État rejette pour l’essentiel les critiques dirigées contre les dispositions de ce décret relatives au régime de suivi des personnes sortant de détention. Il juge que les modalités de désignation des personnes faisant l’objet du suivi ne méconnaissent ni le code de procédure pénale, ni la séparation des pouvoirs. En revanche, pour tirer les conséquences de la décision du 23 septembre 2016 du Conseil constitutionnel qui a abrogé certaines dispositions du code de la sécurité intérieure, il annule les modalités d’application de ces dispositions.
Les faits et la procédure :
La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a notamment institué deux dispositifs :
- elle a permis, dans certaines conditions, aux officiers de police judiciaire de proposer aux auteurs de certains délits une transaction pénale ;
- elle a prévu que des instances des conseils départementaux de prévention de la délinquance seraient chargées d’organiser le suivi et le contrôle en milieu ouvert des personnes condamnées sortant de détention.
Pour l’application de ces dispositions, le pouvoir réglementaire a adopté un décret le 13 octobre 2015. Deux syndicats de magistrats ont demandé au Conseil d’État d’annuler ce décret.
La décision du Conseil d’État :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État annule partiellement le décret contesté.
1. Le Conseil d’État annule les dispositions d’application de la transaction pénale.
Le législateur a prévu qu’une telle transaction peut être proposée aux auteurs de certaines infractions par un officier de police judiciaire, avec l’autorisation du procureur de la République. Si elle est acceptée par l’auteur de l’infraction, la transaction doit être homologuée par le président du tribunal de grande instance ou un juge qu’il désigne. Elle conduit au paiement d’une amende et, le cas échéant, à une obligation de réparer les dommages causés. Si l’auteur de l’infraction s’acquitte de l’amende et exécute cette obligation dans les délais, il n’est alors pas poursuivi pour l’infraction.
Le Conseil d’État juge que la procédure de transaction doit reposer sur l’accord libre et non équivoque de l’auteur de l’infraction. Or il relève que ni la loi (art. 41-1-1 du code de procédure pénale), ni le décret attaqué ne prévoit que la personne qui se voit proposer une transaction est dûment informée des faits qui lui sont reprochés et de leur qualification juridique.
Le Conseil d’État en déduit que la procédure méconnait le droit au procès équitable garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il annule pour ce motif les dispositions du décret faisant application de l’article 41-1-1 du code de procédure pénale.
2. S’agissant du suivi des personnes sortant de détention pour poursuivre l’exécution de leur peine en milieu ouvert, le décret attaqué précise les modalités de désignation des personnes faisant l’objet de ce suivi et les modalités d’échange d’information entre les instances des conseils départementaux de prévention de la délinquance, les juridictions d’application des peines et les services pénitentiaires.
Le Conseil d’État annule tout d’abord les dispositions précisant les modalités de transmission d’informations confidentielles par les juridictions d’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation. En effet, le principe d’une telle transmission d’information était prévu par des dispositions législatives qui ont été abrogées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-569 QPC du 23 septembre 2016. Le Conseil d’Etat en tire donc les conséquences sur le décret.
Le Conseil d’État écarte en revanche les autres arguments de la requête. Il juge, notamment, que la désignation des personnes concernées par le procureur de la République après avis du juge d’application des peines ne méconnaît pas le code de procédure pénale et ne porte pas atteinte à l’impartialité du juge d’application des peines qui aurait à nouveau à connaître de l’application des peines des intéressés. Le Conseil d’État juge également que ces modalités ne sont pas contraires à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la magistrature.
Le Conseil d’État rejette donc le reste des requêtes.