Le Conseil d’État annule une décision du directeur général de l’AFSSAPS interdisant la distribution de certains types de plasma sous le régime du médicament.
La société Octapharma France, qui souhaite obtenir en France une autorisation de mise sur le marché pour « Octaplas », produit constitué de plasma frais congelé déleucocyté viro-atténué par solvant-détergent (SD) déjà commercialisé dans d’autres pays européens, a demandé au Conseil d’État d’annuler une décision du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l’AFSSAPS – devenue l’ANSM) du 20 octobre 2010, inscrivant le plasma sur la liste des produits sanguins labiles.
Le Code de la santé publique soumet les produits sanguins labiles à un régime spécifique, caractérisé notamment par un dispositif particulier de vigilance (l’hémovigilance) et par le monopole détenu par l’Etablissement français du sang pour leur collecte, leur préparation et leur distribution en France. Le cadre juridique applicable aux produits sanguins labiles est distinct et exclusif du cadre juridique applicable aux médicaments, lesquels peuvent en particulier être commercialisés si leur exploitant a obtenu une autorisation de mise sur le marché. La décision contestée faisait donc obstacle à ce que la société Octapharma France obtienne une autorisation de mise sur le marché pour le produit « Octaplas ».
La société soutenait que la décision contestée méconnaissait, pour ce motif, la directive européenne 2001/83/CE du 6 novembre 2001 portant code communautaire des médicaments. En effet, si cette directive prévoit que le régime du médicament ne s’applique en principe pas au sang et au plasma, une directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 l’a modifiée pour prévoir une exception pour le « plasma dans la production duquel intervient un processus industriel ».
Le Conseil d’État a, par une première décision du 26 octobre 2012, sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, afin d’être éclairé sur le sens de la directive du 6 novembre 2001 et sur son articulation avec une autre directive européenne 2002/98/CE du 27 janvier 2003, relative aux produits sanguins. La Cour de justice a répondu, dans son arrêt du 14 mars 2014, que la directive du 6 novembre 2001 imposait qu’un plasma produit grâce à un processus industriel puisse être qualifié de médicament, tout en se voyant cumulativement appliquer les exigences spécifiques, en termes de vigilance notamment, applicables aux produits sanguins. Le Conseil d’État n’a donc pu que constater l’illégalité de la décision litigieuse du directeur général de l’AFSSAPS, et l’a annulée.
Le Conseil d’État a précisé les conséquences de sa décision. Une société pourra désormais commercialiser en France un plasma SD dans la production duquel intervient un processus industriel à condition de respecter le régime applicable aux médicaments dérivés du sang, en obtenant une autorisation de mise sur le marché et en respectant les exigences tenant notamment au caractère volontaire, anonyme et gratuit des dons de sang, à la majorité du donneur et au dépistage des maladies transmissibles, prévues par le code de la santé publique. Par ailleurs, afin d’éviter toute rupture d’approvisionnement, l’Etablissement français du sang pourra continuer à fabriquer et à distribuer du plasma SD sous le régime des produits sanguins labiles jusqu’au 31 janvier 2015.