Spectacle de Dieudonné à Orléans

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d'Etat confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans refusant de suspendre l’arrêté du maire d’Orléans interdisant une représentation du spectacle « Le Mur » dans cette ville.

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L’essentiel

- Le Conseil d'Etat était saisi en appel par la société les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala d'une requête dirigée contre une ordonnance de ce jour du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans.

- Le juge des référés du tribunal administratif avait refusé de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire d’Orléans en date du 9 janvier interdisant la représentation dans cette ville, ce samedi soir, du spectacle « Le Mur » de M. Dieudonné M'Bala M'Bala.

- Le juge des référés du Conseil d'Etat a tout d’abord refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) invoquée par les requérants. Il a en effet estimé que cette QPC, qui n’était pas dirigée
contre une disposition législative (condition posée par la Constitution à l’examen d’une QPC), mais contre une précédente décision juridictionnelle du Conseil d’Etat, était irrecevable.

- Il a ensuite relevé, notamment, que les allégations selon lesquelles les propos attentatoires à la dignité de la personne humaine et de nature à provoquer à la haine et la discrimination raciales, relevés lors des séances du spectacle à Paris, ne seraient pas repris à Orléans, ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que le spectacle prévu à Orléans constitue lui-même une menace à l'ordre public.

- Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d'Etat a jugé, comme le juge des référés du Tribunal administratif, que le maire d’Orléans n’avait pas porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et rejeté l’appel des requérants.

- Cette ordonnance se situe dans la ligne des ordonnances rendues les 9 et 10 janvier 2014 par le juge des référés du Conseil d'Etat au sujet de l'interdiction d'une représentation du même spectacle, respectivement à Nantes et à Tours.

 

Les faits à l’origine de l’affaire

Par un arrêté du 9 janvier 2014, le maire d’Orléans avait interdit le spectacle « Le Mur » que devait tenir M. Dieudonné M'Bala M'Bala le 11 janvier 2014 au Zénith d’Orléans.

Le maire d’Orléans avait relevé que ce spectacle, tel qu'il est conçu, contient des propos de caractère antisémite et que M. M'Bala M'Bala, ayant fait l'objet de neuf condamnations pénales, dont sept définitives, pour des propos de même nature, avait clairement exprimé sa volonté de tenir à nouveau de tels propos. Il avait également indiqué que la tenue de ce spectacle était susceptible d'attiser la haine et la discrimination raciales, dans un contexte de polémique exacerbée entre ses tenants et ses adversaires.

M. Dieudonné M'Bala M'Bala et la société Les Productions de la Plume avaient alors saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté), d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté.

La procédure et l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'État

La procédure de référé liberté permet au juge administratif des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.

Par une ordonnance du 11 janvier 2014, le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans avait rejeté la demande dont il était saisi dans ce cadre.

Cette ordonnance se situait dans la ligne de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat le 9 janvier confirmant, sur appel du ministère de l’intérieur, l’interdiction d’une représentation du même spectacle à Nantes.

Le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans avait commencé par rappeler que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés, qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion et que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées.

Il avait ensuite relevé qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il avait été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles, de nature à porter de graves atteintes au respect de valeurs et principes tels que la dignité de la personne humaine et à provoquer à la haine et la discrimination raciales, relevés lors des séances tenues à Paris, ne seraient pas repris à Orléans, ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que le spectacle prévu constitue lui-même une menace à l’ordre public. Dans ces conditions, il avait estimé que le maire d’Orléans n’avait, en interdisant le spectacle, pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression et de réunion.

M. Dieudonné M'Bala M'Bala et la société Les Productions de la Plume ont interjeté appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’Etat. Ils ont, à l’appui de leur appel, soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre une décision du Conseil d’Etat du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, décision par laquelle le Conseil d’Etat avait pour la première fois jugé que le respect de la dignité de la personne humaine devait être regardé comme une composante de l’ordre public.

Le juge des référés du Conseil d’Etat a, tout d’abord, estimé que la QPC invoquée par les requérants était irrecevable et refusé de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Il résulte en effet de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 que la procédure de QPC ne permet de contester la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution que d’une « disposition législative ». Or, en l’espèce, le juge des référés a constaté que la QPC des requérants n’était pas dirigée contre une disposition législative, mais contre une décision juridictionnelle.

Examinant, ensuite, les autres moyens de l’appel dont il était saisi, le juge des référés du Conseil d’Etat a, après avoir rappelé la condition d’illégalité grave et manifeste posée par la loi, estimé que les éléments produits devant lui, notamment les échanges au cours de l’audience publique qu’il a tenue, n’étaient pas de nature à remettre en cause l’appréciation du premier juge. Il a donc a son tour estimé que le maire d’Orléans n’avait pas commis d’illégalité grave et manifeste.

Il a, en conséquence, rejeté l’appel de M. M'Bala M'Bala et de la société Les Productions de la Plume.