Le juge des référés du Conseil d’Etat refuse de suspendre l’arrêté d’interdiction édicté par le préfet de la Loire-Atlantique.
L’essentiel
La procédure du référé-liberté permet au juge administratif des référés d’intervenir lorsqu’une illégalité manifeste porte une atteinte grave à une liberté fondamentale.
Dans ce cadre, le juge des référés du Conseil d’Etat était saisi en appel d’une requête dirigée contre l’ordonnance du 9 janvier 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes suspendant l’exécution de l’arrêté du préfet de la Loire-Atlantique interdisant la représentation, ce jour, du spectacle « Le Mur » de M. Dieudonné M’Bala M’Bala au Zénith de Saint-Herblain.
Le juge des référés du Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et rejeté la demande en référé présentée par la SARL les Productions de la Plume et par M. Dieudonné M’Bala M’Bala.
En effet, il a relevé que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté du préfet étaient établis tant par les pièces du dossier que par les échanges lors de l’audience publique.
Il a estimé que les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du spectacle « Le Mur » tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine.
Il a rappelé qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises.
Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’Etat a jugé que le préfet de la Loire-Atlantique n’avait pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste.
Les faits à l’origine de l’affaire
Par un arrêté du 7 janvier 2014, le préfet de la Loire-Atlantique avait interdit le spectacle « Le Mur » que devait tenir M. Dieudonné M'Bala M'Bala le 9 janvier 2014 au Zénith de Saint-Herblain.
M. Dieudonné M'Bala M'Bala et la société Les Productions de la Plume avaient alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté), d’une demande de suspension de l’exécution de cet arrêté.
Par une ordonnance du 9 janvier 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes avait fait droit à cette demande. Il avait estimé, d’une part, que le motif tiré de l’atteinte à la dignité humaine mis en avant par le préfet ne permettait pas de justifier la mesure attaquée, dès lors que le spectacle ne pouvait être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter une telle atteinte et, d’autre part, que le risque de troubles causés par cette manifestation ne pouvait davantage fonder une mesure d’interdiction totale, dès lors qu’il n’était pas établi que le préfet ne pourrait faire face à ce risque par d’autres moyens.
C’est contre cette ordonnance que le ministre de l’intérieur avait fait appel devant le juge des référés du Conseil d’Etat qui, compte tenu du fait que le spectacle en cause devait se tenir dans la soirée du 9 janvier 2014, a statué dans des délais particulièrement brefs sur la requête.
L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat
A titre liminaire, il est précisé qu’en vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient au juge administratif des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Dans son ordonnance du 9 janvier 2014, le juge des référés du Conseil d’Etat a d’abord rappelé que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés, et qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion. Il a souligné que si des exigences d’ordre public peuvent justifier qu’il soit porté atteinte à l’exercice de ces libertés fondamentales, c’est à la condition, conformément à une jurisprudence constante, que les atteintes ainsi portées soient nécessaires, adaptées et proportionnées.
En l’espèce, ainsi que l’a mentionné le juge des référés du Conseil d’Etat dans son ordonnance, le préfet de la Loire-Atlantique avait, pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle « Le Mur », précédemment interprété au théâtre de la Main d’Or à Paris, relevé que ce spectacle, tel qu’il est conçu, contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la seconde guerre mondiale. L’arrêté contesté du préfet rappelait également que M. Dieudonné M’Bala M’Bala avait fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept définitives, pour des propos de même nature. Enfin, l’arrêté préfectoral indiquait que les réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier faisaient apparaître, dans un climat de vive tension, des risques sérieux de troubles à l’ordre public qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser.
Le juge des référés du Conseil d’Etat a constaté que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté du préfet étaient établis tant par les pièces du dossier que par les échanges lors de l’audience publique.
Il a ensuite estimé qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine.
Le juge des référés du Conseil d’Etat a également souligné qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises.
Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré qu’en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’avait pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste.
Par suite, il a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et rejeté la demande en référé présentée par la SARL les Productions de la Plume et par M. Dieudonné M’Bala M’Bala.