Le Conseil d’État juge qu’aucun texte ne crée d’obligation d’instituer un dispositif d’autorisation de sortie du territoire des mineurs et rejette une demande d’indemnisation formée par les parents d’une mineure ayant quitté le territoire pour la Turquie aux fins de rejoindre la Syrie.
Les parents d’une mineure ayant quitté le territoire pour la Turquie ont demandé en mars 2014 au ministre de l’intérieur d’instituer un dispositif exigeant des français mineurs d’être munis d’une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français. Un régime de ce type avait existé par le passé : une circulaire du ministre de l’intérieur du 11 mai 1990 exigeait des français mineurs quittant seuls le territoire qu’ils détiennent une autorisation parentale s’ils voyageaient avec leur carte d’identité ou un passeport périmé ; elle avait cependant été abrogée en 2012. Par ailleurs, postérieurement à la demande des parents a été mis en place, par une instruction ministérielle du 5 mai 2014, un dispositif d’opposition à la sortie du territoire national d’un mineur non accompagné d’un parent, lorsque les parents craignent un départ vers les zones de conflit ; et la loi du 13 novembre 2014 a institué un régime d’interdiction administrative de sortie du territoire, prononcée par le ministre de l’intérieur.
Le ministre n’ayant pas répondu à la demande des parents de rétablissement et renforcement du dispositif antérieur à 2012, ils ont demandé au Conseil d’État d’annuler son refus implicite. Ils ont également demandé au Conseil d’État de condamner l’État à les indemniser du préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait du départ de leur fille mineure pour Istanbul, d’où elle aurait, selon eux, rejoint la Syrie.
Le Conseil d’État a tout d’abord estimé que ni le code civil, qui définit l’autorité parentale et prévoit que l’enfant ne peut pas quitter la maison familiale sans permission de ses parents, ni le règlement de l’Union européenne qui fixe le régime de franchissement des frontières n’imposaient au pouvoir réglementaire d’instituer un dispositif général exigeant des ressortissants français mineurs d’être munis d’une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français. Il a donc rejeté la demande d’annulation présentée par les requérants.
Le Conseil d’État a ensuite rejeté la demande indemnitaire des parents. Il a relevé que leur fille était en possession d’un passeport en cours de validité et d’un billet d’avion à son nom, que les fonctionnaires chargés du contrôle des frontières avaient vérifié la conformité du nom figurant sur sa carte d’embarquement avec celui figurant sur son passeport et s’étaient assurés qu’elle ne faisait pas l’objet d’une interdiction de sortie du territoire ou d’une opposition à sortie du territoire. Il en a déduit qu’aucune faute n’avait été commise par l’État dans sa mission de surveillance. A cette occasion, le Conseil d’État est revenu sur sa jurisprudence ancienne qui limitait la responsabilité de l’État, dans cette matière, aux seuls cas de faute lourde, pour juger qu’une faute simple, si elle avait été commise, aurait suffi à engager sa responsabilité.