Le juge des référés du Conseil d’État rejette pour défaut d’urgence les demandes présentées par la société Métropole Télévision, propriétaire de la chaîne M6, de suspension des décisions de l’Autorité de la concurrence et du Conseil supérieur de l’audiovisuel autorisant le rachat par TF1 des chaînes TMC et NT1.
Les deux ordonnances du 22 avril 2010 rejettent, dans le cadre d’une procédure provisoire, les demandes de suspension présentées par la société Métropole Télévision pour défaut d’urgence, eu égard à l’absence d’effets immédiats des décisions contestées sur la situation de concurrence effective sur les marchés de la publicité et des droits de diffusion de programmes de télévision. Ces ordonnances ne se prononcent pas sur la valeur des arguments présentés par les parties et ne statuent donc pas sur la légalité de ces décisions.
La société propriétaire de la chaîne M6 avait contesté, selon la procédure du référé, deux décisions relatives à la procédure d’acquisition par la société TF1 d’une partie du groupe AB, lui conférant 100% du capital de la chaîne NT1 et 80% de la chaîne Télé Monte-Carlo (TMC), deux chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) :
- la décision du 26 janvier 2010 de l’Autorité de la concurrence, saisie au titre du contrôle des concentrations, autorisant l’opération de rachat sous réserve de divers engagements pris par TF1 ;
- la décision du 23 mars 2010 du Conseil supérieur de l’audiovisuel estimant, sous réserve également de plusieurs engagements, que l’acquisition était conforme aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
La procédure engagée était une procédure de référé. Dans ce cadre, le juge statue de manière provisoire. Il ne peut procéder à la suspension de l’acte contesté, sans attendre le jugement de la requête au fond, qu’à une double condition : s’il existe à la fois un doute sérieux sur sa légalité et une situation d’urgence. Cette condition d’urgence s’apprécie de manière concrète, en fonction des justifications des parties sur les effets de l’acte. Elle est normalement satisfaite lorsque l’exécution de l’acte porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. En matière de droit de la concurrence, elle nécessite plus particulièrement d’évaluer la portée de l’atteinte à la concurrence sur un marché.
C’est cette condition d’urgence que le juge des référés n’a pas estimée remplie. Il a d’abord relevé les parts relativement peu élevées des chaînes TMC et NT1 dans l’audience des chaînes de télévision et dans les recettes publicitaires. Il a ensuite noté deux éléments : le caractère progressif de l’incidence de la concentration sur le développement des audiences de ces chaînes ; l’effet différé des éventuelles augmentations d’audience sur les parts du marché publicitaire et du marché des droits de diffusion de programmes de télévision. Il en a conclu que les décisions contestées ne portaient pas une atteinte immédiate et difficilement réversible à la situation de concurrence effective sur les marchés de la publicité et des droits de diffusion. Dans ces conditions, la société requérante ne justifiait pas qu’il était nécessaire de suspendre les décisions dans l’intervalle séparant les ordonnances du jugement définitif des affaires.
Le défaut d’urgence suffisant à rejeter la demande de suspension, le juge n’a pas eu à statuer sur la valeur des arguments juridiques échangés entre les parties. L’ordonnance ne s’est donc pas prononcée sur la légalité des décisions attaquées : c’est l’objet de la procédure au fond qui s’engage maintenant et qui devrait déboucher sur une décision du Conseil d’État au cours de l’année 2010.