Redécoupage cantonal

Décision de justice
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Le Conseil d’État rejette les recours contre les décrets opérant le redécoupage des cantons dans les départements du Gard et de la Corse du Sud.

> Lire les décisions nos 378140, 378563, 379696, 379697, 379711, 380403 et n° 379843

L’essentiel

Le Conseil d’État a précisé le cadre juridique du redécoupage cantonal opéré en vue de l’élection des conseils départementaux en mars 2015. Il estime que si ce redécoupage doit être opéré sur des bases essentiellement démographiques, cette exigence est en principe satisfaite lorsque l’écart de la population de chaque canton à la moyenne n’excède pas plus ou moins 20%. Il rappelle cependant que des écarts supérieurs sont autorisés par la loi s’ils sont justifiés par des considérations géographiques et rejette les recours contre les décrets opérant le redécoupage des circonscriptions cantonales dans les départements du Gard et de la Corse du Sud.

Les faits et la procédure

L’application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral imposait de procéder à une nouvelle délimitation de l’ensemble des circonscriptions cantonales en vue du prochain renouvellement général des conseils départementaux, fixé au mois de mars 2015.
En l’espèce, étaient attaqués deux décrets ayant procédé au redécoupage des circonscriptions cantonales dans les départements du Gard et de la Corse du sud.

Le cadre juridique

La section du contentieux devait se prononcer sur des cas de cantons dont la population s’écarte de manière significative de la population moyenne des cantons du département.
Le III de l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que le territoire de chaque canton doit être défini « sur des bases essentiellement démographiques ». La section du contentieux du Conseil d’État rappelle que cette exigence n’impose pas que la répartition des sièges soit proportionnelle à la population et estime qu’un écart de l’ordre de plus ou moins 20% par rapport à la moyenne de la population par canton au sein du département est, en principe, admissible, à condition que cet écart repose sur des considérations dénuées d’arbitraire. Le chiffre de 20% constitue une ligne directrice à partir de laquelle chaque cas particulier est apprécié.
Le Conseil d’État rappelle en outre que le IV du même article prévoit qu’il est possible de déroger à la règle du découpage « sur des bases essentiellement démographiques » et d’avoir, par conséquent, des écarts de population entre les cantons plus importants, lorsque des considérations géographiques le justifient. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, a ainsi jugé qu’il était possible de déroger à la règle du découpage « sur des bases essentiellement démographiques » pour des raisons liées à l’insularité, au relief, à l’enclavement, à la superficie ou à d’autres impératif d’intérêt général qui peuvent imposer de s’écarter de la ligne directrice des 20%.
La section du contentieux du Conseil d’État a appliqué ce raisonnement aux deux recours dont elle était saisie.

L’application aux cas d’espèce.

S’agissant du département du Gard, la section du contentieux constate que, pour le canton de Quissac, l’écart de – 19,7% par rapport à la moyenne de la population cantonale dans le département du Gard respecte la ligne directrice de plus ou moins 20% et repose sur des considérations non arbitraires, liées au relief, à la superficie et aux caractéristiques des voies de communication.
Elle juge, en outre, que les écarts constatés dans les cantons du Vigan et de la Grande Combe, respectivement de -26,01% et -29,27%, sont tels qu’ils ne permettent pas de regarder le découpage de ces cantons comme fondé sur des bases « essentiellement démographiques ». Cependant, le Conseil d’État estime, au vu des pièces qui lui ont été soumises, que le Gouvernement s’est fondé, en effectuant le découpage de ces deux cantons, sur des contraintes géographiques liées au relief montagneux, à la superficie étendue de la zone en question et aux tracés des voies de communication. Il estime que ce découpage, ainsi justifié, correspond aux conditions de dérogations à la règle du découpage essentiellement démographique et est donc légal.
S’agissant du département de la Corse du Sud, le canton n° 10 (Sevi/Sorru/Cinarca) s’écarte de – 43,55% de la population moyenne des cantons du département. Un tel écart ne correspond pas à un découpage sur des bases essentiellement démographiques.  Cependant, le Conseil d’État estime qu’il ressort des pièces du dossier que le Gouvernement a procédé à la délimitation de ce canton en se fondant, à titre principal, sur les nécessités résultant des considérations géographiques du territoire du département.
En effet, ce canton, qui est le deuxième du département en nombre de communes,  représente déjà 20 % de la surface du territoire départemental, et il n’aurait pu voir sa superficie augmentée sans déséquilibrer la répartition des cantons. Le canton est bordé au nord et à l’est par le département de la Haute-Corse, et à l’ouest par la mer Méditerranée. Si sa limite Sud est constituée par le canton n° 8 (Gravona/Prunelli) du même département, le juge relève que cette limite suit, comme celles du canton n° 8 de la Corse du Sud et de nombreux autres cantons d’ailleurs, l’orientation générale nord-est/sud-ouest du relief montagneux de la Corse, juxtaposant des vallées séparées par des lignes de crête d’altitude difficilement franchissables par les voies de communication existantes.
Eu égard à cet ensemble de contraintes, le Conseil d’État estime les considérations géographiques suffisantes pour justifier la dérogation au principe du découpage essentiellement démographique.
Dans ces deux affaires, le Conseil d’État a également écarté les autres critiques formulées par les requérants : il a, notamment, estimé régulières les procédures consultatives préalables à leur édiction, appliqué la jurisprudence relative jugé aux données démographiques utilisées, et rappelé que la loi n’impose pas  que le découpage suive les limites des établissements publics de coopération intercommunale (communauté de communes, etc.) ou les bassins de vie définis par l’INSEE. Il a enfin relevé que les décrets attaqués se contentaient de définir le bureau centralisateur de chaque canton pour assurer le recensement général des votes lors des prochaines élections mais que cela ne signifiait pas que les sièges des actuels chefs-lieux de canton étaient transférés par les décrets attaqués dans les communes désignées comme bureau centralisateur.  
Le Conseil d’État a donc rejeté les recours contre ces deux décrets.