Le Conseil d’État rejette les demandes d’annulation des décisions prises par l’Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel concernant l’acquisition par TF1 de l’intégralité du capital du groupe AB.
> lire la décision n° 338197 et la décision n° 338273
La société TF1 a souhaité acquérir l’intégralité du capital du groupe AB. Cette opération doit lui permettre de contrôler 80% du capital social de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1 – sociétés qui éditent les chaînes du même nom sur la télévision numérique terrestre (TNT). Cette opération nécessitait d’obtenir une autorisation de l’Autorité de la concurrence ainsi qu’un agrément du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui ont été délivrés respectivement les 16 janvier et 23 mars 2010.
La société Métropole Télévision (M6) avait demandé au Conseil d’Etat d’annuler ces deux décisions. Elle avait, au printemps dernier, sollicité la suspension provisoire de leur exécution. Le juge des référés avait alors rejeté cette demande, en considérant que n’était pas remplie la condition d’urgence, condition nécessaire pour faire droit à une demande de suspension (voir le communiqué de presse accompagnant ses ordonnances). Par les deux décisions rendues aujourd’hui, le Conseil d’Etat – réuni dans une formation supérieure de jugement, la Section du contentieux – tranche le litige de manière définitive.
Il rejette les deux demandes d’annulation.
1 La contestation de l’autorisation sous réserves de l’Autorité de la concurrence.
Si l’Autorité de la concurrence avait autorisé l’opération de concentration envisagée par la société TF1, c’était sous réserve de plusieurs engagements, exigés compte tenu des effets concurrentiels identifiés, d’une part sur les marchés des droits de diffusion (relatifs aux films américains, aux séries américaines récentes, au football et autres événements sportifs, etc.), d’autre part sur le marché de la publicité télévisuelle. La société requérante considérait que ces engagements ne suffiraient pas et que seule l’interdiction de l’opération était adéquate.
Le Conseil d’Etat juge que, ainsi que l’a estimé l’Autorité de la concurrence, les effets concurrentiels de l’opération n’étaient pas d’une importance telle que l’interdiction de l’opération était la seule mesure proportionnée possible. Une fois acquis le principe d’une autorisation de l’opération de concentration, il étudie les engagements exigés de la société TF1 pour chacun des deux marchés identifiés. Il en conclut que ces engagements, dont la pertinence et l’efficacité sont appréciées globalement, sont de nature à prévenir les effets anticoncurrentiels de l’opération et à justifier l’autorisation délivrée par l’Autorité de la concurrence.
2 La contestation de l’agrément délivré par le CSA.
Le Conseil d’Etat était appelé à apprécier la légalité de la décision prise par le CSA dans le cadre du rachat de l’intégralité du capital d’un opérateur déjà titulaire d’autorisations d’émettre. L'opération de rachat du groupe AB aboutit en effet à ce que la société TF1 obtienne deux nouvelles chaînes sur la TNT, sans qu’il y ait eu de procédure d’appel à candidatures, procédure de droit commun permettant de sélectionner les projets qui contribuent le mieux à l’objectif fondamental de pluralisme des médias et à l’intérêt du public. Dans une telle hypothèse, le CSA est saisi pour qu’il fasse savoir s’il entend mettre fin à l’autorisation d'émettre initialement délivrée ou s’il agrée l’opération. Pour statuer, il doit prendre en compte la situation, tant en fait qu’en droit, qui existe au moment où il se prononce.
C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a contrôlé l’appréciation du CSA. Il juge que les modifications qu’implique le rachat du groupe AB ne sont pas d’une ampleur ou d’une nature telle que le CSA devait refuser l’agrément et retirer l’autorisation délivrée aux chaînes TMC et NT1. Il se fonde sur une appréciation globale des divers engagements exigés par le CSA de la société TF1, en plus de ceux déjà pris devant l’Autorité de la concurrence, qui sont considérés comme étant de nature à préserver la diversité de l’offre de programmes, à garantir le maintien d’une ligne éditoriale propre à chacune des trois chaînes et à ne pas compromettre une diversité suffisante des opérateurs. Le Conseil d'Etat juge également que, si la loi du 1er août 2000 souligne l’importance de l’entrée sur la TNT d’opérateurs indépendants des groupes historiques, d’ailleurs bénéficiaires en vertu de la loi de « canaux compensatoires », elle n’interdit pas pour autant que ces groupes puissent obtenir, avec un encadrement suffisant, de nouvelles autorisations dans ce secteur.
Conseil d'Etat, Section du contentieux, 30 décembre 2010,
Société Métropole Télévision (M6), n° 338197 et n° 338273