Le Conseil d’État renvoie une question prioritaire de constitutionnalité sur le prolongement des assignations à résidence au-delà d’un an.
L’Essentiel :
La loi du 19 décembre 2016 a prévu un dispositif particulier, plus restrictif, pour le renouvellement des assignations à résidence prononcées sur le fondement de l’état d’urgence ayant duré plus d’un an.
Le juge des référés du Conseil d’État estime sérieuse la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution et renvoie cette question au Conseil constitutionnel qui dispose de trois mois pour se prononcer.
Eu égard aux liens encore récents de l’intéressé avec des personnes impliquées dans l’islamisme radical et le terrorisme, il estime inutile de prononcer des mesures provisoires en attendant la décision du Conseil constitutionnel.
L’état d’urgence a été déclaré par un décret du 14 novembre 2015 pour une période de trois mois et prolongé jusqu’à aujourd’hui. La législation de l’état d’urgence permet notamment d’assigner des personnes à résidence lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles constituent des menaces pour la sécurité et l’ordre publics. En l’espèce, une personne assignée à résidence depuis plus d’un an a demandé au juge des référés du Conseil d’État, saisi par la procédure du référé-liberté, de suspendre son assignation à résidence.
La loi du 19 décembre 2016 a prolongé l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017. Ce faisant, elle a aussi prévu un dispositif plus restrictif pour la prolongation des assignations à résidence des personnes qui se trouvent assignées à résidence depuis plus d’un an. Ce dispositif fait notamment intervenir le juge des référés du Conseil d’État qui peut être saisi, dans certaines conditions, pour autoriser une nouvelle prolongation de l’assignation à résidence.
Le requérant, assigné à résidence depuis plus d’un an, soutient que ces dispositions méconnaissent la Constitution, notamment celles de ses dispositions qui garantissent la liberté d’aller et venir.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant le Conseil d’État, il procède, dans un délai de trois mois, à son examen. Il renvoie la question au Conseil constitutionnel si la loi contestée est applicable au litige, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Estimant la question sérieuse, le juge des référés l’a transmise au Conseil constitutionnel. Il reviendra à celui-ci de dire, dans un délai de trois mois, si les dispositions en question de la loi du 19 décembre 2016 sont conformes ou non à la Constitution. Le juge des référés du Conseil d’État se prononcera ensuite sur la demande du requérant tendant à la suspension de son assignation à résidence.
Juge de l’urgence et de la protection des libertés fondamentales, le juge des référés du Conseil d’État devait cependant examiner s’il y avait lieu de prendre certaines mesures provisoires en attendant que le Conseil constitutionnel ne se prononce. A cet égard, le requérant faisait valoir que l’assignation à résidence n’était plus justifiée, notamment en raison de l’ancienneté des faits avancés par l’administration.
Le juge des référés a admis que les liens de l’intéressé avec une association et un site internet promouvant le jihad étaient trop anciens pour justifier l’assignation à résidence. Cependant, il a également relevé que l’intéressé avait été condamné en décembre 2014 à cinq ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, en raison de la préparation d’un acte de terrorisme. L’intéressé a, en outre, joué un rôle primordial dans un groupement dont la finalité était de participer au jihad au Mali et est demeuré en contact avec diverses personnes impliquées dans des entreprises jihadistes et terroristes ou dans la promotion du jihad, pour certaines jusqu’en novembre 2015. Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État a estimé qu’il n’était pas nécessaire de prendre de mesure provisoire concernant l’assignation à résidence de l’intéressé en attendant la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci demeure donc assigné à résidence.