Le Conseil d’État juge contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention EDH) la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales ainsi que la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire. Les effets pour le passé de l’annulation de ces mesures de l’ordonnance du 25 mars 2020 seront précisés, après examen des observations des requérants et de l’administration.
Des organisations professionnelles d’avocats et un requérant individuel ont demandé au Conseil d’État d’annuler l’ordonnance du 25 mars 2020 qui adaptait les règles de procédure pénale pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ils ont contesté notamment :
- la possibilité pour le juge d’imposer le recours à la visioconférence, voire à des moyens de communication téléphonique, devant l’ensemble des juridictions pénales autres que criminelles (article 5) ;
- la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire et de comparution (articles 15, 16 et 17).
Les articles 5 et 16 de cette ordonnance ont déjà été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel (1). Toutefois, il appartenait au Conseil d’État de se prononcer sur les deux recours dirigés contre l’ordonnance et de juger de sa conformité aux engagements internationaux de la France, notamment à la convention EDH.
Le Conseil d’État souligne, d’une part, l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique du justiciable devant les juridictions pénales. Il juge par conséquent que la faculté d’y imposer le recours à la visioconférence, alors qu’elle n’est soumise à aucune condition légale, ni encadrée par aucun critère, porte une atteinte au droit au procès équitable, protégé par l’article 6 de la convention EDH, que le contexte de lutte contre l’épidémie de covid-19 ne suffit pas à justifier.
D’autre part, le droit à la sûreté garanti par l’article 5 de la convention EDH ne fait pas obstacle, en particulier dans le contexte exceptionnel de lutte contre l’épidémie de covid-19, à ce que soient prévues des modalités de prolongation des délais de détention provisoire. Le Conseil d’État rappelle toutefois que ce droit impose, même dans un contexte exceptionnel, que la juridiction compétente se prononce systématiquement, après un débat contradictoire, et dans un bref délai, sur le bien-fondé du maintien d’une détention provisoire. Cette intervention du juge doit être prévue par la loi elle-même, ce qui n’était pas le cas dans l’ordonnance attaquée.
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État juge par conséquent que les articles en cause de l’ordonnance du 25 mars 2020 sont illégaux. Leur annulation rétroactive peut néanmoins avoir des conséquences excessives en raison des effets qu’ils ont produits lorsqu’ils étaient en vigueur. Sur ce point précis, le Conseil d'État diffère sa décision et invite les requérants et l’administration à présenter, sous un mois, des observations destinées à l’éclairer sur la portée à donner aux annulations pour le passé.
(1) Décision n° 2020-872 QPC du 15 janvier 2021 et décision n° 2020-878/879 QPC du 29 janvier 2021
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