Préjudices liés à des décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France : des indemnisations possibles sous certaines conditions

Décision de justice
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Le Conseil d’État juge aujourd’hui que la justice administrative peut être saisie de demandes d’indemnisation pour des préjudices résultant de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France au titre de la « responsabilité sans faute » de l’État. Le Conseil d’État précise que le préjudice doit affecter, de façon particulièrement grave, des personnes qui auraient subi des effets collatéraux d’une telle décision.

Si la justice administrative peut être saisie pour vérifier que les décisions des administrations sont conformes au droit, elle ne peut pas se prononcer sur les actes non détachables de la conduite de la politique internationale. Elle ne peut ainsi ni les annuler, ni accueillir une demande de condamnation de l’État pour faute.

Toutefois, est-il possible de demander au juge administratif une indemnisation en cas de préjudice lié à un acte de cette nature sans lui demander de reconnaître une faute de l’État ? Saisi par la Mutuelle centrale de réassurance, le Conseil d’État tranche aujourd’hui cette question. La Mutuelle centrale de réassurance avait en effet demandé au ministre des affaires étrangères de lui apporter la protection diplomatique de la France, afin de l’aider à obtenir des autorités algériennes une indemnisation de préjudices subis après l’indépendance de l’Algérie. S’étant vu opposer un refus, elle demandait la réparation du préjudice résultant, selon elle, de la perte de chance d’être indemnisée du fait du refus de la France de lui accorder cette protection.

Le Conseil d’État juge que la justice administrative peut être saisie pour reconnaître la responsabilité sans faute de l’État, pour des décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France, au nom du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Ce régime de responsabilité sans faute présente toutefois des particularités, car il ne saurait interférer, même indirectement, avec les objectifs ou la mise en œuvre de la politique extérieure de la France.

Le Conseil d’État précise ainsi qu’une telle demande d’indemnisation ne peut être satisfaite que si le préjudice affecte les personnes concernées de façon spéciale et particulièrement grave. En outre, la responsabilité de l’État ne peut en principe être engagée qu’au bénéfice des victimes collatérales de la décision en cause, et non des personnes dont cette décision visait à régler spécifiquement la situation.

Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, la responsabilité de l’État ne saurait être engagée, même sans faute, si le préjudice trouve son origine directe dans l’action d’un État étranger ou dans des faits de guerre, ou si existe un régime spécial d’indemnisation.

S’agissant du cas de la mutuelle requérante, le Conseil d’État rejette sa demande car celle-ci portait sur un acte dont elle était la destinataire : le refus du Gouvernement de lui accorder la protection diplomatique pour l’aider à obtenir des autorités algériennes une indemnisation.

 

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