Le Conseil d’État enjoint au Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites.
L’Essentiel :
La directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur en Europe, transposée dans le code de l’environnement, impose à la France de surveiller la qualité de l’air ambiant et fixe des valeurs limites en matière de concentration de polluants, notamment de dioxyde d’azote et de particules fines PM10, à ne pas dépasser.
Cette même directive prévoit qu’en cas de dépassement de ces valeurs limites dans une zone donnée, des plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. En France, ces plans relatifs à la qualité de l’air prennent notamment la forme de « plans de protection de l’atmosphère » élaborés par les préfets concernés, mais d’autres mesures, telles que des mesures fiscales ou des normes d’émissions peuvent également être mises en œuvre.
L’association Les amis de la Terre a saisi, à l’été 2015, le Président de la République, le Premier ministre et les ministres chargés de l’environnement et de la santé afin que soit prise toute mesure utile pour ramener, sur l’ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 en dessous des valeurs limites et que soient élaborés des plans relatifs à la qualité de l’air permettant d’atteindre cet objectif. Ces demandes ont été rejetées.
L’association a alors demandé au Conseil d’État d’annuler ces décisions de refus et d’enjoindre au Gouvernement de réviser les plans de protection de l’atmosphère existants et, plus largement, de prendre toute mesure utile afin d’assurer le respect des valeurs limites fixées par la directive. Par la décision de ce jour, le Conseil d’Etat fait droit à cette demande et a enjoint au Gouvernement de prendre ces mesures d’ici au 31 mars 2018.
Le cadre juridique :
La directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur en Europe fait obligation aux Etats membres de surveiller la qualité de l’air ambiant sur leur territoire. Son article 13 impose que ne soient pas dépassées des valeurs limites de concentration de polluants, notamment de dioxyde d’azote et de particules fines PM10, fixées à son annexe XI. Le principe de cette obligation est transposé dans le droit français à l’article L. 221-1 du code de l’environnement. Les valeurs limites sont transposées à l’article R. 221-1 de ce code.
En cas de non-respect de ces valeurs limites à l’expiration du délai fixé par l’annexe XI, délai expiré depuis 2010 au plus tard, l’article 23 de la directive prescrit aux Etats membres de prendre les mesures appropriées, dans le cadre de plans relatifs à la qualité de l’air, afin de ramener le plus vite possible la concentration en polluants dans l’atmosphère en dessous des valeurs limites. Cette obligation est transposée dans le droit français aux articles L. 222-4 et L. 222-5 du code de l’environnement. Le territoire français ayant été organisé en zones et en agglomérations pour l’application de la directive, ainsi qu’elle le permet, les « plans relatifs à la qualité de l’air » mentionnés par la directive prennent notamment la forme de « plans de protection de l’atmosphère » élaborés le préfet. D’autres mesures, telles que des mesures fiscales ou des normes d’émissions, peuvent également être mises en œuvre pour permettre le respect des valeurs limites.
Dans un arrêt du 19 novembre 2014, ClientEarth C-404/13, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé la portée des obligations fixées par la directive n° 2008/50/CE. Dans cet arrêt, la CJUE juge, d’une part, que la directive ne fixe pas une simple obligation de moyen mais une obligation de résultat et que, en conséquence, le seul fait d’établir un plan relatif à la qualité de l’air conforme à l’article 23 de la directive ne permet pas de considérer que l’Etat satisfait aux obligations de l’article 13, c’est-à-dire au respect des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère. D’autre part, elle indique que lorsqu’un Etat membre n’a pas assuré le respect de ces valeurs limites, il appartient à la juridiction nationale compétente, éventuellement saisie, de prendre, à l’égard de l’autorité nationale, toute mesure nécessaire, telle une injonction, afin que cette autorité établisse le plan exigé par ladite directive dans les conditions que celle-ci prévoit.
Les faits et la procédure :
Par une lettre reçue le 25 juin 2015, l’association Les amis de la Terre France a demandé au Président de la République, au Premier ministre et aux ministres chargés de l’environnement et de la santé de prendre toutes mesures utiles permettant de ramener, sur l’ensemble du territoire national, les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote à l’intérieur des valeurs limites fixées à l’annexe XI de la directive 2008/50/CE et reprises à l’article R. 221-1 du code de l’environnement.
Par une lettre reçue le 4 août 2015, cette association a demandé aux mêmes autorités d’élaborer un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air ayant pour objet de définir les mesures appropriées pour ramener, dans chacune des zones et agglomérations du territoire national concernées, les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote à l’intérieur des valeurs limites fixées à l’annexe XI de la directive.
Ces demandes ont été rejetées.
L’association a alors saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à l’annulation de ces décisions de rejet. Elle a assorti ses conclusions d’annulation de conclusions à fin d’injonction.
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État fait droit à la demande de l’association.
Après avoir rappelé, en s’appuyant sur l’arrêt ClientEarth rendu par la CJUE le 19 novembre 2014, la portée des obligations fixées par la directive et transposées dans le code de l’environnement (point 3), le Conseil d’État juge tout d’abord que le dépassement persistant des valeurs limites de concentration en particules fines et en dioxyde d’azote dans plusieurs zones du territoire national au cours des trois années ayant précédé celle des décisions attaquées constitue une méconnaissance des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l’environnement, qui transposent l’article 13 de la directive (point 7).
Le Conseil d’État constate ensuite que les plans de protection de l’atmosphère établis dans les zones concernées n’ont pas permis d’assurer, dans un délai raisonnable, le respect des valeurs limites et en déduit que de nouvelles mesures doivent être prises afin que soient respectées les obligations fixées par la directive et reprises dans le code de l’environnement. Le Conseil d’État annule en conséquence le refus de prendre des mesures supplémentaires (point 8).
Il enjoint en outre au Premier ministre et au ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient élaborés et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 de la décision dans lesquelles les valeurs limites étaient encore dépassées en 2015, dernière année pour laquelle des données ont été produites par l’administration en réponse à la mesure supplémentaire d’instruction diligentée par le Conseil d’Etat, des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener, dans ces zones, les concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines PM10 en dessous des valeurs limites dans le délai le court possible.
Le délai imparti par le Conseil d’État aux autorités compétentes pour prendre ces mesures et les transmettre à la Commission européenne est de 9 mois et expire le 31 mars 2018.