Prises par le Gouvernement fin 2019, les nouvelles règles d’épandage des pesticides en agriculture ont été contestées devant le Conseil d’État par des communes, associations et agriculteurs bio qui les jugeaient insuffisantes et par une chambre d’agriculture et des agriculteurs qui, eux, les considéraient excessives. Le Conseil d’État ordonne aujourd’hui au Gouvernement de compléter cette réglementation sous 6 mois. Les distances minimales d’épandage doivent être augmentées pour les produits qui ne sont que « suspectés » d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques, des mesures doivent être prises pour protéger les personnes travaillant à proximité et une information des riverains doit être organisée en amont de l’utilisation de ces produits.
Le Conseil d’État ayant ordonné en juin 20191 que les règles d’utilisation de pesticides en agriculture soient complétées pour être plus protectrices des populations, le Gouvernement a défini de nouvelles distances minimales d’épandage à proximité des zones d’habitation le 27 décembre 2019. Ce même jour, ont été également précisées les conditions d’élaboration des « chartes d’engagements » des utilisateurs de pesticides qui doivent être approuvées localement par le préfet.
Ces distances minimales et les conditions d’élaboration des chartes ont été contestées devant le Conseil d’État par des associations, communes et agriculteurs « bio » qui les jugeaient insuffisamment protectrices et par des agriculteurs et une chambre d’agriculture qui les considéraient excessives.
Le Conseil d’Etat observe aujourd’hui que l’utilisation des pesticides a notamment été encadrée en fonction des conditions météorologiques, ce qui est un critère pertinent. S’agissant des distances de sécurité pour les pesticides dont les effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques sont avérés ou présumés, celles-ci correspondent aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)2 dont les avis sont fondés sur les données scientifiques actuellement disponibles. Elles prennent en compte la dangerosité des produits et la pratique agricole.
Le Conseil d’État constate toutefois que l’ANSES recommande une distance minimale de 10 mètres entre les habitations et les zones d’épandage de tout produit classé cancérogène, mutagène ou toxique, sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés. Il juge par conséquent que les distances minimales d’épandage des produits dont la toxicité n’est que suspectée, qui ont été fixées à 5 mètres pour les cultures basses comme les légumes ou les céréales, sont insuffisantes.
Le Conseil d’État juge également que le Gouvernement doit prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d’une zone d’utilisation de pesticides, ce que la règlementation en vigueur ne fait pas.
Enfin, le Conseil d’État estime que les chartes d’engagements d’utilisation doivent prévoir l’information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d’épandage en amont de l’utilisation des pesticides.
Le Conseil d’État ordonne ainsi de compléter la règlementation en vigueur sur ces 3 points, dans un délai de 6 mois.
Le Conseil d’État annule par ailleurs les conditions d’élaboration de ces chartes et de leur approbation par le préfet, car celles-ci ne pouvaient être définies par un décret, mais uniquement par la loi, conformément à la décision n° 2021-891 QPC du 19 mars 2021 du Conseil constitutionnel que le Conseil d’Etat avait saisi dans cette affaire.
1 Décision n°415426, 415431 du Conseil d'Etat, 26 juin 2019
2 Avis de l'ANSES du 14 juin 2019
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