Le Conseil d’État juge que les pistes de ski alpin qui sont la propriété d’une collectivité publique appartiennent, sous certaines conditions, au domaine public de cette collectivité et sont alors soumises au régime juridique de la domanialité publique
Par un permis de construire et des permis modificatifs délivrés en 2007, la commune de Val-d’Isère a autorisé la construction d’un bar-restaurant-discothèque partiellement enterré sur une parcelle lui appartenant, située au bas d’une piste de ski alpin. Ces permis ont été contestés par des propriétaires résidant à proximité, d’abord devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté les recours, puis devant la cour administrative d’appel de Lyon, qui a annulé le permis initial et l’un des modificatifs. La commune s’est pourvue en cassation.
Cette affaire soulevait la question de savoir si les terrains d’assiette de cette construction appartenaient au domaine public ou au domaine privé de la commune de Val-d’Isère. Cette question était décisive pour le litige, tout projet de construction situé sur le domaine public ne pouvant être autorisé que si le demandeur bénéficie d’une autorisation d’occupation du domaine. Mais elle présentait un enjeu plus général pour les collectivités propriétaires d’un domaine skiable, dans la mesure où l’appartenance d’un bien au domaine public déclenche l’application d’un régime juridique particulier, marqué par les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité.
En droit, il résulte du code général de la propriété des personnes publiques (art. L. 2111-1 et L. 2111-2) que les biens qui sont la propriété d’une personne publique appartiennent au domaine public lorsqu’ils sont affectés soit à l’usage direct du public, soit à un service public, à la condition, dans ce dernier cas, qu’ils fassent l’objet d’un « aménagement indispensable » à ce service public. Un bien appartient également au domaine public lorsqu’il constitue un accessoire indissociable d’un autre bien appartenant lui-même au domaine public.
Au regard de ces critères, le Conseil d’État a, d’une part, rappelé que l’exploitation des pistes de ski constitue, en vertu d’une jurisprudence constante, une mission de service public. Il a relevé, d’autre part, qu’en vertu du code de l’urbanisme (art. L. 473-1), l’aménagement d’une piste de ski alpin doit obligatoirement être autorisé : ainsi, une piste qui n’a été ouverte qu’au bénéfice d’une telle autorisation remplit nécessairement le critère d’« aménagement indispensable » posé par le code général de la propriété des personnes publiques.
Le Conseil d’État en a déduit que les pistes de ski alpin appartenant à une personne publique (commune, département,…) et ayant fait l’objet de l’autorisation prévue par le code de l’urbanisme appartiennent au domaine public. Il ne s’est en revanche pas prononcé sur la qualification d’autres types de pistes, telles que les pistes de ski de fond ou les pistes de ski alpin n’ayant pas fait l’objet de l’autorisation prévue par le code de l’urbanisme.
En l’espèce cependant, le Conseil d’État a constaté que si la piste de ski alpin concernée appartenait au domaine public de la commune de Val-d’Isère, la partie visible en surface du bar n’empiétait pas sur la piste elle-même et était ainsi située sur le domaine privé de la commune. Il a également relevé que si la partie souterraine de la construction passait sous la piste de ski, ce sous-sol ne remplissait pas lui-même les critères posés par la législation relative au domaine public et appartenait, lui aussi, au domaine privé. Ecartant les autres moyens soulevés par les requérants, le Conseil d’État a infirmé la position de la cour administrative d’appel et, confirmant la position du tribunal administratif, rejeté les recours dirigés contre les permis de construire litigieux.