Passage en diffusion gratuite de LCI

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande de suspension de la décision par laquelle le CSA a refusé d’accorder à LCI l’agrément pour passer d’une diffusion payante à une diffusion gratuite.

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L’essentiel

  • Par une décision du 29 juillet 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a refusé d’accorder à la société La Chaîne Info (LCI) l’agrément qu’elle sollicitait en vue de passer d’une diffusion payante à une diffusion gratuite. Le juge des référés du Conseil d’État  était saisi par LCI d’une demande de suspension de cette décision.

  • Le juge des référés a estimé que LCI n’était pas dans une situation d’urgence qui justifierait que la décision du CSA soit suspendue en attendant que le Conseil d’État se prononce définitivement sur la légalité de cette décision, au vu d’une instruction complète. Il a considéré que les difficultés financières mises en avant par LCI, même aggravées par le refus du passage au gratuit, n’empêchaient pas la société d’attendre la décision définitive du Conseil d’État, pour quatre raisons qui s’additionnent :

    • la décision définitive du Conseil d’État sera rendue dans un bref délai, dans les premiers mois de l’année 2015 ;

    • aucune contrainte juridique n’impose à LCI de cesser son activité ou de la transformer profondément à cet horizon ;

    • les importantes difficultés financières de LCI sont anciennes et son déficit aurait, de toute façon, été encore accru, à court terme, par un passage au gratuit ;

    • enfin, on peut sérieusement penser que seule une décision définitive du Conseil d’État pourrait donner à la chaine la sécurité juridique nécessaire à la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de diffusion.

  • Le juge des référés a donc rejeté la demande de suspension de LCI.

  • Le rejet de cette demande de suspension ne préjuge en rien du fond de l’affaire. Comme indiqué ci-dessus, le Conseil d’État, qui est saisi du recours en annulation de la décision du CSA présenté par LCI, se prononcera définitivement sur la légalité de la décision du CSA dans les premiers mois de l’année 2015.

Les faits et la procédure

Par une décision du 29 juillet 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a refusé d’accorder à la société La Chaîne Info (LCI) l’agrément qu’elle sollicitait en vue de modifier les modalités de financement de son service de TNT pour passer d’une diffusion payante à une diffusion gratuite, au motif que cette modification risquerait de fragiliser et d’entrainer la fermeture d’autres chaînes déjà présentes sur la TNT gratuite, notamment BFM TV et I Télé, portant ainsi atteinte au pluralisme.

 Le juge des référés du Conseil d’État était saisi par LCI d’une demande tendant à ce qu’il suspende cette décision et qu’il ordonne au CSA de lui délivrer un agrément provisoire.

Cette demande de suspension est distincte de la demande d’annulation proprement dite de la décision, qui doit être introduite parallèlement à la demande de suspension. La demande de suspension faite au juge des référés consiste à demander à ce juge d’ordonner que la décision ne soit pas exécutée en attendant que le Conseil d’État se prononce de façon définitive sur sa légalité. Lorsque la décision contestée est une décision de refus, comme c’était ici le cas, une demande en référé reste possible, mais la suspension, si elle est accordée, ne peut alors conduire qu’à un nouvel examen de la demande, débouchant sur une nouvelle décision nécessairement provisoire.

La suspension de l’exécution est accordée par le juge des référés si sont simultanément remplies les deux conditions prévues par l’article L. 521-1 du code de justice administrative : d’une part, il faut une situation d’urgence, d’autre part, il faut que le requérant soulève une contestation de la légalité de l’acte attaqué qui apparaisse au juge des référés, au moment où il se prononce, suffisamment sérieuse.

La décision du juge des référés du Conseil d’État

Le juge des référés a estimé que la condition d’urgence n’était pas remplie et a, en conséquence, rejeté la demande de suspension.

Il a d’abord indiqué que le Conseil d’État allait juger très rapidement, dans les premiers mois de l’année 2015, le fond de l’affaire, en se prononçant alors définitivement sur la légalité de la décision du CSA. Pour apprécier si LCI se trouvait ou pas dans une situation d’urgence, il lui fallait donc déterminer s’il existait des obstacles, notamment techniques ou financiers, empêchant LCI de poursuivre ses activités en mode payant durant les quelques mois qui viennent.

Le juge des référés a relevé que les sociétés qui assurent la diffusion de LCI en mode payant ont manifesté des réserves sur l’avenir à moyen terme d’une distribution en format payant de LCI. Il a toutefois constaté que la quasi-totalité d’entre elles n’ont jamais exclu, par principe, de continuer à assurer la diffusion de la chaîne, moyennant une renégociation des conditions commerciales de leurs contrats de distribution, et donc une révision des montants qu’elles versent à la société LCI. Par conséquent, l’expiration, le 31 décembre 2014, des principaux contrats de distribution en mode payant de la société LCI ne constitue pas un obstacle de principe à la poursuite de sa diffusion en mode payant, mais aura pour résultat, du fait des conditions très défavorables de renégociation de ces contrats, une baisse considérable de recettes pour la chaîne.

Le juge des référés observe cependant que la société LCI présente, depuis au moins dix ans, un exercice chaque année déficitaire et que le passage du service LCI sur la TNT gratuite se serait traduit, compte tenu des importants investissements techniques à réaliser, de la perte des recettes d’abonnement, et de la montée seulement progressive des recettes publicitaires, par plusieurs exercices inévitablement déficitaires, à des niveaux encore supérieurs à ceux des dernières années. La société LCI aurait donc de toute façon, y compris dans le cas où elle serait passée à une diffusion gratuite, à couvrir pendant plusieurs mois voire plusieurs années des montants de déficit très importants

En outre, s’il faisait droit à la demande de suspension de LCI, le juge des référés ne pouvait prendre que des mesures provisoires, valables uniquement le temps d’attendre le jugement définitif de l’affaire et susceptibles d’être contredites par ce jugement. De telles mesures provisoires ne sont pas de nature à conférer à la société LCI les assurances normalement requises pour le lancement du projet de grande envergure que constitue un passage sur la TNT gratuite.

Le juge des référés déduit de tous ces éléments que la décision du CSA ne place pas la société LCI dans une véritable situation d’urgence d’ici la décision définitive à venir du Conseil d’État, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des options de gestion annoncées par LCI ou le groupe TF1 postérieurement à cette décision.

Faute qu’il y ait urgence, au sens que donnent à ce terme le code de justice administrative et la jurisprudence, le juge des référés a donc rejeté la demande de suspension, sans avoir besoin d’examiner la deuxième condition prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

L’appréciation portée par le juge des référés sur l’urgence ne préjuge nullement de l’appréciation que portera le Conseil d’État sur la légalité de la décision du CSA quand il jugera de façon définitive le fond de l’affaire. Le Conseil d’État reste en effet saisi du recours en annulation de la décision du CSA présenté par LCI, sur lequel il statuera dans les premiers mois de l’année 2015.