Le juge des référés du Conseil d’État rejette le recours formé par la CGT contre l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective
L’Essentiel :
o La Confédération générale du travail (CGT) a demandé au juge des référés du Conseil d’État, statuant en référé-suspension, de suspendre l’exécution de plusieurs articles de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.
o Par la décision de ce jour, le juge des référés du Conseil d’État rejette ce recours. Il estime soit que les moyens soulevés ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des articles contestés, soit que la condition d’urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d’une mesure de suspension en référé-suspension n’est pas remplie.
Les faits et la procédure :
La Confédération générale du travail (CGT) a demandé au juge des référés du Conseil d’État, statuant en référé-suspension, de suspendre l’exécution des articles 1er, 3, 8, 10 et 16 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.
La procédure de référé-suspension, prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, permet d’obtenir dans un bref délai la suspension d’un acte administratif en attendant que le juge se prononce définitivement sur sa légalité lorsque deux conditions sont simultanément réunies : une situation d’urgence doit justifier la suspension demandée et les moyens soulevés doivent faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée.
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande de référé-suspension formée par la CGT.
Le juge des référés estime d’abord qu’aucun des moyens soulevés par la CGT et dirigés contre les articles 1er et 10 de cette ordonnance n’est de nature à créer un doute sérieux sur leur légalité, en l’état de l’instruction.
L’article 1er a pour objet de modifier l’articulation entre conventions de branche et accords d’entreprise, en permettant notamment, dans certaines matières, que les accords d’entreprise puissent prévaloir sur les conventions de branche. Le juge des référés écarte en particulier comme non sérieux les moyens tirés de la méconnaissance des conventions n°s 87 et 98 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et sur le droit d’organisation et de négociation collective par les dispositions de la loi d’habilitation sur le fondement desquelles l’ordonnance du 22 septembre 2017 a été prise. Il écarte également comme non sérieux le moyen tiré de ce que cet article 1er méconnaîtrait le principe en vertu duquel la loi ne peut permettre aux accords collectifs de déroger aux conventions de portée plus générale que dans un sens plus favorable, au motif que l’ordonnance contestée, par laquelle le Gouvernement était autorisé à intervenir dans le domaine de la loi, pouvait tout à fait aménager ou écarter ce principe qui est également de niveau législatif.
L’article 10 de ce texte a quant à lui pour objet de modifier les règles de validation majoritaire des accords d’entreprise ou d’établissement, en prévoyant, sous certaines conditions, la possibilité pour l’employeur de demander lui-même une consultation des salariés afin de valider un tel accord. Dès lors que cette consultation doit avoir lieu selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et des organisations syndicales représentatives, le juge des référés écarte comme non sérieux le moyen dirigé contre cet article, tiré de ce qu’il porterait atteinte à la liberté syndicale. Il relève qu’au surplus, l’accord soumis à la consultation des salariés doit lui-même avoir été signé par des organisations syndicales représentatives ayant réuni 30 % des suffrages recueillis par ces organisations.
En ce qui concerne les articles 3 et 8 de l’ordonnance, le juge des référés estime que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé de la suspension d’un acte administratif sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas remplie.
L’article 3 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 a pour objet de permettre à l’accord d’entreprise d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, la rémunération et de déterminer les conditions de la mobilité interne à l’entreprise. Il prévoit, en l’absence de refus de la part du salarié, la substitution de plein droit des stipulations de l’accord d’entreprise validé aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, et organise la procédure de licenciement consécutive au refus du salarié d’accepter les modifications correspondantes de son contrat. L’article 8 précise les modalités de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.
Le juge des référés estime que la CGT n’établit pas l’urgence qu’il y aurait à suspendre les dispositions de l’article 3 qui portent sur la substitution de plein droit de stipulations de l’accord d’entreprise. Il juge par ailleurs que, dès lors que les modalités d’application du reste des dispositions contestées de l’article 3 et de l’article 8 de l’ordonnance doivent être précisées par des décrets qui n’ont pas encore été pris. Dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas immédiatement applicables et ne portent donc pas aux intérêts de la CGT une atteinte suffisamment grave et immédiate pour que la condition d’urgence soit regardée comme remplie.
Enfin, le juge des référés rejette les conclusions de la CGT tendant à la suspension de l’exécution de l’article 16 de l’ordonnance. Cette dernière soutenait en effet que l’urgence à suspendre l’exécution de cet article découlait de la suspension de l’exécution de son article 1er. Le juge des référés ayant refusé de suspendre l’exécution de cet article 1er, le rejet des conclusions dirigées contre l’article 16 s’imposait par voie de conséquence.
Le juge des référés du Conseil d’État rejette donc, dans sa totalité, le référé-suspension formé par la CGT.
Le rejet de ce recours ne préjuge pas de l’appréciation que portera le Conseil d’État sur la légalité de l’ordonnance, dont il demeure saisi au fond.