Le Conseil d’État rejette un recours mettant en cause la possibilité pour un employeur d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire contre un médecin
L’Essentiel :
• Plusieurs associations représentant les médecins ont demandé au Premier ministre de modifier une disposition du code de la santé publique afin que la liste des personnes habilitées à déposer une plainte devant le conseil départemental de l’ordre contre un médecin, susceptible de donner lieu à une action disciplinaire, soit définie de façon limitative. L’objectif pour les associations était d’interdire qu’un employeur puisse faire pression sur un médecin du travail en initiant une action disciplinaire contre lui à raison des certificats ou attestations qu’il aurait rédigés et qui feraient un lien entre la pathologie dont souffre un salarié et les conditions de travail de ce dernier.
• Le Premier ministre a rejeté cette demande de modification du code de la santé publique. Les associations ont attaqué ce refus devant le Conseil d’État.
• Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette le recours des associations, tout en apportant quelques précisions sur l’interprétation à donner à l’article du code de la santé publique contesté.
Les faits et la procédure :
L’article R. 4126-1 du code de la santé publique organise les conditions dans lesquelles le conseil de l’ordre des médecins peut engager une action disciplinaire contre un médecin et indique à ce titre la liste des personnes susceptibles de déposer une plainte devant le conseil national ou départemental de l’ordre des médecins. Cette liste, introduite par un « notamment », ne présente pas un caractère exhaustif.
Plusieurs associations, représentant en particulier la médecine du travail, ont demandé au Premier ministre de modifier le texte afin que l’adverbe « notamment », introduisant l’énumération, soit supprimé. Le caractère non exhaustif de la liste autorise en effet l’employeur à déposer une plainte contre un médecin à raison des certificats ou attestations qu’il aurait rédigés et qui feraient un lien entre la pathologie dont souffre un salarié et les conditions de travail de ce dernier. Or, selon les associations, ceci porterait atteinte à la protection du secret médical, au caractère équitable de la procédure disciplinaire contre le médecin et à l’indépendance du médecin.
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette le recours des associations. Trois importantes précisions sont toutefois apportées quant à l’interprétation à donner aux dispositions contestées.
D’une part, le Conseil d’État juge que, s’agissant des personnes figurant dans la liste introduite par l’adverbe « notamment », seules les personnes « lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques » peuvent introduire, après avoir porté plainte devant le conseil de l’ordre, une plainte contre un médecin, ce qui inclut les employeurs, mais avec l’application d’un critère strict.
D’autre part, le Conseil d’État estime qu’un médecin mis en cause par la plainte d’un employeur n’est nullement tenu, pour assurer sa défense, de méconnaître le secret médical ou même de renoncer à se défendre afin de préserver le secret médical.
Enfin, le Conseil d’État rappelle que les médecins du travail sont tenus, comme tous les autres médecins, au respect des obligations déontologiques s’imposant à leur profession, et notamment au respect de l’interdiction de délivrer des certificats de complaisance. Il indique toutefois que le juge disciplinaire devra tenir compte des spécificités des conditions d’exercice du médecin du travail qui, de par ses fonctions, a accès à un grand nombre d’informations sur le fonctionnement de l’entreprise et les conditions de travail des salariés.