Saisi par plusieurs associations et syndicats, le Conseil d'État juge illégaux plusieurs points du schéma du maintien de l’ordre du 16 septembre 2020. En l’absence de conditions suffisamment précises, la possibilité de recourir à l’encerclement des manifestants est annulée. Le Conseil d'État annule également certaines règles concernant les journalistes : l’obligation de s’éloigner en cas d’ordre de dispersion et de disposer d’une accréditation pour accéder à des informations en temps réel ou les conditions de port d’équipements de protection.
Le 16 septembre 2020, le ministre de l’intérieur a publié le schéma national du maintien de l’ordre. Ce document définit le cadre d’exercice du maintien de l’ordre, applicable à toutes les manifestations se déroulant sur le territoire national et pour l’ensemble des forces de l’ordre. Plusieurs associations et syndicats – dont la CGT, la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature ou encore le Syndicat National des Journalistes – ont saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation de plusieurs parties de ce document.
Le Conseil d'État annule aujourd’hui 4 points du schéma national concernant les manœuvres d’encerclement des manifestants et certaines règles applicables aux journalistes.
En l’absence de conditions précises, l’encerclement des manifestants est illégal
L’encerclement d’un groupe de manifestants est prévu par le schéma national pour contrôler, interpeller ou prévenir la poursuite de troubles à l’ordre public. Si cette technique peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances précises, elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. Le texte ne précise toutefois pas les cas où il serait recommandé de l’utiliser. Le Conseil d’État annule ce point car rien ne garantit que son utilisation soit adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances.
Les journalistes n’ont pas à quitter les lieux lorsqu’un attroupement est dispersé
Autre point annulé par le Conseil d’État : l’obligation pour les journalistes d’obéir aux ordres de dispersion de la police ou de la gendarmerie en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser.
Selon le code pénal, continuer volontairement à participer à un attroupement après un ordre de dispersion est un délit. Pour autant, les journalistes doivent pouvoir continuer d’exercer librement leur mission d’information, même lors de la dispersion d’un attroupement. Ils ne peuvent donc être tenus de quitter les lieux, dès lors qu’ils se placent de telle sorte qu’ils ne puissent être confondus avec les manifestants ou faire obstacle à l’action des forces de l’ordre. Il en va de même pour les observateurs indépendants.
Le ministre de l’intérieur ne peut pas imposer des conditions au port de protections par les journalistes
Le document indique également que les journalistes peuvent porter des équipements de protection, si leur « identification est confirmée » et leur comportement « exempt de toute infraction ou provocation ».
Le Conseil d'État juge que ce paragraphe va au-delà du code pénal et fixe dans des termes ambigus et imprécis, des conditions au port d’équipements de protection par des journalistes lors des manifestations. Il n’appartient pas au ministre de l’intérieur, dans une circulaire visant à encadrer l’action des forces de police en matière de maintien de l’ordre, d’édicter ce type de règles à l’attention des journalistes comme de toute personne participant ou assistant à une manifestation.
Le canal d’information dédié aux journalistes ne peut être réservé aux seuls « accrédités »
Le Conseil d’État annule enfin l’obligation pour les journalistes d’être accrédités par les autorités pour accéder au canal d’échange dédié qui peut être mis en place par les forces de l’ordre lors des manifestations.
Il constate que ce dispositif permet à certains journalistes d’obtenir en temps réel des informations plus précises ou complètes sur le déroulement d’une manifestation, sans pour autant mettre à mal les principes de liberté d’expression, de communication et d’égalité entre les journalistes. Par ailleurs, compte tenu des contraintes opérationnelles des forces de l’ordre lors des manifestations, et en l’absence d’autres justificatifs prévus par la loi, il est également possible de limiter l’accès à ce dispositif d’informations aux seuls journalistes titulaires d’une carte de presse.
Toutefois, le Conseil d'État relève que lorsque le schéma national réserve ce dispositif dédié aux seuls journalistes « accrédités auprès des autorités », il ne précise ni la portée, ni les conditions, ni les modalités d’obtention d’une telle accréditation. Cette rédaction floue, susceptible de conduire à des choix discrétionnaires porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse.
Lire la décision n°444849
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