Le Conseil d’État ordonne la réalisation d’une expertise médicale sur la situation de M. Vincent Lambert.
L’essentiel :
Le Conseil d’État a ordonné qu’un collège de trois médecins spécialistes des neurosciences réalise dans un délai de deux mois une expertise sur la situation de M. Vincent Lambert.
Cette décision est justifiée par la nécessité que le Conseil d’État dispose d’informations complètes et à jour sur l’état de santé du patient.
Le Conseil d’État a également invité l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti à présenter des observations écrites.
Le Conseil d’État a d’ores et déjà jugé que l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert constituaient un traitement au sens de la loi du 22 avril 2005 et que les dispositions de cette loi relatives à l’arrêt de traitement en cas d’obstination déraisonnable peuvent s’appliquer que le patient soit ou non en fin de vie.
Il a également jugé qu’il appartenait au juge du référé liberté de concilier les libertés fondamentales que sont le droit à la vie et celui de ne pas subir un traitement traduisant une obstination déraisonnable. Cette conciliation implique qu’il s’assure, en étant suffisamment éclairé sur la situation médicale du patient, de ce que la décision médicale d’interrompre le traitement relevait bien des hypothèses prévues par la loi.
La décision du Conseil d’État
L’assemblée du contentieux du Conseil d’État, formation solennelle de 17 juges, s’est réunie jeudi 13 février pour délibérer de l’appel sur le litige relatif à la situation de M. Vincent Lambert.
Elle juge qu’une mesure d’arrêt de traitement telle que celle dont elle était saisie est susceptible d’être soumise au juge du référé liberté qui peut prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour qu’elle ne soit pas exécutée lorsqu’il n’est pas certain qu’elle entre dans les hypothèses prévues par la loi.
Les mesures d’instruction ordonnées par la décision :
Par sa décision rendue vendredi 14 février, l’assemblée du contentieux du Conseil d’État a ordonné la réalisation d’une expertise médicale sur la situation particulière de M. Vincent Lambert. Elle a en effet estimé que les éléments médicaux figurant au dossier qui lui était soumis ne lui fournissaient pas, notamment en raison de l’ancienneté de certains documents et d’indications médicales contradictoires données au cours de l’instruction et à l’audience de référé, une information suffisamment complète pour lui permettre de statuer sur le litige.
L’expertise doit être réalisée dans un délai de deux mois, de façon indépendante, par un collège de trois médecins spécialistes de neurosciences qui seront désignés par le président de la section du contentieux sur proposition de l’Académie nationale de médecine, du Comité consultatif national d’éthique et du Conseil national de l’ordre des médecins. Elle devra porter sur l’état clinique actuel de M. Vincent Lambert, le caractère irréversible des lésions cérébrales dont il souffre, le pronostic clinique, le point de savoir s’il est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage et sur l’existence éventuelle de signes manifestant une volonté d’interruption ou au contraire de prolongation du traitement qui le maintient en vie.
Elle a également invité l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti à présenter avant la fin du mois d’avril des observations écrites d’ordre général de nature à l’éclairer utilement sur les questions scientifiques, éthiques et déontologiques posées par le litige.
Les points jugés par la décision :
La décision du Conseil d’État se prononce d’ores et déjà sur plusieurs questions nécessaires à la résolution du litige.
Elle juge que les dispositions du code de la santé publique issues de la loi du 22 avril 2005 relatives à l’arrêt de traitement en cas d’obstination déraisonnable s’appliquent que le patient soit ou non en fin de vie et peuvent donc concerner l’état dit pauci-relationnel dans lequel se trouve M. Vincent Lambert.
Elle juge également que l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert constituent un traitement au sens de cette loi.
Elle juge enfin qu’il appartient au juge du référé liberté d’exercer ses pouvoirs de manière particulière lorsqu’il doit concilier les deux libertés fondamentales que sont le droit à la vie et celui de ne pas subir un traitement traduisant une obstination déraisonnable. Cette conciliation implique qu’il s’assure, en étant éclairé sur la situation médicale du patient, de ce que la décision médicale d’interrompre le traitement relevait bien des hypothèses prévues par la loi.
Les suites de la procédure
La demande d’expertise et la demande d’observations sont des mesures d’instruction, prévues par le code de justice administrative, destinées à éclairer le juge sur le litige qui lui est soumis et sur lequel il lui appartient seul, à l’issue de l’instruction, de se prononcer.
Le juge administratif a déjà eu l’occasion d’ordonner une expertise dans le cadre de la procédure de référé liberté, dans un cas où était en cause le droit à la vie. En l’espèce, le caractère potentiellement irréversible de la décision d’arrêt du traitement justifie que de telles mesures soient prescrites avant la décision du juge.
Une fois l’expertise et les observations produites, elles seront communiquées aux parties qui pourront en débattre de façon contradictoire.
L’assemblée du contentieux se réunira alors pour se prononcer complètement, au vu de ces éléments et de l’ensemble des circonstances de l’espèce, sur le litige relatif à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert.