Le Conseil d’État valide la décision de l’OFPRA inscrivant l’Albanie et la Géorgie sur la liste des pays d’origine sûrs, mais annule l’inscription du Kosovo sur cette liste.
En vertu du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est compétent pour décider d’inscrire certains États sur la liste dite des « pays d’origine sûrs ».
L’inscription sur cette liste a principalement des conséquences procédurales : à la différence des ressortissants des autres États, les nationaux d’un État inscrit sur cette liste qui sollicitent auprès de l’OFPRA la reconnaissance du statut de réfugié voient leur demande examinée selon la procédure dite « prioritaire », dans un délai de 15 jours ou de 96 heures s’ils sont placés en rétention ; ils ne sont pas admis au séjour pendant l’examen de leur demande ; leur éventuel recours devant le Cour nationale du droit d’asile contre la décision prise par l’OFPRA à l’issue de cette procédure n’est, en l’état actuel du droit, pas suspensif. En revanche, cette inscription ne fait obstacle ni à ce que l’OFPRA soit saisi d’une demande ni à ce que cette demande fasse l’objet d’un examen individuel, après entretien du demandeur avec un officier de protection, et qu’elle débouche, le cas échéant, sur la reconnaissance du statut de réfugié.
Selon l’article L. 741‑4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un pays d’origine est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Le Conseil d’État, juge de premier ressort des décisions prises par l’OFPRA, exerce un contrôle entier sur la décision d’inscrire un pays d’origine sur la liste.
Par une décision du 16 décembre 2013, le conseil d’administration de l’OFPRA a inscrit la République du Kosovo, la République d’Albanie et la Géorgie. Plusieurs associations ont demandé au Conseil d’État d’annuler cette décision.
Dans sa décision lue ce jour, le Conseil d’État a estimé légales l’inscription de la République d’Albanie et de la Géorgie, mais a annulé l’inscription de la République du Kosovo.
Concernant la République d’Albanie, le Conseil d’État a commencé par rappeler que, s’il a annulé une précédente décision de l’OFPRA du 18 mars 2011 inscrivant cet État (décision du Conseil d’État du 26 mars 2012, n° 349174), rien ne faisait obstacle à ce qu’il soit procédé à un nouvel examen de la situation en tenant compte des évolutions observées depuis 2011. A cet égard, le Conseil d’État a estimé que ce pays dispose d’institutions démocratiques dont le fonctionnement régulier a progressivement été rétabli depuis les troubles survenus en 2009. Il a en outre relevé que cet État était partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et qu’il était lié depuis 2009 à l’Union européenne par un accord de stabilisation et d’association. Il a également constaté que des mesures de lutte contre la corruption avaient été prises et que des réformes de la législation pénale et civile adoptées en 2012 et 2013 étaient de nature à renforcer la protection des libertés fondamentales. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, qui marquent un affermissement du processus démocratique, le Conseil d’État a jugé que, malgré la persistance de difficultés dans la lutte des pouvoirs publics contre le crime organisé, le conseil d’administration de l’OFPRA n’avait pas méconnu la loi en inscrivant cet État sur la liste.
Concernant la Géorgie, le Conseil d’État a relevé que cet État possède des institutions démocratiques et procède à la désignation de ses dirigeants sur le fondement d’élections libres et pluralistes. Il a également constaté que la Géorgie, partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avait engagé de profondes réformes de son système politique et judiciaire dans le sens d’une consolidation de l’État de droit conformément aux exigences du partenariat conclu avec l’Union européenne. Au total, le Conseil d’État a jugé que, compte tenu des éléments produits devant lui, et malgré les difficultés persistantes dans l’affirmation de l’autorité de l’État et des particularités de la situation en Ossétie du sud et en Abkhazie, le conseil d’administration de l’OFPRA n’avait pas non plus fait une application erronée des textes en inscrivant ce pays d’origine sur la liste.
Concernant en revanche la République du Kosovo, le Conseil d’État a jugé que, en dépit des évolutions positives notées dans la situation du pays, les conditions légales d’une inscription sur la liste des pays d’origine sûrs n’étaient pas davantage remplies aujourd’hui qu’il y a deux ans, lorsqu’il avait pour la première fois annulé l’inscription de cet État sur la liste (décision du Conseil d’État du 26 mars 2012, n° 349174). Il a notamment relevé l’instabilité du contexte politique et social dans cet État dont les institutions sont encore largement dépendantes du soutien des organisations et missions internationales. Il a également souligné les violences auxquelles restent exposées certaines catégories de sa population, sans garantie de pouvoir trouver auprès des autorités publiques une protection suffisante.