Les organismes de réflexion dits « think tanks » ne peuvent pas être considérés, par principe et en l’absence d’intérêt identifié, comme des représentants d’intérêts

Décision de justice
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Saisi par un organisme de réflexion dit « think tank », le Conseil d’État annule aujourd’hui les « lignes directrices » adoptées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2023 en tant qu’elles qualifient par principe ces organismes de réflexion de représentants d’intérêts, ce qui a pour effet de les soumettre aux obligations, notamment déclaratives, prévues par la loi pour la transparence de la vie publique. Un organisme qui se consacre à une activité de réflexion, de recherche et d’expertise sur des sujets déterminés en vue de produire des travaux destinés à être rendus publics, ne saurait, à ce seul titre, être regardé comme un représentant d’intérêts, alors même qu’il entrerait régulièrement en contact avec des décideurs publics, notamment pour faire part de ses conclusions ou promouvoir des propositions de réforme des politiques publiques. Le Conseil d’Etat estime toutefois que si, au regard de son financement, de sa gouvernance et des conditions dans lesquelles sont menés ses études et travaux, un organisme de réflexion de cette nature poursuit un intérêt identifié, alors il peut être qualifié de représentant d’intérêts, au sens de la loi et donc être soumis aux obligations, notamment déclaratives, qui en découlent.

Depuis juillet 2017, en application de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », les représentants d’intérêts sont notamment tenus de s’inscrire sur un répertoire numérique, dans lequel ils doivent notamment donner des informations sur leur organisation, le champ de leur activité de représentation d’intérêts et les moyens qui y sont consacrés ainsi que les actions relevant du champ de la représentation d'intérêts menées auprès des personnes publiques définies par la loi. Ce répertoire, rendu public par la HATVP et accessible en ligne, vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics. 
À la suite de discussions avec plusieurs organismes de recherche et de réflexion, parfois dénommés « think tanks », la HATVP a adopté en 2023 de nouvelles « lignes directrices » qualifiant ces organismes de représentants d’intérêts soumis aux obligations déclaratives liées au répertoire numérique. Un organisme de réflexion a saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation de ces lignes directrices, de trois courriers et d’une notification de manquements qui lui ont été adressés par la HATVP.

Le Conseil d’État rappelle dans sa décision rendue ce jour, que la loi pour la transparence de la vie publique définit les représentants d’intérêts comme étant des personnes physiques ou morales représentant un intérêt identifié et ayant pour activité principale ou régulière d’influer, par des actions de communication (échange, rencontre, etc.) sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte règlementaire. 
Le Conseil d’État relève qu’en l’absence d’intérêt clairement identifié, la seule prise de contacts réguliers avec des pouvoirs publics pour réaliser ses travaux de recherche, faire part de ses résultats ou promouvoir des propositions de réforme, n’est pas suffisante pour qualifier un « think tank » de représentant d’intérêts au sens de la loi. Toutefois, Il estime que si au regard de son financement, de sa gouvernance et des conditions dans lesquelles sont menés ses études et travaux, un organisme de réflexion poursuit un intérêt identifié, alors il peut être qualifié de représentant d’intérêts, au sens de la loi et donc être soumis aux obligations déclaratives qui en découlent.

Le Conseil d’État juge que les lignes directrices de la HATVP conduisant à qualifier par principe de représentants d’intérêts les organismes de recherche et de réflexion au motif qu’ils entretiennent de tels contacts avec les pouvoirs publics sont contraires au sens et à la portée de la loi sur la transparence de la vie publique et les annule sur ce point. 

Les autres demandes d’annulation des courriers et de la notification de manquements adressées par la HATVP au requérants sont rejetées parce qu’elles portent sur des actes préparatoires qui précèdent une éventuelle mise en demeure.

Lire la décision 472123, 475251, 487972
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